II. LA CONVENTION ET LA LÉGISLATION FRANÇAISE SONT-ELLES COMPATIBLES ?

La compatibilité entre le code mondial antidopage, largement repris par la Convention, et le droit français a été remise en question par la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale sur deux points.

Votre rapporteur rappelle à titre liminaire que le code ne fait pas partie intégrante de la Convention et qu'il n'est pas érigé par celle-ci au rang de norme de droit international public.

A. DES SANCTIONS AUTOMATIQUES CONTESTABLES

Dans son article 10.2, le code mondial antidopage prévoit que les violations des articles 2.1 « présence d'une substance interdite, de ses métabolites et de ses marqueurs », 2.2 « usage ou tentative d'usage d'une substance ou méthode interdite » et 2.6 « possession de substances ou méthodes interdites » seront sanctionnées de la manière suivante :

- première violation : 2 années de suspension ;

- seconde violation : suspension à vie.

Or, le principe des sanctions automatiques est contraire aux principes de proportionnalité et de personnalisation des peines existant en droit français. Le droit français laisse ainsi une liberté totale aux organes disciplinaires des fédérations, précisant seulement, dans l'article L. 232-21 du code du sport, que lesdites sanctions « peuvent aller jusqu'à l'interdiction définitive de participer aux compétitions et manifestations sportives... » .

Par ailleurs des arguments valables s'opposent à l'automaticité des sanctions et à la fixation préalable des sanctions : tous les sports peuvent difficilement être traités de la même façon, notamment compte tenu de la longévité des carrières selon les disciplines. Toutefois, afin que les sportifs se voient appliquer des mesures équivalentes, un consensus s'est dégagé lors de la conférence internationale sur le dopage dans le sport de 1999, pour harmoniser les sanctions.

Au demeurant, l'article 10.2 du code mondial antidopage prévoit au demeurant explicitement « qu'avant qu'une période de suspension ne lui soit imposée, un sportif ou toute autre personne aura la possibilité, dans tous les cas, d'argumenter aux fins d'obtenir l'annulation ou l'allègement de la sanction, conformément à l'article 10.5 ». Cet article 10.5 prévoit notamment une possibilité d'annulation ou de réduction des périodes de suspension lorsque le sportif peut établir qu'il n'a commis aucune faute ou négligence, ou aucune faute ou négligence significative en rapport avec la violation.

Dans le commentaire joint au code mondial antidopage 6 ( * ) , des illustrations de l'application de l'article 10.5 sont proposées :

« L'exemple d'une situation où il n'y aurait aucune faute ou négligence et où par conséquent la sanction serait annulée totalement, pourrait être celle d'un sportif qui prouve que, malgré toutes les précautions prises, il est victime de sabotage de la part d'un concurrent (...). Une sanction ne pourrait pas être annulée en raison de l'absence de faute ou de négligence dans les circonstances suivantes : (a) un résultat d'analyse anormal s'est produit en raison d'une erreur d'étiquetage ou d'une contamination de suppléments nutritionnels ou de vitamines (les sportifs sont responsables des produits qu'ils ingèrent, article 2.1.1, et ont été prévenus de la possibilité de contamination des suppléments) ; (b) une substance interdite est administrée à un sportif par son médecin traitant ou son soigneur sans que le sportif en ait été informé (les sportifs sont responsables du choix de leur personnel médical et d'informer celui-ci de l'interdiction pour eux de recevoir toute substance interdite) ; et (c) la contamination d'un aliment ou d'une boisson administrés au sportif par son (sa) conjoint(e), son entraîneur, ou toute autre personne dans le cercle des connaissances du sportif (les sportifs sont responsables de ce qu'ils ingèrent et du comportement des personnes à qui ils confient la responsabilité de leur nourriture et de leurs boissons).

Cependant, en fonction de faits exceptionnels se rapportant à un cas particulier, les exemples mentionnés pourraient entraîner une sanction allégée reposant sur l'absence d'une faute ou négligence significative. Par exemple, un allègement pourrait être fondé dans la situation correspondant au cas (a) si le sportif parvenait à démontrer que la cause du résultat d'analyse anormal est due à une contamination d'une multi-vitamine courante dont l'origine n'a aucun lien avec la moindre substance interdite, et que, par ailleurs, il a exercé une grande vigilance pour ne pas consommer d'autres suppléments nutritionnels.

Votre rapporteur estime que cette analyse entraîne deux séries de commentaires :

- le droit français et le code mondial semblent compatibles sur ce point, dans la mesure où les sanctions peuvent être annulées ou allégées pour des raisons de fait . Les droits de la défense et le principe de personnalisation des peines sont ainsi respectés ;

- l'article 10.2 pourrait cependant utilement être clarifié dans le cadre de la procédure de révision du code mondial antidopage.

B. LA PROCÉDURE D'APPEL DES DÉCISIONS DISCIPLINAIRES EN DÉBAT

Aux termes de l'article 13.2.1 du code mondial antidopage, les décisions sanctionnant, pour violation des règles antidopage, des sportifs de niveau international (cas 1) et/ou des violations intervenues lors d'une manifestation sportive internationale (cas 2) ne peuvent être portées en appel que devant le tribunal arbitral du sport (TAS).

Le droit français met partiellement en oeuvre ce principe en prévoyant que l'ensemble des infractions commises lors des compétitions internationales est confié aux instances internationales (cas 2) . Les fédérations internationales sont alors compétentes pour sanctionner en première instance, la juridiction d'appel est le tribunal arbitral du sport (TAS) situé à Lausanne, et le tribunal de cassation est le tribunal fédéral suisse, situé à Berne.

En revanche, s'agissant des infractions commises par un sportif de niveau international lors de compétitions nationales ou locales (cas 1), la disposition du code semble incompatible avec notre droit national, et pourrait porter atteinte aux principes essentiels de notre souveraineté. Elle reviendrait en effet à faire réformer par une instance étrangère une décision prise par une juridiction française. M. Axel Poniatowski, rapporteur du projet de loi de ratification à l'Assemblée nationale, a souligné que cette interprétation était d'autant plus problématique que, d'une part, il n'existe pas de définition du sportif international et que, d'une part, le TAS n'est reconnu ni en droit français, ni en droit international public.

Pour ces raisons, la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale a reporté, dans un premier temps, son vote sur le projet de loi, dans l'attente d'explications complémentaires du Gouvernement. Celui-ci a soutenu que la Convention pouvait être interprétée d'une manière qui ne heurtait pas la Constitution. Selon le compte-rendu de la réunion de la commission des affaires étrangères du 9 janvier, le Gouvernement a soutenu qu'« au nom du principe selon lequel « chacun est maître chez soi », les sanctions prises par les fédérations nationales contre un sportif participant à une compétition nationale seront, le cas échéant, frappées d'appel, voire d'un recours en cassation, devant le juge français (tribunal administratif et Conseil d'État), selon les règles ordinaires du contentieux administratif. Si la fédération internationale décide à son tour de prendre une sanction contre le sportif incriminé, au motif que ce dernier a participé à une compétition qui, bien que nationale, détermine sa participation à des compétitions internationales - c'est le cas pour les meetings d'athlétisme, par exemple -, c'est la chaîne internationale qui s'appliquera, que notre droit reconnaît depuis l'intervention de la loi du 5 avril 2006 sur la lutte contre le dopage. Cette chaîne est la suivante : sanction prononcée par la fédération internationale, appel devant le tribunal arbitral du sport et éventuel recours devant le tribunal fédéral suisse. Les deux chaînes de décision étant autonomes, il n'existe pas, selon cette interprétation dont il y a lieu de penser qu'elle sera celle de tout le mouvement sportif français, de risque de télescopage des décisions. Dès lors, le principe de souveraineté n'est pas remis en cause ».

La commission des affaires étrangères a ensuite donné un avis favorable au projet de loi, qui a été adopté à l'unanimité en séance plénière.

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* 6 Consultable sur le lien suivant : http://www.wada-ama.org/rtecontent/document/code_v3_fr.pdf

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