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Avis n° 93 (2000-2001) de M. Jacques LEGENDRE , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 23 novembre 2000

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N° 93

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 200-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XIII

FRANCOPHONIE

Par M. Jacques LEGENDRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Jean Bernadaux, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Pierre Laffitte, Ivan Renar, vice-présidents ; Alain Dufaut, Ambroise Dupont, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. François Abadie, Jean Arthuis, André Bohl, Louis de Broissia, Jean-Claude Carle, Gérard Collomb, Xavier Darcos, Fernand Demilly, André Diligent, Jacques Donnay, Michel Dreyfus-Schmidt, Jean-Léonce Dupont, Daniel Eckenspieller, Jean-Pierre Fourcade, Bernard Fournier, Jean-Noël Guérini, Marcel Henry, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Roger Karoutchi, Serge Lagauche, Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Serge Lepeltier, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Jean-Luc Miraux, Philippe Nachbar,
Jean-François Picheral, Guy Poirieux,  Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Michel Rufin, Claude Saunier, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Albert Vecten, Marcel Vidal, Henri Weber.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 1 ) (2000-2001).

Lois de finances .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Lors de sa réception solennelle au Palais du Luxembourg, le 3 mai 2000, M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de la francophonie, a déclaré devant notre hémicycle que la francophonie n'est pas " l'expression nostalgique d'un paradis perdu ", ni " l'avatar d'un impérialisme révolu ", ni " la défense sourcilleuse d'une langue figée ".

Il a rappelé que la francophonie, c'est, aujourd'hui 55 Etats et gouvernements qui ont rejoint, en toute indépendance et en toute liberté, la communauté francophone, et que celle-ci s'étend sur les cinq continents. Il ajoutait que, contrairement aux idées reçues et à un pessimisme de " bon ton ", le français, dans le monde ne recule pas mais continue de progresser : entre 1990 et 1998, le nombre de francophones réels a augmenté de 7,7 % et le nombre de francophones occasionnels de 11,8 %.

M. Boutros-Boutros Ghali ajoutait également : " les Français ne mesurent pas assez la chance formidable qui est la leur : celle de posséder, comme langue maternelle, une langue universelle ! " Insistant sur le fait que la langue française serait d'autant mieux respectée dans le monde qu'elle jouirait en France d'un statut respectable, il nous invitait à donner l'exemple, et à faire preuve d'une nouvelle forme de civisme : le " civisme francophone ".

Avant d'aborder l'examen de la politique menée par les pouvoirs publics en faveur de la francophonie, et des moyens qu'elle y consacre, votre rapporteur aimerait en effet rappeler que la défense du français commence en France même, et qu'elle ne relève pas exclusivement des acteurs de la sphère publique. La langue française constitue la pièce maîtresse de notre identité et de notre patrimoine national, et sa défense est l'affaire de tous les Français indépendamment de leur race, de leur sexe, ou de leurs convictions religieuses.

Ce sentiment, qui progresse, heureusement, dans l'opinion française, n'est pas toujours partagé par l'ensemble de nos concitoyens et il est paradoxal que les marques de désinvolture les plus frappantes viennent souvent de ses élites et des sociétés ou des professions qui devraient être les plus attachées à notre identité culturelle.

Votre rapporteur en citera quelques exemples, qui seraient anecdotiques s'ils étaient isolés, mais qui, réunis, témoignent d'un esprit de capitulation.

Quand l'armée capitule sans avoir combattu

L'armée est le symbole le plus fort de l'indépendance d'un pays. Et un pays défend son indépendance pour protéger sa liberté... et sa culture.

Que faut-il alors penser d'un pays dont l'armée décide finalement de recourir à... une autre langue.

C'est sur ce chemin que l'armée française s'engage en reconnaissant à l'anglais le statut de " langue opérationnelle dans la perspective d'un engagement au sein de l'OTAN, dont la première langue utilisée, l'anglais, doit être pratiquée par tous " selon le ministre de la défense.

Bien sûr, un tel argument peut sembler fort. Mais il peut être repris dans bien d'autres domaines : aviation civile, sciences, cinéma, etc... Que reste-t-il alors de la langue française ? L'armée n'a pas à capituler sans avoir combattu.

Le groupe Hachette torture la langue

A l'occasion de leur rénovation, le groupe Hachette a décidé de rebaptiser ses points de vente " Relais H ", en " Relay ". Votre rapporteur a interrogé le responsable de cette chaîne sur l'intérêt d'un changement qui bouscule l'orthographe sans améliorer l'attractivité de la marque. Il a obtenu la réponse suivante :

- que Relay est une enseigne d'Hachette Distribution service, société du groupe Lagardère, " groupe bien français " ;

- que le groupe Hachette " particulièrement attentif à l'aspect sémantique " de son choix, avait retenu un " nom d'origine française " et qui présentait l'avantage d'être " simple, concis, compréhensible et prononçable dans tous les pays ".

Le courrier cite un poème héroïque de Jean Desmarets de Saint-Sorlin (1595-1676), que personne ne connaît, pour attester que l'orthographe " Relay " était encore utilisée aux XVIIe siècle. En revanche, il ne juge pas nécessaire de mentionner les raisons, que tout le monde devine, pour lesquelles cette graphie est " compréhensible et prononçable dans tous les pays ". Tout un chacun aura compris en effet que le groupe Hachette ne cède pas au charme discret de l'ancien français mais à l'attrait supposé d'une orthographe " anglicisée ".

Cette capitulation est choquante, singulièrement chez un groupe dont la vocation est d'assurer la distribution et la diffusion de la presse et de l'édition françaises !

Pour Air France, l'anglais est fédérateur

Le groupe Air France, qui vient de constituer une alliance avec trois autres compagnies, Delta Airlines, Korean Airlines, et Aeromexico, s'est rallié pour celle-ci à la dénomination anglaise de " Skyteam ". Pour justifier son choix, le groupe avance que " le caractère universel du regroupement de compagnies appartenant à des cultures et des pays divers impose l'utilisation d'une appellation fédératrice ". Votre rapporteur regrette vivement que cette compagnie qui porte le nom symbolique " d'Air France " n'ait pas tenté de convaincre ses partenaires qu'une appellation peut être fédératrice sans être nécessairement anglaise.

Devinez quelle est " la langue usuelle en matière financière " ?

Dans le souci d'assurer la protection du consommateur, l'article 2 de la loi du 4 août relative à l'emploi de la langue française, dite loi Toubon, rend obligatoire l'emploi de cette dernière dans " la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation et des conditions de garanties d'un produit ou d'un service ".

Partant du même souci d'assurer la protection de l'épargnant en matière financière, une directive CEE/80/390 du 17 mars 1980 dispose que " les notes d'information des opérations boursières sont publiées dans la ou les langues officielles de l'Etat membre où l'admission à la cote officielle est demandée, ou dans une autre langue à condition que, dans l'Etat concerné, cette autre langue soit usuelle en matière financière et soit acceptée par les autorités compétentes ".

Or, récemment, la commission des opérations de bourse a autorisé, dans deux règlements n° 98-01 et n° 98-08, les émetteurs à établir un prospectus dans une langue " usuelle en matière financière ", dès lors qu'il est accompagné d'un résumé en français qui comporte les " éléments essentiels " à l'information de l'épargnant. Ces règlements ont ensuite été homologués par un arrêté du ministère des finances en date du 22 janvier 1999 et publié au Journal officiel du 2 mars.

Votre rapporteur ne met pas en doute le sérieux avec lequel la COB a vérifié que le résumé en français comportait effectivement toutes les indications nécessaires à l'épargnant pour qu'il fonde son jugement sur le patrimoine, l'activité, la situation financière, les résultats et les perspectives de l'émetteur, ainsi que sur les droits attachés aux valeurs mobilières concernées.

Il se demande pourtant si des autorités publiques, soumises en tant que telles aux dispositions de la loi Toubon, peuvent légitimement considérer qu'une autre langue que le français est usuelle en matière financière sur le territoire national.

*

* *

Ces faits sont graves.

Comment ne pas les évoquer alors que nous réfléchissons à notre action en faveur de la francophonie ?

Faut-il rappeler que la défense du statut international de la langue française ne saurait relever exclusivement de l'action de l'Etat, qu'elle est aussi de la responsabilité des organismes publics, et des grandes entreprises, à la mesure de leur prestige, et qu'elle devrait concerner tous les Français qui sont attachés à leur langue ?

Sans doute faut-il répéter, face à un certain scepticisme ambiant, que la bataille du français ne se résume pas à une lutte vaine contre l'inéluctable, mais qu'il est des positions et des droits qu'il est possible et légitime de défendre avec succès, et, enfin, que l'avenir du monde ne s'écrit pas exclusivement en anglais.

Les exemples encourageants ne manquent pas. Ils viennent parfois du bout du monde. Et parce que l'actualité nous en fournit l'occasion, votre rapporteur aimerait saluer ici la parution récente du dictionnaire Ricci des caractères chinois (13 500 sinogrammes analysés en 1 700 pages) qui doit être suivie début 2001 de la parution du Grand Ricci riche de 300 000 expressions et locutions chinoises. Admirable exemple de " dialogue entre les cultures ", fruit de cinquante années d'un travail patient et minutieux, il constitue un outil de jonction sans équivalent entre le monde chinois et le monde occidental. Initialement prévu pour être traduit en cinq langues, c'est en fançais qu'il a finalement été exclusivement réalisé.

I. LA NÉCESSITÉ D'UN SECRÉTARIAT D'ÉTAT À LA FRANCOPHONIE FACE À L'ÉCLATEMENT DU DISPOSITIF INSTITUTIONNEL FRANÇAIS

A. L'ORGANISATION GOUVERNEMENTALE DE LA FRANCOPHONIE

1. Variété des structures administratives, diversité des tutelles politiques

Par quelque bout qu'on le prenne, le dispositif institutionnel français chargé de veiller sur la francophonie se remarque par la variété de ses structures, et la diversité de ses tutelles politiques.

Dans le rapport qu'il lui a consacré, le député Yves Tavernier 1 ( * ) y discerne trois niveaux, distingués par leur autorité politique de rattachement : le Haut conseil de la francophonie, placé auprès du Président de la République ; le conseil supérieur de la langue française, placé auprès du Premier ministre ; enfin, les ministères avec au premier chef le ministère des affaires étrangères, et celui de la culture et de la communication.

On peut également, dans une approche fonctionnelle, considérer que l'organisation administrative de la francophonie s'articule autour de deux pôles : la francophonie intérieure et la francophonie extérieure.

La francophonie intérieure regroupe les actions qui concourent à la diffusion, à l'emploi, et à l'enrichissement de la langue française, et en particulier à l'application de la loi Toubon relative à la langue française. Ces questions relèvent du champ de réflexion du conseil supérieur de la langue française , placé auprès du Premier ministre. Les missions qui s'y rapportent sont du ressort du ministère de la culture et de la communication , et plus particulièrement de la délégation générale à la langue française.

La francophonie extérieure comprend les actions qui tendent au rayonnement de la francophonie dans le monde, champ de réflexion par excellence du Haut conseil de la francophonie, présidé par le Président de la République qui en nomme les membres. Elle s'attache également à la politique de coopération avec les organismes internationaux à vocation francophone. Ces actions relèvent du ministre des affaires étrangères, qui délègue cette compétence au secrétaire d'Etat à la coopération et à la francophonie.

La fusion en 1999 des ministères des affaires étrangères et de la coopération a entraîné une intégration de leurs structures administratives, et particulièrement de celles qui sont en charge de l'action en faveur de la francophonie. La réunion de l'ancienne Direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques du ministère des affaires étrangères, et de la Direction du développement du ministère de la coopération a débouché sur la création d'une Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) qui a pour mission, notamment de mettre en oeuvre l'action culturelle de la France. Au sein de cette nouvelle direction générale, a été créée une Direction de la coopération culturelle et du français chargée, au plan bilatéral, à la fois de la promotion de la langue française et de la diffusion de la culture française. Cette direction comporte une sous-direction du français , plus particulièrement chargée des programmes et projets consacrés à l'enseignement et à l'emploi de la langue française ; elle agit à travers le réseau des établissements culturels (instituts et centres) et des alliances françaises, ou en coopération avec les systèmes étrangers ; elle suit l'activité des établissements d'enseignement français à l'étranger.

En outre, un service des affaires francophones , placé sous l'autorité du ministre des affaires étrangères et du ministre délégué à la coopération et à la francophonie a pour mission essentielle de contribuer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique française de coopération, d'assurer la préparation et le suivi des différentes instances politiques de la francophonie, ainsi que la coordination avec l'ensemble des services officiels de la langue française.

Sa mission s'exerce, à titre principal, à l'égard des institutions multilatérales.

D'autres ministères interviennent également, dans le champ de la francophonie. Il s'agit en particulier du ministère de l'éducation nationale , qui fournit l'essentiel du personnel de coopération linguistique et éducative, et assure leur sélection conjointement avec l'agence pour l'enseignement français à l'étranger. Il exerce, en outre, avec le ministère des affaires étrangères, une cotutelle sur l'agence Edufrance. Ce ministère s'est d'ailleurs récemment doté d'une délégation aux relations internationales et à la coopération qui renforce son ouverture internationale.

2. La nécessité d'un secrétariat d'Etat spécifique

Votre rapporteur approuve le regroupement des services du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération qu'il avait depuis longtemps appelé de ses voeux. La mise en place d'un outil diplomatique unique permettra à nos services présents dans le monde de relever d'un seul et unique ministère, ce qui renforcera leur cohérence et leur légitimité.

Votre rapporteur regrette cependant que cette réorganisation gouvernementale ne se soit pas accompagnée d'une meilleure classification des compétences au sein du gouvernement.

Il avait déploré que le premier gouvernement, constitué le 4 juin 1997 par M. Lionel Jospin, ne comprît pas de membre expressément chargé de la francophonie. Cette omission, de triste augure, a été réparée par le décret du 3 décembre 1997 qui a complété le titre de secrétaire d'Etat à la coopération d'une mention expresse de la francophonie. En mars 1998, le secrétariat d'Etat à la coopération et à la francophonie a été érigé en ministère délégué à la coopération et à la francophonie, sans remettre fondamentalement en cause le champ des attributions des autorités ministérielles.

Cette situation ne satisfait pas véritablement votre rapporteur.

Il estime que le rattachement de la francophonie à la coopération est contestable, ne serait-ce que parce que les pays appartenant à la francophonie se confondent de moins en moins avec les 61 pays de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) déterminée par le Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID).

Liste des pays de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP)
défini par le Comité interministériel de la
Coopération internationale et du développement (CICID)

Proche Orient : Liban, territoires autonomes palestiniens

Afrique du Nord : Algérie, Maroc, Tunisie

Afrique sub-saharienne et Océan indien : Afrique du Sud, Angola, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Centrafrique, Comores, Congo, Côte d'Ivoire, Djibouti, Erythrée, Ethiopie, Gabon, Ghana, Gambie, Guinée, Guinée Bissao, Guinée Equatoriale, Kenya, Liberia, Madagascar, Mali, Mauritanie, Maurice, Mozambique, Namibie, Niger, Nigéria, Ouganda, R.D. du Congo, Rwanda, Sao-Tomo et Principe, Sénégal, Seychelles, Sierra Léone, Tanzanie, Tchad, Togo, Zimbabwe.

Péninsule Indochinoise : Cambodge, Laos, Vietnam

• Caraïbes : Cuba, Haïti, Petites Antilles, République Dominicaine.

• Amériques latine : Surinam

Pacifique : Vanuatu

La Moldavie et la Roumanie, membres de la francophonie multilatérale, la Macédonie et l'Albanie, observateurs dans la francophonie multilatérale n'entrent pas, par exemple, dans la liste des pays de la Zone de solidarité prioritaire. Celle-ci s'étend, en revanche, au nom d'une priorité au développement, à des pays non francophones comme l'Afrique du Sud, l'Angola, l'Ouganda ou le Surinam.

Les considérations qui ont conduit à cette nouvelle orientation sont légitimes, mais confirment bien la nécessaire distinction qu'il convient désormais d'opérer entre le champ de notre coopération et le champ de la francophonie.

Votre rapporteur jugerait préférable une organisation ministérielle de la politique extérieure qui placerait auprès du ministre des affaires étrangères un ministre délégué aux affaires européennes, un ministre délégué à la coopération, et un ministre délégué à la francophonie et à l'action culturelle extérieure. Ce ministère délégué à la francophonie aurait notamment une autorité directe exclusive sur la DG-CID. Cette organisation présenterait l'avantage d'une bonne articulation de ses actions avec celles visées par le ministère de la culture.

B. LE FINANCEMENT DES ACTIONS MENÉES EN FAVEUR DE LA FRANCOPHONIE

Les crédits consacrés à l'action en faveur de la francophonie proviennent d'origines très diverses, ce qui ne facilite ni leur analyse, ni celle de la pertinence de leur emploi.

On examinera d'abord les moyens budgétaires des services placés sous l'autorité du ministre délégué à la coopération et à la francophonie, puis les crédits consacrés par les différents ministères à la francophonie avant de détailler la contribution de la France à la coopération francophone multilatérale.

1. Les crédits du service des affaires francophones

Directement rattaché au secrétariat général du ministère des affaires étrangères, le service des affaires francophones est chargé du dossier de la francophonie multilatérale. C'est dans cette perspective qu'il est mis à la disposition du ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Il a pour mission essentielle de contribuer à l'élaboration et à la mise en oeuvre de la politique française de coopération, d'assurer la préparation et le suivi des différentes instances politiques de la francophonie, ainsi que la coordination avec l'ensemble des services officiels de la langue française.

Le service des affaires francophones est chargé des relations de la France avec ces instances ainsi qu'avec les cinq " opérateurs " de la francophonie : Agence de la francophonie, Agence universitaire de la francophonie (AUF), TV5, université Senghor d'Alexandrie, et Association internationale des maires des capitales et métropoles entièrement ou partiellement francophones (AIMF).

Ce service est également chargé d'effectuer le bilan de l'utilisation des fonds affectés par la France aux opérations de francophonie, en coordination avec les autres services compétents en ce domaine, dont les principaux sont la direction générale de la coopération internationale et du développement, le ministère de l'éducation nationale et le ministère de la culture.

Le service des affaires francophones disposait, depuis 1998, d'une ligne de crédits de 61,6 millions de francs, inscrite au chapitre 42-11 article 80. Celle-ci est ramenée à 8,1 millions de francs dans le projet de budget pour 2001 car l'enveloppe de 53,5 millions de francs consacrés à l'exécution des décisions prises à l'occasion du sommet de la francophonie et qui transitaient par le Fonds multilatéral unique sont désormais inscrites au chapitre nouveau 42-32 article 40, qui a vocation à regrouper l'ensemble des contributions du ministère des affaires étrangères du Fonds multilatéral unique (FMU).

Les 8,1 millions de francs mis à la disposition du service des affaires francophones seront affectés à la poursuite de son action d'appui aux diverses associations agissant en faveur de la francophonie.

Les 53,5 millions de francs qui représentaient l'ancienne participation du service des affaires francophones, complétés par un transfert de crédits de 183,8 millions de francs en provenance de la Direction générale de la coopération internationale et du développement seront ainsi répartis entre les opérateurs de la francophonie selon la grille suivante :

2001 : Affectation crédits SAF

montant

AIF

98,3

AUF

118,5

AIMF

9

Université Senghor

11,5

Subventions

8,1

Total SAF

245,4

(en millions de francs)

L'évolution des crédits de ce service est récapitulée dans le tableau suivant :

1998

1999

2000

2001

61,6

61,6

61,6

8,1

+ 53,5 transfert FMU

(en millions de francs)

Cette stabilité résulte des engagements pris lors des derniers sommets francophones. Il est à noter que sur la période 1998-2000 aucune régulation budgétaire n'est venue amputer ces crédits en cours d'exercice.

2. La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale

La contribution globale de la France à la francophonie multilatérale s'est élevée à près de 750 millions de francs en 2000, et devrait atteindre un niveau comparable en 2001.

Elle transite pour une large partie par le Fonds multilatéral unique sans exclure l'existence d'autres mécanismes de financement particuliers.

a) La part prépondérante de la contribution française dans le fonds multilatéral unique.

Le fonds multilatéral unique est l'instrument privilégié du financement de la francophonie multilatérale.

Ses ressources sont constituées des contributions volontaires des Etats membres de la francophonie. Les engagements pris par les Etats, à l'occasion de chaque sommet, sont conclus pour la durée des biennums : aussi les crédits dont dispose le FMU sont-ils identiques pour les deux exercices qu'il comporte.

Le tableau ci-dessous présente l'évolution globale des enveloppes budgétaires affectées au FMU pour les trois derniers biennums, ainsi que la répartition de ces crédits entre les différents opérateurs de la francophonie. Il fait apparaître une progression de 21 % entre le biennum 1996-1997 et le biennum 1998-1999 suivie d'une légère contraction de 3 % pour le biennum 2000-2001. La progression des crédits sur les six dernières années a principalement profité à l'Agence internationale de la francophonie dont les crédits sont passés de 142,5 à 194 millions de francs soit une progression de 36 %.

ENVELOPPES BUDGÉTAIRES ANNUELLES DU FMU

Affectation

Biennum 1996-1997

Biennum 1998-1999

Biennum 2000-2001

AIF

142,5

205,6

194

AUF

144,9

144,8

146,1

Université Senghor

13,8

12,4

12,1

AIMF

12

14,1

14,1

TOTAL FMU

313,2

377

366,3

(en millions de francs)

La France est son premier bailleur de fonds, et sa contribution a toujours représenté approximativement les trois-quarts des ressources du FMU. Au cours du biennum 2000-2001, sa contribution, d'un montant de 283,5 millions de francs, représente plus de 77 % du financement du FMU, devant les contributions du Canada (17 %) et celle de la Communauté française de Belgique (4 %).

Le tableau ci-dessous présente l'évolution de la contribution française et sa répartition entre les opérateurs de la francophonie. Elle permet de vérifier que la progression de 40 millions de francs de la contribution française entre 1996-1997 et 1998-1999 s'est concentrée sur l'Agence internationale de la francophonie ; la progression plus modeste de 2,5 millions de francs entre le biennum 1998-1999 et le biennum 2000-2001 a bénéficié en revanche à l'Agence universitaire de la francophonie.

CONTRIBUTIONS ANNUELLES DE LA FRANCE AU FMU

Affectation

Biennum 1996-1997

Biennum 1998-1999

Biennum 2000-2001

AIF

82

122,5

122,5

AUF

135

135

137,5

Senghor

11,5

11,5

11,5

AIMF

12

12

12

TOTAL FMU

240,5

281

283,5

(en millions de francs)

Un dernier tableau permet de mesurer le poids relatif de la contribution française dans le financement des opérateurs de la francophonie :

Affectation

Biennum 1996-1997

Biennum 1998-1999

Biennum 2000-2001

AIF

57,7 %

59,5 %

63 %

AUF

93,2 %

93,2

94 %

Senghor

96,0 %

92,7 %

95 %

AIMF

100 %

85,0 %

85 %

TOTAL FMU

76,7 %

74,5 %

77,4 %

b) Les crédits de la francophonie multilatérale hors FMU

D'autres financements destinés aux opérateurs de la francophonie ne transitent pas par le FMU

Il s'agit, en premier lieu de la contribution française au financement de TV5, qui s'élève à 367,5 millions de francs dont 314,3 millions de francs en provenance du budget du ministère des affaires étrangères. Il est à noter que la dotation de TV5 est la seule de toutes les actions en faveur de la francophonie à avoir connu une forte croissance sur les six dernières années comme en témoigne le tableau ci-dessous :

(en millions de francs)

1996

1997

1998

1999

2000

2001

Contribution à TV5

210,9

232,4

273,5

335,8

367,5

377,5

D'autres crédits, de moindre montant sont destinés à assurer le financement de :

- la contribution statutaire de 67 millions de francs versée par la France à l'Agence internationale de la francophonie, à laquelle s'ajoute la prise en charge à hauteur de 1,15 million de francs des locaux de l'Ecole de la francophonie à Bordeaux ;

- la subvention de 7,6 millions de francs versée au FICU (Fonds international de coopération universitaire) ;

- la subvention de 6,539 millions de francs versée à la CONFEJES (Conférence des ministres de la jeunesse et des sports des pays d'expression française) ;

- la subvention de 4,13 millions de francs au Comité international des jeux de la francophonie ;

- la subvention de 2,8 millions de francs pour les coûts de fonctionnement du bureau parisien de l'Agence universitaire de la francophonie ;

- la subvention de 0,85 million de francs destinée à l'Assemblée parlementaire de la francophonie ;

- la subvention de 0,353 million de francs versée à la CONFEMEN (Conférence des ministre de l'éducation des pays ayant le français en partage).

II. LA FRANCOPHONIE MULTILATÉRALE : LA RÉFORME IMPOSÉE PAR LES DERNIERS SOMMETS

La francophonie multilatérale repose sur la tenue des " Conférences des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage " qui se réunissent tous les deux ans, et sur un certain nombre d'opérateurs permanents qui sont chargés de la mise en oeuvre des décisions et programmes décidés.

A. LES SOMMETS DE LA FRANCOPHONIE

Les instances de décision de la francophonie sont les " Conférences des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage ", initialement appelées sommets francophones.

Ils s'appuient sur la Conférence ministérielle de la francophonie (CMF) qui est composée des ministres des affaires étrangères ou de la francophonie, et doit veiller à l'exécution des décisions par les sommets, ainsi que sur le Conseil permanent de la francophonie (CPF) qui est composé des représentants des chefs d'Etat et de gouvernement, et est chargé de la préparation et du suivi des sommets.

Ces organes se réunissent tous les deux ans.

1. L'apport historique des sommets de la francophonie

Des réunions entre les chefs d'Etat francophones se sont régulièrement passées dès les années soixante. Toutefois, la pratique des sommets ne s'est institutionnalisée que dans le courant des années quatre-vingt.

Le premier sommet, qui s'est tenu à Paris et à Versailles en février 1986 , a réuni 41 chefs d'Etat et de gouvernement qui ont adopté 28 résolutions dont l'exécution a été confiée à un comité de suivi.

Le deuxième sommet, tenu en octobre et septembre 1987 , arrêta la liste des secteurs prioritaires de la francophonie, décida l'institutionnalisation des sommets, ainsi que la création d'une université francophone et d'un centre d'échanges multinationaux d'actualités francophones.

Le troisième sommet s'est tenu à Dakar en 1989.

Le sommet de Chaillot, en novembre 1991, regroupa une cinquantaine de pays, décida la création de nouvelles institutions et confirma l'Agence de coopération culturelle et technique (ACCT) dans son rôle d'opérateur principal et de secrétariat des instances de la francophonie.

Le sommet tenu à l'Ile Maurice en octobre 1993 insista sur la place de l'économie dans la culture des peuples et définit les paramètres d'une coopération économique entre les pays membres de la francophonie. Il remplaça en outre l'appellation de " sommet " par celle de " Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement ayant le français en partage ".

Souhaitant renforcer la dimension politique de la francophonie sur la scène internationale, la conférence de Cotonou, en décembre 1995, décida la création d'un poste de secrétaire général de la francophonie, transforma l'agence de coopération culturelle et technique (ACCT) en Agence de la francophonie , ou agence intergouvernementale de la francophonie (AIF) avec à sa tête un administrateur général, et révisa la Charte de l'ACCT pour l'ériger en charte de la francophonie.

La septième conférence, organisée en 1997 à Hanoï , marqua l'ouverture de la francophonie au continent asiatique.

Les représentants des 49 états et gouvernements membres élurent pour quatre ans M. Boutros Boutros-Ghali au poste de secrétaire général de la francophonie , et travaillèrent sur le thème de la prévention des conflits et du respect des droits de la personne.

Enfin, le huitième sommet, qui réunissait 52 chefs d'état et de gouvernement de pays membres ou de pays observateurs s'est tenu à Moncton, au Canada en septembre 1999.

2. Le bilan des deux derniers sommets

a) La réforme des institutions décidée au sommet de Hanoï

Les principales réformes apportées par le sommet de Hanoï ont été la nomination d'un secrétaire général de la francophonie, le renforcement du conseil permanent de la francophonie, et la réforme de l'agence de la francophonie.

* Le secrétaire général de la francophonie est élu pour quatre ans par les chefs d'Etat et de gouvernement auxquels il rend compte ; il préside le conseil permanent de la francophonie ; il est le porte-parole politique et le représentant officiel de la francophonie sur la scène internationale, et le plus haut responsable de l'agence de la francophonie (AIF).

Les premières actions du secrétaire général ont visé à promouvoir l'image de la francophonie et à poser les bases d'une coopération avec les organisations internationales les plus importantes, comme l'Organisation des Nations Unies, l'Union européenne, la Banque mondiale, le Programme des Nations Unies pour le Développement, la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, le Commonwealth, la Communauté des états indépendants, l'Organisation de l'Unité Africaine, la Ligue des Etats arabes, l'Organisation des Etats américains...

Il a également participé à plusieurs manifestations internationales, et notamment à la réunion de l'ONU du 27 juillet 1998 sur les organisations régionales, et à la conférence sur la création d'une Cour criminelle internationale qui s'est tenue à Rome en juin-juillet 1998. Il s'est attaché à rapprocher la francophonie d'autres aires linguistiques, comme l'arabophonie, l'hispanophonie et la lusophonie, au titre de la défense de la diversité culturelle et linguistique.

Il a invité la francophonie à accompagner les processus électoraux dans l'espace francophone par le biais de missions d'observation conduites par la francophonie à titre exclusif ou mises en place conjointement avec les Nations Unies, l'Organisation de l'Unité africaine, le Commonwealth ou la Ligue des Etats arabes. Les missions d'observation les plus récentes ont ainsi permis de suivre le déroulement des élections présidentielles au Niger, en octobre 1999, en Guinée Bissan en novembre 1999 et janvier 2000, et au Sénégal en février-mars 2000, ainsi que le premier tour des élections législatives en Haïti en mai 2000.

Le secrétaire général a également permis à la francophonie de contribuer à la recherche de solutions dans des situations de crise : participation de M. Lebatt, ancien ministre des affaires étrangères de Mauritanie, en qualité d'observateur aux pourparlers d'Arusha, au Burundi (à partir de janvier 2000) ; mission d'information du président Zinsou en Côte d'Ivoire en janvier 2000 ; mission de participation de M. Ide Oumarou, ancien secrétaire général de l'OUA, au Togo en juillet 2000 ; mission d'information en Haïti de M. Ridha Bouabid, directeur de la représentation permanente de l'organisation internationale de la francophonie à l'ONU, à l'occasion du second tour des élections législatives en juillet 2000.

Le secrétaire général a, en outre, su s'imposer à l'Agence de la francophonie et aux autres opérateurs. C'est sous son égide que s'est déroulée l'évaluation de l'Agence universitaire de la francophonie , et il s'est engagé à étendre ce processus à l'ensemble des opérateurs de la francophonie, en commençant par l'université Senghor d'Alexandrie et l'agence de la francophonie.

Le Conseil permanent de la francophonie (CPF) est désormais composé des représentants personnels de tous les chefs d'Etat et de gouvernement et non plus de seulement 18 d'entre eux comme auparavant. Cette réforme a contribué à asseoir le caractère représentatif de cette instance.

En outre, c'est le Conseil permanent de la francophonie qui, tout en conservant sa mission initiale de préparation et de suivi des sommets, siège comme conseil d'administration de l'agence. Auparavant, c'était la conférence ministérielle qui remplissait ce rôle mais ses réunions n'étaient pas assez fréquentes pour assurer un fonctionnement satisfaisant.

L'Agence de la francophonie :

Le sommet de Hanoï avait donné mandat à l'administrateur général pour préparer une réorganisation de l'Agence de la francophonie visant à accroître son efficacité tout en diminuant ses coûts de fonctionnement.

Ce projet de réforme a été adopté par la Conférence ministérielle de la francophonie qui s'est tenue à Bucarest les 4 et 5 décembre 1999. Il vise pour l'essentiel à supprimer l'échelon des directions générales pour lui substituer celui des directions (10 directions fonctionnelles et 2 de gestion).

L'organigramme adopté au terme de cette réforme répond à une volonté de simplifier la hiérarchie, et s'est efforcé de réduire le nombre de directions en s'attachant à faire correspondre un bloc de compétences à chaque unité de gestion, avec une attention particulière portée aux directions de pilotage, d'administration et de contrôle de gestion.

b) Le plan d'action de Moncton

La déclaration politique et le plan d'action adoptés en septembre 1999 à l'issue de la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de Moncton, déterminent les grandes orientations de la programmation pour les années 2000 et 2001.

Aucune décision institutionnelle n'a été prise lors de ce sommet, les chefs d'Etat et de gouvernement n'ayant pas souhaité rouvrir le débat sur la réforme des institutions de la francophonie qui avait été le point central des deux sommets précédents. En revanche, le sommet de Moncton a permis de confirmer la mission politique de la francophonie et de conforter le mouvement de réforme engagé à Cotonou puis à Hanoï.

Le sommet a pris acte de l'orientation politique prise par la francophonie depuis le sommet de Hanoï. A insi, trois nouveaux observateurs ont été accueillis -(la Lituanie, la Slovénie et la République tchèque)- tandis que deux observateurs ont accédé au statut de membre associé (la Macédoine et l'Albanie).

L'accent a été mis sur le thème de la diversité culturelle qui constitue un des sujets centraux du biennum. Dans cette perspective, à l'initiative de la France et du Québec et avec l'aval de l'ensemble des pays membres, les chefs d'Etat et de gouvernement ont décidé de mettre en place un processus de concertation entre francophones pour accompagner l'ouverture du cycle de négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce à Seattle et dans l'objectif de promouvoir la promotion de la diversité culturelle.

Le dialogue entre les cultures a d'ailleurs été retenu comme thème pour le sommet de Beyrouth en 2001 et la conférence des ministres francophones de la culture qui se tiendra à Cotonou au printemps 2001 lui sera également consacrée.

La volonté de poursuivre la réforme des coopérations multilatérales a été affirmée avec le processus de réforme de l'agence universitaire de la francophonie. Ce processus d'évaluation sera progressivement étendu à l'ensemble des opérateurs de la francophonie.

L'engagement de mieux associer la jeunesse à la francophonie a été pris.

La création d'un réseau virtuel et de mécanismes de consultation de la jeunesse francophone a été envisagée.

Les chefs d'Etat et de gouvernement se sont également engagés à mettre en place un programme de soutien à la mobilité des jeunes, et à leur rendre plus accessible le fonds des inforoutes pour faciliter leur accès aux nouvelles technologies.

Dans cette perspective, M. Boutros Boutros-Ghali a demandé à l'Assemblée parlementaire de la francophonie, dont votre rapporteur est le secrétaire général, de mettre en place un Parlement des femmes de la francophonie qui se réunira tous les deux ans, avant les sommets.

• Le sommet de Moncton a été marqué par la volonté de renforcer les exigences posées par l'organisation internationale de la francophonie en matière de respect des droits de l'homme et de défense de la démocratie. La proposition de la France d'organiser en 2000 un symposium sur le bilan des pratiques de la démocratie et des droits de l'homme dans les pays francophones a été reçue favorablement et ce séminaire s'est tenu à Bamako du 1 er au 4 novembre 2000.

c) Le symposium et la déclaration de Bamako

Ce symposium s'est conclu par l'adoption, le 3 novembre, d'une déclaration qui réaffirme l'attachement des pays francophones aux valeurs démocratiques, et envisage des mesures pour garantir leur respect.

Partant du constat que le bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone au cours de ces dix dernières années, comporte des acquis indéniables, mais qu'il présente aussi des insuffisances et des échecs, les délégués des Etats et gouvernements membres de la francophonie se sont engagés dans cette déclaration à consolider l'Etat de droit, à tenir des élections libres, fiables et transparentes et à promouvoir une véritable culture démocratique, ainsi que le respect des droits de l'homme.

Après avoir confirmé leur adhésion aux principes fondamentaux de la démocratie, ils ont affirmé que " la francophonie, indissociable de la démocratie, fait de l'engagement démocratique une priorité qui doit se traduire par des propositions et des réalisations concrètes, (...) et que son action doit s'inspirer des pratiques et des expériences positives de chaque Etat et gouvernement membre ". Ils ont également proclamé que la francophonie condamnera désormais les coups d'Etat et toute autre prise de pouvoir par la violence, les armes ou quelqu'autre moyen illégal.

Ensuite, pour la première fois, la francophonie se dote de moyens qui lui permettent de réagir vigoureusement en cas de crise ou de rupture de la démocratie et en cas de violations graves ou massives des droits de l'homme. Ainsi, la suspension immédiate d'un pays sera prononcée en cas de coup d'Etat militaire contre un gouvernement issu d'élections démocratiques.

Cette décision avait été vivement souhaitée par l'Assemblée parlementaire de la francophonie.

La déclaration de Bamako sera transmise au IXème sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de la francophonie qui se tiendra à Beyrouth en octobre 2001.

d) La conférence ministérielle de Paris

La conférence ministérielle qui s'est tenue à Paris en novembre 1999 , avait pour objet principal de traduire en termes budgétaires les engagements pris par la déclaration et le plan d'action du sommet de Moncton.

Elle a confirmé les principes de la réforme de l'agence universitaire de la francophonie, et a salué l'élection de son nouveau recteur.

Elle a étalement contribué au resserrement de la programmation de l'agence de la francophonie sur ses missions essentielles et ses métiers de base : langue, démocratie et droits de l'homme, culture et éducation.

Si aucune conférence ministérielle n'était prévue en 2000, deux conférences devraient en 2001 contribuer à la bonne préparation du sommet de Beyrouth. La première se tiendra à N'Djamena du 7 au 10 février , et permettra de faire le point sur la mise en oeuvre de la programmation arrêtée à Moncton et sur la préparation du sommet de Beyrouth.

La conférence des ministres francophones de la culture qui se tiendra à Cotonou en juin se situera dans la perspective directe du sommet organisé sur le thème " dialogue des cultures ".

e) Les enjeux du prochain sommet de Beyrouth

Le prochain sommet qui doit se tenir à Beyrouth en octobre 2001 marquera une étape importante dans l'évolution de la francophonie. Son thème, " le dialogue des cultures ", et le choix du pays dans lequel elle se déroulera présente une forte dimension symbolique.

Il doit être l'occasion, dans une région du monde dont les fractures prennent leur origine dans une histoire complexe, tragique et ancienne, de tenir un langage de vérité, et de porter un vivant témoignage des vertus du dialogue.

B. LES OPÉRATEURS DE LA FRANCOPHONIE

1. L'Agence de la francophonie

Créée par la Convention de Niamey du 20 mars 1970, l'Agence internationale de la francophonie est l'unique opérateur intergouvernemental de l'organisation internationale de la francophonie . Elle regroupe aujourd'hui 49 états et gouvernements. Son siège est implanté à Paris, mais elle dispose également de trois bureaux situés à Lomé, Libreville et Hanoï. Elle dispose également de deux organes subsidiaires : l'institut des nouvelles technologies de l'information et de la formation installé à Bordeaux, et l'institut de l'énergie et de l'environnement, situé au Québec.

Son budget s'élève à 350 millions de francs par an . Il est financé pour moitié par les cotisations statutaires calculées par rapport au PNB et à la population de chaque pays. L'autre moitié du budget est financée par les cotisations volontaires qui se répartissent elles-mêmes entre les cotisations libres d'emploi et les cotisations attachées à un programme particulier.

Les effectifs de l'agence atteignent 200 personnes, y compris celles qui sont mises à la disposition du secrétaire général de l'organisation internationale de la francophonie.

La contribution que lui apporte la France à travers le Fonds multilatéral unique s'est élevée à 122,5 millions de francs par an au cours des deux derniers biennums.

2. L'Agence universitaire de la francophonie

L'Agence universitaire de la francophonie est issue de l'ancienne association des universités partiellement ou entièrement de langue française (AUPELF- UREF) fondée à Montréal en 1961 en vue de développer les échanges et la solidarité entre les universités de langue française. D'une quarantaine de membres en 1961, elle est passée à 403 membres en 2000 répartis sur le territoire des différents pays de l'organisation internationale de la francophonie. Il convient d'y ajouter encore les 353 départements d'études françaises d'établissements universitaires du monde entier.

D'abord simple association de recteurs et de présidents d'universités, elle a été érigée en 1989, au sommet de Dakar , en opérateur direct de l'organisation de la francophonie, statut qui a ensuite été confirmé dans la charte de la francophonie adoptée au sommet de Hanoï en 1997.

Son siège est établi à Montréal, et elle dispose de services centraux à Paris, et de 13 bureaux régionaux. Elle emploie 380 personnes, dont une cinquantaine à Paris et une trentaine à Montréal.

L'Agence universitaire de la francophonie est la première des institutions de la francophonie à avoir fait l'objet d'une évaluation externe , prélude à sa réforme et à son recentrage sur ses missions essentielles. Cette évaluation a été décidée dès le sommet de Hanoï, puis lancée par le secrétaire général de la francophonie à l'occasion de la conférence ministérielle de Bucarest, en décembre 1998. Les résultats en ont été communiqués aux membres de l'organisation internationale de la francophonie en juillet 1999.

Cette évaluation a fait apparaître un bilan fortement contrasté des actions de l'Agence universitaire . Les experts lui ont certes reconnu le mérite d'avoir mis en place des actions dont la pertinence et l'efficacité étaient appréciées de leurs bénéficiaires, et en particulier dans les pays du sud. Mais ils ont critiqué le pilotage de l'institution , jugeant qu'il n'était pas à la hauteur des budgets alloués . Ils ont également dénoncé une personnalisation et une concentration excessive du pouvoir au sein de l'institution. Enfin, le rapport dénonçait une architecture comptable inutilement complexe et des conditions d'opacité dans l'exécution budgétaire qui masquaient la " situation de faillite technique à laquelle était pratiquement arrivée l'Agence universitaire en 1999 ". Dans son rapport sur le précédent biennum, le commissaire aux comptes du Fonds Multinational Unique était d'ailleurs arrivé à des conclusions voisines.

L'évaluation de l'Agence a rapidement débouché sur une réforme en profondeur inscrite dans le plan d'action de Moncton . Le secrétaire général a présenté à la conférence ministérielle de la francophonie de novembre 1999 les orientations du processus de réforme et son calendrier. La nomination d'un nouveau recteur, Mme Michèle Gendreau-Massaloux, le 30 octobre 1999 a permis d'engager une première série de restructurations de fonctionnement de l'opérateur.

Le conseil d'administration qui s'est tenu à Montréal en février 2000 a décidé une première réorientation de l'agence vers ses champs d'action prioritaires . Des publications ont été arrêtées, des emplois supprimés, et des actions qui ne touchaient ni au monde universitaire ni à la recherche ont été suspendues. La France a toutefois obtenu que le programme des classes bilingues, en particulier en Asie du sud-est, soit exécuté dans son intégralité.

La réforme de l'Agence s'est poursuivie en 2000. Le pilotage en a été confié à une commission consultative, conseillée par un groupe d'experts, qui a examiné en particulier la réforme des statuts.

Après son examen par le conseil d'administration de l'Agence, le projet de réforme des statuts doit être officiellement présenté aux instances politiques de la francophonie lors de la conférence ministérielle de N'Djamena en février 2001. Il sera ensuite soumis à l'assemblée générale de l'Agence au printemps 2001 à Québec.

La France est, de très loin, le principal bailleur de fonds de l'Agence : elle assure 86 % des moyens de cet opérateur sous la forme du versement d'une contribution financière et sous la forme d'une mise à disposition de personnels par les administrations françaises.

Le Canada a décidé, à la suite de la réforme, de doubler sa contribution qui, actuellement, représente 8,4 % des ressources de l'Agence, principalement à travers la mise à disposition de locaux et de personnels.

Une part prépondérante des engagements de la France est octroyée par l'intermédiaire du Fonds Multilatéral Unique (FMU) . Celui-ci représentait 135 millions de francs annuels au cours du biennum 1998-1999. Il a été porté à 137,5 millions de francs pour le biennum 2000-2001.

Des contributions complémentaires, hors FMU, sont également versées pour le financement des actions qui ne rentrent pas dans la programmation des sommets francophones : ainsi, le service des affaires francophones verse-t-il 2,8 millions de francs à l'Agence pour la prise en charge du loyer de son bureau parisien. L'Agence bénéficie en outre de la mise à disposition d'une vingtaine de personnels pour une contrevaleur de 15 millions de francs supportée principalement par le ministère des affaires étrangères (13 millions de francs) et, pour le solde, par le ministère de l'éducation nationale.

La programmation opérationnelle de l'Agence pour le biennum 1998-1999 portait en moyenne sur 185 millions de francs annuels, mais n'a pu être entièrement réalisée, compte tenu des réserves exprimées par le comité des programmes, des avis négatifs des évaluateurs, et de la situation de trésorerie très dégradée de l'opérateur dont le découvert atteignait 60 millions de francs à la veille du sommet de Moncton.

La programmation pour 2000 s'est efforcée de ne pas pénaliser les bénéficiaires d'actions en cours dans le cadre des programmes existants, mais a drastiquement réduit le nombre des programmes qui est passé de 50 à 7, et qui a décidé de regrouper sur un fonds unique l'ensemble des actions de l'Agence.

Le resserrement de la programmation se poursuivra en 2001. Les efforts se concentreront sur la formation et sur la mobilité des chercheurs de deuxième et troisième cycles.

3. TV5

La chaîne francophone par satellite a été créée en janvier 1984 par l'association des trois chaînes politiques françaises, de la Radio-Télévision belge de la communauté française et de la société de radiodiffusion et de télévision, et complétée par le lancement en 1988 de TV5 Québec-Canada. Elle jouit d'un statut réellement international par sa diffusion et la participation de cinq gouvernements et de dix chaînes à sa gestion, son financement, et à ses programmes.

La chaîne est organisée autour de deux pôles :

- le premier, situé à Paris , produit une version France-Belgique-Suisse, une version asiatique, une version africaine et, depuis octobre 1999, une version pour le monde arabe ;

- le second, situé à Montréal , produit une version destinée au Québec et au Canada, et une autre pour le reste de l'Amérique.

L'impulsion nouvelle donnée à TV5 en Europe, en Afrique et en Asie en 1999 s'est poursuivie en 2000. La " flotte " des canaux satellitaires transportant des signaux depuis Paris par " Satellimages TV5 " a plus que doublé. Au total, le réseau internationnal TV5 est présent sur 38 canaux , dont 28 voient leur financement assuré par les opérateurs de bouquets eux-mêmes. On estime désormais à 130 millions le nombre de foyers susceptibles de le capter.

Le bilan que l'on peut tirer de la diffusion de TV5 sur le continent américain est en revanche très décevant, et le fait que TV5 Amérique ne touche que 6 000 foyers en réception directe aux Etats-Unis ne peut être considéré autrement que comme un échec inacceptable .

La 15 ème conférence des ministres de TV5, réunie en Suisse le 27 octobre dernier, a pris des décisions pour l'avenir de la chaîne. A cette occasion, la France a annoncé sa ferme intention de confier à Satellimages la mission de confectionner un signal pour l'Amérique latine, mais elle a réservé sa position sur l'avenir de TV5 Etats-Unis.

Votre rapporteur prend note de ces décisions mais souhaite que votre commission adresse au gouvernement français une invitation pressante à accentuer sa pression auprès de ses partenaires de la francophonie et à faire aboutir les démarches qui s'imposent pour ne pas laisser perdurer la déception légitime qu'inspire la diffusion de TV5 en Amérique .

Il souhaite que celui-ci indique au Parlement, dans l'hypothèse où la recherche d'une solution multilatérale s'enfoncerait dans une impasse, les options qu'il envisage pour assurer la présence d'un audiovisuel francophone de qualité sur un territoire aussi stratégique que le territoire américain.

4. L'Université Senghor d'Alexandrie

L'Université francophone d'Alexandrie est un établissement d'enseignement supérieur, créé en 1989, dont la vocation est la formation de spécialistes de haut-niveau dans quatre disciplines-clefs du développement africain : administration-gestion, nutrition-santé, gestion de l'environnement et gestion du patrimoine culturel. L'enseignement se déroule sur deux ans, avec un stage en situation de trois mois. Les candidats sont sélectionnés sur dossier, puis par voie de concours. A l'issue de deux années de formation , ils obtiennent un diplôme de troisième cycle, le diplôme d'études professionnelles approfondies reconnu par le conseil africain et malgache pour l'enseignement supérieur.

L'Université Senghor est financée sur fonds publics.

La répartition du financement pour le biennum 1998-1999 est résumée dans le tableau ci-dessous.

FINANCEMENT DE L'UNIVERSITÉ SENGHOR AU COURS DU BIENNUM 1998-1999

(en millions de francs)


1998


1999

Cumul biennum
1998-1999

% biennum

Contribution de la France

14

11,5

25,5

83

Contribution du Canada

2,05

2,05

4,1

13,4

Contribution Canada/Québec

0,164

0,164

0,328

1

Contribution Suisse

0,4

0,4

0,8

2,6

Total

16,614

14,114

30,728

100

Pour l'année universitaire 1999/2000, le budget prévisionnel s'élève à 14,9 millions de francs .

La France , dont les contributions s'élèvent à 11,5 millions de francs (8,5 millions de francs en provenance du service des affaires francophones ; 3 millions de francs en provenance de la DGCID) reste de loin le principal contributeur de l'université . Le Canada prend en charge la mise à disposition d'un directeur de département, et le Québec, le coût de quelques sessions de conférence.

Au regard de ce budget plutôt conséquent, le nombre des auditeurs paraît assez réduit , particulièrement depuis la décision prise par le recteur en 1994 de ne plus assurer la formation que d'une seule promotion tous les deux ans.

EFFECTIFS DES DEUX DERNIÈRES PROMOTIONS DE L'UNIVERSITÉ SENGHOR

Section
Administration
Gestion

Section
Gestion
Environnement

Section
Nutrition
Santé

Section
Gestion du
patrimoine
culturel


Total

6 ème promotion

35

26

16

12

89

7 ème promotion

26

25

17

12

80

Si, dans une approche très globale on rapproche le budget de fonctionnement de l'université et l'effectif des promotions d'étudiant qu'il forme, on obtient une dépense par étudiant de plus de 186 000 francs pour l'année universitaire 1999-2000.

A titre de comparaison, le ministère de l'éducation nationale évalue, en France, la dépense globale financée par l'Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et les ménages à 41 200 francs en moyenne par étudiant universitaire (IUT et écoles d'ingénieurs universitaires non compris) : 55 900 francs en moyenne par étudiant des IUT ; et à 77 800 francs en moyenne par élève des écoles d'ingénieurs universitaires.

La dépense moyenne occasionnée par un auditeur de l'université Senghor représente quatre fois et demi la dépense moyenne occasionnée par un étudiant universitaire, et deux fois et demi la dépense moyenne occasionnée par un élève des écoles d'ingénieurs.

Le taux d'encadrement est d'ailleurs exceptionnel, puisque les 80 auditeurs de la dernière promotion bénéficient d'un corps professoral constitué de 8 professeurs résidant à l'université, d'une vingtaine de professeurs associés, et d'une quarantaine d'experts.

Dans le rapport qu'il a remis le 5 mai 2000 au secrétaire général de la francophonie, le commissaire aux comptes a d'ailleurs plaidé en faveur d'une augmentation significative du nombre d'auditeurs, pour remédier à la sous-utilisation des capacités de l'université.

Votre rapporteur partage entièrement cette analyse. Il souhaite en particulier que le retour à un recrutement annuel, envisagé dans le projet de programmation présenté à la conférence ministérielle de novembre 1999, soit remis en usage le plus rapidement possible.

Il appuie également sans réserve la volonté exprimée par le secrétaire général de la francophonie d'engager sans délai une évaluation externe et multilatérale de l'université.

5. L'association internationale des maires et responsables de capitales et métropoles francophones (AIMF)

L'association internationale des maires et responsables des capitales et métropoles francophones (AIMF) a été créée le 1 er mai 1979 à Québec afin de promouvoir entre ses membres, grâce à l'usage commun de la langue française, une coopération dans tous les domaines de l'activité municipale.

Opérateur associé de la francophonie depuis le sommet de Maurice en 1993, elle est devenue opérateur de plein exercice lors du sommet de Cotonou en 1995.

Elle rassemble aujourd'hui les responsables de 99 capitales ou métropoles francophones provenant de 44 Etats , et a accueilli quatre nouveaux membres lors de sa dernière assemblée générale : Zahlé, Mopti, Sikasso et Siem Réap.

L'AIMF intervient dans les villes partenaires en mettant à leur disposition les experts dont disposent le cas échéant les autres membres, de façon à contenir autant que possible son coût d'intervention. Ses réalisations les plus significatives portent sur la modernisation de la gestion des collectivités locales dans déjà plus de trente villes , grâce à l'élaboration de programmes d'informatisation et à la formation du personnel appelé à les mettre en oeuvre. Ces actions touchent, par exemple, à la tenue de l'état civil , au service de la paie et de la comptabilité, à la gestion en personnel, à la perception des taxes municipales , ou à la gestion des stocks et du parc roulant. Elle intervient également en matière d' alimentation en eau potable , de voirie , d'élimination des déchets, de construction de marchés ou de centres de santé.

Le budget de l'AIMF est présenté en deux sections :

- la première, consacré au fonctionnement de l'association , s'élève à 11 millions de francs . Elle est financée pour l'essentiel par les cotisations des membres de l'association (1,5 million de francs) et par une subvention d'équilibre de la mairie de Paris (9 millions de francs).

- la seconde, consacrée au financement des actions de coopération , s'élève à 23,5 millions de francs est financée à hauteur de 15 millions de francs par la contribution que l'AIMF perçoit en sa qualité d'opérateur de la francophonie, et à hauteur de 8,5 millions de francs, par des contributions spécifiques versées par des villes membres ou des organismes publics. La contribution que lui verse la France, par l'intermédiaire du Fonds multilatéral unique, s'élève à 12 millions de francs dont 9 millions sont imputés sur le budget du ministère des affaires étrangères.

6. Le Fonds francophone des inforoutes

Lancé en 1997, le Fonds francophone des inforoutes poursuit un objectif linguistique et culturel en améliorant la présence du français sur les réseaux de l'internet , et un objectif de développement à travers la démocratisation de l'accès à l'internet dans les pays du sud francophones.

Logé à l'agence de la francophonie, mais disposant d'une large autonomie, le fonds est administré par un gestionnaire placé sous l'autorité d'un comité directeur composé des représentants des 12 Etats bailleurs de fonds (dont quatre Etats africains le Cameroun, la Côte d'Ivoire, le Gabon et le Sénégal).

Le fonds procède par appel d'offres. Les décisions de financement, plafonnées à 200 000 F, ne peuvent excéder 70 % du montant total des projets. Elles sont arrêtées par le comité directeur, après avis des comités d'experts. Le fonds a déjà lancé cinq appels à proposition et accepté de financer 96 projets sur les 650 dossiers examinés. Il dispose d'un budget prévisionnel de 40 millions de francs par an. Les engagements pris par la France au sommet de Moncton pour les exercices 1998 et 1999 s'élèvent à 21,5 millions de francs, mais les versements restent, en pratique, inférieurs d'un tiers à ce montant, en raison des retards pris par certains ministères dans le règlement de leur participation. Il est à souhaiter que la situation de ces décaissements s'améliore rapidement, car les premières évaluations de projets conduites en marge de la conférence de Bamako en février 2000 sont véritablement encourageantes.

III. LA DÉFENSE DE LA FRANCOPHONIE EN FRANCE ET DANS LES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

Dans l'allocution qu'il a prononcée devant le Sénat, le 3 mai 2000, M. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de la francophonie, a rappelé que la langue française serait d'autant plus respectée qu'elle jouirait, en France, d'un statut respectable, et a invité nos concitoyens à faire preuve de " civisme francophone ".

On ne saurait exprimer mieux le caractère indissociable de la défense de la francophonie extérieure et du combat pour la langue française en France, dans la vie quotidienne, dans le monde des affaires, et dans les différents aspects de la culture et de la science.

Or, comme montrent les quelques exemples cités dans l'introduction, beaucoup de nos compatriotes ne donnent malheureusement pas l'impression d'avoir compris le sens de ce combat pour la francophonie.

L'application inégale de la " loi Toubon " donne trop d'exemples d'une certaine indifférence à l'égard de la défense du français et de l'usage de notre langue, d'autant plus grave qu'elle est souvent le fait des " élites " économiques, financières, administratives, scientifiques, voire culturelles.

La défense de la place de notre langue dans les institutions internationales, et particulièrement dans les institutions européennes, requiert aussi une attention vigilante, et des réactions vigoureuses, car le plurilinguisme, et à travers lui, le pluralisme du monde font l'objet d'un travail de sape régulier, jusque dans des domaines où il semblait le mieux et le plus traditionnellement implanté.

La Suisse vient de nous fournir une illustration des menaces qui pèsent aujourd'hui sur le plurilinguisme : le gouvernement cantonal de Zurich a récemment décidé de donner à partir de 2003 la priorité à l'anglais dès l'école primaire aux dépens du français.

Le tollé provoqué par cette décision est, en soi, un élément de réconfort, et prouve la vigueur de l'attachement de nos amis suisses au plurilinguisme de leur pays. Votre rapporteur espère toutefois que la conférence suisse des directeurs cantonaux de l'instruction publique qui doit prochainement étudier cette question ne se ralliera pas aux tenants d'une monoculture dominante.

A. LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA LANGUE FRANÇAISE

La politique en faveur de la langue française doit poursuivre le double objectif d'assurer l'emploi de la langue française en France et de conserver au français son rôle de langue de communication internationale. Sa mise en oeuvre et son suivi sont assurés par la Délégation générale à la langue française.

1. L'extension des missions de la DGLF s'effectue à moyens constants

a) La répartition des attributions entre le service des affaires francophones et la DGLF

En 1989, les administrations chargées de la francophonie et celles de la langue française ont été séparées, tout en restant à la disposition du seul ministre de la culture et de la francophonie. Par la suite, le service des affaires francophones resta à la disposition du ministre chargé de la francophonie, alors que la délégation générale à la langue française, naguère service du Premier ministre, fut mise à la disposition du ministre de la culture en 1995, et bientôt intégrée à ce ministère en 1996.

La répartition de leurs attributions paraît claire puisque :

- le service des affaires francophones est chargé de coordonner la politique étrangère de la France à l'égard de la francophonie multilatérale, avec des enjeux économiques et politiques qui débordent la seule problématique linguistique ;

- la délégation générale à la langue française observe l'ensemble des évolutions juridiques, technologiques et économiques qui peuvent avoir des conséquences défavorables sur l'emploi du français en France et sur son statut de langue internationale. A ce dernier titre, elle est en relations étroites avec les services du ministère des affaires étrangères, et en particulier avec la sous-direction du français de la DGCID, la direction de la coopération européenne et la direction des Nations unies et des organisations internationales .

Cette répartition des attributions garantit-elle que la défense de la langue française et de son statut international est conduite avec toute la vigueur nécessaire par un ministère de la culture qui, inévitablement, a de nombreuses autres priorités ?

b) La langue française n'est plus l'unique souci de la DGLF

Les craintes de votre rapporteur sont renforcées par le projet de transformer très prochainement la DGLF en " Délégation générale à la langue française et aux langues de France " , et d'adjoindre à ses missions actuelles celle de " veiller à la sauvegarde et à la valorisation des langues de France ".

Alors que la défense de la place du français sur notre territoire comme dans les institutions européennes et internationales demande de notre part une vigilance et une vigueur accrues, cette dispersion des objectifs et des énergies lui paraît particulièrement préoccupante.

Enfin, quelque légitime que soit l'attention que l'on doit porter à nos langues régionales, qui appartiennent en effet à notre patrimoine, il ne lui paraît pas opportun de placer leur défense sur le même plan que la défense du français, dont le statut international et le caractère universel ne peuvent qu'en sortir affaiblis.

L'analyse des moyens financiers mis à la disposition de la DGLF semble devoir confirmer ses craintes.

L'analyse des crédits consacrés par la DGLF à ses différentes actions montre une progression très sensible des efforts financiers consacrés aux langues de France et à l'observatoire des pratiques linguistiques : celles-ci sont passées de 1,2 million de francs à 1,6 million de francs, soit une progression de 30 %.

Ce renforcement s'est, selon toute vraisemblance, opéré au détriment des autres missions de la DGLF dont les moyens financiers et en personnel n'ont pas été augmentés .

CRÉDITS D'INTERVENTION DE LA DGLF

(en millions de francs)

1999

2000

2001

LFI

Crédits disponibles

LFI

Crédits disponibles

PLF

Chapitre 43.20 article 80

9,5

8,8

9,6

8,6

9,6

L'effort en faveur des langues régionales est encore plus prononcé si l'on ajoute aux crédits de la DGLF une mesure nouvelle de 2 millions de francs de crédits déconcentrés mis à la disposition des directions régionales d'action culturelle.

Il est légitime de se demander, devant cette conjugaison d'efforts, si la langue française est toujours la priorité de la DGLF.

Votre rapporteur souhaiterait, dans ces conditions, qu'une distinction claire soit opérée à l'avenir entre les moyens qui sont consacrés à la défense de la langue française et les moyens qui sont destinés à la valorisation des langues de France . Cette ventilation permettra de s'assurer que le développement des actions menées en faveur de ces dernières ne se fera pas au détriment des missions traditionnelles de la DGLF en faveur de la défense du français.

Il assortira l'avis qu'il émettra sur l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères d'une recommandation en ce sens.

2. Le bilan de la loi Toubon

Six ans après son entrée en vigueur, la loi du 4 août 1994 est, dans son ensemble bien appliquée, et permet en particulier d'assurer la protection du consommateur dans des conditions satisfaisantes en apparence.

Deux circulaires sont venues rappeler le contenu de ses obligations :

- une circulaire du Premier ministre du 7 octobre 1999 relative aux sites internet des services des établissements publics de l'Etat rappelle que l'usage du français pour la rédaction des pages constitue une obligation légale, et que le recours à des traductions en langues étrangères doit se faire en au moins deux langues autres que le français ;

- deux circulaires signées le 28 septembre 1999 par le ministre de l'équipement, des transports et du logement, et la ministre de la culture concernent les transports et le tourisme. La première rappelle que l'obligation d'emploi du français s'applique sur tout le territoire français aux transporteurs et gestionnaires d'infrastructures de transport qu'ils soient publics ou privés. La second concerne l'emploi du français par les agents du ministère en particulier dans leurs relations avec l'Union européenne.

a) L'information des consommateurs

Les dispositions relatives à la protection du consommateur sont dans l'ensemble bien appliquées, grâce à l'action des services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), de la direction des douanes et des droits indirects (DG-DDI) et à la vigilance des associations agréées de défense et de promotion de la langue française.

L'activité de la DGCCRF s'est accrue, passant de 7 824 interventions en 1998 à 9 573 en 1999, mais la proportion des interventions ayant permis de constater des infractions à la loi a légèrement baissé, ce qui constitue un signe encourageant.

Ces résultats ne doivent en aucun cas être interprétés comme une invitation à relâcher notre vigilance, et votre rapporteur souhaite exprimer ici l'inquiétude que lui inspirent certaines évolutions récentes de la Cour de justice des communautés européennes en matière d'informations du consommateur.

En effet alors que la réglementation française impose explicitement un étiquetage en langue française des produits vendus en France, le droit communautaire et en particulier l'article 14 de la directive 79/112 modifiée par la directive 97/4 n'impose que l'étiquetage " dans une langue facilement comprise par le consommateur ".

Or, saisie d'une question préjudicielle par la Cour d'appel de Lyon, sur la compatibilité de ces dispositions respectives, la Cour de Justice des Communautés européennes, s'appuyant sur une jurisprudence récente, a répondu que les articles 30 du Traité et 14 de la directive 79/112 s'opposent à ce qu'une réglementation nationale impose l'utilisation d'une langue déterminée pour l'étiquetage des denrées alimentaires , sans retenir la possibilité qu'une autre langue facilement comprise par les acheteurs soit utilisée ou que l'information de l'acheteur soit assurée par d'autres mesures. "

Votre rapporteur tient à exprimer ici sa très vive préoccupation, et souhaite qu'une réflexion soit entamée pour éviter que la jurisprudence européenne ne permette de contourner le respect des dispositions de la loi Toubon, et en particulier de son article 2 qui résulte de la volonté expresse de la représentation nationale.

Loi n° 94-665 du 4 août 1994
relative à l'emploi de la langue française

Article 2 " Dans la désignation, l'offre, la présentation, le mode d'emploi ou d'utilisation, la description de l'étendue et des conditions de garanties d'un bien, d'un produit ou d'un service, ainsi que dans les factures et quittances l'emploi de la langue française est obligatoire ".

b) La protection des salariés et les politiques linguistiques des entreprises

La DGLF reconnaît que les informations dont elle dispose en matière de protection des salariés sont très partielles. Il s'agit certainement d'un domaine dans lequel il conviendrait qu'elle renforçât sa vigilance, en développant sa collaboration avec les services de l'inspection du travail, car il apparaît que de plus en plus de grandes sociétés françaises ou ayant un établissement en France font de l'anglais leur langue de travail, dans leurs relations commerciales avec leurs clients ou fournisseurs étrangers, mais aussi dans leur fonctionnement interne au risque de provoquer un certain désarroi des salariés.

c) Les domaines scientifiques et techniques

Les revues et publications publiées par des personnes publiques respectent en règle générale l'obligation consistant à disposer au moins d'un résumé en français des contributions rédigées en langue étrangère. Le respect des exigences minimales prévues par la loi pour les manifestations et colloques internationaux organisés en France par des personnes étrangères, soulève en revanche davantage de difficultés.

3. Le français doit conserver son rang au sein de l'Union européenne

Votre rapporteur tient à insister sur l'absolue nécessité de ne pas se résigner au recul du français dans les institutions européennes : la consolidation de son rôle comme langue officielle et plus encore comme langue de travail de l'Union est en effet la condition impérative du maintien d'une vision pluraliste de l'Europe . Ajoutons que si son usage au sein de l'Union venait à s'estomper, le français perdrait un des fondements importants de son influence dans les autres organisations internationales et sur la scène mondiale.

Or le rapport présenté par la DGLF montre que si le statut et la place du français restent solides dans les réunions formelles et textes officiels de l'Union, son rôle comme langue de travail tend à s'éroder : on déplore en particulier une diminution de son usage comme langue de première rédaction des documents de travail. Les administrations françaises relèvent d'ailleurs que les documents de travail que leur envoient la Commission ou le Conseil sont souvent rédigés en langue anglaise ; et que les documents que les institutions communautaires remettent avant ou pendant les réunions ne sont pas toujours disponibles en français ou le sont plus tardivement que la version anglaise.

Ces retards, qui s'expliquent en partie par une saturation des services de traduction, ont, semble-t-il, commencé de se réduire, grâce à une réorganisation des services et à une augmentation des postes de la division française. Il convient de ne pas relâcher notre vigilance en ce domaine, car des retards trop fréquents dans la parution des documents en français ne pourraient qu'ancrer davantage l'habitude chez leurs utilisateurs de recourir systématiquement à la version anglaise disponible immédiatement.

La perspective d'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale constitue un des enjeux majeurs pour le statut de notre langue. Même si deux de ces Etats, la Roumanie et la Bulgarie, sont membres de la francophonie multilatérale, et si quatre (la Pologne, la Lituanie, la République tchèque et la Slovénie) ont un statut d'observateur, l'élargissement risque de se traduire par un nouveau recul du français.

Le fait que les négociations relatives à l'élargissement se déroulent, pour l'essentiel, en anglais, à l'image des programmes PHARE et TACIS, n'est pas étranger à cette situation. Votre rapporteur souhaite que le gouvernement incite la Commission à rééquilibrer sa politique linguistique , en ce domaine, de façon à éviter que les pays candidats à l'élargissement ne perçoivent l'Europe comme anglophone. Il est inadmissible que des pays de tradition francophone, comme la Roumanie et la Bulgarie, soient contraintes de travailler en anglais avec les services de la Commission.

Une action vigoureuse doit être conduite en ce domaine, et votre rapporteur se félicite de l'initiative prise en liaison avec la Communauté Wallonie-Bruxelles pour mettre en oeuvre un plan d'action pluriannuel en faveur de la langue française axé sur la préparation de l'élargissement qui comporte quatre axes principaux :

1. La formation au français des interprètes des pays candidats à l'adhésion doublée d'une formation des interprètes francophones aux langues de ces pays, conduite par le service commun interprétation-conférences (SCIC) de la Commission, des établissements d'enseignement supérieurs français et belges, et l'agence intergouvernementale de la francophonie ;

2. La formation de traducteurs francophones du service de traduction de la Commission aux langues des pays candidats à l'adhésion et la formation au français de traducteurs de ces pays. Cette formation destinée à garder au français son rôle de langue pivot dans la traduction, est soutenue par la mise en place de bourses dites " Balzac ".

3. Un programme de formation au français des fonctionnaires des pays candidats à l'adhésion, des fonctionnaires des institutions européennes, et des fonctionnaires des autres Etats membres entretenant des relations avec l'Union. Ce programme s'appuie sur des cours spécifiques organisés dans les instituts, centres culturels et alliances françaises du pays de l'Union, et des pays candidats à l'adhésion, et sur l'organisation de réunions de formation à l'École nationale d'administration à Paris.

4. Enfin, pour favoriser l'usage du français comme langue de travail, un logiciel de correction orthographique et un outil d'aide à la rédaction en français seront mis à disposition des collaborateurs de la Commission.

4. La réforme du brevet européen

Créée par la Convention de Munich du 5 octobre 1973, le " brevet européen " n'est pas un instrument de protection communautaire. Contrairement au projet de " brevet communautaire " actuellement en discussion, et qui viendrait se greffer en quelque sorte sur le brevet européen, il relève du droit conventionnel classique entre Etats, et réunit des pays qui ne sont d'ailleurs pas tous membres de l'Union européenne.

La convention de Munich a institué une organisation européenne des brevets, un office européen des brevets, et une procédure unique de délivrance à l'issue de laquelle le brevet européen prend la valeur d'un brevet national dans chacun des pays contractants, et est soumis aux règles nationales de ces derniers.

Ses langues officielles sont l'allemand, l'anglais et le français (article 4) et sont dotées d'un statut privilégié : les demandes de brevet doivent être déposées dans une de ces trois langues, ou, à défaut être accompagnées d'une traduction dans une de ces trois langues, qui devient par la suite la langue de procédure et la langue dans laquelle est publié le fascicule du brevet.

Ces fascicules comportent obligatoirement une traduction des revendications dans les deux autres langues officielles de l'Office européen des brevets (article 14 alinéa 7), sachant que ces revendications constituent le coeur du dispositif de protection, puisque ce sont elles qui déterminent l'étendue de la protection (article 69), la description et les dessins ne servant qu'à interpréter les revendications.

L'organisation européenne des brevets permet :

- au demandeurs ou aux titulaires de brevets français francophones de déposer leur demande en français sans être obligé d'y joindre une traduction ;

- aux entreprises françaises ou francophones de disposer soit de fascicules complets en français pour les brevets délivrés en français, soit de la traduction en français des revendications des brevets délivrés en allemand ou en anglais.

Une disposition de la Convention, l'article 65, ouvre la possibilité pour les Etats de renforcer leurs exigences en matière de traduction . Il les autorise en effet à prescrire que le texte des brevets qui ne sont pas rédigés dans leur langue officielle est réputé sans effet sur leur territoire si une traduction n'est pas produite dans un délai de trois mois. Cette faculté est ouverte aux Etats dont les langues ont le statut de langues officielles de l'Office comme aux autres.

La plupart des Etats ont fait jouer cette clause, et la France également (article L. 614-7 du code de la propriété intellectuelle).

Les demandeurs ou les titulaires de brevet doivent donc aujourd'hui assurer à leurs frais la traduction du fascicule complet de leur brevet dans les langues des pays où ils souhaitent bénéficier d'une protection, que ces langues soient ou non des langues officielles de l'Office européen des brevets.

Une réflexion a été récemment engagée au sein de l'Office européen des brevets pour réduire le coût du brevet européen, qui apparaît sensiblement supérieur au coût des brevets octroyés par les principaux partenaires commerciaux de l'Europe. (Il s'établirait d'après une étude de l'Office à 49 900 F contre 10 330 F pour un brevet américain, et 16 450 F pour un brevet japonais). La recherche d'économie s'est portée sur les coûts de traduction -12 600 F en moyenne- qui ne représentent qu'une partie du coût global du brevet européen.

Diverses solutions ont été avancées. L'accord qui a finalement été proposé à la signature des Etats membres à la réunion de Londres du 16 octobre 2000 consistait dans une renonciation aux exigences de traduction prévues à l'article 65 précité .

Cet accord ne remet pas en question l'exigence de traduction des revendications de brevet européen dans les langues officielles de l'Office, et donc en français pour les brevets délivrés en anglais ou en allemand. Mais sa signature par la France entraînerait une renonciation à l'exigence de traduction de la description et des dessins qui l'accompagnent, et qui constituent un élément important dans la compréhension d'une invention .

En pratique, la grande majorité des brevets actuellement déposée l'est en langue anglaise. Doit-on accepter que demain, l'immense majorité de ces textes puisse assurer à leurs déposants une protection de leur invention sur le territoire national sans que la totalité de leurs dispositions soient traduites en notre langue ?

Cet accord a été signé par l'Allemagne, la Grande-Bretagne, le Liechtenstein, les Pays-Bas, la Norvège, Monaco, et la Suisse. L'Espagne, l'Italie, le Portugal, l'Autriche et la Grèce ont en revanche indiqué clairement leur intention de ne pas signer l'accord.

La France, comme quelques autres pays, a reporté sa décision, qui, en tout état de cause devra être arrêtée la 30 juin 2001.

Votre rapporteur espère que ce délai de réflexion permettra de faire toute la lumière sur les intérêts de notre pays et de la francophonie, que le gouvernement français maintienne une position commune avec les Etats qui ont refusé jusqu'à présent la réforme du brevet européen, et continuent en conséquence de subordonner la portée juridique des brevets sur leur territoire à la production d'une traduction dans leur langue nationale.

5. Le renfort apporté par les " hussards " de la francophonie

La défense de la langue française dispose de relais qui ne sont pas suffisamment pris en compte à leur juste valeur, et qui ont manifesté, cette année, la vigueur de leur engagement en faveur du français.

Le Xe congrès de la fédération internationale des professeurs de français (FIPF) qui s'est tenue à Paris du 17 au 22 juillet 2000 est venue rappeler opportunément la vigueur et l'étendue d'un réseau qui regroupe 130 associations et compte 70 000 adhérents dans plus de 100 pays. La réunion à Paris de 3 300 professeurs de français, et le retentissement qu'elle a obtenu, ont constitué une heureuse incitation pour les pouvoirs publics à mieux prendre en compte le soutien que ces " hussards de la francophonie " répandus à travers le monde peuvent apporter à notre langue.

6. L'année européenne des langues

Le Conseil de l'Europe et l'Union européenne ont fait de l'année 2001 l'année des langues. Cette opération a pour objet de promouvoir le développement du plurilinguisme en Europe , l'apprentissage des langues tout au long de la vie, y compris des langues peu enseignées et des langues minoritaires et régionales. La coordination des initiatives qui seront prises dans ce cadre avec les opérations menées par l'Union européenne est assurée par un comité réunissant 26 experts et représentants des zones géographiques concernées.

Contrairement aux programmes Socrates et Leonardo da Vinci, qui se sont concentrés sur des groupes ciblés spéciaux, l'année européenne des langues s'adresse au grand public. Elle comprendra notamment une campagne d'information à l'échelle communautaire, l'organisation de réunions et de manifestations, et l'attribution de prix. Les actions qui couvrent toute la Communauté pourront être financées en totalité par le budget communautaire. Les actions locales, régionales, nationales ou transnationales pourront être financées par le budget communautaire à concurrence de 50 % du coût total, au maximum.

Une première réunion du groupe de travail des instituts culturels s'est tenue à Strasbourg les 20 et 21 mars 2000 pour préparer les manifestations qui seront organisées en particulier au cours de la " semaine d'apprentissage des langues par les adultes ". Il appartiendra aux pouvoirs publics de veiller à leur donner un véritable contenu, de façon à ce que ces manifestations puissent produire des effets durables.

B. LA PLACE DE L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS DANS LE MONDE

1. L'accueil en France des étudiants étrangers

D'après les chiffres qui lui ont été communiqués par le ministère des affaires étrangères, 129 533 étudiants auraient été inscrits dans les universités françaises en 1999 contre 122 190 en 1998, soit une progression de 6 %.

Les effectifs des étudiants inscrits dans d'autres établissements d'enseignement supérieur français ne sont pas encore connus, mais sont évalués par analogie à 160 000.

Ces chiffres, s'ils se confirment, montrent qu'un renversement de tendance est sans doute en train de prendre forme , et votre rapporteur s'en félicite.

La répartition des effectifs fait apparaît que la moitié des étudiants étrangers sont originaires d'Afrique, dont 28 % des trois pays du Maghreb et 21 % d'Afrique noire.

Les comparaisons que l'on peut opérer dans le temps montrent une diminution du poids relatif de cette origine géographique au bénéfice de l'Europe dont la part est passée de 23,6 % en 1992 à 30 % en 1998, en raison de l'afflux croissant d'étudiants venant des pays de l'Europe centrale et orientale.

2. Les élèves accueillis par les établissements français à l'étranger

Le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger permet d'accueillir outre des enfants français, de nombreux élèves étrangers qui ont vocation à devenir les futurs élites francophones. On estime actuellement à 93 000 le nombre d'élèves étrangers accueillis dans les établissements français, et à 100 000 le nombre des élèves étrangers qui suivent une scolarité partiellement en langue française dans les établissements bilingues francophones, hors des pays francophones proprement dits.

Il est important de faire fructifier ces talents en attirant ensuite les plus prometteurs de ces élèves vers des formations universitaires en France, ou dans des filières universitaires organisées selon le modèle français implantées au sein d'établissements d'enseignement supérieur locaux.

3. Le déclin des bourses doit être enrayé

Votre rapporteur s'était alarmé dans son rapport précédent de l'érosion du nombre des bourses accordées aux étudiants étrangers. Celles-ci sont en effet passées de 24 000 en 1993 à 23 000 en 1998.

Le ministère des affaires étrangères l'assure, mais sans lui donner beaucoup de précisions chiffrées, que cet effectif se serait stabilisé depuis 1997. Votre rapporteur en accepte l'augure mais tient à rappeler :

- que les crédits globaux accordés aux programmes de bourses n'ont cessé de se contracter : ils ont baissé de 17 % en 10 ans et de 6 % sur la seule période 1997-1999 ;

- que le nombre total de mensualités n'a pas cessé de décroître depuis 10 ans, et que la durée moyenne d'une bourse a baissé en dix ans de 37 % et de 6 % sur la seule période 1997-1999.

Il y a là une évolution globale que votre rapporteur juge préoccupante.

L'évolution de la répartition géographique des étudiants bénéficiaires de bourses depuis 10 ans aboutit au constat suivant :

- la part importante prise depuis 10 ans par le nombre de boursiers en provenance de l'Europe de l'Est atteint 15 % en 1999. Cette situation est le résultat de la politique très volontariste de formation des cadres de cette région, à l'économie de marché et à la construction d'un état de droit ;

- une légère croissance de la part de l'Afrique du Nord (de 24,7 % en 1990 à 29,6 % en 1999) ;

- une légère croissance de la part de l'Asie , qui progresse encore depuis 1998 (6,5 % en 1990, 6,9 % en 1998, 7,3 % en 1999) et qui traduit de mieux en mieux la priorité marquée vers cette zone du monde ; la part de l'extrême Orient/Pacifique progresse légèrement depuis 1998 grâce aux efforts réalisés en direction de la Chine (3,8 % en 1998 et 4,6 % en 1999 dont 2,1 % pour la Chine seule contre 1,8 % en 1998) ;

- l'Afrique subsaharienne (tous pays confondus) passe en10 ans de 27,5 % à 25,35 %, ces chiffres exprimant une baisse dans la première période puis une remontée à partir de 1995, qui devient plus sensible en 1998 et 1999 ;

- une décroissance de la part de toutes les autres régions, notamment l'Amérique du Nord et du Sud et l'Europe Occidentale.

a) Le programme Eiffel de bourses d'excellence

Lancé en 1999 dans le cadre d'un projet de restructuration de l'offre de bourses françaises, le programme de bourses d'excellence " Eiffel " se propose de former des décideurs étrangers pour les entreprises et l'administration. Elles sont délivrées au terme d'une procédure particulière, puisque seuls les établissements d'accueil sont habilités à présenter des candidats qui sont ensuite sélectionnés par un comité national représentatif de ces établissements. Le nombre des établissements d'enseignement supérieur présentant des candidatures est passé de 92 en janvier 1999, date de lancement du programme, à 183 au printemps 2000 ; et, sur la même période, le nombre de dossiers reçus est passé de 378 à 1018. Le ministère des affaires étrangères évolue à 2 400 le nombre des candidatures déposées à l'automne et indique que le comité devrait en retenir environ 700.

La répartition géographique des étudiants reflète la volonté de favoriser les pays émergents : 54 % des lauréats sont originaires d'Asie, 22 % d'Europe centrale, 16,5 % d'Amérique latine. Ce programme, qui peut accueillir des étudiants non francophones au départ, leur offre une formation en français avant le début du cours. Les trois quarts des étudiants sélectionnés devraient en bénéficier. La répartition par domaines d'études montre une préférence pour les sciences de l'ingénieur (52 %), suivie par l'économie et la gestion (33 %) et le droit et les sciences politiques (14 %).

Votre rapporteur souhaite que ce programme contribue à enrayer le déclin de la politique des bourses offertes aux étudiants étrangers, et tout en approuvant une politique de sélection ambitieuse des candidats, espère que celle-ci ne servira pas d'alibi à un abandon discret de la politique de bourses menée par l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger.

Il a noté que, seuls 26 des anciens boursiers de l'AEFE ont obtenu une bourse Eiffel en 1999-2000, et souhaite une amélioration de la continuité de leur prise en charge.

b) L'Agence Edufrance

Créée en novembre 1998 pour répondre à une demande solvable en forte croissance, qui s'exprime sur un marché très compétitif, l'agence Edufrance est un groupement d'intérêt public, associant les ministères des affaires étrangères et de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie.

Cette agence regroupe des établissements français d'enseignement supérieur qui souhaitent mettre en valeur leur savoir-faire et leurs compétences dans le cadre de leur politique d'ouverture internationale.

Elle a reçu pour principale mission de renforcer la place de la France sur le marché mondial de la formation en contribuant à la promotion de l'offre française dans ce domaine.

En 1999, Edufrance avait reçu une contribution de 5 millions de francs de chacun de ses ministères de tutelle ; le montant de ces contributions pour 2000 a été porté à 10 millions de francs pour le ministère des affaires étrangères et 7,2 millions de francs en provenance du ministère de l'éducation nationale.

L'Agence a créé 50 espaces dans 15 pays différents, elle s'est dotée d'un site internet en cinq langues et de différents matériels d'exposition. Ces initiatives vont dans le bon sens mais il convient de conserver à l'esprit qu'il ne suffit pas pour assurer la promotion de l'enseignement français d'en décrire les filières et d'en vanter les mérites, mais qu'il faut aussi faciliter les formalités de séjour et d'inscription des étudiants, et s'attacher à proposer également un ensemble complet de services en matière d'hébergement, de loisirs et d'insertion sociale et culturelle.

*

* *

Votre rapporteur vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du ministère des affaires étrangères, sous réserve :

- que le gouvernement s'engage à ce que le développement des nouvelles missions confiées à la délégation générale à la langue française en matière de sauvegarde des langues de France soit assuré par l'octroi d'effectifs et de crédits supplémentaires, et non par une redistribution interne qui se ferait au détriment des actions en faveur de la défense de la langue française ;

- que le gouvernement français s'engage dans les démarches nécessaires pour s'assurer que la réglementation européenne ne remettra pas en cause les dispositions de la loi Toubon, et plus particulièrement son article 2, et qu'ainsi les consommateurs pourront toujours disposer sur notre territoire national d'une information en français pour l'étiquetage des denrées alimentaires, nonobstant une évolution préoccupante de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes en ce domaine ;

- que le gouvernement s'engage à prendre les dispositions nécessaires, le cas échéant par la voie législative, pour assurer la protection des salariés contre le risque d'un recours excessif par certaines sociétés à une langue étrangère dans leur fonctionnement interne ;

- que le gouvernement prenne toutes les dispositions qui s'imposent pour rappeler à la Communauté financière qu'aucune langue ne saurait se substituer au français sur notre territoire en matière financière ;

- que le gouvernement français maintienne une position commune avec les Etats qui ont refusé jusqu'à présent la réforme du brevet européen, et continuent en conséquence de subordonner la portée juridique des brevets sur leur territoire à la production d'une traduction dans leur langue nationale ;

- que le gouvernement français entreprenne auprès de ses partenaires de la francophonie les démarches qui s'imposent pour ne pas laisser perdurer la déception légitime qu'inspire la mauvaise diffusion de TV5 en Amérique, et qu'il indique au Parlement, dans l'hypothèse où la recherche d'une solution multilatérale s'enfoncerait dans une impasse, les options qu'il envisage pour assurer la présence d'un audiovisuel francophone de qualité sur un territoire aussi stratégique que le territoire américain ;

- que le gouvernement français intervienne auprès de la Commission européenne pour que, dans les négociations relatives à l'élargissement de l'Union, le recours au français soit utilisé dans des conditions comparables à celui de l'anglais, et que la représentation française réagisse avec la plus grande fermeté contre des dérives qui tendent à accréditer l'idée que l'anglais aurait vocation à devenir la langue internationale de l'Union européenne.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours d'une réunion tenue dans l'après-midi du 15 novembre 2000 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits pour 2001 de la francophonie .

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. James Bordas a indiqué qu'il partageait entièrement les préoccupations du rapporteur pour avis quant au statut et à la place de la langue française dans les institutions européennes, et regretté que la distribution de documents de travail exclusivement en langue anglaise soit une réalité trop fréquente dans les réunions organisées par le Conseil de l'Europe ou l'Union de l'Europe Occidentale. Déplorant le peu d'écho rencontré par une récente démarche entreprise auprès du Conseil de l'Europe, il a insisté sur la nécessité de persévérer dans le combat pour la défense du français dans les organisations européennes.

Mme Danièle Pourtaud a indiqué que les difficultés rencontrées par TV5 Amérique avaient été au coeur des préoccupations de la quinzième conférence des ministres responsables de TV5 qui s'est tenue récemment en Suisse. Elle a relevé que la France avait annoncé son intention de confier à Satellimages la mission de confectionner un signal pour l'Amérique latine, tout en réservant sa position sur l'avenir de TV5 Etats-Unis.

Elle s'est demandé si le degré de complexité atteint par l'organisation opérationnelle de la chaîne était conciliable avec son expansion mondiale, et a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur les propositions de réforme qui peuvent être envisagées, et sur les moyens qui leur seraient consacrés.

M. Jean-Pierre Fourcade a indiqué qu'il rejoignait les conclusions du rapporteur pour avis sur la nécessité d'être vigilant face aux menaces qui pèsent sur la place du français dans les institutions internationales. Il s'est en revanche montré réservé sur l'opportunité d'intervenir sur les choix linguistiques que font les entreprises dans leur fonctionnement interne, notant que ces choix peuvent tenir à des raisons relatives à leurs partenariats industriels, ou à la perception de leurs marchés, qu'elles sont les mieux à même d'apprécier. Enfin, ayant eu l'occasion de regarder récemment ses programmes, il a émis quelques réserves sur les progrès réalisés par TV5 Europe.

M. Jacques Legendre , rapporteur pour avis, en réponse aux différents intervenants, a souligné :

- qu'il faut se féliciter que les parlementaires fassent preuve de vigilance pour la défense du statut du français dans les institutions européennes, et agissent ainsi en " militants " de la cause francophone ;

- que, sans douter de sa volonté, il convient de " maintenir la pression " sur le gouvernement français dans les négociations qu'il a entreprises sur la diffusion de TV5 Amérique. Il sera ainsi utile de lui demander, à l'occasion de la discussion en séance publique, de préciser les résultats concrets qui ont pu être obtenus ;

- que, si le recours à la langue anglaise dans le fonctionnement interne des entreprises peut être dans certains cas justifié, l'on assiste également à de nombreux abus, auxquels il convient de rendre attentif le gouvernement, et plus particulièrement le ministère du travail : il serait souhaitable que ce dernier dresse un état de la situation.

A l'issue de ce débat, suivant les propositions de son rapporteur pour avis, la commission a décidé, à l'unanimité des commissaires présents, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits pour 2001 de la francophonie.

* 1 " Du global à l'universel, les enjeux de la francophonie " par Yves Tavernier AN n° 2592 (2000).

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