B. UN REDRESSEMENT QUI REND DE NOUVEAU CRÉDIBLE LA RÉALISATION DU MODÈLE D'ARMÉE 2015

1. L'insuffisance des crédits d'équipement conduisait inéluctablement à l'abandon du modèle 2015

Il serait erroné d'apprécier le budget d'équipement de la défense pour 2003 sur le seul critère de la comparaison avec l'exercice précédent. La progression des crédits (+ 11,2 %) d'une année sur l'autre ne prend tout son sens qu'une fois replacée en perspective, en portant le regard sur les six années écoulées et sur l'objectif à atteindre, à savoir le modèle d'armée 2015.

Faut-il en effet rappeler qu'en désignant très précisément les capacités nécessaires aux ambitions de notre politique de défense, ce modèle doit guider la transformation de nos armées et en garantir la cohérence ? De 1997 à 2015, trois lois de programmation marquent les étapes de l'adaptation de notre outil de défense.

La première de ces étapes , de 1997 à 2002, s'achève incontestablement sur un bilan inquiétant . Si la professionnalisation s'est opérée dans des conditions globalement satisfaisantes, l'effort d'équipement, en revanche, n'a pas été à la hauteur de l'objectif.

Évolution des dépenses du titre III, hors pensions
(en milliards d'euros courants)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Loi de finances initiale

15,58

15,81

15,85

16,01

16,08

16,45

Exécution budgétaire

16,20

16,70

16,67

16,94

17,02

-

(Source : Cour des comptes)

S'agissant du titre III, on remarque d'une part que depuis 1997, les dotations inscrites en loi de finances initiale ont suivi l'évolution du coût de la vie, conformément aux prescriptions de la loi de programmation, et d'autre part que les ressources effectivement allouées au titre III en gestion budgétaire se sont avérées systématiquement supérieures d'environ 5 % aux crédits initiaux du fait notamment de la charge des opérations extérieures située chaque année entre 400 et 500 millions d'euros.

Si l'on isole le facteur « OPEX », correspondant à des charges exceptionnelles bien que récurrentes, on voit donc qu'en ce qui concerne le titre III, la loi de programmation a fait l'objet d'une exécution rigoureuse. Les mesures générales de revalorisation des salaires dans la fonction publique, supérieures à l'indice des prix durant la période, expliquent pour une large part l'écart, au demeurant minime, avec les dotations initiales. Il faut toutefois ajouter que ce résultat quasiment conforme à la loi de programmation a été obtenu dans un contexte de sous-effectif chronique, surtout en ce qui concerne les personnels civils, alors que les crédits de fonctionnement connaissaient une forte compression, avant d'être progressivement relevés à partir du budget 2000.

Satisfaisante au titre III, l'exécution de la loi de programmation militaire l'est beaucoup moins aux titres V et VI.

D'une part, et hormis en 1997, toutes les lois de finances se sont situées en retrait par rapport au niveau requis par la loi de programmation. De surcroît, de 2000 à 2002, elles n'ont pas même respecté l'objectif défini après la « revue de programmes ». Sur les six années de programmation, cette entorse opérée par les diverses lois de finances initiales ont représenté un « manque à gagner » de l'ordre de 6,1 milliards d'euros par rapport à la loi de programmation, et de 3,5 milliards d'euros si l'on se réfère à la « revue de programmes ».

Évolution des dépenses des titres V et VI

(en milliards d'euros courants)

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Loi de finances initiale

13,52

12,35

13,11

12,65

12,72

12,40

Crédits consommés*

12,69

11,67

11,77

12,00

12,12

-

(Source : Cour des comptes)

* Les crédits consommés sont constitués de dépenses exécutées par le ministère de la défense, auxquelles sont ajoutés les montants des transferts au CEA et au titre du BCRD .

D'autre part, comme le montre le tableau ci-dessus, les crédits d'équipement effectivement consommés ont été notablement inférieurs à ceux inscrits dans ces lois de finances successives , principalement en raison d' annulations de crédits qui ont servi à gager l'ouverture de crédits au titre III pour le financement des OPEX et, dans une certaine mesure, la recapitalisation de GIAT Industries. L'écart entre crédits inscrits et crédits consommés atteint, année 2002 non comprise, 4,1 milliards d'euros.

Enfin, les crédits consommés englobent une série de dépenses transférées sur les crédits d'équipements . Il s'agit essentiellement d'une charge d'entretien programmé des matériels auparavant supportée par le titre III (1,4 milliard d'euros sur la période) et d'un transfert au budget civil de recherche et de développement (820 millions d'euros de 1997 à 2002).

Au total, c'est environ un sixième de l'enveloppe prévue par la loi de programmation 1997-2002 qui a manqué aux armées , soit l'équivalent d'une année de programmation.

Certes, l'exécution imparfaite d'une loi de programmation n'est pas chose nouvelle. Toutefois, la loi de programmation militaire 1997-2002 se distinguait des lois antérieures d'un double point de vue :

- elle conditionnait la cohérence d'une réforme sans précédent de notre appareil de défense, combinant professionnalisation et réorientation des missions ;

- elle retenait pour les crédits d'équipement militaire le niveau plus bas jamais atteint, depuis des décennies, par les lois de programmation et budgets successifs.

Il faut en effet rappeler que la loi de programmation militaire 1997-2002 représentait une réduction de 20% de l'effort d'équipement militaire par rapport au budget de 1990 et de 10% par rapport au budget de 1993.

Il est donc clair que la tendance observée depuis 1997 ne pouvait se poursuivre sans poser, à proche échéance, la question d'une révision du modèle d'armée 2015, et donc d'une réduction supplémentaire du format des forces et de l'abandon d'une ou de plusieurs capacités. Face à une telle perspective, et malgré la situation tendue des finances publiques, le Président de la République et le Gouvernement ont choisi de préserver les objectifs qui ont jusqu'à présent guidé la transformation de notre défense.

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