c) L'élargissement du champ conventionnel à certaines conditions spécifiques de dépassement d'honoraires par les médecins spécialistes
Corrélativement aux dispositions de l'article 4, l'article 5 du présent projet de loi prévoit de compléter l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale 16 ( * ) , relatif aux relations conventionnelles, par deux alinéas disposant que les conventions nationales déterminent notamment :
- les missions particulières des médecins traitants ;
- les modalités selon lesquelles les médecins relevant de certaines spécialités médicales sont autorisés à pratiquer, dans certaines limites, des dépassements d'honoraires sur le tarif des actes et consultations pour les patients qui les consultent sans prescription préalable de leur médecin traitant et qui ne relèvent pas d'un protocole de soins et, suite à un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative de la commission spéciale chargée d'examiner le présent projet de loi, les engagements des professionnels pour assurer l'égalité de traitement des patients au regard des délais d'accès au médecin.
(1) La possibilité pour les médecins spécialistes de pratiquer des dépassements d'honoraires
Alors que l'article 4 du présent projet de loi offre la possibilité à la nouvelle UNCAM de majorer la participation des assurés en cas de non-désignation d'un médecin traitant ou de consultation directe d'un médecin sans passer par le médecin traitant, l'article 5 pousse la logique plus loin en permettant à la convention de déterminer les conditions dans lesquelles les médecins spécialistes sont autorisés à pratiquer des dépassements d'honoraires sur le tarif des actes et consultations des patients qui les consulteraient sans prescription préalable de leur médecin traitant.
Lors de la discussion de cet article à l'Assemblée nationale, M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, a déclaré : « nous proposons que le patient voie son médecin traitant avant de consulter un spécialiste. Mais si le patient veut consulter directement un spécialiste, nous proposons que ce dernier puisse augmenter ses honoraires de façon encadrée par la convention. (...) nous voulons instaurer un système plus juste et plus équitable ».
(2) Les modalités d'application des dépassements d'honoraires
L'exposé des motifs du présent article précise que les modalités appliquées à ces dépassements seront fixées dans la convention nationale et que ces dispositions ne s'appliqueront pas aux spécialités pour lesquelles un recours direct est possible. De fait, ce dispositif ne s'applique qu'aux médecins du secteur 1, conventionné, les médecins spécialistes du secteur 2 pratiquant des honoraires libres.
S'agissant du cas spécifique des médecins spécialistes hospitaliers, l'Assemblée nationale a modifié la rédaction de l'article 5 du présent projet de loi de manière à préciser au sein de l'article L. 162-22-10 du code de la sécurité sociale que, chaque année, l'Etat fixe le « montant de la majoration appliquée aux patients qui, sans prescription préalable de leur médecin traitant, consultent un médecin spécialiste hospitalier. Cette majoration ne s'applique pas aux patients suivant un protocole de soins. Elle ne s'applique pas aux consultations réalisées dans le cadre de l'activité libérale du médecin hospitalier ».
Les organismes d'assurance complémentaire devraient pouvoir prendre en charge, s'ils le souhaitent et dans des conditions qu'ils fixeront, l'augmentation du reste à la charge de l'assuré. En effet, aucun mécanisme relatif aux contrats d'assurance complémentaire n'est prévu afin de les dissuader de couvrir la majoration de la participation de l'assuré.
Votre rapporteur pour avis souhaite toutefois que puissent être exposées clairement les limites dans lesquelles ces dépassements seront autorisés. En effet, la rédaction proposée par l'article 5 du présent projet de loi prévoit que les médecins spécialistes sont autorisés à pratiquer, « dans certaines limites », des dépassements d'honoraires. Il convient de savoir quelles seront ces limites et de veiller à ce qu'elles permettent d'exclure la pratique d'une liberté tarifaire totale par les médecins spécialistes. A cet égard, votre rapporteur pour avis vous proposera un amendement visant à préciser que ces dépassements d'honoraires pourront être pratiqués dans la limite d'un plafond respectant les dispositions de l'article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale 17 ( * ) .
En effet, comme le souligne d'ailleurs le rapport de la commission spéciale chargée d'examiner le présent projet de loi à l'Assemblée nationale, « le risque d'atteinte à l'égalité des patients est parfois évoqué s'agissant de cet article. En particulier, il existerait un risque que les praticiens accèdent plus rapidement aux demandes de « consultation directe » que celles passant par le médecin traitant, ce qui irait à l'encontre de l'esprit du dispositif, qui souhaite encourager le travail en réseau et l'organisation de filières ».
En outre, il convient de rappeler que cette possibilité de dépassement d'honoraires ouverte à certains médecins spécialistes pourrait avoir un effet potentiellement inflationniste sur les dépenses des caisses d'assurance maladie . En effet ces dernières participent au financement des cotisations sociales dues par les professionnels de santé au titre de leurs honoraires, pour un montant actuel de l'ordre de 1,6 milliard d'euros s'agissant de la CNAMTS. Une augmentation des honoraires de médecins spécialistes pourrait entraîner une augmentation des dépenses des caisses d'assurance maladie par le biais d'une augmentation de leurs frais de prise en charge des cotisations des médecins au titre de leurs honoraires. D'où la réelle nécessité d'encadrer les dépassements d'honoraires.
* 16 Dans sa rédaction actuelle, cet article dispose notamment que les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins sont définis par des conventions nationales conclues séparément pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, au moins une autre Caisse nationale d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes ou de médecins spécialistes ou par une convention nationale conclue par la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, au moins une autre Caisse nationale d'assurance maladie et au moins une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes et une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins spécialistes.
* 17 L'article L. 162-2-1 du code de la sécurité sociale dispose que les médecins sont tenus, dans tous leurs actes et prescriptions, d'observer, dans le cadre de la législation et de la réglementation en vigueur, la plus stricte économie compatible avec la qualité, la sécurité et l'efficacité des soins.