TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. CLAUDE JEANNEROT, DIRECTEUR GENERAL ADJOINT DE L'ASSOCIATION NATIONALE POUR LA FORMATION PROFESSIONNELLE DES AUDLTES (AFPA), ACCOMPAGNÉ DE MME PATRICIA BOUILLAGUET, DIRECTRICE DE LA PROSPECTIVE ET DES RELATIONS AUPRÈS DES POUVOIRS PUBLICS

Réunie le 8 mars 2000, sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , la commission a procédé à l'audition de M. Claude Jeannerot, Directeur général adjoint de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), accompagné de Mme Patricia Bouillaguet, Directrice de la prospective et des relations auprès des pouvoirs publics.

A titre liminaire, M. Claude Jeannerot a rappelé que l'AFPA, association nationale gérée de manière tripartite et partie prenante du service public de l'emploi, avait pour missions essentielles l'orientation professionnelle, l'offre de formation qualifiante et la certification des qualifications. Il a indiqué que les relations de l'AFPA avec l'Etat étaient définies dans des contrats de progrès, le second contrat de progrès ayant été conclu pour la période 1999-2003.

Observant que ce contrat de progrès avait délibérément ancré l'action de l'AFPA parmi les priorités des politiques publiques, il a souligné que ce document avait permis de redéployer l'activité de l'association vers les publics les plus éloignés de l'emploi, conformément aux orientations du Programme national d'action en faveur de l'emploi (PNAE) de novembre 1997.

Dans ce cadre, il a précisé les trois axes d'actions prioritaires de l'association. Le premier axe concerne le recentrage des moyens du service public de l'emploi vers les publics jugés prioritaires (jeunes au chômage depuis six mois, adultes au chômage depuis douze mois, chômeurs de longue durée de plus de deux ans (Rmistes), pour assurer leur retour vers l'emploi) ; le deuxième axe vise à inscrire l'action de l'AFPA dans une logique déconcentrée et territoriale, associant l'ensemble des partenaires du service public de l'emploi (ANPE et services déconcentrés de l'Etat), mais aussi les principaux acteurs de l'action sanitaire et sociale au niveau local ; le troisième axe consiste dans la mise en place du programme " service personnalisé pour un nouveau départ vers l'emploi " en concertation avec l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE).

M. Claude Jeannerot a alors présenté les principaux résultats de l'activité de l'AFPA pour 1999. Il a ainsi indiqué que, parmi les publics prioritaires, 90.000 personnes avaient pu bénéficier de la construction d'un parcours de formation et que 35.000 personnes avaient effectivement accédé à la formation. Il a également affirmé que 121.000 personnes avaient pu accéder au programme " nouveau départ vers l'emploi ", dont 63.000 dans le cadre d'une action de formation qualifiante.

Mme Patricia Bouillaguet a ensuite insisté sur les difficultés rencontrées par l'AFPA pour la mise en oeuvre de ses nouvelles responsabilités, tout en observant que les objectifs assignés avaient été atteints en 1999.

Elle a d'abord constaté que le ciblage des publics adressés par l'ANPE à l'AFPA restait imparfait et nécessitait une plus grande concertation. Elle a également reconnu que l'AFPA pouvait rencontrer certaines difficultés dans ses relations avec les conseils régionaux, notamment pour l'accès des demandeurs d'emploi adultes et des titulaires du revenu minimum d'insertion (RMI) aux programmes de formations subventionnés par les régions.

Elle a également souligné la nécessité de traiter de manière globale les difficultés des publics pris en charge par l'AFPA. A cet égard, elle a constaté que si l'AFPA était compétente en matière d'orientation professionnelle, de formation et d'accompagnement vers l'emploi, elle n'avait en revanche pas d'expérience pour la prise en charge des difficultés de santé ou de logement de ces publics, alors que ces difficultés devaient pourtant être résolues pour permettre la réussite des parcours d'insertion.

Elle a enfin considéré que les contrats de qualification adultes restaient difficiles à mobiliser, notamment en raison de la promotion sans doute insuffisante de ce dispositif et des réticences des entreprises préférant recruter des jeunes souvent surqualifiés. Elle a regretté cette situation, considérant que le contrat de qualification adultes était un dispositif pertinent en particulier dans le contexte économique actuel, caractérisé notamment par des tensions pour le recrutement dans certains métiers.

Mme Annick Bocandé, rapporteur pour avis , s'est interrogée sur l'état d'application actuelle du contrat de progrès, sur l'articulation de l'action de l'AFPA et celle des régions, sur l'adaptation de l'offre de formation de l'AFPA à la demande du marché du travail, sur les conséquences, pour l'activité de l'association, de l'accord de réduction du temps de travail signé en décembre dernier, sur l'action de l'AFPA pour la professionnalisation des emplois-jeunes et sur l'intervention de l'AFPA en matière de validation des acquis professionnels.

Mme Patricia Bouillaguet , évoquant les indicateurs mis en place d'évaluation du contrat de progrès, a jugé que l'AFPA avait progressé dans plusieurs domaines. S'agissant du recentrage de l'AFPA sur les publics prioritaires, elle a indiqué que les demandeurs d'emploi adultes représentaient désormais 70 % des actions de formation financées par l'Etat, que 6.000 titulaires du RMI avaient pu bénéficier d'actions de formation qualifiante et que les demandeurs d'emploi adressés par l'ANPE représentaient 40 % de l'ensemble des demandeurs d'emploi pris en charge par l'AFPA. Sur ce dernier point, elle a précisé que l'objectif n'avait pas été atteint, qui s'établissait à un taux de 50 % en 1999 et de 80 % en 2001. Elle a néanmoins rappelé que ce taux n'était que d'un tiers en 1998.

Elle a également jugé que les délais d'attente pour entrer en formation pouvaient être longs, rappelant que l'objectif fixé par le contrat de progrès était de réduire à quatre mois maximum, en 2003, la période s'écoulant entre l'appréciation d'un besoin de formation par l'ANPE et l'entrée en formation qualifiante. Elle a indiqué qu'aujourd'hui, ce délai n'était respecté que pour 60 % des stagiaires seulement.

M. Claude Jeannerot a estimé que le développement de l'AFPA devait se fonder sur une logique territoriale. Il a précisé que, pour ce faire, l'association bénéficiait de trois leviers d'action : la négociation des contrats de plan Etat-régions, la négociation des conventions régionales tripartites d'adaptation du contrat de progrès et la mise en place des comités régionaux consultatifs. Il a reconnu que si cette démarche avait pu rencontrer certaines difficultés, elle constituait désormais la priorité de l'AFPA et avançait à un rythme satisfaisant.

S'agissant des difficultés de recrutement, il a indiqué que la prise en compte de cette nouvelle contrainte constituait également une priorité de l'AFPA, mais qu'elle exigeait une intervention concertée de l'ensemble des partenaires du service public de l'emploi ainsi que des professions concernées. Il a cité plusieurs exemples de métiers (bâtiment, maçonnerie, menuiserie) dans lesquels cette concertation s'était traduite par une adaptation des programmes de formation aux besoins identifiés sur le marché du travail.

S'agissant de l'accord de réduction du temps de travail signé avec la Confédération française démocratique du travail (CFDT) le 24 décembre dernier, il a précisé que l'accord retenait une durée annuelle de travail de 1.596 heures, celle-ci pouvant s'organiser de trois manières : une durée effective de travail hebdomadaire de 35 heures, une durée de travail hebdomadaire de 39 heures accompagnée de plusieurs jours de récupération ou une durée de travail hebdomadaire de 37 heures accompagnée de 12,5 jours de congés supplémentaires. Il a indiqué que cet aménagement du temps de travail se traduirait par le recrutement de 520 personnes.

Soulignant que cet accord s'inscrivait dans une logique de développement de l'association en accord avec la tutelle, il a estimé qu'il pourrait s'accompagner d'un rééquilibrage dans la structure de l'emploi pour rapprocher le personnel des stagiaires et d'une redéfinition de l'organisation interne vers plus de souplesse. Insistant sur la nécessité d'équilibrer le budget de l'association, il a précisé que le financement des emplois supplémentaires serait assuré par l'augmentation de 5 % de la commande publique, par les aides publiques liées à la réduction du temps de travail qui devraient atteindre environ 40 millions de francs, par une augmentation de la productivité, avec en particulier une augmentation du nombre de stagiaires par session de formation, et par une évolution maîtrisée des charges, notamment salariales.

Mme Patricia Bouillaguet a indiqué que l'AFPA intervenait à deux niveaux pour la professionnalisation des emplois-jeunes : d'abord, au moment de leur création, par un appui de l'association aux porteurs de projets pour la définition des emplois créés, ensuite par le soutien apporté aux collectivités locales et aux ministères pour construire des référentiels d'emploi sur ces nouvelles activités et définir des modes correspondants de validation des compétences.

S'agissant de la validation des acquis professionnels, elle a rappelé que l'AFPA était le " bras séculier " du ministère du travail pour la gestion des quelque 350 titres de formation professionnelle continue délivrés par le ministère. Elle a précisé que, dans ce cadre, l'AFPA avait pour mission, au moins tous les trois ans, d'assurer la rénovation et la maintenance de ces diplômes.

Rappelant que jusqu'à présent le ministère du travail ne validait, sur décision d'un jury professionnel indépendant, que les compétences acquises après un parcours de formation et non les expériences professionnelles, elle a estimé que le projet de réforme législative proposé par Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat à la formation professionnelle, permettrait d'assouplir les possibilités de validation.

Elle a insisté sur deux aspects de ce projet de réforme : la possibilité d'acquérir une qualification en suivant un parcours discontinu de formation, chaque unité de formation étant capitalisable, et la possibilité d'obtenir tout ou partie d'un diplôme par la validation des acquis d'expérience. Elle a notamment jugé ce second volet très intéressant dans la mesure où il permettait une amélioration des qualifications des personnes n'ayant aucune formation initiale mais une expérience professionnelle réelle même si elle n'était pas reconnue.

Elle a, à cet égard, insisté sur une expérimentation menée depuis 1998 par l'ANPE et l'AFPA, de validation des acquis professionnels des demandeurs d'emploi, cette expérimentation ayant concerné 2.000 personnes et 20 métiers. Elle a dressé un premier bilan très positif de cette expérience, estimant que cette validation correspondait à un réel besoin et se traduisait par un fort taux de réussite.

M. Bernard Seillier s'est interrogé sur les difficultés rencontrées par le contrat de qualification adulte.

Mme Patricia Bouillaguet a estimé que ce dispositif pouvait être efficace dans certaines professions vers lesquelles les jeunes ne souhaitaient pas s'orienter, comme les métiers du bâtiment. Elle a néanmoins indiqué que la mise en oeuvre de ce dispositif nécessitait un travail long et compliqué, aussi bien avec les entreprises qu'avec les demandeurs d'emploi. Elle a considéré qu'en ce domaine le service public de l'emploi avait réagi avec un certain retard. Mais elle a également fait part d'un risque de possible " cannibalisation " de ce contrat par d'autres contrats plus attractifs pour les entreprises comme le contrat de qualification-jeune ou le contrat initiative-emploi.

M. André Jourdain s'est interrogé sur l'action de formation de l'AFPA dans deux domaines : la formation aux nouvelles formes de travail que sont le travail en temps partagé ou au sein d'un groupement d'employeurs et la formation des créateurs ou repreneurs d'entreprise.

M. Michel Esneu s'est interrogé sur les possibilités de partenariats entre l'AFPA et les pays, ces derniers correspondant en effet à des bassins économiques ayant des besoins en formation territorialement cohérents.

Après avoir souligné l'impact important du recentrage de l'action de l'AFPA vers les publics prioritaires et notamment les titulaires du RMI, M. Guy Fischer a considéré que la validation des acquis d'expérience constituait une voie d'avenir, mais exigeait parallèlement une réflexion sur les politiques de rémunération.

M. Claude Jeannerot a indiqué que l'AFPA avait intégré l'apparition d'une logique multi-employeurs et s'était en particulier fortement impliquée dans le cadre des groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification, notamment dans le secteur du bâtiment. Il a également déclaré que l'AFPA était très attentive à la formation des créateurs d'entreprise, précisant qu'en 1999 plus de 1.000 demandeurs d'emploi avaient suivi une telle formation.

Mme Patricia Bouillaguet a estimé que rien ne s'opposait à un développement de partenariat entre l'AFPA et les pays, considérant que la prise en compte des spécificités territoriales était l'une des priorités actuelles de l'association.

M. Claude Jeannerot a conclu en rappelant que l'AFPA avait pu être jadis critiquée pour ne pas s'être prioritairement intéressée aux publics les plus en difficulté. Il a estimé que la réorientation actuelle de son action rendait cette critique obsolète, mais que le recentrage sur les publics les plus en difficulté impliquait la mise en place d'un travail en réseau avec l'ensemble des parties prenantes aux politiques de solidarité.

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