3. La valorisation des collections au coeur des débats

a) Une dimension nouvelle pour la politique de coopération internationale : le lancement du projet du Louvre à Abou Dabi

L'adoption par le Parlement, en septembre dernier, de l'accord entre la France et les Emirats Arabes Unis donne acte au lancement du « musée universel d'Abou Dabi ». Comme votre rapporteur l'a souligné au moment de l'examen du projet de loi autorisant cet accord 24 ( * ) , ce projet de « Louvre des sables » marque un changement d'échelle dans la politique de coopération internationale des musées français.

Ce faisant, les retombées financières de ce projet sont de nature à donner une nouvelle impulsion à la rénovation des musées, à l'amélioration de leurs réserves et à l'enrichissement de leurs collections. En effet, le Louvre devrait recevoir 400 millions d'euros pour le seul usage de son nom, sans compter les contreparties qu'il obtiendra pour les prêts d'oeuvres de ses collections. Cela devrait permettre de faire avancer des dossiers majeurs, tels que notamment la réalisation d'un centre commun de réserves , consacré à la conservation des oeuvres, à leur restauration, à la recherche et à la formation des futurs restaurateurs. Votre rapporteur s'interroge sur l'état d'avancement de ce projet, alors qu'un inspecteur général des affaires culturelles a été chargé d'une mission sur ce sujet.

Il relève, par ailleurs, que si ce projet a suscité des réserves, force est de reconnaître qu'un tel partenariat témoigne du rayonnement culturel de notre pays et de nos établissements les plus réputés. Il est à souhaiter que l'agence France Muséums, chargée de ce projet, puisse à l'avenir étendre son intervention à d'autres opérations, par exemple en appui de la réalisation du musée Rodin dans l'Etat de Bahia au Brésil ou pour faire avancer le projet d'implantation du Centre Pompidou à Shanghai.

b) La question sensible de l'aliénation des collections publiques

Près de six ans après l'adoption de la loi relative aux musées de France 25 ( * ) , la valorisation des collections publiques revient au coeur du débat : en effet, dans la lettre de mission adressée à la ministre en charge de la culture, le Président de la République lui a demandé d'étudier la pertinence des commandes d'art (FNAC et FRAC) et d'engager « une réflexion sur la possibilité pour les opérateurs publics d'aliéner des oeuvres de leurs collections, sans compromettre naturellement le patrimoine de la Nation, mais au contraire dans le souci de le valoriser au mieux. »

A cette fin, une mission sur la question de l'inaliénabilité des oeuvres des collections publiques a été confiée en octobre dernier à M. Jacques Rigaud . Celui-ci devrait remettre un rapport comportant des propositions concrètes au début de l'année 2008.

Votre rapporteur rappelle que la loi du 4 janvier 2002 a posé le principe de l'inaliénabilité des oeuvres des collections publiques. Elle a prévu, toutefois, à l'initiative de votre commission, que ces oeuvres puissent être cédées, à l'issue d'une procédure de déclassement - encore jamais engagée à ce jour - faisant intervenir l'avis conforme d'une commission scientifique, dont le rôle est de vérifier qu'il n'est pas porté une atteinte injustifiée au patrimoine national.

Notre collègue Philippe Richert, rapporteur du texte, exprimait ses réserves à l'égard d' « un mode de gestion des musées qui sanctuarise leurs collections en vue de les transmettre inchangées aux générations futures. Il s'agit là à l'évidence d'une conception très conservatrice qui ne tient compte ni de la diversification des collections ni de l'évolution de la conception de musée » . Il relevait en effet plusieurs limites : d'abord, un tel principe est peu adapté aux institutions à vocation scientifique ou technique, dont les collections doivent tenir compte des progrès de la connaissance ; en outre, l'évolution des missions des musées exige des conservateurs une gestion plus dynamique de leurs collections ; enfin, ce principe impose aux collectivités territoriales une contrainte de gestion très forte sur leurs musées.

Comme l'a souligné Mme Christine Albanel 26 ( * ) , la mission confiée à M. Jacques Rigaud est destinée à éclairer les choix qui seront faits par le gouvernement sur la « respiration » des collections publiques. L'objectif est de définir une « doctrine d'emploi » des dispositions prévues par la loi de 2002, en évitant deux écueils :

- d'une part, la liberté de circulation totale des oeuvres, susceptible de compromettre le patrimoine national ;

- d'autre part, le stockage définitif des oeuvres, aboutissant à un accroissement mécanique de leur nombre indépendamment de toute évaluation d'ensemble des collections.

Notons qu'une proposition de loi 27 ( * ) a été déposée à l'Assemblée nationale par notre collègue Jean-François Mancel, député de l'Oise, sur la possibilité de rendre aliénables certaines oeuvres des collections publiques.

Par ailleurs, la restitution à la Nouvelle-Zélande, par la ville de Rouen, d'une tête de guerrier maori conservée dans les collections du Muséum d'histoire naturelle de la ville, a apporté une autre illustration des débats suscités par cette question délicate. Le tribunal administratif de Rouen, saisi à la demande de la ministre de la culture, a suspendu, le 24 octobre, la décision prise par la municipalité rouennaise, au motif qu'elle ne respectait pas la procédure prévue par la loi du 4 janvier 2002 pour le déclassement des pièces des collections des musées de France.

Rappelons que la restitution à l'Afrique du Sud, en 2002, de la dépouille de Saartjie Baartman, dite la « Venus Hottentote », conservée au Musée de l'Homme, avait suscité un débat juridique et abouti, à partir d'une initiative sénatoriale, à l'adoption d'une loi spécifique 28 ( * ) .

* 24 « Approbation d'accords entre la France et les Emirats Arabes Unis relatifs au musée universel d'Abou Dabi, rapport pour avis n° 455 (2006-2007) présenté par M. Philippe Nachbar au nom de la commission des affaires culturelles du Sénat.

* 25 Loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France.

* 26 Communiqué de presse du 23 octobre 2007.

* 27 Proposition de loi n° 233 tendant à établir une réelle liberté de gestion des établissements culturels, présentée par M. Jean-François Mancel, député, octobre 2007.

* 28 Loi n° 2002-323 du 6 mars 2002 relative à la restitution par la France de la dépouille mortelle de Saartjie Baartman à l'Afrique du Sud.

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