3. L'évaluation des PER et les perspectives d'avenir

Comme les pôles de compétitivité, les pôles d'excellence rurale doivent faire l'objet d'une évaluation, préalable à la réflexion à engager pour conforter la dynamique qu'ils ont créée. A cet égard, elle devra permettre de répondre à une question fondamentale : la « technique » de l'appel à projets peut-elle, et doit-elle devenir un instrument pérenne de la politique nationale de soutien du développement des territoires ruraux ?

A priori , la démarche engagée fin 2005 est à certains égards en rupture avec celle précédemment suivie. En effet, comme le note avec pertinence le rapport précité du conseil général de l'agriculture, de l'administration et des espaces ruraux (CGAAER), elle privilégie des projets, au lieu d'être axée sur l'émergence de territoires de projets.

Cependant, le succès de la démarche dans les territoires, la mobilisation qu'elle a suscitée, les exemples remarquables qu'elle fournit en termes de créativité, de développement de l'innovation, d'utilisation et de valorisation intelligente des ressources et des « patrimoines » de toute nature, incitent certainement à ne pas se priver de recourir de nouveau à cet outil, qui pourrait se révéler plus complémentaire qu'inconciliable avec ceux jusqu'à présent mis en oeuvre.

Des appels à projets « ciblés » sur une priorité nationale pourraient ainsi être un instrument au moins aussi efficace que des mesures ou des incitations uniformes, définies et proposées « d'en haut » et que n'enrichiraient pas de la même manière le « génie propre » et les atouts spécifiques des différents territoires.

L'évaluation des PER -qui devrait plutôt révéler de bonnes surprises- sera sans doute plus aisée à réaliser que celle des pôles de compétitivité, ne serait-ce que parce qu'il s'agit de projets ponctuels et qui devaient être conçus pour être réalisés rapidement 6 ( * ) .

En dehors du programme de recherche évaluative sur les pôles d'excellence rurale, lancé en janvier 2007 par la DIACT, la démarche d'évaluation des PER est double : l'évaluation qui doit être réalisée au niveau des structures de gouvernance des pôles (porteurs de projets, maîtres d'ouvrages, collectivités territoriales, services de l'Etat) est complétée par une évaluation du dispositif en deux phases, confiée au CGAAER par les gestionnaires du dispositif, la DIACT et la Direction générale de la forêt et des affaires rurales du ministère de l'agriculture.

L'évaluation au niveau de chaque projet

Les conventions-cadres doivent comporter un dispositif de suivi et d'évaluation, et la circulaire du 26 janvier 2007 sur la mise en oeuvre de la labellisation des PER invitait les préfets à « encourager » les porteurs de projet à conduire cette évaluation.

Un guide méthodologique, rédigé par le CGAAER a été élaboré et mis à disposition sur le site dédié aux pôles d'excellence rurale : il donne notamment des indications sur l'élaboration du cahier des charges, le choix des évaluations, mais aussi sur l'établissement du référentiel d'évaluation, les questions auxquelles l'évaluation doit permettre de répondre, la définition des indicateurs...

Les coûts de l'évaluation sont à la charge de la structure porteuse : la circulaire du 26 janvier 2007 suggérait donc d'encourager éventuellement une mutualisation entre projets des démarches d'évaluation.

Enfin, en plus du dispositif d'évaluation interne aux PER, certains organismes ont été chargés de missions d'appui méthodologique, d'analyse et d'accompagnement de certains PER relevant de leur compétence : la section française du Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) pour des projets de valorisation, en particulier, du petit patrimoine bâti, ODIT-France pour des projets centrés sur le tourisme, ou la fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR).

L'évaluation du dispositif des PER

Confiée, comme on l'a indiqué, au Conseil général de l'agriculture, de l'alimentation et de l'espace rural, elle a fait l'objet d'un cahier des charges prévoyant, d'une part, une évaluation ex ante portant sur le dispositif et sa mise en oeuvre et, d'autre part, une évaluation finale, qui doit être conduite dans la dernière année de programmation des crédits.

* L'évaluation ex ante

L'évaluation initiale, lancée en février 2007, a déjà donné lieu à un rapport, rendu en juillet dernier.

Selon les informations recueillies par vos rapporteurs pour avis, ce rapport, tout en relevant la pertinence de la démarche, son succès et son effet mobilisateur, dresse un certain nombre de constats critiques, dont on peut d'ailleurs estimer, comme les auteurs eux-mêmes semblent le faire, qu'ils s'expliquent largement par les délais contraints dans lesquels a été enfermée la procédure, délais qui ont pesé aussi bien sur les auteurs de projets que sur les services instructeurs ou les décideurs.

Le nombre des dossiers présentés et la complexité de la procédure ont sans doute aggravé les conséquences de la brièveté des délais, qui peut par ailleurs être aussi à l'origine des insuffisances relevées quant à la définition et à l'application des critères de sélection, l'implication inégale, sur le terrain, des services de l'Etat, l'insuffisance du cadrage financier initial.

Enfin, le rapport regrette que le niveau régional ait été pratiquement tenu à l'écart du dispositif et s'interroge sur le « couplage » de l'attribution d'un financement et de celle d'un label, relevant par ailleurs que la labellisation repose sur une « excellence présumée ».

Sur la base de ces constats, les préconisations formulées sont extrêmement intéressantes, notamment dans la perspective de nouveaux appels à projets, dont il est suggéré par ailleurs qu'ils devraient être précédés d'une analyse stratégique et s'inscrire dans une véritable politique de développement des territoires ruraux « combinant divers instruments de manière cohérente ».

En ce qui concerne les caractéristiques de l'appel à projets, le rapport recommande, si cette technique devait être à nouveau utilisée, de l'inscrire dans un cadre pérenne, quitte à en varier les thématiques, afin d'inscrire l'action dans la durée et de tenir compte aussi bien de la variation des disponibilités budgétaires que de celle -inévitable- du volume des projets attendus. Il est également préconisé de réaliser l'appel à projets en deux temps, ce qui permettrait aux candidats de présenter d'abord un pré-dossier sommaire -moins coûteux à élaborer- qui pourrait ensuite, après une première sélection, être affiné et éventuellement regroupé avec d'autres.

En ce qui concerne les modalités d'instruction, on peut retenir, outre le souci d'assurer la transparence et l'objectivité de l'instruction ou la bonne articulation des niveaux régional et départemental, la recommandation de rendre obligatoire la consultation de la trésorerie générale sur les capacités financières des maîtres d'ouvrage.

Dans le domaine des critères d'éligibilité et de sélection des projets, le rapport avance l'idée de favoriser l'articulation urbain-rural en n'écartant pas systématiquement, quitte naturellement à prévoir des garde-fous, les communes faisant partie d'une aire urbaine de plus de 30.000 habitants, les interactions entre les territoires ruraux et les bourgs-centres étant un des moteurs de la revitalisation rurale. De même, renforcer les exigences en matière de cohérence interne du projet et de précisions sur son économie pourrait contribuer à garantir, d'une part, la « plus-value » apportée et, d'autre part, la bonne utilisation et la pérennité des équipements prévus.

Quant au financement, il est préconisé de fixer à l'avance le montant de « l'enveloppe » prévue, mais en revanche de ne pas annoncer à l'avance le nombre de projets retenus, afin de pouvoir tenir compte à la fois du nombre des candidatures et du montant moyen des aides demandées.

Enfin, il est également recommandé de prévoir un accompagnement des projets -aide au montage des projets, à l'animation et à la mise en réseau, pilotage départemental de l'évaluation- afin de permettre l'aboutissement de projets intéressants mais portés par des territoires dépourvus des moyens de les « monter », de faciliter leur gouvernance, d'inciter à une évaluation suffisamment précoce.

* 6 Il convient de rappeler à ce propos que, pour être retenus, les projets devaient pouvoir connaître un début de réalisation dans l'année suivant leur labellisation (soit avant le 24 juin 2007 pour les PER de la première vague et le 8 décembre 2007 pour ceux de la seconde), et être en majeure partie réalisés dans les deux ans suivant le démarrage de l'opération.

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