C. LA MONTÉE EN PUISSANCE DE L'INTERCOMMUNALITÉ

Le développement considérable de l'intercommunalité apparaît comme le trait le plus marquant de l'évolution de la décentralisation au cours des dernières années. Si l'on peut se réjouir de ce mouvement qui contribue à un meilleur exercice des compétences communales, force est de constater qu'il contribue à l'aggravation des difficultés du système de financement local.

1. Un développement rapide de l'intercommunalité

Sur les quelque 36.700 communes que compte la France, près de 27.000 sont désormais regroupées dans des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, soit une proportion des trois quarts environ (73 %).

Au 1 er janvier 2002, on recensait 14 communautés urbaines, 120 communautés d'agglomération et plus de 2.000 communautés de communes, rassemblant plus de 45 millions d'habitants, contre 34 millions en 1999.

a) Une meilleure couverture géographique

Les regroupements de communes s'accentuent dans les aires urbaines. Sur les 141 aires de plus de 50 000 habitants , hors Paris, 102 (soit 72,3 %) comportaient au 1 er janvier 2002 une communauté d'agglomération ou une communauté urbaine, contre les deux tiers en 2001. Les établissements publics de coopération intercommunale disposent ainsi de la taille critique nécessaire pour faire face aux grands enjeux de requalification et de développement des agglomérations.

La couverture géographique s'est partout améliorée. Aux 11 chefs-lieux de région et 30 chefs-lieux de département dotés d'une communauté d'agglomération se sont ajoutés 5 chefs-lieux de région (Ajaccio, Caen, Orléans, Metz et Montpellier) et 7 chefs-lieux de département (Carcassonne, Bastia, Melun, Nice, Nîmes, Mont-de-Marsan et Toulon). Dans la région Ile-de-France, le nombre des communautés d'agglomération est passé de 9 à 12. Des départements qui étaient dépourvus de toute communauté d'agglomération malgré l'importance de leur population urbaine, comme les Alpes-Maritimes, en ont créé (4 communautés d'agglomération), d'autres ont poursuivi l'amélioration de leur maillage déjà très dense (le Nord de 4 à 5, le Pas-de-Calais de 5 à 6 communautés d'agglomération). Par ailleurs, deux communautés d'agglomération ont été constituées en Corse, à Ajaccio et à Bastia. La Réunion en compte désormais trois.

b) Une architecture simplifiée

Simultanément, l'architecture de l'intercommunalité s'est clarifiée avec la disparition définitive des districts en 2002, qui a suivi celle des communautés de villes intervenue en 2001.

En 2000, la tendance à l'extension des périmètres des groupements de communes à fiscalité propre s'était amorcée. Plus de 35 000 habitants avaient ainsi profité de l'extension des périmètres de certaines communautés d'agglomération. Ce phénomène s'est poursuivi et amplifié en 2001.

Deux communautés urbaines et une vingtaine de communautés d'agglomération (sur 90) ont étendu leur périmètre entre le 1 er janvier 2000 et le 1 er janvier 2001. Plus de 150 000 habitants ont ainsi été concernés.

c) Une extension de la taxe professionnelle unique

La taxe professionnelle unique concerne un nombre croissant d'habitants et d'établissements publics de coopération intercommunale.

Si les communautés d'agglomération sont obligatoirement à taxe professionnelle unique, encouragées par la loi du 12 juillet 1999, nombre de communautés urbaines existant à cette date ont opté pour ce régime, passant de 2 en 2000 à 10 aujourd'hui. Par ailleurs, le nombre de communautés de communes ayant effectué ce passage a triplé de 2000 à 2002 en passant de plus de 200 à 600.

Au total, en trois ans, le nombre d'habitants concernés par la taxe professionnelle unique est passé de 4,2 millions à 29,7 millions, soit une multiplication par sept. Au 1 er janvier 2002, le nombre d'EPCI à TPU était de 738.

d) Des réformes annoncées

Les établissements publics de coopération intercommunale disposent aujourd'hui de compétences étendues et de moyens considérables. Ils jouent un rôle majeur dans l'aménagement du territoire et la vie de nos concitoyens. Aussi la question de l'élection au suffrage universel direct de leurs représentants est-elle régulièrement posée.

Lors des débats sur la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité, le Sénat avait été sensible au souci exprimé par de nombreux élus locaux de ne pas prendre, en la matière, de décision précipitée susceptible de rompre le climat de confiance indispensable au développement de l'intercommunalité. Suivi par la commission mixte paritaire, il avait donc supprimé la disposition introduite par l'Assemblée nationale posant le principe de l'élection au suffrage universel direct des membres des organes délibérants des structures intercommunales dotées d'une fiscalité propre.

Lors de l'examen en première lecture du projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de la République, le Sénat a jugé prématurée l'inscription des établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre dans la liste des collectivités territoriales de la République figurant à l'article 72 de la Constitution.

M. René Garrec, président de la commission des Lois et rapporteur de ce texte, a fait valoir que cette qualité ne pouvait leur être reconnue dans la mesure où les établissements publics de coopération intercommunale, à l'instar des autres établissements publics, sont régis par le principe de spécialité, alors que les collectivités territoriales disposent d'une clause générale de compétence, et sont administrés par des représentants désignés par leurs communes membres, alors que les assemblées délibérantes des collectivités territoriales doivent être élues au suffrage universel.

Néanmoins, à l'initiative de votre rapporteur et de notre collègue Jean-Claude Gaudin, le Sénat a étendu aux groupements de collectivités territoriales la possibilité d'être habilités à déroger, à titre expérimental, aux dispositions législatives et réglementaires régissant l'exercice de leurs compétences. L'Assemblée nationale, quant à elle, leur a permis d'être désignés par la loi « chefs de file » pour l'exercice de compétences croisées.

Par ailleurs, le Premier ministre a annoncé qu'une meilleure articulation serait recherchée entre la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, la loi du 25 juin 1999 d'orientation relative à l'aménagement et au développement durable du territoire, qui comporte des dispositions concernant les pays, et la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui instaure les schémas de cohérence territoriale, afin de simplifier le paysage institutionnel à l'échelon local et de permettre aux acteurs locaux de prendre leurs décisions dans les meilleures conditions possibles.

Enfin, la réflexion générale qui devra être conduite sur l'accompagnement financier de la nouvelle étape de la décentralisation engagée par le Gouvernement à la demande du Président de la République sera l'occasion de réformer le mode de calcul de la dotation d'intercommunalité afin de garantir aux établissements publics de coopération intercommunale une meilleure prévisibilité de l'évolution de leurs ressources.

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