N° 284

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010

Enregistré à la Présidence du Sénat le 10 février 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de finances rectificative pour 2010 ,

Par M. Jean-Claude ETIENNE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jacques Legendre , président ; MM. Ambroise Dupont, Michel Thiollière, Serge Lagauche, David Assouline, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Ivan Renar, Mme Colette Mélot, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; M. Pierre Martin, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Christian Demuynck, Yannick Bodin, Mme Béatrice Descamps , secrétaires ; MM. Jean-Paul Amoudry, Claude Bérit-Débat, Mme Maryvonne Blondin, M. Pierre Bordier, Mmes Bernadette Bourzai, Marie-Thérèse Bruguière, M. Jean-Claude Carle, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Chauveau, Yves Dauge, Claude Domeizel, Alain Dufaut, Mme Catherine Dumas, MM. Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Claude Etienne, Mme Françoise Férat, MM. Jean-Luc Fichet, Bernard Fournier, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Jean-François Humbert, Soibahadine Ibrahim Ramadani, Mlle Sophie Joissains, Mme Marie-Agnès Labarre, M. Philippe Labeyrie, Mmes Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, M. Jean-Pierre Leleux, Mme Claudine Lepage, MM. Alain Le Vern, Jean-Jacques Lozach, Mme Lucienne Malovry, MM. Jean Louis Masson, Philippe Nachbar, Mme Monique Papon, MM. Daniel Percheron, Jean-Jacques Pignard, Roland Povinelli, Jack Ralite, Philippe Richert, René-Pierre Signé, Jean-François Voguet.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) :

2239 , 2268 et T.A. 413

Sénat :

276 , 278 et 283 (2009-2010)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Alors que la France et le monde ont connu la crise la plus grave depuis les années 30, le Président de la République a demandé au Gouvernement de réfléchir à nos priorités nationales et à la mise en place d'un emprunt pour les financer.

La commission, co-présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard, chargée de définir les priorités devant préparer l'avenir de la France, est partie du principe suivant : face aux défis auxquels il est confronté, notre pays peut mieux faire. Ainsi qu'elle l'a affirmé dans son rapport 1 ( * ) , « les usines de demain ne seront pas celles d'hier : elles seront, elles aussi, tissées d'immatériel et de connaissances. Mais comment avancer dans la connaissance si on perd peu à peu la passion de la science ? Pourquoi sommes-nous si bons dans la recherche et si faibles dans sa valorisation ? Pourquoi tardons-nous tant à mettre en oeuvre l'inéluctable : l'adaptation des villes aux nouveaux enjeux environnementaux ? ».

Au terme d'un processus de très large consultation, cette commission a remis, le jeudi 19 novembre 2009, un rapport de grande qualité et a proposé que l'Etat finance par le biais d'un « grand emprunt » des « investissements d'avenir » à hauteur de 35 milliards d'euros.

Le Président de la République a approuvé l'essentiel de ces propositions et, lors de son discours du 14 décembre 2009, il a jugé ainsi nécessaire de « préparer la France aux défis de l'avenir pour que notre pays puisse profiter pleinement de la reprise, pour qu'il soit plus fort, plus compétitif, qu'il crée plus d'emplois. Il nous faut investir pour rattraper le retard dû à la crise. C'est de l'investissement que naît le progrès technique, moteur de la croissance. »

A ce titre, il était logique que plus de la moitié de l'emprunt soit consacrée à l'enseignement supérieur et à la recherche. Ceci explique pourquoi votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication a souhaité se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2010, qui traduit ces ambitions, sachant que les volets écologie et recherche industrielle relèvent de la compétence de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. En outre, l'emprunt prévoit que 750 millions d'euros seront consacrés à la numérisation des contenus culturels, éducatifs et scientifiques, ce qui satisfait votre commission, qui s'est préoccupée de cette question essentielle au cours des derniers mois. Enfin, votre commission relève avec intérêt que 500 millions seront consacrés à la promotion de la mixité sociale et de l'égalité des chances dans la formation.

Après avoir brièvement présenté la philosophie générale et les grandes lignes du dispositif proposé, dont il partage les principes, votre rapporteur s'attachera à soulever certaines problématiques et à formuler quelques recommandations, afin que les convictions de votre commission soient prises en compte à l'occasion de la concrétisation des priorités affichées par le Gouvernement au travers de ce projet de loi.

L'opportunité exceptionnelle ainsi offerte aux acteurs concernés ne doit pas être gaspillée. Cet élan rénovateur doit être mis à profit par tous pour travailler collectivement à la construction d'une économie de la connaissance et de l'innovation, loin des féodalités diverses qui caractérisent trop souvent notre pays. Il s'agit aussi de tendre vers une simplification et une plus grande efficacité de notre système d'enseignement supérieur et de recherche. Le maintien de la France dans le peloton de tête de la course mondiale est à ce prix.

I. LA PHILOSOPHIE GÉNÉRALE DU « GRAND EMPRUNT »

A. POURQUOI ?

1. Il faut rattraper le retard

En 2007, l'OCDE soulignait que l'économie française souffrait d'une insuffisante capacité à innover , laquelle pèse sur la productivité. Cette évolution limite notre rythme de croissance potentielle : même si les dernières hypothèses sont un plus favorables, rappelons que le projet de loi de finances pour 2010 indiquait qu'après une croissance de 2,1 % par an en moyenne entre 1998 et 2009, la croissance potentielle de l'économie française ne serait plus que de 1,7 % en moyenne entre 2009 et 2013. L'OCDE évoquait même une tendance de seulement 1,4 % sur la période 2011-2017.

Par ailleurs, la part des investissements dans les dépenses publiques a reculé : elle en représentait environ 12,5 % en 1974, 6 % au début des années quatre-vingt et seulement 5 % désormais. Et cette diminution n'a pas été compensée par l'augmentation de l'investissement réalisé par les collectivités territoriales depuis une dizaine d'années.

Surtout, et votre commission l'a déjà dénoncé, l'investissement de notre pays dans son système d'enseignement supérieur est inférieur à la moyenne des pays de l'OCDE, alors qu'il doit être un pilier essentiel pour construire l'économie de la connaissance , « moteur de la croissance de demain », selon l'expression du rapport précité de la commission présidée par MM. Alain Juppé et Michel Rocard.

En outre, la stratégie de Lisbonne doit nous conduire à consacrer 3 % du PIB à la recherche et au développement. Or notre pays souffre de l'insuffisance de sa recherche privée et de la faiblesse de la recherche partenariale, associant organismes publics de recherche et entreprises.

Améliorer le taux des publications scientifiques et mieux valoriser les brevets constituent des priorités pour l'avenir du pays. Comment créer les emplois de demain si les « start up », à peine créées, sont rachetées par des entreprises étrangères, ou que ces dernières achètent purement et simplement les brevets pour mieux étouffer les innovations compétitives issues des « cerveaux hexagonaux » ?

2. Il faut investir pour l'avenir et développer un « modèle de développement plus durable »

Comme l'a très bien exposé la commission Juppé-Rocard, dans son rapport précité : « La France est un grand pays d'industrie et de savoir. Pour relever les défis de demain, elle doit investir. La crise nous a appauvris. Le vieillissement va freiner la population active et la croissance. La compétition internationale s'étend à de nouveaux domaines, comme l'enseignement supérieur et la recherche. Dans l'industrie, de nouveaux acteurs émergent, y compris dans les secteurs où l'Europe détient des positions d'excellence, comme l'aéronautique. Notre modèle de développement va buter sur les tensions d'approvisionnement en ressources fossiles et est menacé par les conséquences du changement climatique.

Nous pouvons, en Europe, construire un nouveau modèle de développement, plus durable.

Il faut aujourd'hui engager la transition vers ce nouveau modèle moins dépendant en énergies fossiles et davantage tourné vers la connaissance. Ce défi ne saurait être relevé sans une intervention publique résolue. »

Ce modèle de développement durable sera fondé à la fois sur la matière grise et sur l'économie « verte ».

La qualité de notre recherche et de nos chercheurs est mondialement connue et reconnue. Elle doit être encore davantage dynamisée, grâce notamment à une plus grande synergie des différents types d'acteurs concernés : établissements d'enseignement supérieur (universités et grandes écoles), organismes publics de recherche et entreprises.

L'emprunt national doit permettre d'amplifier l'impact des réformes de structures engagées depuis 2006 et renforcer les efforts budgétaires déjà réalisés, ceci dans une vision de long terme.

Il s'agit de soutenir massivement la recherche, l'enseignement supérieur, l'innovation et le développement durable. Ces domaines, fortement générateurs de croissance, appellent des investissements importants qui ne peuvent être réalisés par le seul secteur privé.

* 1 Voir le rapport de la commission Juppé-Rocard : « Investir pour l'avenir - Priorités stratégiques d'investissement et emprunt national ».

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