IV. LE DÉVELOPPEMENT DE L'ACTIONNARIAT SALARIÉ (ARTICLE 5 DU PROJET DE LOI)

L'actionnariat salarié est particulièrement développé dans le secteur du transport aérien, notamment aux Etats-Unis, où les salariés d'United Airlines détiennent par exemple la majorité du capital de l'entreprise. Dans ce dernier cas, cette situation a favorisé le vote d'augmentations de salaires très importantes qui ont mis à mal la santé financière de la compagnie. Confrontée à la crise du secteur, celle-ci a dû se placer sous le chapitre 11 de la législation américaine sur les faillites.

Les dispositions du présent projet de loi devraient permettre de porter à peu moins de 20 % la part du capital d'Air France détenue par les salariés.

A. LES PRÉCÉDENTS

1. Le plan de redressement d'Air France de 1994

L'article 17 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier prévoyait que « I. L'Etat est autorisé, jusqu'au 30 juin 1998 au plus tard, à céder gratuitement des actions de la Compagnie nationale Air France aux salariés de cette entreprise qui, dans le cadre d'un accord collectif de travail, auront consenti, volontairement et individuellement, à une réduction de leurs salaires pour une durée de trois ans. (...)

« III. La part des actions cédées dans les conditions prévues par la présente loi ne peut excéder, au 30 juin 1998, une fraction du capital de l'entreprise supérieure à 20 %.

« IV. La valeur des actions attribuées aux salariés ne peut excéder la valeur, actualisée sur la durée de l'accord, des réductions de salaire qu'ils ont consenties, nettes de contribution sociale généralisée et de cotisations sociales et majorées des cotisations patronales et salariales d'assurance vieillesse du régime général de la sécurité sociale et de retraite complémentaire, appréciée le jour de l'accord collectif. Elle ne peut excéder pour chaque salarié le plafond annuel retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale applicable au jour de la mise en vigueur de l'accord collectif de travail, multiplié par le nombre d'années d'application de l'accord. (...)

« Les actions sont allouées proportionnellement au montant de la réduction de salaire consentie par chaque salarié et des majorations définies au IV du présent article. Pour chaque année civile il est procédé au plus tard le 31 mars de l'année suivante, à la constatation pour chacun des salariés de la réduction de son salaire. Cette constatation entraîne la cession à son profit du nombre d'actions correspondant. (...)

« IX. Sous réserve des dispositions de l'article 94-A du code général des impôts, la valeur de ces actions n'est pas retenue pour le calcul de l'assiette de tous impôts, taxes et prélèvements assis sur les salaires ou les revenus. Elle n'a pas le caractère d'éléments de salaires pour l'application de la législation du travail et de la sécurité sociale ».

L'article prévoyait également une période d'incessibilité des actions afin d'éviter tout désengagement des salariés et toute spéculation sur le cours de l'action Air France.

L'ouverture du capital aux salariés devait alors favoriser l'engagement du personnel pour le redressement d'Air France, qui connaissait alors de très importantes difficultés financières et dont l'avenir était incertain. Le plan de redressement d'Air France comprenait plusieurs volets. Le plus important d'entre eux était la recapitalisation de la compagnie, à hauteur de 20 milliards de francs, soumise à l'approbation de la Commission européenne. Cette recapitalisation avait pour principal objectif de permettre le désendettement de la compagnie aérienne.

L'autre volet du plan de redressement de la compagnie reposait sur une amélioration de sa productivité et de sa compétitivité. Le projet pour l'entreprise, adopté par référendum par le personnel de l'entreprise le 27 mars 1994 prévoyait que « chacun devra améliorer la contribution en temps de travail : pour le personnel au sol, cela signifie travailler pendant le temps pour lequel il est payé, pour le personnel navigant, cela veut dire (...) l'adaptation des normes de rémunération » 21 ( * ) . Le dispositif volontaire d'échange salaire-actions visait à réduire la masse salariale qui s'élevait alors à 16 milliards de francs. La direction de la compagnie aérienne escomptait réaliser, grâce à ce procédé, une économie annuelle de 400 millions de francs, dont 280 millions de francs au titre des salaires directs et 120 millions de francs au titre des charges sociales liées aux salaires.

La diminution des salaires devait entraîner une augmentation de la valeur de la société, grâce à la diminution de ses coûts fixes. Cette augmentation de valeur devait compenser l'essentiel de la fraction de capital que l'Etat cédait gratuitement aux salariés dans le cadre du dispositif volontaire d'échange salaire-actions. La réduction de salaire à laquelle devaient consentir les employés devait alors porter sur une durée de trois ans.

Environ un tiers des salariés d'Air France avaient souscrit à cette offre d'échange salaire-actions en 1994, pour des montants cependant réduits, puisque les salariés ne détenaient que 2,1 % du capital à l'issue de cette opération.

2. L'ouverture de capital de 1998

L'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a prévu les modalités d'ouverture du capital de la société Air France, comprenant des mesures relatives au développement de l'actionnariat salarié, dont les modalités sont reprises par l'article 5 du présent projet de loi et explicitées ci-après.

A l'occasion de l'ouverture du capital d'Air France, en 1999, l'offre préférentielle réservée aux salariés avait porté sur 15 % du capital mis sur le marché, ce que permettait la loi de 1998, alors que la loi de privatisation de 1986 limitait le montant de cette offre à 10 % du volume des titres mis sur le marché.

S'agissant de l'offre d'échange salaire-actions, seuls les syndicats de pilotes avaient accepté de signer des accords en ce sens au sein de l'entreprise. Près de 80 % du personnel navigant technique avait souscrit à l'offre, pour une part du capital de 6 % de la société, l'article 51 de la loi n° 98-546 du 2 juillet 1998 prévoyant que l'offre pourrait porter sur 12 % du capital.

* 21 In Projet pour l'entreprise « Reconstruire Air France 1994-1997 »

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