d) L'impact réel de l'instauration du médecin traitant au regard des expériences étrangères de « gatekeeping »

Dans son rapport d'enquête sur la régulation et l'organisation de la médecine de ville et les enseignements des expériences étrangères de mars 2003, l'Inspection générale des finances revient sur la question de l'organisation des filières de soins et rappelle que la continuité et la coordination entre les différents producteurs de soins peut être recherchée en confiant au médecin généraliste un rôle de porte d'entrée dans le système de soins (« gatekeeping »).

Le rapport d'enquête précise toutefois que « au vu des expériences étrangères, il est difficile de conclure sur l'efficacité économique et sanitaire de ce dispositif. De plus, la mise en oeuvre d'une telle mesure apparaît peu pertinente en France aujourd'hui ».

D'après ce rapport d'enquête, a priori , l'impact du « gatekeeping » sur la qualité des soins dispensés semble devoir être positif, à condition que les médecins généralistes aient la formation nécessaire pour assumer ce rôle d'orientation. En revanche, l'impact global sur les coûts est incertain. Cette mesure peut diminuer le recours à l'hôpital et les consultations de spécialistes, voire celles de généralistes grâce à une meilleure prise en charge, mais elle peut également augmenter mécaniquement le nombre de consultations de généralistes, sans nécessairement diminuer à due proportion celles de spécialistes et le recours à l'hôpital. Le rapport en conclut que « les effets positifs du filtrage de l'accès aux soins secondaires en tant qu'instrument de réduction des coûts ne semblent donc pas avérés. Le gatekeeping pourrait même occasionner une augmentation des dépenses de santé, sans gain significatif en matière de qualité ».

S'agissant du cas spécifique de la France, ce rapport d'enquête souligne qu'en l'absence d'expérimentation pratique, il n'existe pas de preuve formelle qu'un tel dispositif engendrerait des difficultés en termes d'acceptabilité. Toutefois il indique que le faible succès, tant du côté des praticiens que des patients, du médecin référent semble indiquer que la gatekeeping serait mal accepté en France et que sa mise en oeuvre serait peu pertinente.

En premier lieu, il apparaît qu'en France, tout comme dans la plupart des pays développés, les dépenses de santé sont fortement concentrées sur un petit nombre de personnes affectées de pathologies lourdes. Dès lors, appliquer un dispositif de gatekeeping uniforme à tous les patients serait certainement peu efficace. Par ailleurs le gatekeeping est particulièrement peu adapté aux maladies chroniques.

De plus l'accès direct au spécialiste semble aujourd'hui peu courant en France, malgré la présence de nombreux médecins spécialistes dans le secteur ambulatoire.

Une étude de l'INSEE sur le parcours médical des Français

Une récente étude de l'INSEE a permis de montrer que dans 70 % des cas les patients se dirigent en premier lieu vers un médecin généraliste. Cette première visite est suivie dans les quinze jours d'une seconde visite chez le généraliste dans 11 % des cas, et chez un spécialiste dans 3 % des cas (6 % après deux mois).

Dans 30 % des cas, les patients vont directement en premier recours chez un spécialiste. Cette visite est suivie dans les quinze jours d'une seconde visite chez le spécialiste dans 13 % des cas et d'une visite chez un généraliste dans 4 % des cas.

Au total, moins de 30 % des visites de premier recours sont des visites à des spécialistes qui sont susceptibles d'être remplacées par des visites à des médecins généralistes. Dans 4 % des cas (visite au spécialiste, puis au généraliste), un gatekeeping aurait sans doute permis de réaliser des économies. Pour les 26 % restant en revanche, il n'est pas prouvé que le médecin généraliste aurait pu se substituer efficacement au spécialiste en premier recours.

Cette étude montre également que les accès directs aux spécialistes sont concentrés sur quelques spécialités : les ophtalmologistes, les gynécologues, les pédiatres et les dermatologues représentent plus de la moitié des accès directs aux spécialistes.

Il semblerait raisonnable d'accorder le statut de gatekeeper aux ophtalmologistes, aux gynécologues et aux pédiatres. L'impact potentiel du gatekeeping deviendrait encore plus réduit : les éventuelles substitutions de généralistes aux spécialistes se limiteraient en effet à environ 15 % des visites de premier recours.

Source : Breuil-Genier et Rupprecht, « Généraliste puis spécialiste : un parcours peu fréquent », INSEE Première, n° 709, avril 2000

Si votre rapporteur pour avis ne conteste pas la réalité de cette situation, il estime toutefois que l'instauration d'un système de gatekeeping à la française, sous la forme du médecin traitant, doit pouvoir participer de la nécessaire coordination des soins au sein de notre système de santé et que le dispositif proposé par le présent projet de loi s'accompagne d'incitations assez fortes pour imposer le recours au médecin traitant et faire preuve de son efficacité .

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