B. LA FONCTION PUBLIQUE, MARQUÉE PAR UNE IMPORTANTE VAGUE DE RÉFORMES

1. L'évolution progressive de la gestion de l'emploi public par la mise en oeuvre de plusieurs réformes législatives

Outre la réforme des retraites issue de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, de nombreuses réformes législatives récentes contribuent à faire évoluer le droit de la fonction publique et, plus généralement, la gestion de l'emploi public.

a) La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : le transfert progressif des personnels de l'Etat vers les collectivités territoriales et leurs groupements

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales organise le transfert de plus de 130.000 agents de l'Etat 66 ( * ) vers les collectivités locales, du fait du transfert des services ou parties de services nécessaires à l'exercice des compétences nouvellement transférées 67 ( * ) .

En vertu du dispositif prévu par le titre V de la loi (articles 104 à 117), les services ou parties de services participant à l'exercice des compétences transférées doivent être provisoirement mis à la disposition des collectivités territoriales ou de leurs groupements pour leur être ensuite transférés .

La mise à disposition ne peut durer plus de trois mois à compter de la date de publication du décret approuvant la convention type de mise à disposition provisoire des services ou, si la compétence est transférée postérieurement à l'adoption de ce décret, à compter de la date dudit transfert.

Une convention-type de mise à disposition a effectivement été approuvée par le décret n° 2005-2 du 4 janvier 2005.

A défaut de signature de cette convention dans les trois mois entre le représentant de l'Etat et le chef de l'exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales bénéficiaire de la nouvelle compétence, un arrêté conjoint du ministre chargé des collectivités territoriales et du ministre intéressé par le transfert doit établir la liste des services ou parties de services mis à disposition, après avis motivé d'une commission nationale de conciliation, placée auprès du ministre chargé des collectivités territoriales et comprenant un nombre égal de représentants de l'Etat et de représentants de chaque catégorie de collectivités territoriales et de leurs groupements. Cette commission a été installée le 23 juin 2005.

Pendant leur mise à disposition, les services ou parties de services sont placés sous l'autorité du chef de l'exécutif de la collectivité territoriale ou du groupement concerné.

Ensuite, des décrets en Conseil d'Etat doivent établir un schéma de partition définitive des services transférés . A compter de la publication de ces décrets, les fonctionnaires affectés dans les services ou parties de services concernés disposent alors d'un délai de deux ans pour exercer leur droit d'option entre l'intégration dans un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale et le maintien de leur statut antérieur avec une mise en position de détachement illimité auprès de la collectivité territoriale ou du groupement.

Par un décret n° 2005-529 du 24 mai 2005, le gouvernement a également créé des commissions locales de suivi des transferts des services et des personnels qui, instituées auprès de chaque préfet de région et auprès de chaque préfet de département à compter de l'entrée en vigueur des conventions ou des arrêtés interministériels de mise à disposition, sont associées aux travaux préalables à l'élaboration des décrets fixant les modalités de transferts définitifs des services et parties de services ainsi qu'à la mise en oeuvre des modalités pratiques de ces transferts définitifs.

Conformément à l'article 113 de la loi, une commission commune aux Conseils supérieurs de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique territoriale, chargée de donner son avis sur la convention type élaborée par le gouvernement , a été créée par le décret en Conseil d'Etat n° 2004-1349 du 9 décembre 2004 et ses membres nommés par un arrêté du 10 décembre 2004. En vertu dudit décret, cette commission est également consultée sur les éventuels projets de décrets portant création de cadres d'emplois spécifiques en vue de l'intégration dans la fonction publique territoriale de fonctionnaires de l'Etat. Cela pourrait notamment concerner l'intégration des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS). Le bilan des transferts de personnels et des demandes d'intégration des agents de l'Etat dans un cadre d'emploi de la fonction publique territoriale lui est également soumis. Enfin, elle peut être saisie :

- de toute question relative aux conditions des transferts des personnels, par la moitié au moins des membres du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et la moitié au moins des membres du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, ou par le ministre chargé de la fonction publique et le ministre chargé des collectivités territoriales. Dans ce cas, la commission peut proposer « toute mesure susceptible de garantir le bon déroulement des opérations de transfert de personnels et d'intégration des agents relevant de la fonction publique de l'Etat dans la fonction publique territoriale » ;

- de toute question relative aux relations entre la fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale, par la moitié au moins des membres du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat et la moitié au moins des membres du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, par le ministre chargé de la fonction publique et le ministre chargé des collectivités territoriales, ou, dans les deux mois suivant la demande écrite présentée par la moitié au moins de ses membres.

Cette commission est ainsi chargée du suivi des opérations, tant de mise à disposition que de transfert et d'intégration des personnels relevant de services ou parties de services transférés.

D'après les informations fournies par le gouvernement, dix conventions de mise à disposition ont d'ores et déjà été conclues avec six présidents de région et cent cinquante-neuf conventions l'ont été avec des présidents de conseils généraux .

En outre, le 21 septembre 2005, constatant l'absence de conventions signées avec les exécutifs locaux, la commission nationale de conciliation a approuvé les soixante-dix-neuf projets d'arrêtés de mise à disposition des services et parties de services de l'éducation nationale .

b) De récentes modifications statutaires à l'impact non négligeable

Le statut de la fonction publique a récemment fait l'objet d'importantes modifications du fait de l'adoption de la loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique et de l'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'Etat.

(1) La loi n° 2005-843 du 26 juillet 2005 : une évolution substantielle du droit de la fonction publique par la transposition du droit communautaire

En rendant le droit français de la fonction publique conforme au droit communautaire, la loi précitée du 26 juillet 2005 portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique a apporté d'importantes modifications dans le statut de la fonction publique.

Tout d'abord, cette loi a principalement eu pour objet de généraliser le recours aux contrats à durée indéterminée dans la fonction publique, afin de transposer en droit français la directive communautaire 1999/70/CEE du 28 juin 1999 concernant l'accord cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée 68 ( * ) .

Ainsi, afin de « prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats ou de relations de travail à durée déterminée successifs », le contrat à durée indéterminée devant rester la « forme générale des relations d'emploi entre employeurs et travailleurs », la loi du 26 juillet 2005 a prévu que , passé un délai de six ans, les contrats de certains agents non-titulaires des trois fonctions publiques ne pourraient plus être reconduits que pour une durée indéterminée . Il s'agit ainsi de mettre fin au renouvellement successifs des contrats de ces agents 69 ( * ) .

Ces nouvelles mesures sont uniquement destinées aux contractuels recrutés en vertu de dispositions permettant le renouvellement d'agents non-titulaires sans limitation de durée, les personnels employés pour un besoin occasionnel ou saisonnier ne pouvant en principe voir leurs contrats pérennisés.

Un dispositif transitoire est également prévu pour les agents non-titulaires actuellement en fonction, en particulier pour ceux âgés de plus de cinquante ans.

La transposition de la directive communautaire du 28 juin 1999 devrait ainsi permettre de réduire la précarité dans laquelle se trouvent un certain nombre de contractuels. Sans remettre en cause le principe du concours, dans la mesure où il ne s'applique qu'à un effectif restreint d'agents non-titulaires et où il ne leur offre pas les mêmes garanties statutaires, votre rapporteur considère en effet que le dispositif permet de répondre aux exigences communautaires et d'offrir aux agents concernés la possibilité de ne pas vivre dans l'anxiété de voir leur contrat non renouvelé au bout de plus de six années de travail au sein d'une collectivité publique et la stabilité de l'emploi qui facilite l'exercice de nombreuses démarches de la vie quotidienne 70 ( * ) .

La loi du 26 août 2005 a également favorisé la mobilité au sein de la fonction publique :

- pour les ressortissants communautaires , en disposant, par une inversion du principe antérieur, que tous les corps et cadres d'emplois de fonctionnaires seraient désormais accessibles aux ressortissants des autres Etats membres, à l'exception des emplois dont les attributions ne sont pas séparables de l'exercice de la souveraineté ou comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice de prérogatives de puissance publique. Favorisant la libre circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne, cette disposition a permis d'offrir une ouverture plus effective de l'emploi public aux ressortissants communautaires ;

- par la voie du détachement , en disposant qu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la publication de la loi, l'accès à tous les corps ou cadres d'emplois serait désormais ouvert par la voie du détachement, au contraire du droit précédemment en vigueur qui prévoyait que les statuts particuliers devaient autoriser le détachement au sein de chaque corps ou cadre d'emploi.

Votre rapporteur considère qu'en favorisant la mobilité des agents, ces dispositions permettent de rendre la fonction publique plus attractive, plus diversifiée dans ses recrutements et plus moderne . En inversant les principes jusqu'ici posées par le statut général, la loi engendre des changements d'état d'esprit qui devraient bénéficier à l'ensemble de la fonction publique.

Plus marginalement, la loi du 26 juillet 2005 a également contribué à accroître l'égalité des droits des personnes , dans le cadre de la lutte contre les discriminations, d'une part, et entre les hommes et les femmes, tant en matière de recrutement que dans l'exercice du droit au congé de maternité, de paternité et d'adoption, d'autre part. Elle a enfin prévu un dispositif visant à régler la situation des personnels employés par une entité économique dont l'activité est reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif . Ils se voient ainsi proposer un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée suivant la nature du contrat dont ils étaient déjà titulaires et qui en reprend les clauses substantielles.

(2) L'ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 : la recherche d'une diversification du recrutement

L'ordonnance du 2 août 2005 71 ( * ) , prise sur le fondement de l'habilitation accordée au gouvernement par la loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 72 ( * ) , a adopté deux mesures qui, prises dans le cadre du plan pour « la bataille pour l'emploi », tendent à favoriser un recrutement diversifié au sein de la fonction publique . Il s'agit de :

- la suppression des limites d'âge établi pour le recrutement dans la fonction publique ;

- la création d'une nouvelle voie d'accès à la fonction publique dans le cadre d'une formation par alternance destinée à aboutir à une titularisation de l'agent, avec le PACTE (parcours d'accès à la fonction publique de l'Etat, territoriale et hospitalière).

(a) La suppression de la limite d'âge pour le recrutement dans la fonction publique de l'Etat

Conformément à l'habilitation confiée au gouvernement par la loi du 26 juillet 2005, l'ordonnance précitée du 2 août 2005 a prévu la suppression de toutes les limites d'âge jusqu'à présent fixées pour le recrutement dans la fonction publique, à l'exception de celles établies pour l'entrée dans des corps classés en service actif et l'inscription aux concours d'accès à certaines écoles dont la durée de formation est supérieure ou égale à deux ans .

Elle a ainsi repris pour une large part le contenu de la proposition de loi de M. Serge Poignant tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique 73 ( * ) , tel qu'issue de son examen en première lecture par l'Assemblée nationale 74 ( * ) .

Aucune disposition législative n'imposait la nécessité d'instaurer des limites d'âge pour passer les concours de la fonction publique. Seul l'article 6 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui pose le principe de non-discrimination dans la fonction publique, autorisait toutefois la fixation de conditions d'âge pour le recrutement des fonctionnaires « lorsqu'elles visent à permettre le déroulement de leur carrière » (quatrième alinéa). Ainsi, l'instauration des limites d'âge pour se présenter à un concours administratif visait principalement à éviter que certains agents n'entrent si tardivement dans la fonction publique que leur déroulement de carrière n'aurait pu leur permettre d'ouvrir un droit à la retraite.

En conséquence, l'ordonnance a modifié l'article 6 de la loi précitée du 13 juillet 1983, afin de prévoir que désormais les conditions d'âge ne pourraient plus être fixées que pour le recrutement :

- des fonctionnaires dans les corps, cadres d'emplois ou emplois conduisant à des emplois classés dans la catégorie active ;

- par voie de concours, lorsque l'accès dans des corps, cadres d'emplois ou emplois est subordonné à l'accomplissement d'une période de scolarité préalable d'une durée au moins égale à deux ans.

La suppression des limites d'âge devrait permettre une plus grande ouverture et diversité du recrutement dans la fonction publique .

Comme l'avait déjà mis en évidence notre collègue M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales lors de l'examen de la loi d'habilitation au Sénat, la suppression de la limite d'âge est une évolution qui paraît indispensable , tant dans la perspective des départs massifs à la retraite que la fonction publique devrait connaître ces prochaines années, qu'en raison des dispositions de la loi précitée du 21 août 2003 portant réforme des retraites, qui prévoient l' allongement de la durée d'activité , ou de la tendance à développer , dans la gestion des ressources humaines, la diversification des parcours professionnels , en permettant notamment un passage plus aisé entre les secteurs public et privé.

En outre, d'un point de vue plus pragmatique, d'une part, l'existence d'une limite d'âge reste assez symbolique, dans la mesure où la moyenne d'âge des candidats admis aux concours pour lesquels aucune condition d'âge n'est prévue n'est pas plus élevée que pour les concours soumis à une telle limite, et, d'autre part, les limites d'âge et les dérogations qui en découlent se traduisent souvent par des formalités administratives supplémentaires et des difficultés contentieuses importantes.

(b) La création des PACTE : une voie originale de recrutement pour la fonction publique

L'ordonnance du 2 août 2005 75 ( * ) , prise sur le fondement de l'habilitation accordée au gouvernement par la loi précitée du 26 juillet 2005 76 ( * ) , a institué une nouvelle modalité d'accès pour les personnes de moins de vingt-six ans aux corps et cadres d'emploi de catégorie C des trois fonctions publiques , par le biais d'une formation en alternance conduisant à la titularisation , après vérification des aptitudes professionnelles.

La création de cette nouvelle voie de recrutement pour les jeunes de 16 à 26 ans, annoncée dès l'an dernier par M. Renaud Dutreil, alors ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat 77 ( * ) , a fait partie des réformes législatives intervenues, par ordonnance, dans le cadre du plan pour « la bataille pour l'emploi ». En revanche, l'idée de créer une voie de recrutement spécifique aux personnes âgées de plus de cinquante ans en situation de chômage de longue durée, également avancée par le ministre de la fonction publique précédent, n'a pas été retenue.

L'ordonnance du 2 août 2005 prévoit ainsi la création d'un parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'Etat (PACTE), pour les personnes âgées de 16 à 25 ans révolus, soit sortis du système éducatif sans diplôme ou sans qualification professionnelle reconnue, soit dont le niveau de qualification est inférieur à celui attesté par un diplôme de second cycle 78 ( * ) .

A l'issue d'une procédure de sélection, ils sont ainsi recrutés dans des emplois de catégorie C, pour une durée de un à deux ans, par des contrats de droit public permettant d'acquérir, par une formation en alternance, une « qualification en rapport avec l'emploi dans lequel ils ont été recrutés ou, le cas échéant, le titre ou le diplôme requis pour l'accès au corps dont relève cet emploi ».

Le service public de l'emploi, l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et les missions locales sont associés à la procédure de sélection des candidats aux PACTE.

Assurés d'une rémunération équivalente à celle prévue par le code du travail pour les personnes recrutées sur le fondement d'un contrat de professionnalisation 79 ( * ) , les jeunes ayant conclu un PACTE bénéficient d'une formation correspondant à au moins 20 % de la durée du contrat. Ils sont en outre suivis par des tuteurs chargés de les accueillir, de les guider, de suivre leur parcours de formation ainsi que d'organiser leur activité dans leur service.

Au terme de ce contrat de pré-recrutement, une commission de titularisation vérifie l'aptitude de la personne ayant bénéficié du PACTE, qui lui permet, le cas échéant, d'obtenir le titre ou le diplôme requis pour accéder au corps ou cadre d'emploi dont relève l'emploi dans lequel il a été recruté, et d'être titularisé dans ledit corps ou cadre d'emploi. Il est ensuite affecté dans l'emploi pour lequel il a été recruté comme non-titulaire.

En cas d'échec aux épreuves d'évaluation de la formation suivie ou de défaillance de l'organisme de formation, les contrats peuvent être renouvelés pour une durée d'un an.

Afin de favoriser l'utilisation de cette nouvelle voie de recrutement, les PACTE conclus avant le 31 décembre 2009 feront l'objet d'une exonération des cotisations employeur au titre des assurances sociales et des prestations familiales.

Ce dispositif des PACTE devrait permettre d' accroître la diversité dans le recrutement des agents de la fonction publique , au moment où l'on constate un accroissement du nombre de personnes surdiplômées occupant des postes ouverts en catégorie C, en dépit des efforts fournis pour professionnaliser les concours. Il devrait permettre l'insertion ou la réinsertion professionnelle de personnes jeunes sans qualification ou peu diplômés , par l'acquisition d'une formation en lien avec un emploi.

D'après les informations fournies par le ministère de la fonction publique, si le nombre d'agents pouvant être recrutés par cette procédure reste incertain, l'estimation varie de 10.000 à 20.000 recrutements .

2. De nouvelles réformes en cours d'élaboration

a) Le projet de loi relatif à la fonction publique territoriale présenté au CSFPT : une réforme attendue

Un projet de loi relatif à la fonction publique territoriale, dans sa neuvième version, a fait l'objet d'une présentation informelle, mardi 11 octobre 2005, au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), par M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, et M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales.

Cette réforme de la fonction publique territoriale est très attendue par les élus et agents territoriaux. Elle avait été annoncée dès l'examen de la loi précitée du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a indiqué, dans son discours devant le CSFPT, que ce projet de loi devrait rendre la fonction publique territoriale plus attractive et moderne, la professionnaliser et donner plus de souplesse dans la gestion des ressources humaines.

Comprenant 36 articles répartis en quatre chapitres respectivement relatifs à la formation des agents territoriaux (articles 1er à 5), aux organes de la fonction publique territoriale (articles 6 à 17), à la gestion des ressources humaines (article 18 à 26) et aux dispositions diverses (articles 27 à 36), le projet de loi répond à une attente forte des élus et des personnels des collectivités territoriales 80 ( * ) .

En matière de formation, le projet de loi devrait prévoir l'instauration d'un droit individuel à la formation (DIF) , sur le modèle de ce qui est actuellement appliqué dans le secteur privé. D'une durée de vingt heures par an cumulable dans la limite de six années, il devrait permettre aux agents de suivre des formations de perfectionnement ou de préparation aux concours. Ce droit à la formation donnerait lieu au versement d'une allocation de formation s'il était exercé en dehors du temps de travail.

En outre, le gouvernement prévoit de mettre en place un livret formation qui suivrait l'agent tout au long de sa carrière et qui permettrait la réalisation de bilans professionnels.

Chaque autorité territoriale devrait établir un plan de formation retraçant les besoins de formation pour sa collectivité puis présenter , au début de chaque année, un rapport sur l'exécution dudit plan au comité technique paritaire.

La modification des règles applicables en matière de formation s'inscrit dans la volonté du gouvernement d'améliorer les compétences des agents, de moderniser et rendre plus attractive la fonction publique territoriale.

En matière de gestion des ressources humaines, le projet de loi prévoit diverses dispositions tendant à améliorer le fonctionnement des collectivités en conférant aux employeurs territoriaux une plus grande autorité en tant que gestionnaires, et en prenant davantage en compte l'expérience professionnelle lors du recrutement des agents . A titre d'exemple, il propose ainsi d'ouvrir davantage la possibilité de recruter des agents sur emplois fonctionnels dans la fonction publique territoriale (abaissement du seuil de 3.500 à 2.000 habitants), de généraliser le recrutement par la voie du troisième concours et de permettre aux régions et départements de s'affilier aux centres de gestion pour la gestion des personnels transférés dans le cadre de la loi précitée du 13 août 2004. En outre, répondant ainsi à d'importantes critiques des élus des collectivités les plus petites ou les moins attractives, le projet de loi prévoit que la collectivité ayant financé la formation initiale d'un agent nouvellement recruté se verrait désormais remboursée par la collectivité qui « débaucherait » ledit agent dans un délai de deux ans à compter de sa titularisation.

S'agissant des différents organes de la fonction publique territoriale , le projet de loi viserait à recentrer chacune d'entre eux sur ses missions premières :

- le Centre national de la fonction publique territoriale serait principalement chargé des actions de formation, notamment dans le domaine de la reconnaissance de l'expérience professionnelle et de la validation des acquis de l'expérience ;

- les centres de gestion seraient compétents en matière de recrutement, en prenant en charge l'organisation de tous les concours, la gestion des carrières, qui serait notamment étendue aux fonctionnaires de catégorie A momentanément privés d'emplois et le secrétariat des conseils de discipline.

Les modalités du transfert devraient être déterminées par des conventions de transferts entre le Centre national de la fonction publique territoriale et les centres de gestion qui devraient être signées avant le 1 er mai 2007, ou, à défaut, par décret, le transfert devant être effectif au 1 er janvier 2009.

Enfin, parmi les dispositions diverses, le projet de loi prévoit l'introduction d'un nouveau titre dans le statut général de la fonction publique territoriale, relatif à l'hygiène, la sécurité et la médecine préventive .

Lors de son intervention devant le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, a indiqué que ce texte comportait « des évolutions qui concernent à terme toutes les fonctions publiques. » En effet, certaines améliorations en matière de formation et de gestion des ressources humaines pourraient ensuite être étendues à l'ensemble des fonctionnaires.

D'après les informations fournies par M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, lors de son audition devant la commission des Lois, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale devrait donner son avis en séance plénière sur l'avant-projet de loi le 16 novembre, lequel pourrait être ensuite transmis au Conseil d'Etat pour une présentation en conseil des ministres au cours du mois de décembre. Le Sénat devrait être saisi du texte en premier lieu.

b) De nouvelles orientations annoncées afin d'améliorer la gestion de la fonction publique

Le 27 octobre 2005, lors de sa conférence de presse mensuelle, M. Dominique de Villepin, Premier ministre, a estimé que l'un des domaines dans lequel l'action du gouvernement pouvait être améliorée concernait la gestion de la fonction publique .

Il a tout d'abord souhaité que « chaque fonctionnaire retrouve le sens de sa mission », précisant qu'il avait demandé à chaque ministre d'indiquer les grands lignes de son action et ce qu'il attendait du travail de ses agents, en leur donnant des objectifs, généraux et individuels.

Il a ensuite désiré que la mobilité des fonctionnaires soit favorisée, tant au sein de la même administration que vers une autre, voire même vers une autre fonction publique ou à l'étranger.

Il a en conséquence annoncé que chaque année, les secrétaires généraux des ministères devraient désormais proposer un nombre significatif de postes pour les fonctionnaires d'autres administrations, en fonction des besoins de chacun.

Il a expliqué que les fonctionnaires auraient en outre la possibilité de « faire le point sur leur développement professionnel » tous les cinq ans, ainsi que le droit à un « bilan approfondi qui pourra ouvrir sur une seconde carrière » au bout de quinze ans. Il a demandé à M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, « de lever tous les freins financiers et juridiques à la mise à disposition ou au détachement des fonctionnaires d'une administration vers une autre . » A titre d'exemple, il a indiqué qu'en 2006, 1.000 enseignants ayant plus de quinze ans de carrière seraient pris en charge et formés afin que leur soit ensuite proposé une seconde carrière dans une autre administration étatique ou une collectivité territoriale. Au premier semestre 2006, un document électronique qui préciserait les postes disponibles au sein de l'Etat devrait également être mis en ligne.

Il a expliqué que les acquis de l'expérience professionnelle seraient valorisés, tant dans les promotions internes que pour les concours d'entrée dans la fonction publique.

S'agissant de l'encadrement supérieur, il a souhaité que les hauts fonctionnaires voient leur carrière mieux gérée, soient recrutés sur un plan plus élargi et que leur formation soit davantage tournée vers les compétences scientifiques et la valorisation de l'expérience. Il a annoncé à cet effet la création d'un Secrétariat général de l'administration, placé auprès du Premier ministre, qui coordonnerait le réseau des secrétaires généraux des ministères, promouvrait la place de la femme dans l'encadrement supérieur et défendrait l'égalité des chances.

Dans le souci d'améliorer le pouvoir d'achat des fonctionnaires, M. Dominique de Villepin, Premier ministre, a estimé nécessaire que, pour les fonctionnaires qui souhaitent travailler plus, un déplafonnement des heures supplémentaires soit opéré dans certains secteurs, citant l'exemple des infirmières travaillant dans les hôpitaux, et que soit élargi le principe du rachat des jours de RTT.

Comme cela a déjà été indiqué, le Premier ministre a enfin demandé que chaque ministre lui fournisse des « propositions chiffrées de redéploiement des effectifs et de non remplacement des départs en retraite avant le 1 er février 2006, pour les intégrer dans le budget 2007 ». Il s'est alors engagé à ce que 50 % des économies engendrées par ces redéploiements ou réductions des effectifs soient redistribuées aux fonctionnaires en poste, sous la forme d'un intéressement par l'amélioration des carrières ou des primes de résultat.

Dans sa communication sur les orientations de la politique de la fonction publique, présentée lors du conseil des ministres du 14 novembre 2005, M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique, a rappelé ce souhait du Premier ministre d'obtenir ces propositions chiffrées de redéploiements d'effectifs et de non remplacement des départs en retraite.

Dans le cadre de cette communication, le ministre de la fonction publique a également annoncé que chaque ministère devrait désormais mettre en place un schéma stratégique pluriannuel d'évolution de sa gestion des ressources humaines, articulé autour de six thèmes : l'élaboration d'un plan de gestion prévisionnelle des emplois, des effectifs et des compétences (GPEEC) ; la poursuite de la déconcentration ; la mise en oeuvre d'une politique de fusion des corps ; l'adaptation des procédures de recrutement et la promotion de la mobilité ; l'amélioration de la gestion des carrières ; la modernisation de la gestion des rémunérations.

Il a également souhaité l'organisation, avec tous les ministres, de « conférences annuelles de gestion prévisionnelle des ressources humaines » chargées d'examiner les stratégies d'évolution des ministères et de s'assurer de leur cohérence avec la politique générale de l'Etat en matière de fonction publique.

Sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations et de l'amendement adopté, la commission des Lois a décidé de donner un avis favorable à l'adoption des crédits prévus pour la mission « Direction de l'action du gouvernement » dans le projet de loi de finances pour 2006.

* 66 Seraient concernés : 95.000 personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) relevant du ministère de l'éducation nationale, 35.000 fonctionnaires des services de l'équipement, et près de 2.500 agents en raison des transferts effectués dans les domaines de l'action économique, de l'action sociale et du tourisme, de la formation professionnelle (cadres administratifs et personnels d'inspection issus des ministères de l'emploi et de la solidarité, des affaires sociales, l'économie et des finances et de l'équipement essentiellement).

* 67 Voir le rapport n° 31 Sénat (2003-2004) de M. Jean-Pierre Schosteck au nom de la commission des Lois sur le projet de loi relatif aux libertés et responsabilités locales.

* 68 La confédération européenne des syndicats de salariés (CES), l'Union des confédérations de l'industrie et des employeurs d'Europe (UNICE) et le Centre européen des entreprises à participation publique et des entreprises d'intérêt économique général (CEEP) sont des organisations représentatives des travailleurs au niveau communautaire.

* 69 Voir le rapport n° 251 (Sénat, 2004-2005) de Mme Jacqueline Gourault au nom de la commission des Lois, relatif au projet de loi portant diverses mesures de transposition du droit communautaire à la fonction publique.

* 70 Comme indiqué dans le rapport précité n° 271 de Mme Jacqueline Gourault, le contrat à durée indéterminée permet par exemple d'obtenir plus aisément un prêt ou de louer un logement.

* 71 Ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'Etat

* 72 Loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.

* 73 Proposition de loi n° 1137 (AN, 2003-2004) de M. Serge Poignant et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer les limites d'âge pour les concours de la fonction publique

* 74 Voir le rapport n° 1517 (AN, 2003-2004) de M. Serge Poignant au nom de la commission des Lois et la première séance du jeudi 15 avril 2004 de l'Assemblée nationale (JO du 16 avril 2004, pp. 3002-3014).

* 75 Ordonnance n° 2005-901 du 2 août 2005 relative aux conditions d'âge dans la fonction publique et instituant un nouveau parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et de la fonction publique de l'Etat

* 76 Loi n° 2005-846 du 26 juillet 2005 habilitant le gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi.

* 77 Voir notamment l'audition de M. Renaud Dutreil, alors ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, devant la commission des Lois pour le projet de loi de finances pour 2006 - Bulletin des commissions n° 7 de la semaine du 15 novembre 2004, p. 1571-1582.

* 78 Les PACTE étant créés pour les trois fonctions publiques, le dispositif est prévu à l'article 22 bis de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, à l'article 38 bis de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et à l'article 32-2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière (articles 3, 4 et 5 de l'ordonnance).

* 79 Premier alinéa de l'article L. 981-5 du code du travail : « Sauf dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables, les salariés âgés de moins de vingt-six ans et titulaires des contrats mentionnés à l'article L. 981-1 perçoivent pendant la durée du contrat à durée déterminée ou de l'action de professionnalisation du contrat à durée indéterminée une rémunération calculée en fonction du salaire minimum de croissance et dont le montant est fixé par décret. Ce montant peut varier en fonction de l'âge du bénéficiaire et du niveau de sa formation. Le même décret fixe les conditions de déduction des avantages en nature. »

* 80 Voir le rapport n° 79 - Tome IX Sénat (2004-2005) précité de Mme Jacqueline Gourault au nom de la commission des Lois.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page