CHAPITRE PREMIER :

DES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE À LA QUESTION DE L'AVENIR DES LOIS DE FINANCEMENT

I. L'AMÉLIORATION DU SOLDE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : L'ABSENCE DE POLITIQUE VOLONTAIRE

" On peut remarquer que [les transferts croisés de recettes et de dépenses entre branches et fonds] f[on]t perdre une grande partie de leur signification aux soldes des branches du régime général. Il convient d'avoir cette remarque présente à l'esprit dans la lecture des commentaires de ces soldes. "
Avant-propos du secrétaire général au rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2000.

La presse s'en est fait l'écho, les esprits en ont été marqués, le gouvernement s'en est lui-même félicité : la sécurité sociale a renoué avec les excédents en 2000 et maintiendra ce solde positif l'année prochaine, malgré les mesures consenties avec largesse et générosité par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La réalité est à la fois plus rude et plus amère.

D'abord, il n'y a pas lieu de se réjouir fort alors que les méthodes de calcul de ce solde symbolique - celui du régime général - restent sujettes à variations, à conventions librement accordées à eux-mêmes par ceux qui les publient. Selon que l'on prenne ou non en compte les dépenses à venir occasionnées par la loi de financement, selon que l'on intègre ou non les versements au titre du fonds de réserve pour les retraites ou bien la prise en charge totale par la CNAF de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (MARS), selon que l'on raisonne en comptabilité de caisse ou en comptabilité d'exercice, les résultats varient de plusieurs milliards de francs. Il faut donc plutôt parler de tendance favorable que de triompher sur un excédent.

Surtout, de quel excédent s'agit-il ? Il est le résultat des plus forts prélèvements sociaux que la France ait jamais connu, en partie en raison de la croissance économique, en partie à cause des hausses et créations successives de prélèvements en faveur de la sécurité sociale depuis 1997. Le taux de prélèvements obligatoires sociaux dans le PIB est ainsi passé de 20,3 % en 1997 à 21,3 % en 2000. Un point de PIB aura ainsi été prélevé en plus de la hausse normale due à la croissance économique et à l'inflation. 95 milliards de francs de hausse " volontaire " qui viennent s'ajouter à la hausse " naturelle ".

Par ailleurs, comment clamer sa réussite quand on devrait reconnaître son incapacité à maîtriser les dépenses ? Certes, la hausse de ces dernières a pu être plus que compensée par celle des recettes, c'est-à-dire des prélèvements. Mais demain, le jour où ces derniers ne pourront plus grimper, où la croissance sera inférieure à son niveau actuel, où le poids des retraites augmentera, où la prise en charge de la dépendance sera devenue une obligation nationale, où il faudra financer les nouvelles techniques médicales, comment ferons-nous ? En quoi la croissance économique d'aujourd'hui a-t-elle été mise à profit pour préparer l'avenir ? Si on ne maîtrise pas les dépenses quand tout va bien, que se passera-t-il le jour où tout ira moins bien ? Il ne faut pas oublier que 100 milliards de francs supplémentaires au moins auront été dépensés pour la santé des Français entre 1996 et 2001, soit au moins 20 milliards de francs par an de dépenses en plus. Le Parlement a-t-il débattu d'orientations pour affecter ces sommes ? Les Français ont-ils été consultés pour savoir comment utiliser cet argent que pourtant ils consentent à dépenser en plus pour leur santé ? Ces sommes vont-elles à la recherche, à la lutte contre les nouvelles maladies, au financement des innovations médicales et médicamenteuses, à une meilleure couverture des soins dentaires ou des prothèses ? Ou bien ces sommes se fondent-elles dans les inégalités de dotations hospitalières, les remboursements de médicaments aux effets contestables, le financement de grands programmes informatiques à la valeur ajoutée douteuse, les gaspillages divers et variés ?

C'est cela que votre rapporteur pour avis conteste. Il n'accepte pas que les prélèvements sociaux augmentent pour éponger des dépenses croissant sans cesse sans débat sur leur utilisation, sans réforme pour préparer l'avenir du système de protection sociale, sans décision sur le système de retraites, sans réflexion collective sur la santé publique.

A. LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE

1. Les dépenses en hausse

a) Les dépenses du régime général

Le régime général connaît une hausse constante de ses dépenses, qui atteindront en 2000 près de 1.350 milliards de francs. De 1999 à 2000, les dépenses du régime général auront augmenté de 100 milliards de francs, dont 65 milliards de francs pour la maladie, soit une proportion supérieure au poids de celle-ci dans les dépenses totales.

Les dépenses du régime général

(en milliards de francs)

1998

1999

2000

2001

CNAMTS maladie

593,3

609,9

644,1

666,6

CNAMTS AT

44,1

45,3

47,2

48,6

CNAVTS

385,6

399,8

414,6

427,2

CNAF

254,5

262,6

265,7

273

Total

1.277,5

1.317,6

1.371,6

1.415,4

Total consolidé

1.252,6

1.292,6

1.348,2

1.391,7

Source : CCSS 09 2000

La branche la plus importante reste bien entendu l'assurance maladie qui représente à elle seule en 2000, 47 % des dépenses du régime général. Viennent ensuite la vieillesse (30,2 % ), la famille (19,3 %) et les accidents du travail (3,5 %).

Le rythme d'évolution des dépenses du régime général est élevé puisqu'il était de 4,3 % en 2000 et qu'il devrait rester de 3,2 % en 2001. Rapporté au PIB en valeur, le rythme lui est supérieur en 2000 mais inférieur en 2001.

Rythme d'évolution des dépenses
du régime général

(en %)

1998/1997

1999/1998

2000/1999

2001/2000

CNAMTS maladie

+ 3,5

+ 2,8

+ 5,6

+ 3,5

CNAMTS AT

+ 0,6

+ 2,6

+ 4,3

+ 2,8

CNAVTS

+ 3,8

+ 3,7

+ 3,7

+ 3,1

CNAF

- 1

+ 3,2

+ 1,2

+ 2,7

Total

+ 2,6

+ 3,1

+ 4,1

+ 3,2

Total consolidé

+ 2,9

+ 3,2

+ 4,3

+ 3,2

Source : CCSS 09 2000

Qu'il s'agisse de 2000 ou de 2001, la branche maladie se distingue par son rythme le plus élevé de croissance des dépenses avec 5,6 % en 2000, soit 1,4 point de plus que le PIB en valeur. Pour 2001, le rythme prévisionnel est de 3,5 %.

Le rapport de septembre 2000 de la commission des comptes de la sécurité sociale analyse ainsi cette évolution : " Les dépenses continueraient de progresser moins vite que les recettes : elles croîtraient de 4,3 % en 2000 avant de ralentir en 2001 (+ 3,2 %). La moindre revalorisation des pensions et de la BMAF en 2000 qu'en 1999 et le ralentissement des prestations sous condition de ressources qu'occasionne l'amélioration de la conjoncture pèsent certes en 2000 sur les prestations des branches vieillesse et famille. Mais les aléas de liquidation qui affectent les années 1999 et 2000 entraîneront en 2000 une accélération sensible des prestations de la branche maladie. En 2001, des phénomènes de sens inverse conduisent au ralentissement prévisionnel des prestations : la revalorisation des pensions et de la BMAF accélère de plus d'un point, mais la fixation de l'ONDAM au taux de 3,5 % par rapport à une base 2000 qui n'intègre pas la totalité du dépassement conduit à un net infléchissement des prestations maladie. " On sent donc bien que les prévisions 2001 de la commission des comptes sont optimistes et devraient se heurter aux hypothèses plus dépensières du projet de loi de financement pour 2001.

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