CHAPITRE II -

LA POSTE

A. DES ÉVOLUTIONS ENCOURAGEANTES MALGRÉ DES HANDICAPS PERSISTANTS

1. Des résultats qui poursuivent leur redressement

S'ils ne sont pas mirifiques, les résultats du groupe La Poste ont toutefois continué, en 1999, de se redresser : le chiffre d'affaires a franchi la barre des 100 milliards de francs et le résultat net, positif pour la troisième année consécutive, a atteint 1,8 milliard de francs .

L'activité est décomposée de la façon suivante :

CHIFFRE D'AFFAIRES DU GROUPE LA POSTE

1999

Variation

en millions de francs

%

Produits du courrier

64.063

+ 4,17 %

Produits du colis

12.888

+ 31,58 %

Produits des clientèles financières

22.905

+ 6,45 %

Autres prestations de service

606

+ 6,32 %

Chiffre d'affaires total

100.462

+ 7,58 %

Le courrier représente encore en 1999 les deux tiers du chiffre d'affaires de La Poste.

a) Le courrier : une activité concentrée, en croissance de 4,17 %

Une activité en croissance, " tirée " par l'international et la prospection commerciale

Avec 25,2 milliards d'objets distribués -soit 60 millions de plis adressés chaque jour- et 64,1 milliards de francs de chiffre d'affaires , l'activité courrier a connu en 1999 une croissance de 4,17 %.

Les principaux moteurs de cette activité sont le courrier international (+ 8 %), la publicité adressée (+ 5 %) et le courrier " industriel " (+ 11 %), courrier de gestion fabriqué par de grands clients (relevés de banque par exemple).

Une activité concentrée

Les entreprises émettent 90 % du courrier. Avec 30,8 milliards de francs de chiffre d'affaires, les grands comptes représentent à aux seuls près de la moitié du chiffre d'affaires .

Cette concentration du courrier sur quelques partenaires commerciaux, les cinq premiers clients assurant près de 10 % du chiffre d'affaires, rend La Poste particulièrement vulnérable à la concurrence.

b) Le colis : une activité concurrentielle

Sur le marché du colis totalement ouvert à la concurrence, le chiffre d'affaires du groupe s'est élevé en 1999 à 12,89 milliards de francs , en hausse de 31,6 % par rapport à 1998, après intégration des nouvelles acquisitions (DPD, Publi-Trans, Eurodispatch).

Ce chiffre d'affaires ne correspond ainsi qu'à une part de marché européenne de 7,5 % sur le marché des colis. Ce marché est le premier terrain d'affrontement des postes européennes et des intégrateurs privés, il représente un total de 67 milliards de francs et croît de 10 % par an. La Poste s'est fixée l'objectif de 10 % de part de marché du colis des particuliers et des entreprises en Europe en 2002.

La récente acquisition de Parceline et d'Interlink Express, annoncée courant novembre, pour un montant estimé à 327 millions d'euros, rapproche La Poste de cet objectif et lui permettra d'être présente sur le marché britannique, dont elle était jusqu'à présent absente. Mais ses prises de position sur ces marchés en croissance restent inférieures à celles de ses principales concurrentes.

Les colis et la logistique ne représentent, en outre, en 1999, que 13 % du chiffre d'affaires total de La Poste. La vente à distance domestique constitue encore 53 % du trafic et 22 % du chiffre d'affaires de ce segment.

c) Les services financiers : une croissance de 6,5 %

A 1.159 milliards de francs, les encours de La Poste ont connu en 1999 la plus forte croissance (+ 7,2 %) de ces dix dernières années. La Poste est ainsi le troisième réseau financier français , avec 28 millions de clients et 45 millions de comptes gérés.

Le chiffre d'affaires consolidé des clientèles financières du groupe La Poste a augmenté de 6,5 % et est passé de 21,5 milliards de francs en 1998 à 22,9 milliards de francs en 1999 .

Il se répartit de la façon suivante :

CHIFFRE D'AFFAIRES DES SERVICES FINANCIERS EN 1999

1999

Variation

en millions de francs

%

Produits des clientèles financières

22 905

+ 6,5 %

Rémunération des Livrets A et B

4 936

- 1,1 %

Produits d'épargne boursière

1 114

+ 25,0 %

Produits d'assurance

1 962

+ 21,4 %

Rémunération des autres épargnes

3 032

+ 17,3 %

Sous-total épargne

10 504

+ 10,2 %

Rémunération des fonds CCP au Trésor

8 330

+ 5,2 %

Autres produits (1)

4 070

+ 0,1 %

(1) Dont mandats, commissions sur opérations et autres.

d) Un redressement financier qui devrait toutefois marquer une pause en 2000

Le résultat net consolidé, part du Groupe, s'est élevé en 1999 à 1.860 millions de francs , contre 337 millions de francs en 1998, et seulement 59 millions de francs en 1997. Faut-il rappeler qu'en 1995, La Poste perdait 1,1 milliard francs ? Ce redressement mérite d'être salué, même s'il intervient dans un contexte économique global particulièrement porteur qui en est, en grande partie, responsable.

Mais votre commission redoute que la croissance des résultats pour l'année 2000 ne soit pas aussi vive. En effet, plusieurs éléments devraient peser sur le compte de résultat : la réduction du temps de travail à 35 heures ; la hausse de certains postes de charges (coût du transport) ou encore la baisse prévisible du courrier de quelques grands comptes.

2. Un accord dans la messagerie qui s'avérait indispensable

Le marché du transport et de la logistique est aujourd'hui un marché en pleine mutation, marqué par une intégration rapide de l'express européen et une rationalisation de l'offre (sophistication des prestations et pression sur les prix) . Ceci se traduit notamment par une concentration sans précédent des opérateurs du secteur, avec la constitution de groupes trans-européens de taille mondiale.

Sur les quatre principaux marchés européens (Allemagne, Grande-Bretagne, France et Bénélux), représentant 71 % du marché européen du colis, un nombre réduit d'acteurs contrôle aujourd'hui une part croissante des flux , en se positionnant sur l'ensemble de la chaîne de valeur . Cette concentration, qui répond à l'évolution de la demande et à la nécessité de contrôler la valeur ajoutée dans la chaîne logistique, part du transport et de la logistique de distribution et remonte jusqu'au transport et à la logistique de production.

Deutsche Post (DPAG), TNT Post Group (TPG), The Post Office, Hays (Grande-Bretagne) et ABX (Belgique) ont procédé à de nombreuses acquisitions significatives sur ces marchés, dans cette perspective d'intégration progressive de la chaîne de transport et logistique.

C'est la nécessité de développer ses activités hors des frontières françaises dans le domaine du colis et de la logistique, qui a, plus récemment, conduit La Poste à rechercher une alliance avec un intégrateur à dimension mondiale.

La Poste a conclu en septembre dernier cet accord, que votre commission considérait, de longue date, comme indispensable à son avenir.

Une alliance strictement commerciale , qui ne comporte donc pas d'échange de capital, avec l'américain FedEx, permettra à La Poste de renforcer ses positions sur les marchés européen et international du colis et de la logistique.

Plus précisément, l'accord a été conclu entre le holding " Colis et Logistique " du groupe La Poste et la filiale FedEx Express parmi les leaders mondiaux 6 ( * ) du transport express.

Il entrera en vigueur le 1 er janvier 2001 et permettra aux clients de Chronopost International d'accéder au réseau mondial de FedEx, et à ceux de FedEx de bénéficier, sur divers marchés clés en Europe, des infrastructures au sol des filiales du holding Colis et Logistique du groupe La Poste.

L'accord comprend l'accès au réseau mondial de FedEx au départ de France, d'Allemagne, du Royaume-Uni, de Belgique, des Pays-Bas, d'Italie, d'Espagne, du Portugal, d'Irlande, d'Autriche, de Suisse, de Suède, du Danemark et de Norvège. Chacune des deux entreprises continuera d'assurer la collecte et la livraison de ses clients respectifs.

Cet accord opérationnel ouvre surtout à l'entreprise française le réseau mondial de FedEx, très présent en Amérique et en Asie .

FedEx dispose à Roissy d'une plate-forme de correspondance qui assure environ 270 vols hebdomadaires vers l'étranger et est capable de traiter jusqu'à 600 tonnes de paquets et documents par jour. Avec un chiffre d'affaires de 15 milliards de francs en 1999-2000, l'américain dessert 210 pays et 365 aéroports, grâce à sa flotte de 663 avions. FedEx transporte chaque jour 3.710 tonnes de colis.

On ne peut que se féliciter de la conclusion de cet accord qui prélude, il faut l'espérer, à un rattrapage de La Poste vis-à-vis de ses concurrentes européennes déjà bien placées sur ces marchés en croissance.

Parallèlement, un rapprochement de La Poste et de la SNCF pour les activités de logistique, express, colis et messagerie est toujours envisagé. Au sein du groupe La Poste, la structure Coélo a d'ailleurs été rebaptisée " Géopost ", en vue de la conclusion de cette alliance.

Le projet vise à rapprocher des offres considérées comme fortement complémentaires, la SNCF, via Geodis (et par extension la SERNAM) étant implantée dans la messagerie et La Poste dans l'express et la logistique. Le nouvel ensemble pourrait avoir les contours suivants :

pôle messagerie : Calberson messagerie (SNCF) ; Géodis Europe (SNCF) ; Sernam (SNCF) ;

pôle express/colis : Chronopost (La Poste) ; TAT Express (La Poste) ; DPD (la Poste) ;

pôle logistique : La Poste logistique et Géodis logistique.

3. Des handicaps qui persistent

a) La lente amélioration des délais d'acheminement postaux

La qualité et la fiabilité du service sont des éléments déterminants pour les clients " vitaux " de La Poste -on pense notamment aux entreprises- et des exigences légitimes de la part des usagers du service public.

Aussi, le contrat " d'objectifs et de progrès " a-t-il fixé des objectifs de qualité de service que La Poste doit atteindre au plus tard en 2001.

Pour le courrier, des sondages -réalisés notamment par la SOFRES- font apparaître une amélioration des délais d'acheminement, sauf pour l'écopli et le Postimpact,  mais globalement les objectifs de qualité du service sont loin d'être atteints , comme le montre le tableau ci-joint :

QUALITÉ DE L'ACHEMINEMENT POSTAL

Au niveau national

Source

1997

1998

1999

Objectif 2001

Lettre J+1

SOFRES

77,2 %

76,4 %

80,5 %

84 %

Lettre au-delà de J+2

SOFRES

6,4 %

6,3 %

5,3 %

< 2 %

Ecopli J+2 intradépartemental

DELACH

88 %

87,8 %

85,6 %

90 %

Ecopli J+4 Tous flux confondus

DELACH

93,3 %

93,2 %

92,2 %

97 %

Publicité adressée Postimpact à J+7

DELACH

95,1 %

95,1 %

94,2 %

97 %

Délais intermédiaires à l'Export (J+1)

SYCI

91,7 %

89,8 %

90,2 %

97 %

Délais intermédiaires à l'Import (J+1)

SOFRES

79,3 %

80,2 %

79,1 %

90 %

Même si la qualité de l'acheminement du courrier en Europe est très inégale, une comparaison européenne 7 ( * ) (qui porte sur l'année 1998) montre le très net différentiel de qualité de service de La Poste par rapport à ses concurrents européens majeurs pour les lettres à J+1 :

Votre rapporteur pour avis tient néanmoins à souligner les contraintes particulières de la distribution du courrier en France, compte tenu de la spécificité de notre géographie.

b) Une productivité encore insuffisante

Comme l'indique le Directeur général de La Poste en introduction du dernier rapport annuel du groupe : " Notre rentabilité -qui peut être mesurée par le rapport excédent brut d'exploitation sur chiffre d'affaires- progresse fortement et atteint 8 %, alors que l'objectif du contrat de plan est 6 %. (...) Mais il faut rester modeste et souligner l'écart qui persiste avec nos grands concurrents et partenaires européens : la poste hollandaise affiche une rentabilité de 17 %, l'Allemagne de 9 % " .

Tout est dit.

c) Le poids du passage aux 35 heures

L'application des 35 heures à La Poste se réalise sur la base d'un accord-cadre signé le 17 février 1999, suivi de négociations et de réorganisations locales.

Au 31 juillet 2000, 8.366 sites étaient passés aux 35 heures, soit l'équivalent de 154.316 personnes, pour 5.514 accords signés.

Mais ce changement, effectué sans aide publique , a eu plusieurs conséquences :

- il a ravivé la conflictualité au sein de l'entreprise : la conflictualité, en baisse en 1996, 1997 et 1998, a sensiblement cru à compter de la signature de l'accord-cadre. Cette hausse est manifeste à partir du dernier trimestre de 1999.

La décomposition des conflits (locaux ou nationaux) montre une montée en puissance des conflits locaux liés à la réduction du temps de travail, conflits devenus majoritaires en nombre de jours à compter de 1999.

Ces arrêts de travail ont affecté plus particulièrement les services de la distribution, les centre de tri et les bureaux de poste.

Ces tensions se sont poursuivies durant le 1 er semestre 2000, surtout au premier trimestre. Sur les premiers mois de l'année, 67.603 journées ont ainsi été perdues au seul niveau local.

Sur les 99.920 jours totaux de grève du 1 er semestre, 80 % restent liés à la réduction du temps de travail et aux réorganisations qu'elle implique.

- la réduction du temps de travail a parfois conduit à un rétrécissement global des plages horaires d'ouverture au public

Cette évolution qu'ont pu parfois constater, à regret, nombre d'élus et d'usagers, est regrettable car contraire tant aux besoins de la société qu'au principe d'accessibilité du service public ;

Les résultats des récentes élections professionnelles à La Poste, tenues il y a quelques jours, montrent d'ailleurs une progression des syndicats les plus contestataires.

- la réduction du temps de travail a sans doute bridé la croissance de l'activité

Le différentiel entre croissance réelle et croissance potentielle induit par le passage aux 35 heures sans aide de l'Etat n'est pas aisément mesurable , mais le principe de son existence est peu contesté. Le dernier rapport annuel de la Commission supérieure du service publique des postes et télécommunications 8 ( * ) soulignait ainsi ses interrogations, partagées par nombre d'experts, y compris internationaux, sur l'impact en termes de croissance de la réduction du temps de travail. Ce rapport indique pudiquement que : " Prenant en compte le caractère confidentiel des estimations de l'impact sur les résultats financiers et l'activité de l'entreprise, la CSSPPT insiste cependant pour que la mesure en soit faite dans sa globalité " .

Il est peu probable que cet appel soit clairement entendu par la tutelle de l'opérateur. Votre commission rappelle que certaines estimations officieuses chiffraient entre 1 et 2 milliards de francs le coût global supporté par La Poste au titre de la réduction du temps de travail. Ce point mériterait d'être éclairci ;

- enfin, la réduction du temps de travail n'a pas entraîné de hausse du niveau global de l'emploi à La Poste, comme l'ont indiqué le directeur général et le président de La Poste devant votre commission dès leur audition fin 1999. L'accord prévoit toutefois de compenser les départs naturels par des recrutements.

d) L'hypothèque des charges de retraites

Alors que la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a définitivement réglé la question de la charge des retraites des agents de France Télécom, l'article 8 du contrat de plan de La Poste ne prévoit qu'une solution transitoire qui laisse entière la question du règlement définitif de ce problème.

Malgré la stabilisation à laquelle s'est engagé, jusqu'en 2001, le Gouvernement, la charge contributive de La Poste au titre du financement des pensions des retraités reste très supérieure à celle de ses concurrents.

Compte tenu de la démographie des agents, la charge globale des retraites ne fera d'ailleurs que s'accroître dans les années à venir : l'âge moyen des personnels étant de 43,9 ans en 1999, le nombre de retraités devrait passer de 164.000 en 2000 à 245.000 en 2015 (+49 %), et le montant des prestations de retraite de 14,7 milliards de francs en 2000 à 22,2 milliards de francs en 2015.

* 6 Leader en termes de tonnes de fret.

* 7 Extraite du bilan d'exécution du contrat de Plan en 1999.

* 8 Page 23.

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