C. LES PRINCIPES D'UN ENCADREMENT DES CO-FINANCEMENTS (ARTICLE 35)

Dans le cadre d'ensemble de la réforme des collectivités territoriales souhaitée par le Gouvernement, une loi précisant la répartition des compétences entre les différentes catégories de collectivités territoriales doit être présentée suite aux quatre projets de loi déjà déposés, dont fait partie le présent projet de réforme des collectivités territoriales.

Dans la perspective de ce futur projet de loi, l'article 35 du présent texte :

- d'une part, énonce que la loi de répartition des compétences interviendra dans les douze mois suivant la promulgation de la présente loi ;

- d'autre part, propose d'établir dès maintenant certaines orientations de principe en matière de répartition des compétences .

Votre rapporteur pour avis tient à rappeler que l'article 35 est une simple déclaration de principe, dépourvue de valeur normative. En effet, comme l'a indiqué notre collègue Jean-Patrick Courtois, rapporteur au nom de la commission des lois, « le texte proposé comporte des dispositions quelque peu imprécises ou dépourvues de portée normative. En outre, l'article fixe des objectifs qu'une loi devra respecter, alors que le législateur ne peut en principe se lier lui-même ».

Votre commission des finances s'est saisie de cet article en ce qu'il aborde la question de l'encadrement des pratiques de cofinancements de projets par plusieurs catégories de collectivités territoriales.

1. Le texte du projet de loi initial

L'article 35 du projet de loi initial du Gouvernement prévoyait, en matière d'encadrement des cofinancements, que « la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales doit être limitée aux projets dont l'envergure le justifie ou répondre à des motifs de solidarité ou d'aménagement du territoire ; le maître d'ouvrage doit assurer une part significative du financement ».

L'objectif du dispositif était donc double :

- d'une part, limiter la pratique des cofinancements à certains cas particuliers (envergure du projet, solidarité, aménagement du territoire) ;

- d'autre part, obliger le maître d'ouvrage du projet à assurer une part « significative » de son financement.

Sur le fond, ces dispositions recueillent l'accord de votre rapporteur pour avis .

Toutefois, le champ des projets de grande envergure ou comportant des enjeux en matière de solidarité ou d'aménagement du territoire paraît très vaste. La restriction proposée ne paraît donc pas nécessairement opérationnelle.

Par ailleurs, le caractère significatif d'un financement reste à définir. L'importance du financement doit-elle être fixe en pourcentage du coût du projet ou dépendre des capacités financières du maître d'ouvrage ? Est-il possible d'appliquer aux petites communes rurales les mêmes règles en matière de cofinancement qu'à de vastes communes riches ?

2. Le texte adopté par la commission des lois

La commission des lois a profondément modifié la déclaration de principe proposée par le Gouvernement pour prévoir que « la pratique des financements croisés entre les collectivités territoriales est encadrée afin de répartir l'intervention publique en fonction de l'envergure des projets ou de la capacité du maître d'ouvrage à y participer. Le rôle du département dans le soutien aux communes rurales sera confirmé ».

Les deux objectifs visés par le projet initial ont été remplacés par deux autres :

- poser le principe d'une « répartition » de l'intervention publique en fonction de l'envergure des projets et de la capacité du maître d'ouvrage à y participer. Il semble, à la lecture du rapport de la commission des lois, que cette disposition vise à mettre en place une intervention alternative de la région ou du département dans le financement d'un projet . Ainsi, ces deux niveaux de collectivités territoriales ne pourraient participer simultanément au financement d'un projet. Votre rapporteur pour avis juge cette proposition particulièrement intéressante . En effet, un des objectifs de la loi relative aux compétences des collectivités territoriales est de mieux définir les compétences des départements et des régions et d'éviter que ces compétences se chevauchent. Par conséquent, à terme, un cofinancement de projet par une région et un ou plusieurs départements ne devrait plus se produire ;

- prévoir que le futur projet de loi « confirmera » le rôle du département dans le soutien aux communes rurales .

3. La position de votre commission des finances

Eu égard au caractère non normatif du dispositif proposé, votre rapporteur pour avis n'a pas souhaité proposer d'amendement sur cette partie du texte dont votre commission des finances s'est saisie .

En effet, il paraît plus opportun d' attendre pour cela le projet de loi relatif aux compétences lui-même . Si, comme le Gouvernement semble le souhaiter, la clause de compétence générale est retirée aux départements et aux régions et que les compétences de ces deux niveaux de collectivités territoriales sont strictement délimitées, la question des cofinancements entre départements et régions ne devrait en effet plus se poser. Il est donc prématuré de poser des principes sur lesquels le Parlement pourra revenir, en fonction notamment des autres dispositions contenues dans le texte du futur projet de loi.

Sur le fond, votre rapporteur rappelle que les jugements sur la pratique des cofinancements sont difficilement univoques .

D'une part, les cofinancements font l'objet de nombreuses critiques , justifiées, au nombre desquelles la plus importante est celle relative à la tutelle d'une collectivité sur une autre que les cofinancements entraînent nécessairement. Une petite commune dont les ressources financières sont faibles est souvent tributaire du bon vouloir du département dont elle fait partie pour mettre en oeuvre des projets d'aménagement, même d'une envergure modeste. Cette tutelle pose donc la question de la gouvernance des collectivités territoriales et des critères qui président au choix des projets auxquels ces collectivités participent.

Parmi les autres critiques des cofinancements, la mission temporaire du Sénat sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales, présidée par notre collègue Claude Belot, avait pointé, dans son rapport d'étape 10 ( * ) :

- « un problème de lisibilité de l'action publique pour les citoyens. Ceux-ci ne parviennent plus à identifier clairement quelle collectivité territoriale est responsable de quel aménagement et de quelle politique » ;

- « des inconvénients pour la mise en oeuvre même des opérations d'investissement. En effet, plus les cofinancements sont nombreux, plus les dossiers de financement sont complexes à élaborer » ;

- « le risque qu'à terme, la recherche de cofinancements et le souci de conciliation entre les objectifs des divers intervenants prennent le pas sur la mise en oeuvre d'une action publique cohérente sur le long terme ».

Malgré ces inconvénients, la mission temporaire avait conclu au fait que « la pratique des cofinancements est essentiellement l'expression financière d'une coopération entre les acteurs publics ».

Il semble en effet très difficile à votre rapporteur pour avis de régler les problèmes posés par les cofinancements par des principes intangibles applicables à l'ensemble des cas de figure . Ces pratiques répondent parfois à des impératifs locaux et résultent essentiellement de l'enchevêtrement des compétences entre les catégories de collectivités territoriales.

Le débat sur la pratique des cofinancements, auquel votre commission des finances portera une attention particulière, devra donc avoir lieu dans le cadre du projet de loi à venir sur la répartition des compétences territoriales .

* 10 Rapport d'information n° 264 - Tome I (2008-2009), Rapport d'étape sur la réorganisation territoriale, M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, fait au nom de la mission collectivités territoriales, déposé le 11 mars 2009.

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