B. UN DISPOSITIF COÛTEUX DE LUTTE CONTRE LE CHÔMAGE : LES ADULTES-RELAIS

Le projet de budget pour 2001 prévoit une dotation de 300 millions de francs pour abonder la création d'emplois adultes-relais annoncés par le Premier ministre lors du CIV du 14 décembre 1999.

Ce dispositif a été commenté dans la circulaire DIV/DPT-IED/2000/231 du 26 avril 2000 relative à la mise en oeuvre du dispositif des adultes-relais dans le cadre de la politique de la ville.

Votre commission est perplexe sur le coût et l'efficacité de la création massive dans les quartiers difficiles de nouveaux emplois parapublics non marchands, sans garantie d'insertion.

1. Un dispositif d'accès à l'emploi non marchand proche à bien des égards de celui des emplois-jeunes

Le dispositif des adultes-relais fait apparaître des points de convergence avec les emplois-jeunes.

La première analogie avec les emplois-jeunes, c'est le souci de répondre à des besoins qui ne sont pas aujourd'hui satisfaits par le secteur marchand . L'objectif général est d'améliorer les rapports sociaux, c'est-à-dire, " d'informer et d'accompagner les habitants dans leurs démarches ", de " contribuer à améliorer ou de préserver le cadre de vie ", de " prévenir et d'aider à la résolution des petits conflits de la vie quotidienne ".

Votre rapporteur ne peut néanmoins que constater le caractère vague et peu contraignant des missions ainsi imparties aux adultes-relais .

La circulaire met en avant les missions suivantes :

•  Accueillir, écouter, exercer toute activité qui concourt au lien social dans une association ou un équipement de proximité ;

•  Informer et accompagner les habitants dans leurs démarches, faciliter le dialogue entre services publics et usagers, et notamment établir des liens entre les parents et les services qui accueillent leurs enfants ;

•  Contribuer à améliorer ou à préserver le cadre de vie ;

•  Prévenir et aider à la résolution des petits conflits de la vie quotidienne par la médiation et le dialogue ;

•  Faciliter le dialogue entre les générations, accompagner et renforcer la fonction parentale par le soutien aux initiatives prises envers ou par les parents ;

•  Contribuer à renforcer la vie associative de proximité et développer la capacité d'initiative et de projet dans le quartier et la ville.

Les modalités de financement sont équivalentes à celles retenues pour les emplois-jeunes : il s'agit d'accorder, pour chaque recrutement, une aide de l'Etat égale à 95.010 francs, soit 80 % du SMIC pour un emploi à plein temps.

La procédure de création des postes d'adulte-relais est la même que pour les emplois-jeunes : les associations ou les organismes chargés d'un service public présentent des projets de créations de postes qui doivent être validés par les services de l'Etat ; une subvention est versée dès que l'organisme a procédé à un recrutement.

Le choix des projets est arrêté au niveau départemental. C'est à l'échelon local, du quartier et de la ville, que les actions de mobilisation et de détection des besoins doivent être menées en concertation avec les habitants et dans un souci de cohérence et de clarté à l'égard, notamment, des travailleurs sociaux (assistants sociaux, éducateurs, etc.) qui seront informés et associés au projet.

L'instruction du dossier est faite sur demande du préfet de département par les services déconcentrés. Il recueille l'avis des collectivités locales et des autres partenaires financiers impliqués dans le projet. Une convention est signée entre l'organisme employeur et l'Etat représenté par le préfet du département. Elle est conclue pour une durée de 36 mois à compter de sa date d'effet.

Les adultes-relais présentent néanmoins des différences avec les emplois-jeunes.

Tout d'abord, il ne s'agit pas d'emplois pour les jeunes, mais d'emplois pour les adultes , c'est-à-dire pour des personnes de plus de 30 ans.

Ils doivent résider dans un territoire prioritaire de la politique de la ville ou " dans un territoire bénéficiant d'un programme de prévention " . Le dispositif est en fait très large et n'est pas ciblé sur les zones franches urbaines ou les zones urbaines sensibles. Les personnes recrutées doivent être sans emploi, la circulaire précisant que " cette condition doit être appréciée avec souplesse " car il s'agit seulement de s'assurer que la personne est réellement disponible pour assurer la fonction. Aucune qualification n'est exigée.

La durée est différente de celle des emplois-jeunes. Le contrat d'adultes-relais n'est pas un contrat de cinq ans mais un contrat à durée déterminée de trois ans renouvelable .

Enfin, les collectivités locales ne peuvent pas créer elles-mêmes des postes d'adultes-relais .

Il reste que les collectivités locales seront très sollicitées pour compléter le solde de 20 % du SMIC qui restera à la charge de l'employeur.

Les adultes-relais seront recrutés par :

- les associations ayant une activité dans les quartiers et les équipements de proximité,

- les organismes de droit privé à but non lucratif,

- les groupements d'employeurs et des personnes morales de droit privé chargées de la gestion d'un service public.

2. Un dispositif lourd et coûteux

Il est à souligner que le Gouvernement souhaite embaucher 10.000 adultes-relais sur trois ans, ce qui représentera au total une dépense de 2,8 milliards de francs sur trois ans. D'ores et déjà, pour 2001, 300 millions de francs sont inscrits en dépenses d'intervention, ce qui correspondrait à l'embauche d'environ 3.000 adultes-relais.

Présentée comme une mesure de renforcement du lien social, le programme adulte-relais est en fait une mesure de lutte contre le chômage par la création d'emplois parapublics. Ce dispositif n'est accompagné, une fois de plus, d'aucune mesure de formation complémentaire qui permettrait de garantir un accès à un emploi dans une entreprise marchande des personnes concernées ; aucune contrainte de solvabilisation de poste n'est du reste affichée comme c'était le cas pour les emplois-jeunes.

Au demeurant, dans un contexte où il devient de plus en plus difficile de trouver des personnes directement employables dans les zones franches, ce type de dispositif risque fort de conduire à un enfermement des banlieues sur elles-mêmes.

Votre rapporteur ne peut que souligner la pertinence d'un article paru en première page d'un " grand journal du soir ": pour les habitants des cités sensibles, " la multiplication des " médiateurs ", des " personnes relais " ne fait qu'exacerber l'impression qu'ils constituent une population à part, à laquelle on ne peut plus s'adresser que par des intermédiaires, comme des Indiens dans leur réserve " 6 ( * ) .

Même si la formule est sans doute quelque peu excessive, il reste vrai qu'il faut éviter de développer un sentiment de stigmatisation des banlieues sensibles.

* 6 Le Monde 28 septembre 2000 les banlieues en rupture.

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