DEUXIÈME PARTIE

LES ENSEIGNEMENTS DES TEMPÊTES
DE DÉCEMBRE 1999

Votre rapporteur s'efforce, chaque année, par-delà l'analyse des orientations générales de la politique de l'environnement et des moyens budgétaires qui lui sont consacrés, de s'attacher à un problème particulier ayant trait à l'environnement, et à la façon dont il est pris en compte par les pouvoirs publics.

Il a choisi, cette année, d'examiner les problèmes posés par les tempêtes de décembre 1999.

L'actualité lui a, en quelque sorte, imposé ce sujet. Par leur violence inouïe, et l'étendue exceptionnelle des dégâts qu'elles ont provoqués, les tempêtes ont constitué un des événements les plus marquants de l'année écoulée. Leur proximité avec le passage à l'an 2000 a sans doute contribué à accentuer la dimension symbolique de l'événement. Par une ironie de l'histoire, alors que les systèmes de veille étaient en alerte pour faire face à un " bug " informatique attendu de longtemps et qui ne s'est pas produit, c'est une catastrophe naturelle que personne n'avait anticipée -pas même Météo France, ou alors bien tardivement- qui a provoqué la paralysie d'une partie du pays par le blocage de ses infrastructures de transport, de communication et d'alimentation électrique.

La survenance d'un accident climatique de cette intensité soulève toute une série de questions auxquelles il n'est pas nécessairement possible d'apporter aujourd'hui une réponse définitive, mais qui méritent cependant d'être posées, de façon à nourrir une réflexion indispensable : qu'il s'agisse du changement climatique, de la pertinence de notre système d'indemnisation, de la vulnérabilité des réseaux complexes de nos sociétés modernes, ou de l'organisation de nos moyens de secours...

Votre rapporteur se propose de présenter ici quelques éléments de réflexion sur ces sujets, pour nourrir un débat qui ne fait sans doute que commencer.

I. LES TEMPÊTES DE DÉCEMBRE 1999 : UN ACCIDENT CLIMATIQUE SANS PRÉCÉDENT, QUI A PRIS DE COURT LE DISPOSITIF DE GESTION DES CRISES ET SOULIGNÉ LA VULNÉRABILITÉ D'UNE SOCIÉTÉ MODERNE

Le caractère exceptionnel des tempêtes de décembre 1999 tient à la fois à l'intensité des phénomènes météorologiques qu'elles ont déclenchés, et au fait que ceux-ci ont touché, en deux vagues successives, la quasi-totalité du territoire national.

Cette seconde caractéristique explique à la fois l'étendue des dégâts que les tempêtes ont provoqués, et les difficultés qu'ont rencontrées les pouvoirs publics et les dispositifs de secours ; ceux-ci n'étaient pas confrontés à un sinistre géographiquement circonscrit, mais à une situation de crise qui touchait, à des degrés divers, la majeure partie du territoire national.

La paralysie et l'isolement dans lesquels se sont retrouvées des parties importantes du territoire invite à une réflexion sur la pertinence de nos systèmes d'alertes, et sur la vulnérabilité de nos sociétés contemporaines. Cette réflexion peut s'appuyer sur des éléments concrets qu'apportent les retours d'expérience issus de cette crise, qui devront être attentivement analysés. Mais elle ne peut esquiver le délicat problème d'une éventuelle récurrence de phénomènes climatiques extrêmes.

A. UN ACCIDENT CLIMATIQUE EXCEPTIONNEL

Les tempêtes de la fin d'année 1999 ont été exceptionnelles par leur intensité et leur étendue. Sur de très larges pans du territoire, des vitesses de vent supérieures à 180 kilomètres à l'heure ont été relevées. Encore ces vitesses ont-elles été dépassées, et parfois très largement, en certaines régions comme l'estuaire de la Gironde, où l'on a relevé des pointes de 215 km/heure.

Des vents d'une telle intensité sont courants sous les tropiques, où les cyclones peuvent atteindre des vitesses encore supérieures. Ils sont inouïs sous nos climats, et les archives météorologiques peinent à trouver des précédents historiques qui permettraient d'établir, en termes statistiques, l'esquisse d'une périodicité. Enoncer que les vitesses de vent constatées sur la majeure partie du territoire correspondent à une durée de retour du phénomène supérieure au siècle revient en effet à dire, à peu de choses près, en langage courant, que ces tempêtes sont, au sens propre, sans précédent connu.

La constatation du caractère exceptionnel de cet accident climatique ne nous fournit donc aucun élément quant à la probabilité de le voir ou non se reproduire dans un avenir prévisible.

De ce que ces tempêtes sont exceptionnelles au regard du passé, pouvons-nous déduire qu'elles le resteront à l'égard de l'avenir, ou faut-il au contraire les considérer comme les signes avant-coureurs du réchauffement climatique que l'on nous prédit ?

Il ne semble pas que l'on dispose à ce jour de certitude scientifiquement établie.

L'augmentation de la fréquence des tempêtes que l'on a pu constater au cours des trente dernières années, et dont les perturbations de la fin du mois d'octobre dernier sont venues nous apporter une nouvelle confirmation, ne constitue pas en elle-même un indice suffisant. Les comparaisons historiques permettent en effet de relativiser la portée de ce phénomène, en montrant que " l'activité tempétueuse " est revenue à un niveau comparable à celui que l'on avait enregistré à la fin du siècle dernier.

En l'absence de certitude scientifique rigoureusement établie, les jugements des spécialistes les plus autorisés de Météo France et du CNRS restent d'une grande prudence, nuancée, il est vrai, d'une certaine ambivalence. D'après eux, il n'est pas démontré que les événements météorologiques récents soient le signe d'un changement climatique, mais, ajoutent-ils, quand le changement climatique sera pleinement perceptible, il est très vraisemblable qu'il puisse s'accompagner d'une augmentation des événements extrêmes.

Dans ces conditions, et même s'il n'est pas scientifiquement prouvé que les tempêtes exceptionnelles de décembre 1999 aient un lien avec le changement climatique, votre rapporteur estime que la simple possibilité d'une augmentation des événements extrêmes invite, au nom du principe de précaution, à réexaminer nos systèmes d'alerte et de secours, et à réfléchir aux vulnérabilités de notre organisation qui ont été mises en relief.

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