III. UNE POLITIQUE DU MÉDICAMENT PLUS AMBITIEUSE

A. LE CONTEXTE

1. Les insuffisances de la politique du médicament au cours des dernières années

La Cour des comptes, dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre 2001, notait que « la forte croissance des remboursements par l'assurance maladie des médicaments achetés en ville, et leur accélération en 2000, posent une double question : celle du financement de cette dépense qui augmente et qui probablement continuera à augmenter dans les prochaines années, et celle du choix des dépenses prises en charge par la collectivité ».

En outre, la Cour estime que la politique du médicament depuis 1998 a eu une efficacité limitée.

Malgré une réflexion globale sur la politique du médicament et des objectifs ambitieux, les mesures prises depuis 1998 n'ont eu à ce jour qu'un faible impact sur les dépenses. La réforme annoncée le 18 février 1998 comprenait deux grands axes : garantir le bon usage du médicament, ce qui d'après la Cour des comptes « n'a pas été appliqué », et maîtriser la dépense pharmaceutique, ce qui a donné lieu à deux séries de mesures (génériques et réévaluation) annoncées en février 1998, complétées par une régulation financière, annoncée en juillet 1998.

Le constat que dresse la Cour des comptes de la politique du médicament menée par le précédent gouvernement est, à cet égard, particulièrement négatif :

- incapacité de la régulation financière conventionnelle à freiner les dépenses ;

- faible développement du marché des médicaments génériques ;

- effets encore limités de la réévaluation du service médical rendu.

En définitive, la Cour faisait les trois remarques suivantes : « tandis que la régulation financière a atteint en 2000 son plafond de 3 % sans avoir atteint son objectif de maîtrise de la croissance des médicaments, les deux autres mesures - promotion des génériques et réévaluation de l'intérêt des médicaments - n'ont reçu qu'un début d'exécution ; les délais de mise en oeuvre [des réformes] ont été longs ; les mesures prises ont porté sur les producteurs et les distributeurs de médicaments mais pas sur les utilisateurs que sont les prescripteurs et les patients ».

En outre, la Cour analyse les obstacles de fond à la régulation du médicament. Deux obstacles majeurs sont ainsi mis en évidence :

- le système d'information reste presque entièrement dépendant de l'industrie ; une information indépendante sur le « bon usage du médicament » tarde à être développée ;

- il manque une réévaluation fréquente : pour devenir plus sélective, la procédure d'admission au remboursement nécessite l'octroi de plus de moyens à la commission de la transparence, ainsi que de réviser régulièrement les conditions de remboursement et les prix, et de cibler en priorité les produits les plus coûteux.

Premier bilan du « plan médicament » du 7 juin 2001

Le plan de maîtrise des dépenses pharmaceutiques annoncé en juin 2001 comportait trois axes majeurs, ainsi qu'une action spécifique sur l'hôpital :

1) La promotion du bon usage des médicaments : elle repose sur l'information des patients, l'information et le dialogue avec les praticiens et l'évaluation des produits et des pratiques.

Dans ce cadre :

1° l'information des praticiens par les pouvoirs publics repose largement sur le fonds de promotion de l'information médicale et médico-économique. Les avis de la commission de la transparence sont désormais disponibles sur le site de l'AFSSAPS 29 ( * ) . Cette diffusion a lieu dès leur approbation définitive par la commission, ce qui permet aux médecins d'être informés rapidement sur les médicaments en cours d'admission au remboursement. Les résultats de la réévaluation ont été mis en ligne sur le site de l'AFSSAPS dès le mois de juin 2001 ;

2° un groupe de travail a été mis en place en vue d'aboutir à une charte de qualité des logiciels d'aide à la prescription ;

3° les accords de bon usage négociés par la CNAMTS avec les prescripteurs ont concerné la limitation des prescriptions d'antibiotiques (AcBUS sur l'amélioration de la qualité de la prise en charge des angines) ainsi que les prescriptions aux personnes âgées et les interactions médicamenteuses (AcBUS sur le bon usage des soins à domicile) ;

4° l'observatoire des prescriptions a repris ses activités sur la base d'une lettre de mission de juin 2001 ;

5° un comité de coordination mène un travail de relance de la production et de la diffusion de recommandations de bonnes pratiques cliniques ;

6° l'évaluation des conditions de prescription des nouveaux médicaments et la place qu'ils prennent dans les stratégies thérapeutiques sera développée dans un cadre conventionnel avec les entreprises, afin de renforcer les exigences de suivi de la prescription et de mieux définir les cas dans lesquels l'innovation constitue un progrès en termes de meilleure efficacité ou de limitation des effets indésirables.

Le développement des bonnes pratiques médicales est à la fois un instrument d'amélioration de la santé publique en permettant de bannir des pratiques médicalement contestables et une source d'économies pour la sécurité sociale.

2) La promotion des médicaments génériques

Afin de soutenir la progression du marché des génériques, diverses mesures ont été prises ou sont en cours :

- la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002 a introduit la possibilité pour les médecins de prescrire en dénomination commune. Le décret d'application vient d'être publié, l'arrêté fixant l'écart de prix maximal entre la spécialité délivrée et la spécialité la moins chère du groupe générique le suivant le sera prochainement. Des outils vont être mis à disposition des médecins pour les aider à prescrire en dénomination commune ;

- l'avenant n° 10 à la convention nationale des médecins généralistes prévoit l'engagement des médecins à prescrire 25 % des lignes de prescriptions en médicaments génériques ou en spécialités libellées en dénomination commune d'ici juin 2003 ;

- le décret simplifiant les procédures d'inscription sur le répertoire des groupes génériques permet désormais une publication régulière par l'AFSSAPS des actualisations du répertoire.

3) Les baisses de prix de certains médicaments

Le Comité économique des produits de santé a procédé, en 2001, à des baisses de prix des médicaments à service médical rendu (SMR) insuffisant ainsi que de certains médicaments de volume de ventes important, et donc coûteux pour l'assurance maladie.

Suite à la réévaluation du service médical rendu des médicaments menée par la commission de la transparence de 1999 à 2001, le mouvement de baisse de prix des médicaments à service médical rendu insuffisant initié en 2000 a été poursuivi. Le Comité économique des produits de santé a accepté que soient substitués aux baisses de prix demandées des déremboursements, lorsqu'il lui a semblé que les risques de reports de prescriptions sur des médicaments demeurés remboursables étaient faibles. Les baisses négociées ont concerné 232 produits et 374 présentations. Rapporté aux quantités vendues en 2000, l'impact des baisses aurait représenté 83 millions d'euros. Le choix du déremboursement a été fait pour 96 présentations correspondant à 69 produits et représentant un chiffre d'affaires de 55 millions d'euros.

Les baisses de prix ciblées sur les médicaments de volume de ventes important ont représenté 202 millions d'euros sur la base des volumes de ventes 2000.

4) Des mesures destinées à améliorer l'usage du médicament à l'hôpital et notamment les procédures d'achat sont également engagées

Il s'agit notamment de renforcer au sein des établissements de santé les procédures de qualité, notamment à travers les commissions du médicament et des dispositifs médicaux stériles. La DHOS 30 ( * ) a lancé en novembre 2001 une enquête pour un recensement exhaustif des comités, dont les résultats ne sont pas encore disponibles. En mars 2002 a été lancée une seconde enquête plus qualitative, auprès d'une cinquantaine d'établissements (résultats en automne 2002).

La mise en place d'un suivi des actions au niveau régional est en cours. Actuellement ce suivi est encore peu développé, hormis quelques régions, comme le Centre, où il existe une commission régionale des anti-infectieux, constituée sous l'égide de l'ARH.

Un travail sur l'amélioration des systèmes d'information et de suivi sur le médicament à l'hôpital tant sur le plan qualitatif qu'économique est en cours. Une enquête sur la consommation des médicaments à l'hôpital auprès d'un échantillon représentatif d'établissements de santé a été préparée par la DHOS au cours du premier semestre 2001.

La mise en place de groupements d'achat, utilisant les opportunités offertes par le nouveau code des marchés publics, est envisagée par plusieurs établissements importants.

Le décret relatif aux procédures de rétrocession hospitalière sera prochainement soumis à la consultation du Conseil d'Etat.

La Cour des comptes, dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, qui comporte une analyse du médicament à l'hôpital, a pointé toutes les difficultés rencontrées par les hôpitaux dans ce secteur. L'ensemble de ces mesures permet d'avancer dans la bonne direction, mais un long chemin reste à parcourir. De ce point de vue, la mise en place d'une tarification à l'activité sera l'occasion de mieux identifier la place du médicament à l'hôpital, en particulier de mieux encadrer la pratique de la rétrocession.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis

2. Une industrie pharmaceutique de plus en plus imposée

Le secteur pharmaceutique acquitte cinq impôts et taxes :

1°) la contribution, prévue par les articles L. 138-1 et suivants du code de la sécurité sociale, est assise sur les ventes en gros de spécialités pharmaceutiques et payées par les grossistes-répartiteurs et les laboratoires qui réalisent des ventes directes aux officines ;

2°) la contribution additionnelle, créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 et prévue par les articles L. 245-6-1 et suivants du même code, est assise sur les ventes directes des laboratoires pharmaceutiques aux officines ;

3°) la contribution, instituée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 et prévue par les articles L. 138-10 et suivants, est la « clause de sauvegarde » (le « taux K ») payée par les laboratoires pharmaceutiques en fonction de la progression de leur chiffre d'affaires ; les entreprises qui ont passé convention avec le Comité économique des produits de santé sont exonérées du paiement de cette contribution ;

4°) la contribution, prévue par les articles L. 245-1 et suivants, est assise sur les dépenses de promotion et d'information des laboratoires pharmaceutiques ;

5°) la contribution, prévue par les articles L. 5121-17 et suivants du code de la santé publique, assise sur le chiffre d'affaires des spécialités remboursables ou inscrites sur la liste des médicaments agréés aux collectivités, abonde le budget de l'AFSSAPS.

Le produit de ces différentes contributions a évolué de la manière suivante depuis 1997 :

Les impôts et taxes acquittés par le secteur pharmaceutique constituent un montant important, et qui, surtout, a beaucoup progressé au cours des dernières années. Il est ainsi passé de 305,90 millions d'euros en 1997 à 592,73 millions d'euros en 2001, soit une progression de 93,8 % sur cinq ans .

Eu égard au poids croissant des impôts pesant sur l'industrie pharmaceutique, votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter de la suppression par l'Assemblée nationale, en accord avec le gouvernement, de la contribution additionnelle assise sur les ventes directes des laboratoires pharmaceutiques aux officines ( article 6 bis : cf. infra ).

3. La croissance rapide des remboursements

L'enquête MEDICAM publiée par la CNAMTS depuis 1999 permet de connaître les remboursements de médicaments, avec le détail par produits, et de mesurer l'impact sur la croissance des remboursements des médicaments admis au remboursement en cours d'année et la progression des remboursements de médicaments génériques.

Sur le champ de cette enquête 31 ( * ) , les remboursements de médicaments ont augmenté de 8,6 % en 2001, après + 10,7 % en 2000. La progression des dix premières classes de médicaments représente 6,2 points de croissance, pour une croissance totale de 8,6 % 32 ( * ) .

Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2002 donne des informations détaillées de l'évolution des remboursements par classes de médicaments.

La première de ces classes est celle des anti-inflammatoires non stéroïdiens. Elle a connu une progression exceptionnelle de ses remboursements, d'environ 140 millions d'euros, en raison de la montée en charge très rapide de nouveaux produits.

Trois classes ont eu une croissance proche de 90 millions d'euros en 2001. Il s'agit des inhibiteurs de la pompe à protons, c'est-à-dire des antiulcéreux, des statines, soit des hypocholestérolémiants, dont certains produits sont en forte croissance, et des traitements de l'asthme en association. La croissance de cette dernière classe doit cependant être relativisée dans la mesure où les produits qu'elle regroupe se substituent à d'autres produits.

Parmi les autres classes en progression rapide, on trouve des médicaments du système cardio-vasculaire, les antidépresseurs et les analgésiques non narcotiques antipyrétiques.

La croissance du marché semble retrouver un rythme soutenu en 2002, après le ralentissement de la fin de l'année 2001 : en particulier, la classe des statines a retrouvé une tendance croissante. L'année 2002 bénéficie néanmoins de l'effet plein des mesures de baisses de prix mises en oeuvre à partir de la fin 2001.

La croissance des remboursements des génériques résulte à la fois de l'augmentation de la part des génériques dans les groupes génériques, et de l'extension du répertoire des médicaments génériques. L'enquête MEDICAM permet de mesurer l'évolution depuis 1999 des remboursements de médicaments génériques.

Les médicaments génériques se substituent à d'autres médicaments, à un prix inférieur. La croissance des remboursements de génériques n'est donc pas un facteur de croissance des remboursements de médicaments : au contraire, elle permet de réaliser des économies.

Le marché du médicament présente un renouvellement rapide des produits. L'analyse de l'évolution du chiffre d'affaires des laboratoires fait ainsi apparaître un effet très important de la déformation de la structure des ventes, entre classes et surtout à l'intérieur des classes, tandis que l'évolution des prix et celle du nombre de boîtes se compensent.

En ce qui concerne les médicaments génériques, le marché a progressé en 2001, mais reste encore faible. La part des génériques dans l'ensemble des groupes génériques a elle aussi augmenté, d'autant que le chiffre d'affaires des princeps a diminué.

4. Les médicaments génériques : un développement trop limité

Le développement de l'utilisation des médicaments génériques est un des enjeux majeurs de la politique du médicament aujourd'hui.

Rappel des définitions

Un médicament princeps est une molécule originale, qui a fait l'objet d'une recherche, qui a une propriété industrielle et qui a reçu une autorisation de mise sur le marché pour des indications précises.

Un générique est une copie de cette molécule, lorsqu'elle est tombée dans le domaine public. Il présente les mêmes caractéristiques mais, n'ayant pas fait l'objet de recherches, il est moins onéreux.

La Cour des comptes, dans son rapport sur la sécurité sociale de 2001, fait le même constat : « les génériques progressent lentement ».

De multiples obstacles au développement des médicaments génériques

La Cour des comptes, dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale de septembre 2001, avait analysé les raisons du développement insuffisant des médicaments génériques. Parmi les obstacles identifiés, elle mentionne notamment la réticence des patients au changement d'habitudes, la stratégie financière des laboratoires pharmaceutiques non spécialisés dans le générique et, à plus long terme, la concurrence financière entre les laboratoires fabriquant des princeps et des génériques, jouant sur les remises accordés aux pharmaciens, et ceux spécialisés dans les génériques purs.

Dans le but de développer davantage les génériques, la Cour des comptes recommandait deux mesures :

- la publication mensuelle et sans délai du répertoire des génériques ;

- l'autorisation de prescrire les médicaments en dénomination commune internationale (DCI), qui a trouvé une première application avec l'article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, qui reporte donc le choix de la marque du médicament des médecins vers les pharmaciens.

* 29 Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.

* 30 Direction des hôpitaux et de l'offre de soins.

* 31 La CNAMTS a publié en juin 2002 un nouveau numéro de l'étude MEDICAM, présentant les remboursements de médicaments en 2000 et 2001. Le champ de cette étude, qui correspond au régime général en métropole hors sections locales mutualistes, couvre un peu plus de 70 % des remboursements de médicaments de l'assurance maladie.

* 32 À l'inverse, certaines classes de médicaments sont en baisse : c'est le cas des vasodilatateurs, une classe de produits à service médical rendu insuffisant, en baisse régulière depuis plusieurs années.

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