ANNEXE -
AUDITION DU GÉNÉRAL RICHARD WOLSZTYNSKI,
CHEF D'ÉTAT-MAJOR DE L'ARMÉE DE L'AIR ,
DU 10 NOVEMBRE 2004

Mercredi 10 novembre 2004 - La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l' audition du général Richard Wolsztynski , chef d'état-major de l'armée de l'air , sur le projet de loi de finances pour 2005

Le chef d'état-major de l'armée de l'air a indiqué que, conformément aux orientations fixées par la loi de programmation militaire, l'armée de l'air poursuit la modernisation de ses équipements et de son organisation en l'inscrivant dans un cadre européen et en confortant ses capacités d'autonomie de décision et d'action. Ce processus de modernisation vise à conforter la réactivité et la cohérence opérationnelle de l'armée de l'air pour qu'elle puisse agir, se déployer, et le cas échéant, diriger et commander des dispositifs multinationaux sous l'égide de l'Union européenne ou de l'OTAN. Les efforts portent naturellement sur l'ensemble des capacités de prévention, d'action et d'influence mais aussi sur l'aménagement de nos structures et de notre organisation.

Le général Wolsztynski a fait valoir que la réactivité et la cohérence opérationnelle globale de l'armée de l'air s'appuyaient sur un nécessaire aménagement de ses structures et de son organisation. Cet aménagement, confié à un groupe de projet récemment créé, appelé « air 2010 », s'inscrit dans la logique de la mise en oeuvre de la LOLF (Loi organique relative aux lois de finances) et conduira à une meilleure répartition des effectifs au sein de l'administration centrale. La ressource en personnel, aujourd'hui comptée, doit en effet être préservée à partir d'une gestion des effectifs mieux maîtrisée. Cette gestion doit être menée en cohérence avec la rationalisation du réseau des bases aériennes et tenir compte de la faible attractivité de la région parisienne.

Ce groupe a également en charge le pilotage d'un processus équivalent à celui ayant conduit à la création de l'état-major opérationnel (antérieurement appelé pôle opérationnel) afin d'améliorer la réactivité de notre organisation tout en la simplifiant.

Cette rationalisation passe enfin par un véritable aménagement du réseau des bases aériennes, aménagement envisagé à l'horizon 2010, qui pourrait se traduire par une réduction sensible du nombre de nos implantations.

Le général Wolsztynski a souligné combien, dans ce contexte, la formation et l'entraînement sont également un facteur essentiel à la réactivité de l'armée de l'air. Les personnels doivent en effet bénéficier d'un entraînement adapté au nouvel environnement opérationnel dominant. A cet égard, les exercices régionaux constituent un cadre favorable à la préparation des forces aériennes aux différents scénarios d'engagement tout en favorisant la coopération régionale.

La qualité des outils de formation suscite aujourd'hui un réel intérêt de la part de nos partenaires européens. Résolument engagée dans cette dynamique européenne, l'armée de l'air a obtenu de très bons résultats au cours de l'année 2004 en concrétisant des actions de coopération significatives. L'école de chasse franco-belge et ses perspectives d'élargissement à d'autres partenaires augurent des économies substantielles dans la formation des personnels navigants. Cette démarche de mutualisation doit donc être encouragée et s'étendre à d'autres spécialités. Le projet de budget 2005 et le titre III qui lui est associé soutiennent la politique de formation et d'entraînement de l'armée de l'air. Il permet d'ailleurs de maintenir au même niveau l'activité des forces, sous réserve cependant de l'évolution des prix du carburant.

Le général Wolsztynski a ensuite insisté sur la qualité du réseau des bases aériennes et les structures de commandement et de conduite, essentiels à l'intégration dans un cadre interarmées, interallié, voire dans un cadre interministériel. L'armée de l'air fait en effet aujourd'hui partie des seules armées de l'air européennes disposant d'une capacité de projection de structures complètes, comme cela a été réalisé pour l'Afghanistan ou pour la République démocratique du Congo. Elles sont garantes de la réactivité de la composante aérienne dans les engagements extérieurs ou intérieurs et sont par ailleurs, parfaitement adaptées dans le cadre d'actions strictement nationales, comme cela fut démontré à l'occasion des cérémonies du 60 e anniversaire des débarquements de Normandie et de Provence ou à l'occasion de la visite de personnalités. Cet ensemble de capacités, et notamment celles relatives au commandement et à la conduite des opérations aériennes, représentent un capital extrêmement précieux garantissant une réelle autonomie d'engagement de notre pays en qualité de nation-cadre dans des contextes très divers d'opérations européennes, transatlantiques ou au sein de coalitions ad hoc.

S'agissant du renouvellement des capacités opérationnelles de l'armée de l'air, même si l'effort consacré à la modernisation des équipements est une réalité inscrite dans la loi de programmation militaire, le général Wolsztynski a souligné qu'il ne faut pas pour autant sous-estimer les difficultés de gestion rencontrées en 2004 qui ont conduit à décaler la satisfaction de certains besoins, notamment en matière de projection. L'acquisition des avions de transport de type TLRA (avion de transport à très long rayon d'action) renforcera les capacités de projection à la fin de l'année 2005, compte tenu de l'arrivée en fin de vie de la flotte Transall.

Le général Wolsztynski a précisé que le cadre de la coopération européenne constitue une voie d'amélioration pour la projection des forces avec la montée en puissance de l'European Airlift Center, véritable embryon d'une flotte européenne de transport.

Les études de solutions palliatives privilégiant les financements innovants, et donc un emploi innovant, doivent être poursuivies, notamment pour le MRTT (Multi rôle transport tanker). Cette capacité représentera l'ossature de notre projection stratégique.

En matière de projection de puissance, les récents aménagements retenus pour le programme Rafale avec le nouveau ratio biplaces-monoplaces ne remettent pas en cause les objectifs de la loi de programmation 2003-2008.

Dans l'attente de la mise en service opérationnel du premier escadron Rafale, en 2006, à Saint-Dizier, l'armée de l'air continue d'améliorer ses capacités de frappe dans la profondeur avec la livraison des missiles de croisière SCALP-EG sur Mirage 2000D (70 missiles livrés en 2005).

Les reports de livraison de certains matériels ou armements tels que l'AASM (Armement Air Sol Modulaire), à partir de 2006, et les missiles MICA (Missile d'Interception et de Combat aérien) (30 missiles EM/120 IR) s'inscrivent en cohérence avec la montée en puissance des programmes qui leur sont associés.

Les mesures prises n'affecteront pas les capacités d'engagement sur le territoire national dans le cadre des missions visant à assurer la sécurité de l'espace aérien français, qui constitue une priorité opérationnelle, ainsi que les missions de service public, ou dans le cadre des missions réalisées sur les théâtres d'opérations extérieures.

Enfin, le retrait anticipé du service de certains matériels s'est imposé, compte tenu des coûts associés à leur entretien, ainsi celui du DC8 Sarigue devenait prohibitif avec un coût de maintien en condition opérationnelle annuel s'élevant à six fois le budget de fonctionnement d'une base aérienne. Loin d'altérer la cohérence opérationnelle, ces mesures se traduisent par des économies permettant de ne pas retarder l'acquisition des équipements futurs.

Le général Wolsztynski a ensuite insisté sur la nécessité de préserver l'autonomie de décision et d'action, véritable priorité du processus de modernisation. Cette autonomie conditionne la capacité d'influence sur les alliances et les coalitions au sein desquelles la France dispose du statut de nation-cadre. Elle conditionne également la participation programmée de l'armée de l'air à la NRF (Nato Response Force) au titre de notre contribution au processus de transformation de l'OTAN.

Pour ce qui est du renforcement des capacités en matière de surveillance, de reconnaissance et de relais de communication, la mise en service opérationnel des systèmes intérimaires de drones MALE, dès 2005, apportera une contribution significative. Cette première capacité permettra d'accroître l'efficacité des moyens de recueil de renseignements au profit des armées.

La consolidation de notre aptitude à conduire et à commander des opérations s'inscrit dans la perspective d'une meilleure interopérabilité avec les équipements de nos partenaires afin de garantir l'intégration de nos dispositifs au sein des coalitions.

Pour le chef d'état-major de l'armée de l'air, la cohérence opérationnelle ne saurait se départir de la poursuite de l'effort concédé au redressement de la disponibilité technique opérationnelle. L'armée de l'air continue, à cet égard, de répondre avec une excellente réactivité aux diverses sollications opérationnelles. Dans le même temps, le niveau d'entraînement des personnels est, d'une manière générale, conforme aux objectifs fixés.

Si, sur le plan de la maintenance, de nombreux progrès ont été réalisés, il n'en demeure pas moins que les coûts importants qu'ils ont générés doivent aujourd'hui être mieux maîtrisés afin d'équilibrer le budget 2005 de la SIMMAD (Structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de défense). L'effort consenti à la disponibilité de nos équipements sera maintenu à hauteur de 26 % des crédits du titre V dans le projet de loi de finances pour 2005.

Pour le général Wolsztynski , le projet de loi de finances pour 2005 permettra de poursuivre les actions de modernisation de l'armée de l'air, dans le cadre d'une démarche d'ouverture vers l'Europe.

M. Philippe Nogrix a demandé au général Wolsztynski les éléments constitutifs et le calendrier du projet « air 2010 ».

Le général Wolsztynski a indiqué que ce projet s'inscrivait dans la logique des ajustements successifs vécus par l'armée de l'air depuis sa création officielle en 1934. Il a rappelé qu'en cinquante ans, l'armée de l'air s'était ainsi, en moyenne, désengagée d'un site par an. Si les plateformes majeures avaient été maintenues, d'autres installations avaient évolué, comme les stations-radars. Il fallait, par ailleurs, prendre en compte les problèmes liés à l'urbanisation des cités voisines des bases aériennes, plaçant celles-ci à proximité de zones d'habitation. Enfin, la flotte de combat était passée de 450 à 300 appareils. Les ajustements envisagés doivent naturellement tenir compte de ces paramètres d'évolution.

S'agissant du projet « Air 2010 », une première tranche de travaux a débuté le 15 octobre dernier et devrait aboutir, d'ici 10 mois, à un schéma directeur. La mise en oeuvre de ce projet devrait conduire à réduire les ressources humaines des structures centrales.

A M. André Boyer qui l'interrogeait sur la nature des appareils de l'armée de l'air impliqués dans l'actuelle crise de la Côte d'Ivoire, le général Wolsztynski a indiqué que 16 appareils étaient concernés, regroupant des C160 Transall, des C130, des Airbus A310 et des Casa 235. Il s'y ajoutait des avions de combat basés à Libreville et au Tchad. Le chef d'état-major de l'armée de l'air a précisé au sénateur que l'ulitisation de ces appareils sur de tels théâtres ne soulevait pas de difficultés particulières.

M. Serge Vinçon, président, ayant interrogé le chef d'état-major de l'armée de l'air sur d'éventuelles difficultés liées aux effectifs de militaires techniciens de l'air (MTA), le général Wolsztynski a indiqué que le recrutement et la fidélisation des MTA s'effectuaient dans de bonnes conditions, tant en qualité qu'en quantité. Il a rappelé que la stratégie retenue par l'armée de l'air avait été de maintenir ses effectifs réels en deçà de ses effectifs théoriques afin de rester sous l'enveloppe de la masse salariale.

M. Jacques Peyrat s'est inquiété d'une éventuelle suppression de la base de Nice. Il a, par ailleurs, interrogé le général Wolsztynski sur l'adaptation des dotations budgétaires pour 2005 aux exigences du maintien en condition opérationnelle des équipements ainsi que des contraintes de formation et d'entraînement des personnels.

M. Robert Del Picchia a interrogé le chef d'état-major sur le rôle des drones au sein des équipements de l'armée de l'air, sur le calendrier de l'avion de transport A400M ainsi que sur les résultats concrets de la coopération franco-belge. Il s'est enfin demandé comment l'armée de l'air abordait la question récurrente des « financements innovants ».

Le général Wolsztynski a alors apporté les éléments de réponse suivants :

- les restructurations sont décidées avec le souci d'affecter le moins possible les personnels concernés. Le fait que l'armée de l'air quitte un site n'empêche pas que celui-ci puisse garder une utilité opérationnelle pour une autre armée permettant ainsi de maintenir du personnel militaire sur le territoire concerné ;

- la non-attractivité de la région parisienne pour certains personnels de l'armée de l'air est une difficulté qui doit être prise en compte pour les restructurations futures ;

- la pertinence opérationnelle des drones n'est plus contestée, en tant que capteurs de reconnaissance très utiles en complément des satellites et des aéronefs. Le projet euromale (moyenne altitude longue endurance), piloté par EADS, intéresse plusieurs pays ;

- l'armée de l'air belge a réduit son format mais dispose d'un excellent outil de formation avec 29 Alpha-jet et des instructeurs performants. Un groupe mixte de formation se met en place sur la base aérienne de Cazaux et suscite de l'intérêt auprès de nos partenaires, notamment grecs et allemands. Une escadrille belge sous commandement français pourrait être intégrée au sein d'un escadron de formation ;

- la coopération européenne au niveau des armées de l'air est essentielle, notamment pour harmoniser les procédures de contrôle de l'espace aérien. C'est une des leçons tirées des attentats dont les Etats-Unis ont été victimes le 11 septembre 2001 ;

- l'intérêt essentiel des financements innovants est surtout lié à l'arrivée d'utilisateurs supplémentaires pour un équipement donné. Il repose avant tout sur un emploi innovant des équipements ;

- le programme A400M est désormais lancé et devrait permettre de combler le déficit capacitaire en matière de projection, lié à la disparition progressive des Transall. Un test du moteur prévu au printemps 2005 constituera une étape importante du programme. Le premier appareil serait livré en 2009 pour une capacité significative vers 2011-2012.

M. Didier Boulaud a interrogé le chef d'état-major de l'armée de l'air sur la situation de l'armée de l'air française parmi ses principales homologues mondiales.

M. Philippe Nogrix s'est inquiété du rythme des livraisons du Rafale et des incidences pour l'armée de l'air de la modification du ratio biplaces-monoplaces ainsi que sur la nature des armements associés à l'appareil.

M. André Vantomme a demandé des précisions sur l'avenir de la base aérienne de Creil.

M. Jean-Guy Branger s'est interrogé sur la situation des différentes écoles de formation de l'armée de l'air.

Le chef d'état-major de l'armée de l'air a apporté les précisions suivantes :

- la première armée de l'air au monde est évidemment l'armée de l'air américaine. Avec des moyens sensiblement moindres, viennent ensuite les armées de l'air française et britannique, la différence principale entre elles résidant dans le degré d'autonomie dans la conduite d'opérations en coalition. Elles seules, au sein des nations européennes, sont cependant capables de planifier et de conduire des opérations aériennes. Il faut également souligner que d'autres nations engagent un important effort pour atteindre cette capacité. Il s'agit notamment de l'armée de l'air turque ou de l'armée singapourienne, cette dernière participant activement aux entraînements multinationaux réalisés en Australie, aux Etats-Unis et en France. Enfin, l'armée de l'air indienne affiche également un niveau de performance très intéressant ;

- la coopération opérationnelle avec les Etats-Unis n'a jamais cessé, comme en témoigne l'utilisation conjointe de la base aérienne au Tadjikistan. Cependant, la France ne participe plus aux exercices « Red Flag », ce qu'elle compense en participant à des exercices équivalents au Canada. Les chefs d'état-major des principales armées de l'air se rencontrent fréquemment : ainsi lui-même a-t-il participé à sept rencontres réunissant chacune 25 participants différents depuis deux ans. Ces échanges d'informations et d'expériences sont sans équivalent ;

- c'est la Direction générale de l'armement qui dispose du calendrier des commandes groupées du Rafale, dont les trois premiers contrats ont été signés ;

- la répartition initiale entre Rafale biplace et monoplace, à raison respectivement de deux tiers/un tiers, était liée au contexte de la guerre froide. L'environnement stratégique nouveau pourrait conduire à une répartition inverse, sachant qu'il convient de tenir compte des missions longues ou de celles liées à la formation des pilotes ;

- dans sa version F2, le Rafale emportera les missiles MICA de défense aérienne, l'AASM (Armement Air Sol Modulaire), à compter de la fin 2006, et le missile Scalp, qui arme déjà le Mirage 2000. La future version F3 sera dotée de l'ASMP-A (Air Sol Moyenne Portée- Amélioré) et de la nacelle de reconnaissance, et se substituera alors au Mirage F1CR ;

- la base aérienne de Creil est interarmées, les effectifs de l'armée de l'air y sont minoritaires. Elle accueille des avions de transport et d'alerte, et sa proximité de Paris constitue pour ce qui la concerne un formidable atout ;

- les écoles de formation de l'armée de l'air sont d'un haut niveau, notamment l'école de Rochefort qui forme des mécaniciens interarmées. L'école de Saintes assure la formation militaire initiale en six semaines des MTA, accueille des apprentis mécaniciens, et inscrit également son action au profit de jeunes en recherche d'insertion professionnelle.

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