N° 95

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2007-2008

Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 2007

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2008 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VII

TRAVAIL ET EMPLOI

Par M. Louis SOUVET,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mme Claire-Lise Campion, MM. Bernard Seillier, Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Annie David, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Pierre Bernard-Reymond, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, Muguette Dini, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Annie Jarraud-Vergnolle, Christiane Kammermann, MM. Marc Laménie, Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente-Baudrin, Patricia Schillinger, Esther Sittler, MM. Alain Vasselle, François Vendasi.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 189 , 276 à 281 et T.A. 49

Sénat : 90 et 91 (annexe n° 33 ) (2007-2008)

Les crédits de la mission « Travail et emploi » pour 2008

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2008/2007 (en %)

Accès et retour à l'emploi

6 285 320 000

- 1,5

Coordination du service public de l'emploi, indemnisation des demandeurs d'emploi et rapprochement de l'offre et de la demande d'emploi

3 399 077 053

+ 25,5

Mise en situation d'emploi des publics fragiles

2 886 242 947

- 21,4

Accompagnement des mutations économiques et développement
de l'emploi

5 175 662 007

+ 4,7

Anticipation et accompagnement des conséquences des mutations économiques sur l'emploi

510 260 018

- 0,4

Accès des actifs à la qualification

3 475 151 174

+ 2,0

Développement de l'emploi

1 190 250 815

+ 16,2

Amélioration de la qualité de l'emploi
et des relations du travail

128 440 000

+ 55,1

Santé et sécurité au travail

28 640 000

- 5,8

Qualité et effectivité du droit

69 900 000

+ 212,5

Dialogue social et démocratie sociale

29 900 000

-0,5

Lutte contre le travail illégal

-

-

Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail

733 891 773

- 0,9

Gestion du programme « accès et retour à l'emploi

108 129 847

- 2,4

Gestion du programme « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

81 667 775

+ 19,7

Gestion du programme « amélioration de la qualité de l'emploi et des relations de travail »

191 798 942

+ 5,7

Soutien

315 224 263

- 0,9

Etudes, statistiques, évaluation et recherche

37 070 946

+ 1,6

Fonds social européen - Assistance technique

0

-

Total mission « Travail et emploi »

12 323 313 780

+ 1,5

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits affectés à la mission « Travail et emploi » dans le projet de loi de finances pour 2008, qui s'élèvent à un peu plus de 12,3 milliards d'euros, s'inscrivent en légère hausse par rapport à ceux ouverts en loi de finances initiale pour 2007 (12,1 milliards d'euros). Ils correspondent, pour les trois quarts, à des dépenses d'intervention, le solde étant constitué de dépenses de fonctionnement, d'investissement et de personnel.

Cette augmentation limitée doit cependant être appréciée en regard de l'effort budgétaire considérable consenti cet été en faveur du travail : le coût de la détaxation des heures supplémentaires 1 ( * ) devrait en effet avoisiner les 5 milliards d'euros. Les dépenses fiscales relevant de la mission sont également en progression, puisqu'elles devraient passer de 8,3 milliards d'euros en 2007 à 9,6 milliards l'an prochain.

Au total, l'ensemble des moyens affectés au travail et à l'emploi est proche de 50 milliards d'euros en 2008 et s'inscrit en nette augmentation par rapport à 2007 (42 milliards). La volonté du Gouvernement de revaloriser le travail, conformément aux engagements pris par le Président de la République, a donc une réelle traduction financière, que l'examen des seuls crédits de la mission ne permet pas d'apprécier à sa juste mesure.

Il n'en reste pas moins que l'élaboration du projet de budget pour 2008 s'est effectuée dans un contexte financier très contraint. La volonté de ne pas aggraver le déficit de l'Etat, en dépit des dépenses supplémentaires votées cet été dans le cadre du « paquet fiscal », at conduit le Gouvernement à proposer de nombreuses mesures d'économies. Ainsi, sept des neuf articles rattachés aux crédits de la mission consistent en des mesures de suppression d'exonérations de cotisations sociales ou d'aides publiques.

La mission « Travail et emploi » est par ailleurs affectée cette année par plusieurs changements de structure.

Elle présente, en premier lieu, un caractère interministériel . L'essentiel des crédits, consacré au financement de la politique de l'emploi, relève de la compétence de Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, mais une fraction des crédits est gérée par Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité. Il est permis de s'interroger sur la pertinence d'un tel découpage, tant les politiques du travail et de l'emploi sont intimement liées. La réforme du marché du travail, dont discutent actuellement les partenaires sociaux, relève-t-elle par exemple de la politique du travail ou de celle de l'emploi ?

La mission a ensuite subi quelques modifications de son périmètre , ce qui complique l'exercice de comparaison entre les exercices 2007 et 2008 : ainsi, 158 millions d'euros de crédits jusqu'ici inscrits dans la mission « Outre-mer », destinés à financer des dispositifs applicables localement, sont désormais inscrits dans la mission « Travail et emploi » ; à l'inverse, 31,4 millions d'euros de crédits, correspondant aux moyens de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP), ont été transférés vers les missions « Pilotage de l'économie française » et « Gestion des finances publiques et des ressources humaine ».

Le périmètre de la mission est également affecté par une mesure de débudgétisation : l'article 59 du projet de loi de finances prévoit en effet que les 200 millions d'euros auparavant inscrits dans les crédits de la mission pour financer l'allocation de fin de formation (AFF) seront, à l'avenir, à la charge du fonds de solidarité.

Des changements ont enfin affecté l'architecture interne de la mission. Alors que les crédits de la mission « Travail et emploi » étaient répartis, depuis l'entrée en vigueur de la loi organique sur les lois de finances (Lolf), entre cinq programmes, elle n'en comporte maintenant plus que quatre. Le programme 133 « développement de l'emploi » a, en effet, été fusionné avec le programme 103 « accompagnement des mutations économiques, sociales et démographiques » pour constituer un nouveau programme intitulé « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

La fraction des crédits du programme « développement de l'emploi » consacrée à l'insertion par l'activité économique a en outre été transférée vers le programme 102 « accès et retour à l'emploi ». Ce transfert répond à une critique formulée l'an passé par votre commission, qui avait jugé contestable que les crédits de l'insertion par l'économique, qui a pour objectif premier le retour de ses bénéficiaires vers l'emploi stable et non la création d'emplois en tant que telle, soient inscrits dans le programme « développement de l'emploi ».

Les programmes demeurent de tailles très inégales puisque les programmes 102 et 103, qui dépendent tous deux du ministère de l'économie et de l'emploi, regroupent 93 % des crédits.

Décomposition des moyens de la mission « Travail et emploi »

(en milliards d'euros)

Crédits de paiement pour 2008

Proportion du budget de la mission

Programme 102 « Accès et retour à l'emploi »

6,28

51 %

Programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi »

5,17

42 %

Programme 111 « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail »

0,13

1,06 %

Programme 155 « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail »

0,73

5,93 %

Mission « Travail et emploi »

12,32

100,0 %

Source : projet de loi de finances pour 2008

Le projet de budget pour 2008 apporte des correctifs à certaines politiques engagées sous la législature précédente : la création des maisons de l'emploi est par exemple interrompue dans l'attente de la fusion annoncée entre l'ANPE et l'Unedic ; des exonérations décidées dans le cadre du plan pour le développement des services à la personne sont remises en cause ; la suppression du dispositif de soutien à l'emploi des jeunes en entreprise (Seje), créé en 2002 et conforté en 2006, est également proposée.

S'il peut être justifié de revenir sur certaines mesures votées ces dernières années, il convient cependant de veiller à ce que la recherche d'économies budgétaires ne remette pas en cause la nécessaire continuité de l'action publique en matière d'emploi.

I. LE MARCHÉ DE L'EMPLOI DEMEURE BIEN ORIENTÉ

L'examen du budget de la mission « Travail et emploi » ne peut être effectué sans une analyse préalable du contexte dans lequel il s'inscrit. Votre commission observe, avec satisfaction, que la baisse du chômage amorcée en 2005 s'est confirmée au cours de l'année écoulée.

A. UN RYTHME SOUTENU DE CRÉATIONS D'EMPLOIS

Les créations d'emploi se sont maintenues à un niveau élevé en 2006 et 2007, ce qui a permis une décrue sensible du chômage, que ne sauraient occulter les débats relatifs à la fiabilité des statistiques publiques.

Le nombre de créations d'emploi dans le secteur marchand non agricole a atteint 187 000 en 2006, grâce à la bonne tenue de l'emploi dans le secteur des services (184 000 emplois) et du bâtiment (62 000 emplois). L'emploi industriel a, en revanche, poursuivi son repli (59 000 emplois perdus en 2006). La reprise de la croissance explique, certes, une part de ces résultats, mais ils résultent aussi de la montée en puissance des contrats aidés rénovés par le plan de cohésion sociale (contrats d'apprentissage et de professionnalisation notamment) et du plan de développement des emplois de services à la personne.

Dans le secteur non marchand, on observe en 2006 et au début de 2007 les effets des dispositifs mis en place par le plan de cohésion sociale. Les créations d'emploi salarié y sont estimées à 81 000 en 2006 ; elles n'étaient que de 64 000 en 2005.

Cette tendance favorable se confirme en 2007, puisque l'on a enregistré au premier semestre 183 000 créations d'emplois salariés dans l'ensemble des secteurs concurrentiels 2 ( * ) , contre 229 000 sur l'ensemble de l'année 2006.

Cette reprise des créations d'emplois, conjuguée à une évolution ralentie de la population active, a provoqué une baisse sensible du taux de chômage. Le nombre de demandeurs d'emploi inscrits à l'ANPE a ainsi diminué de 230 000 personnes en 2006 et encore de 133 000 sur les sept premiers mois de 2007. Le nombre de demandeurs d'emploi a baissé de plus de 500 000 par rapport au point haut de la mi-2005. Le taux de chômage se situe désormais aux alentours de 8 % de la population active.

Les chiffres de l'ANPE ont cependant parfois fait l'objet de contestations. Les résultats de l'enquête emploi de l'Insee, publiée en novembre, ont toutefois confirmé la tendance favorable qu'ils révèlent. L'Insee a établi à 8,1 % le taux de chômage au deuxième trimestre de 2007, ce qui correspond à 2,2 millions de demandeurs d'emploi. Ce taux était, un an plus tôt, de 9,1 % de la population active.

Le débat sur les statistiques du chômage


• Ce débat trouve son origine dans la divergence, apparue en 2006, entre les chiffres du chômage calculés à partir de l'enquête emploi de l'Insee et le nombre de demandeurs d'emploi enregistré par l'ANPE. Selon les données de l'ANPE, le taux de chômage serait passé de 9,8 % en 2005, en moyenne annuelle, à 9,1% en 2006. Pour l'Insee, le taux de chômage serait resté stable en 2006 par rapport à 2005. Cet écart de 0,7 point, soit 200 000 chômeurs, est bien supérieur à ce qui avait pu être observé par le passé.

L'Insee a expliqué cette divergence en soulignant certaines faiblesses structurelles de son enquête emploi - elle porte sur un échantillon trop réduit (75 000 personnes) pour être parfaitement fiable - aggravées par un taux élevé de non réponse en 2006.


• A la suite de la décision prise par l'Insee, en début d'année, de différer de plusieurs mois la publication du taux de chômage de l'année 2006, le Premier ministre a chargé l'inspection générale des finances (IGF) et l'inspection générale des affaires sociales (Igas) d'évaluer les principaux outils de mesure statistique du chômage utilisés en France et de proposer des pistes d'amélioration.

Leur rapport, remis le 24 septembre dernier à Christine Lagarde, souligne que le chiffre des demandeurs d'emploi fourni chaque mois par l'ANPE constitue, en général, une indication fiable des tendances du marché du travail, mais qu'il a également reflété, pour partie, en 2005 et en 2006, l'évolution des pratiques de suivi et d'accompagnement des demandeurs d'emploi par l'agence. L'enquête emploi manquerait de fiabilité pour mesurer les évolutions conjoncturelles précises du marché du travail, en raison de la taille réduite de l'échantillon.

Il recommande que l'Insee renonce à publier des données mensuelles relatives au taux de chômage calculé au sens du Bureau international du travail (BIT) et qu'il augmente la taille de l'échantillon retenu pour l'enquête emploi. Il suggère aussi qu'une réflexion soit engagée pour simplifier les catégories de demandeurs d'emploi utilisées par l'ANPE.


• Suivant ces recommandations, l'Insee a décidé de ne plus publier de statistiques mensuelles, mais seulement des données trimestrielles, et d'harmoniser ses pratiques avec celles de l'institut européen Eurostat qui ne considère pas, par exemple, l'inscription à l'ANPE comme une démarche active de recherche d'emploi. Il publiera également des données intégrant le chômage dans les départements d'outre-mer. Une réflexion est en cours en vue d'augmenter la taille de l'échantillon de l'enquête emploi.

Pour prolonger ces tendances positives, le Gouvernement prévoit, sous l'impulsion du Chef de l'Etat et conformément à l'un de ses engagements de campagne, de poursuivre la réforme du service public de l'emploi par la fusion de l'ANPE et de l'Unedic. Cette réforme doit contribuer à la réalisation de l'objectif ambitieux assigné par le Président de la République à la ministre de l'emploi, à savoir ramener le taux de chômage à 5 % à l'horizon 2012.

* 1 Cf. article premier de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 2 Secteur marchand non agricole et entreprises et associations privées du secteur non marchand.

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