B. LA NÉCESSITÉ DE RELANCER LE CYCLE DE NÉGOCIATION NE DOIT PAS CONDUIRE À REMETTRE EN CAUSE LA POSITION EUROPÉENNE EN FAVEUR D'UN CYCLE GLOBAL

Depuis le début de l'année, conformément aux accords de Marrakech, des négociations se sont poursuivies, en dépit de l'échec du Sommet de Seattle, sur l'agriculture et les services.

Ainsi, dans le domaine agricole, le comité de l'agriculture de l'OMC a été constitué pour poursuivre les négociations. Une première réunion s'est tenue en mars dernier, d'autres se tiendront d'ici la fin de l'année et en 2001.

Ces négociations ne peuvent que susciter des inquiétudes. Certains craignent que les progrès des travaux sur les services ne conduisent l'Union à accepter sur l'agriculture un compromis défavorable.

Il est vrai que l'Union a largement libéralisé son secteur des services et a donc intérêt à obtenir la réciprocité, sous la condition expresse du maintien des services culturels et des services publics en dehors du champ de la libéralisation. A Seattle, le groupe de négociation sur les services avait enregistré des progrès intéressants pour les entreprises françaises, alors que les positions européennes sur l'agriculture avaient été vivement attaquées par le groupe de Cairns.

Dans le domaine des services, les négociations en cours portent sur le réexamen des accords. Là encore, les négociations suscitent également des inquiétudes en raison des pressions exercées pour élargir le champ de l'ouverture à des dossiers comme la santé, l'éducation ou l'audiovisuel.

Si l'Union européenne a participé à ces négociations, elle n'en est pas moins restée ferme sur le lancement d'un cycle global. Lors de la réunion du Conseil de Porto, les 17 et 18 mars, les Etats membres de l'Union européenne ont, en effet, confirmé le mandat donné à la Commission le 26 octobre 1999.

L'Union européenne a ainsi réaffirmé sa position en faveur d'un cycle de négociation large, incluant les nouveaux sujets tels les normes sociales et l'environnement, conformément au mandat donné par les Quinze à la Commission européenne.

En particulier, l'Union est décidée à conserver l'agenda 2000 comme base de la négociation agricole. Elle défendra également sa conception d'une agriculture multifonctionnelle.

L'Union européenne, comme l'a rappelé M. Lamy, commissaire européen chargé du commerce international, entendu par votre commission le 18 octobre dernier, considère que les négociations entamées cette année sont essentiellement du travail préparatoire et méthodologique. Il s'agit de recenser les positions des uns et des autres, d'établir des bilans et de restaurer la confiance entre les membres de l'OMC après le traumatisme subi lors de la conférence de Seattle.

Les discussions exploratoires qui se poursuivent actuellement entre les partenaires de l'OMC sur une base informelle ne permettent pas, aujourd'hui, d'augurer un lancement prochain du cycle. Les positions demeurent éloignées sur les thèmes contentieux de Seattle   l'agriculture, le textile, l'anti-dumping, l'environnement, et le social. Du côté des Etats-Unis, le débat sur la Chine a mobilisé l'administration et le Congrès. Les possibilités d'une initiative sous la présidence Clinton sont réduites.

Les pays en développement restent réservés quant à l'inclusion des nouveaux sujets. Leur hostilité à l'égard du volet social ne se dément pas. Sur cette base, les possibilités de lancer un cycle dans les semaines prochaines restent théoriques.

Les partenaires ont cependant souhaité rapidement " cicatriser " le traumatisme de Seattle. Sous l'impulsion du commissaire Lamy, l'Union européenne a poursuivi son rôle d'intercesseur entre les pays industrialisés et les pays en développement avec l'objectif de réduire les fractures de Seattle et de " restaurer la confiance ". L'Union européenne a entrepris d'élaborer un " mini-paquet " en quatre points susceptible de répondre aux préoccupations exprimées par les membres dans le cadre de la conférence de Seattle.

L'accès aux marchés des pays les moins avancés (PMA)

Donnant suite aux recommandations de la Conférence Ministérielle de Singapour de décembre 1996, le Conseil et la Commission de l'Union européenne ont convenu d'engager un processus qui " d'ici à 2005 assurera l'accès en franchise de droits pour essentiellement tous les produits en provenance des PMA en se fondant sur les dispositions commerciales de la Convention de Lomé ". En vertu de cette décision, un nouveau Règlement a, en 1998, accordé aux PMA non-membres de la Convention de Lomé l'essentiel des avantages dont disposent les pays ACP. Un accès en franchise de droits et de quotas serait ainsi accordé pour tous les produits industriels, y compris les textiles, et de la pêche en provenance des PMA.

La mise en oeuvre des accords de l'OMC.

La préparation de Seattle a donné lieu à une identification par les pays en développement des difficultés de mise en oeuvre rencontrées. Certains accords contestés sont relatifs à l'équilibre des négociations de Marrakech. C'est le cas de l'agriculture et du textile. S'agissant spécifiquement des questions d'application du traité, les accords suivants ont été particulièrement mentionnés : les normes sanitaires et phytosanitaires, l'accord sur les obstacles au Commerce, l'accord sur les mesures relatives à l'investissement liées au commerce, la propriété intellectuelle, l'évaluation en douane.

Se démarquant de l'attitude contentieuse des Etats-Unis, l'Union européenne a su utiliser le cadre du " mini-paquet " pour adopter une attitude positive en faveur d'un bilan des accords de Marrakech. Un travail d'identification précis des difficultés a été entrepris. Le Conseil Général de l'OMC a pris la décision de faire examiner ces difficultés dans chacun des comités concernés. La démarche a consisté à adopter une approche plus coopérative visant à répondre aux besoins précis, plutôt qu'à s'engager dans une révision des accords et à un nouvel aménagement des périodes de transition. Il incombe désormais aux pays en développement de présenter des demandes précises.

L'assistance technique

Le renforcement de l'assistance technique est nécessaire à une mise en oeuvre effective des accords de l'OMC par l'ensemble des pays en développement. L'assistance technique constitue l'un des thèmes majeurs des discussions en cours au Conseil Général de l'OMC sur la mise en oeuvre des accords de l'OMC, notamment sur les thèmes suivants : normes sanitaires et phytosanitaires, obstacles techniques au commerce, évaluation en douane et propriété intellectuelle.

Dès l'origine, la France a soutenu la mise en oeuvre du " cadre intégré " en faveur des PMA qui associe les six organisations internationales les plus compétentes en matière d'assistance technique liée au commerce. Il est nécessaire de revitaliser ce cadre et de faire naître, entre les organisations concernées et dans le cadre des missions de chacune, une véritable convergence des efforts. A cet égard, il faut saluer la volonté manifestée par les cinq organisations concernées (OMC, Banque Mondiale, CNUCED, PNUD, CCI6 ( * )) de renforcer la cohérence de leurs actions au service des pays les moins avancés dans le " cadre intégré ", à la suite de l'audit réalisé à la demande de l'OMC : les actions d'assistance technique menées devraient désormais s'inscrire dans une stratégie cohérente de développement ; des stratégies nationales de développement doivent être déclinées en programmes définis par les PMA eux-mêmes en fonction de leurs besoins ; le cadre intégré devrait être adossé à un " Trust Fund ", alimenté par les contributions volontaires de l'ensemble des donateurs, y compris des organisations multilatérales. L'inclusion d'autres organisations dans le cadre intégré est envisagée.

Le fonctionnement de l'OMC

La conférence de Seattle a ouvert le dossier du fonctionnement de l'OMC, notamment sous l'angle de la transparence interne et externe. L'Union européenne, avec d'autres membres, a présenté une contribution spécifique distinguant des mesures à court terme de propositions de plus long terme. Le Directeur Général de l'OMC, M. Moore, a enregistré ces propositions. Il a indiqué son intention, au mois de mars dernier, de présenter un document de synthèse. Ce volet du " mini-paquet " est celui qui, à ce stade, a été le moins développé à Genève.

L'Union européenne a, par ailleurs, joué un rôle actif dans le processus d'accession de la Chine à l'OMC. Le 19 mai dernier, l'Union a en effet conclu un accord bilatéral avec la Chine en vue de son adhésion suivi quelques mois plus tard d'un accord bilatéral entre les USA et la Chine, que le Sénat américain vient de ratifier.

La fermeté de la position européenne et les évolutions constatées depuis l'échec du Sommet de Seattle sont-ils de nature à faire taire toutes les inquiétudes et, en particulier, celle qui concernent l'agriculture ? Votre rapporteur ne le pense pas.

La réaffirmation du mandat confié le 26 octobre dernier à la Commission était indispensable pour assurer la cohérence de sa position. Ce mandat comportait néanmoins des ambiguïtés. Il précise notamment que " la position de l'Union sera basée sur l'ensemble des mesures de l'Agenda 2000 ".

Que signifie l'expression " basée sur " ? S'agit-il d'un point de départ à partir duquel d'autres concessions pourront être faites ou bien d'une limite à ce que la Communauté pourrait consentir ? Cette question est importante dans la mesure où les diminutions des volumes de restitutions commencent d'ores et déjà à peser sur les exportateurs européens. Pour les Etats membres, la réforme de la politique agricole commune (PAC) consacrée à Berlin dans l'accord sur l'Agenda 2000 de mars 1999 constitue bien la limite des concessions qui pourraient être faites. La réforme de la politique agricole commune a précédé la négociation multilatérale afin justement de constituer un point d'appui pour la négociation de l'OMC.

La politique agricole commune réformée doit donc être la base de la négociation. Les décisions prises à Berlin dans le domaine de l'accès au marché et de la diminution des restitutions offrent une marge de manoeuvre suffisante.

La remise en cause par la commission européenne des accords de Berlin en matière de soutien aux producteurs européens de sucre apparaît de ce point de vue un signe inquiétant non seulement pour ce secteur, mais aussi pour l'ensemble des professionnels de l'agriculture.

Votre rapporteur pour avis souligne par ailleurs que le texte de la commission affirme le principe selon lequel toutes les formes de soutien doivent être traitées sur un pied d'égalité, ce qui vise certaines modalités particulières mises en oeuvre par les Etats-Unis. Il s'agit, en effet, de faire valoir le fait que chaque agriculteur américain reçoit en moyenne 7.700 dollars par an alors que l'agriculteur européen ne perçoit que 2.900 euros de soutien annuel.

* 6 Centre du Commerce International, organisme conjoint à l'OMC et à la CNUCED, situé à Genève.

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