B. LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE FAIT L'OBJET DE PLUSIEURS MESURES D'ORGANISATION POUR EN MAÎTRISER LES COÛTS

Votre rapporteur avait évoqué, dans son avis sur le PLF 2009, les contraintes issues, pour un bon entraînement des troupes, du coût élevé des carburants et des difficultés découlant du maintien en condition opérationnelle des matériels.

Le coût des carburants a beaucoup baissé en 2009.

Mais la complexité des opérations permettant un MCO de bon niveau, à un coût acceptable, mérite un développement particulier.

Le MCO est défini comme l'ensemble des moyens et interventions qui permettent à un matériel, durant toute sa durée d'utilisation, de rester apte à l'emploi qui lui est assigné, en particulier sur les théâtres d'opération.

Ainsi, le MCO permet de maintenir les systèmes en état de fonctionnement en corrigeant :

- les effets de son emploi, comme les pannes, et le remplacement des éléments consommables ;

- les effets du vieillissement, comme la corrosion, et les obsolescences ;

- et les défauts constatés, comme une fiabilité insuffisante, ou de nouvelles prescriptions réglementaires.

Budgétairement, le MCO se distingue de l'EPM (entretien programmé du matériel) inscrit au programme 178, car il faut y ajouter les RCS (rémunérations et charges sociales) des personnels qui exécutent la maintenance.

Le MCO est un élément essentiel de la capacité opérationnelle des armées ; il est indissociable de l'activité des unités à laquelle il contribue directement.

1. Les difficultés financières et techniques découlant du MCO sont récentes

Un rapide historique montre que cette problématique n'a surgi que dans les années 1990. En effet, les matériels étaient auparavant caractérisés par :

- une durée de vie courte, car ils étaient destinés à subir des pertes lors des engagements opérationnels ;

- des parcs souvent surnuméraires, car, pour la plupart, issus des stocks de la 2 ème guerre mondiale, puis du plan Marshall ;

- des stocks de rechanges très largement dimensionnés et prépositionnés à proximité des systèmes opérationnels ;

- la mise en oeuvre de technologies assez simples permettant une maintenance facile à réaliser dans des conditions rustiques et avec des outils communs.

Ainsi, le MCO ne constituait pas une réelle source de préoccupation.

La prise de conscience de l'importance à accorder aux crédits d'EPM remonte au début du XXIème siècle, avec la nette réduction de disponibilité observée , dont l'origine était principalement la réduction sensible des crédits d'EPM à partir du milieu des années 90. Pour y faire face, la LPM 2003-2008 a prévu un accroissement de ces crédits.

Parallèlement, une réflexion a été engagée au sein du ministère de la défense, pour identifier les axes de progrès en matière de soutien des matériels ; elle a conduit à l'optimisation des moyens et à la rationalisation des structures de management du MCO avec la création des services interarmées de soutien.

Ainsi, furent successivement créés le service de soutien de la flotte (SSF) en 2000, la SIMMAD (structure intégrée de maintien en condition opérationnelle du matériel aéronautique de défense) en 2002, le SIAé (service industriel d'aéronautique) en 2007, et comme le sera la SIMMT (structure interarmées du MCO des matériels terrestres) en 2010.

Il y a donc une « mise sous tension » du MCO, qui doit assurer le maintien en condition d'emploi du volume de matériel nécessaire à la disponibilité, mais déterminé au plus juste pour remplir les différents contrats (opérations, postures, entrainement).

Par ailleurs, s'il existe de nombreux points communs entre les systèmes civils et militaires en matière de MCO, il n'est pas, pour autant, possible de les assimiler. En effet, la comparaison est pertinente pour les aspects économiques, mais s'y ajoutent les contraintes opérationnelles.

L'approche économique du MCO (assurer l'efficacité et sécuriser les prix) partage avec le domaine civil les préoccupations suivantes :

- anticipation des besoins de MCO (sur plusieurs années) ;

- réduction des incertitudes (planification stable) ;

- maîtrise et partage des risques ;

- mise en cohérence de la demande et de l'offre.

Mais les contraintes opérationnelles imposent le maintien de capacités spécifiques :

- pour réaliser des opérations de maintenance sur les théâtres d'opérations par des militaires dont les capacités de combattants doivent subsister ;

- pour faire face à un surcroit inattendu de charges, dans les délais conformes à ceux des scénarios du Livre blanc.

Il convient donc de concilier les impératifs de soutien de l'activité en opération avec une logique d'efficacité industrielle qui nécessite une anticipation et une planification régulière de l'activité. La capacité à remonter en puissance et à augmenter la cadence des chaînes de production étatiques ou privées (calibrées pour le temps de paix) afin d'atteindre le niveau requis pour des opérations de haute intensité doit être préservée. Corrélativement, se posent la question de la sécurité des approvisionnements et de l'entretien d'une base industrielle.

2. L'évolution à la hausse du coût du MCO est d'origine diverse

Les causes de l'évolution des coûts du MCO, et donc de son coût, sont multiples :

- l'augmentation du coût des matières premières, des charges et, principalement, des RCS, les opérations de maintenance étant très consommatrices de main d'oeuvre ;

- le renouvellement des générations d'équipements dont les plus récents, souvent plus onéreux à maintenir en raison d'une plus grande performance requise, ou parce que la maturité technique n'est pas encore atteinte ;

- le vieillissement de certains parcs de matériels pour lesquels les chaines de production sont arrêtées et qui subissent une baisse sensible de fiabilité ;

- des évolutions réglementaires qui imposent des modifications des matériels ou des processus de maintenance (amiante, gaz à effet de serre, qualité des eaux) ;

- la réduction du format des flottes en service (export compris) qui impose aux industriels de reporter leurs frais fixes sur un volume plus réduit d'activité de maintenance ;

- des activités OPEX qui suscitent, suivant les théâtres, des exigences de MCO plus élevées (accélération de l'usure des équipements).

3. Les leviers d'action possibles pour juguler les coûts

Afin de réduire les coûts globaux du MCO, il est nécessaire de combiner les actions visant à réduire le volume des opérations de maintenance et les coûts unitaires associés.

Le volume d'activité de maintenance a été limité avec la réduction des parcs, mais cette solution a atteint ses limites. L'effort porte donc maintenant sur l'activité et l'entraînement, mais en maintenant la capacité à honorer les contrats opérationnels.

Le volume des opérations de maintenance a été réduit par un meilleur emploi des parcs, permettant d'optimiser le MCO lié au vieillissement et à l'emploi. La PEGP (politique d'emploi et de gestion des parcs), instaurée en 2007, par l'armée de terre, les nouveaux profils d'activité des frégates, le remisage d'aéronefs en enceintes à hygrométrie contrôlée, relèvent de cette optimisation. Cette réduction des volumes peut également être obtenue par une optimisation des programmes d'entretien des systèmes. La collaboration de la DGA, des états-majors et des services de soutien au sein des équipes de programme intégrées tout au long du cycle de vie peut permettre de mieux exploiter cette voie avec une mutualisation plus aboutie de l'expertise technique et de l'analyse du retour d'expérience.

La réduction des coûts peut découler :

- du transfert d'une part importante des activités de maintenance des unités opérationnelles à des structures de type industriel (privé ou étatique) permettant d'obtenir des gains de performances par la programmation des tâches et la qualité des moyens de soutien disponibles. C'est l'objectif de la SIAé ;

- de l'évolution des relations contractuelles avec l'industrie privée, de nature à réduire les coûts : de nouveaux types de contrats visent à accroître la visibilité des industriels sur leurs calendriers, et de réduire ainsi leurs provisions pour risques ;

- s'agissant de l'effort budgétaire, la réduction des effectifs de maintenanciers étatiques induite par la RGPP, de l'ordre de 20 %, permettra de diminuer les RCS consacrés au MCO. Elle impose toutefois d'augmenter la productivité par des méthodes appropriées (ordonnancement, politique de maintenance...) tout en conservant, à chaque maintenancier militaire, un juste niveau d'aptitude comme combattant.

Un engagement contractuel à long terme, la concurrence (lorsqu'elle est possible) et une organisation optimisée permettent de contenir et, parfois, de réduire les prix.

4. Le cas du MCO naval

L'actuelle démarche contractuelle est fondée sur des marchés de gré à gré avec DCNS pour les bâtiments à propulsion nucléaire et les frégates fortement armées, et la mise en concurrence pour les autres éléments de la flotte. Le MCO des bâtiments se fonde sur des contrats pluriannuels (3 ou 5 ans). Cette démarche de contractualisation sur plusieurs années avec des industriels permet de limiter le coût du MCO naval et de respecter l'actuelle LPM, tout en maintenant l'aptitude des navires à réaliser les missions pour lesquels ils ont été construits.

Pour les frégates fortement armées, la recherche d'une réduction des coûts a conduit à espacer les périodes d'entretien et en conséquence limiter l'activité de ces navires. L'activité des frégates de la flotte nucléaire est ainsi passée de 110 jours de mer annuels à 90 jours.

La situation des armes, qui conditionne l'aptitude à réaliser les missions, doit être améliorée . Il faut impliquer les industriels au maintien en conditions d'équipements fabriqués en petites séries et frappés rapidement d'obsolescence.

Le suivi des évolutions de la réglementation dans le domaine de l'environnement doit être également amélioré. Celle-ci induit un besoin de remise aux normes coûteux, qui doit être pris en compte dès la conception des bâtiments. Ainsi, la Marine est sous la menace d'une amende si tous ses navires ne sont pas aux normes en matière de gaz endommageant la couche d'ozone.

Le MCO aéronautique intègre la notification de contrats pluriannuels (entretien des moteurs de l'ATL2 et des moteurs du Rafale), devant être prochainement notifiés. Cette orientation se traduit par un moindre besoin d'engagement pour 2010.

5. L'externalisation représente également une voie d'optimisation

Mais elle ne doit pas être systématique : ainsi, Air France et la RATP ont conservé en interne la majorité de la maintenance pour leur coeur de métier ; elle doit donc être étudiée au cas par cas. De plus, le transfert de charges vers le privé doit préserver une expertise étatique permettant :

- de spécifier et contrôler les marchés de MCO ;

- de compenser en partie l'absence de concurrence ;

- d'effectuer des actes techniques complexes sur les théâtres d'opérations.

Les partenariats internationaux en matière de MCO d'équipements militaires communs permettent, par mutualisation, de réduire mécaniquement les coûts unitaires de soutien, mais elles se révèlent difficiles à mettre en place.

L'optimisation de la répartition des activités de maintenance entre les structures opérationnelles et industrielles, privées et étatiques, représente une réelle voie de progrès. Elle doit s'inscrire dans un véritable partenariat entre la défense et l'industrie privée, permettant d'adapter globalement les organisations afin de bénéficier de l'efficacité des structures industrielles tout en conservant, dans les armées, l'expertise technique indispensable à la liberté d'action en opérations et face à des situations de monopole.

Une part importante des activités de maintenance devait donc être transférée à des structures de type industriel, privées ou étatiques, auxquelles serait assuré un calendrier prévisionnel de leurs travaux. La crise économique a pesé à la baisse sur le coût des matières premières, constituant un élément de stabilité des prix, qui ne devrait pas être durable.

Il faut relever que nos soldats engagés sur des théâtres extérieurs bénéficient d'un taux de disponibilité des matériels proche de 95 %, l'un des plus élevés parmi les nations occidentales, comme l'a précisé à la commission le général Georgelin, chef d'état-major des armées (CEMA).

En conclusion, il faut rappeler qu'après une hausse de près de 2 % par an entre 1977 et 1993, une forte baisse de plus de 20 % caractérise la période 1993-2002. Cela a entraîné, avec un décalage de quelques années, un fléchissement de la disponibilité des équipements.

L'effort budgétaire sur l'EPM a repris à partir de 2001. Mais ce n'est qu'en 2009 que l'on retrouve le niveau de ressources de 1993 (3,6 milliards d'euros). La chute de disponibilité a ainsi été enrayée, ce qui a permis de réaliser les activités prévues en OPEX et, globalement, celles effectuées dans le cadre de l'entrainement.

Evolution des crédits d'EPM sur la période 1977-2009

Source : ministère de la défense

Page mise à jour le

Partager cette page