EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 80
(art. L. 241-13 du code de la sécurité sociale
et art. 10 de la loi n° 2003-47 du 17 janvier 2003 relative aux salaires,
au temps de travail et au développement de l'emploi)
Révision de dispositifs d'allégement
de cotisations sociales patronales

Objet : Cet article vise à supprimer, à compter du 1 er avril 2004, toute possibilité de cumuler l'exonération de cotisations sociales au titre de l'incitation à la réduction du temps de travail - dite « aide Aubry I » - avec le dispositif général d'allégement de charges sur les bas salaires issu de la loi du 17 janvier 2003 - dit « allégement Fillon ».

I - Le dispositif proposé

La loi du 17 janvier 2003 a institué un nouveau dispositif unifié d'allégements de charges sur les bas salaires se substituant, depuis le 1 er juillet dernier, à la ristourne « Juppé » et à l'allégement « Aubry II ».

Ce nouveau dispositif, codifié à l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale, n'est cumulable avec aucune autre exonération partielle ou totale de cotisations patronales - en application du principe traditionnel de non-cumul -, à l'exception de :

- l'aide incitative dite « Aubry I » mise en place par la loi n° 98-461 du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail ; en ce cas, le montant de la réduction est minoré de 54 euros par mois pour un salarié à temps complet ;

- la réduction forfaitaire des cotisations patronales, dues au titre de l'avantage en nature constitué par la fourniture du repas au salarié dans le secteur des hôtels, cafés, restaurants (HCR), prévue à l'article L. 241-4 du code de la sécurité sociale.

En outre, pendant la période transitoire courant du 1 er juillet 2003 au 30 juin 2005, le nouveau dispositif est également cumulable avec :

- l'allégement dit « de Robien » mis en place par la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle ;

- l'abattement de 30 % accordé en cas de temps partiel (article L. 322-12 du code du travail), ce cumul étant réservé aux employeurs qui, au 30 juin 2003, n'employaient pas de salariés ouvrant droit à l'allégement dit Aubry II.

Cette possibilité de cumul reste toutefois plafonnée, l'allégement total ne pouvant être supérieur au montant des cotisations patronales de sécurité sociale.

Le présent article met un terme à la possibilité de cumul entre l'allégement « Fillon » et l'aide « Aubry I » à compter du 1 er avril 2004, les employeurs bénéficiant d'un droit d'option entre les deux aides jusqu'au 31 mars prochain.


L'aide « Aubry I »

La loi du 13 juin 1998 d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail a institué une aide spécifique en faveur des entreprises, anticipant, par accord collectif, le passage de la durée légale du travail à 35 heures au 1 er janvier 2000 pour les entreprises de plus de vingt salariés, et au 1 er janvier 2002 pour celles de taille inférieure.

Cette aide financière accordée par l'État est forfaitaire et dégressive sur cinq ans, en fonction de la date de mise en place de la réduction du temps de travail et de la convention passée au sein de l'entreprise.

L'allégement des cotisations patronales s'élevait à 915 euros par salarié et par an (pour les accords signés en 2001). Une majoration était prévue lors d'efforts particuliers en termes d'embauches ou en cas de réduction d'au moins 15 % du temps de travail et pour les entreprises de main d'oeuvre à bas salaire.

Le paragraphe I supprime la possibilité de cumuler l'allégement « Fillon » avec l'aide « Aubry I » à partir du 1 er avril 2004.

Le paragraphe II est de coordination.

Le paragraphe III supprime parallèlement toute possibilité de cumul de l'aide « Aubry I » avec une autre exonération totale ou partielle de cotisations patronales 31 ( * ) à compter du 1 er avril 2004. En outre, il ouvre jusqu'au 31 mars prochain un droit d'option pour les entreprises bénéficiant actuellement de l'aide « Aubry I » entre cette aide et l'allégement « Fillon ». Ce choix, qui est irrévocable, s'appliquera logiquement à l'ensemble des salariés de l'entreprise.

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

II - La position de votre commission

Fin 2002, les aides « Aubry I » concernaient 2.131.792 salariés pour un montant global de 2,12 milliards d'euros de cotisations exonérées sur l'année 32 ( * ) . Ces aides sont en diminution du fait de la dégressivité du montant de l'aide (qui se réduit d'environ 150 euros par an) et de la fin d'entrée dans le dispositif 33 ( * ) . En tout état de cause, elles doivent disparaître fin 2006.

Pour les entreprises bénéficiant actuellement du cumul, l'impact du présent article sur le coût du travail devrait être relativement modéré. Selon M. François Fillon, la hausse des charges pour celles-ci devrait être d'environ 10 euros par salarié et par mois, soit une augmentation du coût du travail de l'ordre de 0,6 %.

L'impact de cette réforme pour les employeurs concernés dépendra avant tout de la structure des coûts salariaux dans l'entreprise : l'allégement « Fillon » est en effet dégressif selon le salaire, tandis que l'aide « Aubry I » est forfaitaire. Dès lors, si les salaires sont pour l'essentiel des bas salaires, l'employeur aura tout intérêt à opter pour l'allégement « Fillon » qui varie actuellement d'environ 3.500 euros par an au niveau du SMIC jusqu'à s'éteindre à 1,5 SMIC. A l'inverse, si les salaires sont pour l'essentiel élevés (supérieur à 1,6 ou 1,7 SMIC), il aura alors intérêt à opter pour l'aide « Aubry I » qui est en moyenne d'environ 900 euros par an quel que soit le salaire. En revanche, dans le cas où les salaires se répartissent de manière régulière sur l'échelle des rémunérations, l'option sera plus difficile et la réforme d'autant plus coûteuse pour l'entreprise.

Au total, la suppression du cumul se traduira en 2004 par une économie budgétaire de 500 millions d'euros.

L'exposé des motifs du présent article indique que « cette disposition favorisera la convergence, la simplification et la mise en cohérence de l'ensemble des dispositifs d'allégements de charges dans le cadre d'un régime unifié, centré sur les bas salaires et indépendant de la durée du travail » .

De fait, votre commission observe que celui-ci s'inscrit dans la logique de la loi du 17 janvier 2003 qui cherche à cibler les allégements de charges sur les bas salaires et à maximiser leurs effets en les déconnectant de la réduction du temps de travail.

Elle constate en outre qu'il ne fait qu'anticiper l'extinction programmée des aides « Aubry I » destinées à disparaître en tout état de cause fin 2006.

Au bénéfice de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 80 bis (nouveau)
(art. 5 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation
relative à la lutte contre les exclusions)
Institution du contrat d'insertion dans la vie sociale (CIVIS)
et décentralisation des actions d'accompagnement
des jeunes vers l'emploi

Objet : Cet article vise à instituer le CIVIS et en confie la mise en oeuvre aux régions. Il prévoit également de transférer aux régions la compétence en matière d'accompagnement des jeunes vers l'emploi, compétence actuellement détenue par l'État et réalisée dans le cadre du programme TRACE.

I - Le dispositif proposé

Le présent article a été introduit en première lecture à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement.

Il a un double objet :

- donner une base légale aux deux premiers volets du CIVIS (« accompagnement vers l'emploi » et « accompagnement vers la création d'entreprise »), le troisième volet (« emplois d'utilité sociale ») ayant déjà été mis en oeuvre de manière anticipée sur la base du décret du 11 juillet 2003 ;

- transférer aux régions la compétence en matière d'organisation d'actions d'accompagnement personnalisé des jeunes les plus en difficulté vers l'emploi, compétence jusqu'ici exercée par l'État et mise en oeuvre principalement dans le cadre du programme TRACE. A cette fin, il élargit le champ de ces actions à la création ou à la reprise d'une activité non salariée et à la réalisation d'un projet personnel à vocation sociale au sein d'associations. De ce fait, il emporte création de compétences pour les régions puisque ces nouvelles actions ne sont, par définition, pas exercées aujourd'hui par l'État. En conséquence, il organise la compensation financière correspondant à la fois à cette création et au transfert de compétences.

Le paragraphe I tend à confier aux régions (et à la collectivité territoriale de Corse) la compétence d'organiser les actions personnalisées d'accompagnement des jeunes les plus en difficulté vers l'emploi.

Jusqu'à présent, cette compétence relève de l'État en application de l'article 5 de la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, même s'il l'exerce déjà en association avec les régions. Elle est pour l'essentiel mise en oeuvre par l'intermédiaire du programme TRACE.

Le présent paragraphe reprend l'essentiel des dispositions des I et IV de l'article 5 de la loi du 29 juillet 1998 définissant le cadre général de cette compétence, le contenu des actions d'accompagnement, le champ des publics prioritaires et la couverture sociale des jeunes bénéficiant de ces actions.

Le paragraphe II est de coordination. Il abroge l'article 5 de ladite loi, dans la mesure où l'essentiel de ses dispositions - hormis, bien entendu, celles définissant les conditions de mise en oeuvre de cette mission par l'État - est repris dans le paragraphe I.

Le paragraphe III institue le CIVIS, qui est alors pour la région l'un des moyens d'exercice de sa nouvelle compétence en matière d'organisation des actions d'accompagnement personnalisé des jeunes les plus en difficulté vers l'emploi.

Il précise la nature du CIVIS : il s'agit d'un contrat non renouvelable, conclu pour une durée maximale de deux ans, qui peut, le cas échéant, être précédé d'une période d'orientation de trois mois durant laquelle est élaboré un projet d'insertion.

Il définit également le public éligible au CIVIS, à savoir les jeunes de 16 à 24 ans révolus de niveau de formation inférieur à bac + 2.

Il détermine aussi la nature de l'aide dont peut bénéficier le jeune. Il s'agit d'une allocation versée par la région aux jeunes majeurs, uniquement, et pour les seules périodes pendant lesquelles ils ne perçoivent ni rémunération, ni une autre allocation. Cette allocation est incessible et insaisissable et peut-être suspendue ou supprimée en cas de non-respect du contrat.

Il indique le contenu des actions d'insertion attachées au contrat. Celles-ci peuvent consister en :

- des actions générales d'accompagnement renforcé et personnalisé (c'est le fondement du premier volet « accompagnement vers l'emploi ») ;

- une orientation vers l'emploi. A cet égard, il est notamment précisé que cet emploi peut prendre la forme d'un contrat d'apprentissage, d'un contrat de qualification ou d'un contrat « jeune en entreprise » ou d'un emploi dans une association développant des activités d'utilité sociale (et c'est là le fondement du troisième volet du CIVIS « emploi d'utilité sociale ») ;

- une assistance à la réalisation d'un projet de création ou de reprise d'activité non salariée (et c'est là le fondement du deuxième volet « accompagnement vers la création d'entreprise »).

Il fixe enfin les modalités de mise en oeuvre du contrat , en précisant que la région peut, à ce titre, passer une convention avec la commune, le département ou la mission locale.

Le paragraphe IV a trait à la compensation financière de ces transferts et création de compétences.

Il prévoit que cette compensation prend la forme d'une majoration de la dotation de décentralisation relative à la formation professionnelle et à l'apprentissage (dont les crédits sont inscrits au chapitre 43-06 du budget du travail) et qu'elle évolue chaque année comme la dotation globale de fonctionnement.

Il introduit toutefois une double exception à ce principe.

- d'une part, le transfert des ressources se fera de manière progressive en trois ans . Ainsi, s'agissant de la création du CIVIS, seuls 30,98 % de la dotation de l'État fera l'objet d'une compensation en 2004 et 92,49 % en 2005, l'État gardant le solde à sa charge. On observera que le taux retenu pour 2004 représente le coût des premier et deuxième volets du CIVIS (soit 24,7 millions d'euros) et que les crédits correspondants ont bien été transférés au chapitre 43-06, par amendement, en première lecture à l'Assemblée nationale. Le montant global de la compensation s'élevera, à terme, à 80 millions d'euros.

S'agissant de la compensation du transfert de compétences au titre du programme TRACE, le montant global de la compensation sera égal à la dépense de l'État en 2003. Mais elle se fera, là encore, de manière progressive : 25 % en 2004 et 75 % en 2005. A ce titre, 11,3 millions d'euros ont été transférés du chapitre 44-70 (crédits relatifs au réseau d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes) vers le chapitre 43-06, par amendement, en première lecture à l'Assemblée nationale. Dans ces conditions, on peut en déduire que le montant total de la compensation est estimé à 45 millions d'euros en 2003 ;

- d'autre part, la répartition des ressources transférées à ce titre se fera de manière dérogatoire à la répartition prévue à l'article L. 4332-1 du code général des collectivités territoriales. Ledit article prévoit que les crédits transférés sont répartis « en fonction de la structure et du niveau de qualification de la population active, ainsi que de la capacité d'accueil de formation existant » . Ces critères, sans doute légitimes pour la répartition de la dotation de décentralisation pour la formation, n'ont pas la même pertinence en matière d'accompagnement des jeunes vers l'emploi. C'est pourquoi le présent article prévoit un autre critère de répartition, qui sera précisé par décret : celui du nombre de jeunes dans la région et de leur situation vis à vis du marché du travail.

Ce paragraphe prévoit enfin la transmission à l'État de données statistiques sur la mise en oeuvre du CIVIS.

II - La position de votre commission

Notre collègue Alain Gournac, en conclusion de son rapport au Premier ministre sur le CIVIS, s'était interrogé sur les conditions du succès du CIVIS :

«En définitive, le succès du CIVIS reposera au premier chef sur l'implication des collectivités territoriales, sachant que, sur l'objectif de l'insertion des jeunes, de nombreuses collectivités ont fait preuve de leur dynamisme en étant à l'origine de la création de dispositifs novateurs et complémentaires au CIVIS. Or, l'intérêt soulevé par le CIVIS s'accompagne, de la part des divers échelons de collectivités territoriales, de fortes interrogations sur la répartition de leur rôle et sur les modalités de leur intervention.

« C'est pourquoi il apparaît de la plus grande nécessité que les questions posées trouvent leur résolution par l'institution d'un dispositif qui allie lisibilité et souplesse de façon à associer dans le cadre régional chaque échelon territorial, tout en procédant à une modulation du CIVIS par des déclinaisons territoriales adaptées aux spécificités locales. »

A cet égard, votre commission considère que le CIVIS, tel que défini par le présent article, correspond non seulement aux grandes lignes qu'avait pu en donner précédemment le Gouvernement, mais aussi aux conditions de réussite énoncées par notre collègue Alain Gournac.

En ce sens, la décentralisation du CIVIS au profit des régions et l'articulation de leur action avec celle des autres acteurs locaux de l'insertion des jeunes (communes, départements, missions locales), que prévoit le présent article, apparaît être la solution la plus appropriée. Elle exigeait donc naturellement, et plus largement, la décentralisation de l'ensemble des actions d'accompagnement des jeunes les plus en difficulté vers l'emploi. Ce choix est d'ailleurs cohérent avec la pratique des collectivités locales, qui ont déjà mis en oeuvre des dispositifs innovants sur ce point et avec les dispositions de l'article 11 du projet de loi relatif aux responsabilités locales qui confortent le rôle des régions en matière de coordination du réseau d'accueil, d'information et d'orientation des jeunes.

Pour autant, votre commission observe que cette succession de textes brouille singulièrement la lisibilité d'ensemble du dispositif, d'autant qu'ils se présentent dans un ordre que d'aucuns pourraient qualifier de décousu.

En effet, le dispositif a d'abord fait l'objet du décret du 11 juillet 2003 instituant son troisième volet, puis il a été organisé par le présent article. Enfin, le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, présente en Conseil des ministre le 19 novembre dernier, comporte un article 51 consacré au CIVIS, qui reprend l'essentiel des dispositions du présent article pour les codifier dans le code général des collectivités territoriales.

Dans ces conditions, on peut douter de la clarté de l'articulation entre ces différents textes :

- entre le décret et le présent article, le troisième volet du CIVIS, qui relevait initialement de l'État, devient compétence de la région. On notera aussi la durée du contrat de travail (trois ans) diffère de celle du CIVIS (deux ans) et que l'âge limite pour conclure le contrat de travail est de vingt-deux ans révolus alors que le CIVIS s'adresse aux jeunes jusqu'à vingt-quatre ans révolus ;

- entre le présent projet de loi de finances et le projet de loi relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social, on observera quelques incertitudes, notamment pour les modalités de compensation financière : alors que le premier mentionne explicitement une compensation sous forme de dotation budgétaire, le second n'évoque plus que l'attribution de « ressources » sans plus de précision.

Sous réserve de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

* 31 Cette précision est de simple coordination puisque l'article 3 modifié de la loi du 13 juin 1998 ne prévoyait qu'une seule possibilité de cumul pour l'aide « Aubry I » : celle avec l'allégement « Fillon ».

* 32 A cette date, 144.000 établissements bénéficiaient de l'aide « Aubry I » ou de l'allégement « de Robien ».

* 33 Ainsi, à législation inchangée, elles ne devraient être que de 2.073 millions en 2003 et auraient pu s'élever à 1.790 millions d'euros en 2004.

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