C. COMMENT ?

L'article 4 du projet de loi finances rectificative pour 2010 précise les modalités d'attribution et de gestion des fonds consacrés au financement des investissements d'avenir et les modes d'intervention du Parlement sur ces investissements.

1. Des modalités prudentes d'allocation et de gestion des fonds

? La consommation effective de ces fonds n'a pas vocation à être réalisée sur la seule année 2010. Environ 46 % des crédits conduiraient à la constitution d'actifs non consomptibles dont seuls les intérêts servis annuellement seraient dépensés. M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, a estimé à l'occasion de son audition par la commission des finances, le 3 février 2010, que « les sommes versées aux opérateurs en rémunération du dépôt sur le compte du Trésor des dotations non consomptibles devraient pouvoir être modulées en fonction de l'atteinte ou non des objectifs. »

Les 54 % restants devraient être mobilisés sur plusieurs années, dès 2010, selon le rythme de financement des projets.

Les crédits ouverts sur le budget de l'État par le présent projet de loi devraient toutefois apparaître consommés dès cette année car ils seraient octroyés au cours de l'exercice aux différents opérateurs en charge de la mise en oeuvre du plan d'investissement.

45%

? Le premier paragraphe de l'article 4 du projet de loi prévoit que la gestion des fonds pourra être confiée notamment à l'Agence nationale de la recherche (ANR) ou à d'autres établissements de même nature.

Auditionnée le 3 février 2010 par votre commission et par le groupe d'études « Innovation et entreprises » qui lui est rattaché, Mme Jacqueline Lecourtier, directeur général de l'ANR, a expliqué que, dans le cadre du grand emprunt, l'ANR jouera un rôle de gestionnaire . Elle sera ainsi chargée de mettre en oeuvre les volets suivants : les campus d'excellence, la valorisation de la recherche avec la création d'entités spécifiques en région, les instituts technologiques visant à évaluer l'impact économique des recherches, les laboratoires et équipements d'excellence, les instituts hospitalo-universitaires et le développement des biotechnologies.

En effet, l'agence a développé un véritable savoir-faire dans l'organisation de jurys et le lancement d'appels d'offres dans le domaine de la recherche. Elle a obtenu la certification ISO 9001 de l'AFNOR et est garante du respect des principes de transparence et d'équité.

Votre commission s'est inquiétée du risque de conflits d'intérêts qui pourrait surgir au sein des jurys.

Le directeur général de l'ANR a précisé qu'afin d'éviter de tels problèmes, l'agence a mis en place une charte de déontologie contractuelle signée par tous les acteurs et un observatoire de la qualité des jurys. En outre, si la participation de personnalités étrangères siégeant dans les jurys constitue un élément important, elle fait toutefois l'objet d'une attention toute particulière pour les projets ayant un intérêt industriel : la présence d'Européens est privilégiée dans ce cas. En outre, c'est le commissaire à l'investissement qui arrêtera la composition des jurys devant sélectionner les projets financés par le grand emprunt.

2. Un levier pour le développement de la recherche partenariale

Une part essentielle des crédits prévus par le projet de loi sera affectée au financement de projets de recherche et d'innovation portés par des organismes d'enseignement supérieur et de recherche ou par des entreprises, l'objectif étant de renforcer la recherche partenariale, trop faible dans notre pays.

La démarche proposée par le Gouvernement se concrétise par la présence d'indicateurs de performance mesurant la part des financements privés dans les projets financés par l'emprunt national. L'idée est de s'assurer ainsi que les projets répondent à une demande existante ou prévisible et d'éviter les échecs du type « plan Calcul » développé à partir de 1966.

3. Une gouvernance originale

a) Des organes de gouvernance spécifiques
(1) Un commissaire général à l'investissement

L'utilisation des fonds gérés par les organismes bénéficiaires de l'emprunt national sera pilotée par une structure nouvellement mise en place sous l'autorité du Premier ministre.

En effet, M. René Ricol, commissaire général à l'investissement , sera chargé de veiller, sous l'autorité du Premier ministre, à la cohérence de la politique d'investissement de l'Etat . A ce titre :

- il préparera les décisions du Gouvernement relatives aux contrats passés entre l'Etat et les organismes chargés de la gestion des fonds consacrés aux investissements d'avenir ;

- il coordonnera la préparation des cahiers des charges accompagnant les appels à projets et vérifiera leur cohérence avec l'action du Gouvernement en matière d'investissement d'avenir et de réforme des politiques publiques ;

- il supervisera l'instruction des projets d'investissement et formulera des avis et propositions ;

- il veillera à l'évaluation , a priori et a posteriori , des investissements, et notamment de leur rentabilité et dressera un bilan annuel de l'exécution du programme.

Auditionné par la commission des finances, le 3 février 2010, M. René Ricol, commissaire général à l'investissement, a précisé qu'il jouerait un « rôle d'expert indépendant, obligeant les principaux intervenants à se poser les bonnes questions, en particulier en ce qui concerne les « retours sur investissement » de l'Etat. »

(2) Un comité de surveillance des investissements d'avenir

De même, un comité de surveillance des investissements d'avenir sera placé sous la présidence conjointe des anciens Premiers ministres MM. Alain Juppé et Michel Rocard. D'après le projet de loi, il comprendra en outre deux députés et deux sénateurs, désignés par le président de leur assemblée respective et six personnalités qualifiées désignées par arrêté du Premier ministre. Le comité de surveillance établira un rapport annuel faisant apparaître l'exécution du programme d'investissements et les résultats de leur évaluation. Le commissaire général lui transmettra à cet effet toutes informations utiles. Le rapport sera remis au Premier ministre et à chaque assemblée. Le comité de surveillance pourra consulter, sur un thème déterminé, des représentants des organisations d'employeurs et de salariés ainsi que toute personne dont il jugera utile de recueillir l'avis.

(3) Une gouvernance spécifique au sein des organismes gestionnaires

Des conventions de gestion liant l'État à chacun des organismes détermineront précisément le cadre d'emploi des fonds et les indicateurs mesurant les résultats obtenus ainsi que les modalités d'instruction des dossiers.

Pour la sélection des projets, les organismes gestionnaires organiseront des appels à projets sur la base de cahiers des charges validés par l'Etat (processus et critères de sélection des projets, forme des financements apportés, modalités de suivi de l'utilisation des fonds...).

Le processus de sélection devra associer aussi souvent que possible des experts extérieurs à l'administration (personnalités du monde économique et/ou étrangères), afin de conforter l'analyse de la pertinence et la rentabilité des projets.

A cette fin, une gouvernance spécifique sera systématiquement mise en place au sein des organismes gestionnaires (comité d'engagement spécifique, fonds dédié avec gouvernance et suivi comptable propres...). Cette gouvernance assurera à l'État un pouvoir de décision en dernier ressort.

b) Des principes à respecter

La gouvernance mise en place devra respecter les principes suivants :

- garantir que les projets s'inscrivent dans les seules priorités stratégiques retenues, dans le cadre d'une contractualisation entre l'État et les organismes gestionnaires ;

- garantir la traçabilité des dépenses , en gérant les ressources issues de l'emprunt national de manière « étanche » par rapport au reste du budget ;

- réaliser l'évaluation ex-ante et ex-post des investissements et de leurs retombées. A cet égard, les avis du commissaire général à l'investissement seront assortis de diverses conditions, dont il s'assurera en suite qu'elles ont bien été respectées ;

- imposer le placement des fonds non décaissés sur le compte du Trésor pour ne pas peser inutilement sur la dette.

Les critères de gouvernance seront au coeur des critères de sélection des projets : association sur un même site, à terme en une institution unique, des écoles et universités, séparation entre les fonctions académiques, de gestion, et de dialogue social de l'entité constituée, partenariat rénové avec les organismes de recherche, administration de la recherche en ligne avec les recommandations du rapport d'Aubert.

A l'issue de la sélection des campus par le jury international, une phase de négociation tenant compte du contenu même du projet, de l'engagement de ses co-financeurs (ex : collectivités territoriales, industriels), et de son calendrier, permettra de définir le montant et les modalités de versement (sous une forme de contractualisation) des premiers fonds qui seront destinés aux campus d'excellence. Ceux-ci seront versés durant la phase probatoire , sous la forme de revenus de la dotation non consomptible. Cette phase probatoire permettra de s'assurer de l'effectivité de l'engagement des acteurs et de leurs partenaires dans le processus d'intégration proposé dans le projet de campus, et de leur dynamique de transformation. Durant la phase probatoire, les indicateurs et jalons définis dans le projet feront l'objet d'un suivi.

4. Quel contrôle par le Parlement ?

Les rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement et le rapport de gestion pour 2010 permettront de retracer l'utilisation des crédits et de mesurer les résultats obtenus pour chacun des indicateurs.

Un document d'information (« jaune ») joint au projet de loi de finances permettra d'informer par la suite, chaque année jusqu'en 2020, le Parlement sur l'emploi des crédits de l'emprunt national et les résultats obtenus.

A cet égard, votre commission se réjouit de la plus grande précision adoptée par l'Assemblée nationale à l'article 4 du projet de loi qui prévoit les modalités d'information et de contrôle du Parlement quant à l'utilisation des crédits.

A l'alinéa 9 de l'article 4 (paragraphe II), nos collègues députés ont ainsi prévu la transmission aux commissions des finances du Parlement, avant leur signature, des conventions passées entre l'État et les organismes attributaires des 35 milliards d'euros de crédits consacrés aux investissements d'avenir ouverts par la présente loi de finances rectificative.

En effet, ces conventions jouent un rôle central dans le dispositif de gouvernance régissant l'utilisation des crédits, dès lors qu'elles fixent, pour chaque opérateur, le cadre d'emploi des fonds dédiés aux différentes priorités d'investissement.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a prévu à l'alinéa 10 (paragraphe III) que, pour chacune des missions concernées, l'annexe générale au projet de loi de finances de l'année présentera notamment :

« 1° Les investissements prévus et en cours de réalisation, en justifiant le choix des projets et en présentant l'état d'avancement des investissements ;

2° Les montants dépensés, les moyens financiers prévus pour les années à venir, les modalités de financement mises en oeuvre et, le cas échéant, les modifications apportées à la répartition initiale des fonds ;

3° Les cofinancements publics et privés attendus et obtenus ;

4° Les objectifs poursuivis et les résultats attendus et obtenus, mesurés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié ;

5° Les retours sur investissement attendus et obtenus, ainsi que les méthodes d'évaluation utilisées ;

6° Le rôle des organismes mentionnés au I et au 4° du II, le contenu et la mise en oeuvre des conventions prévues au premier alinéa du II, ainsi que les résultats du contrôle par l'État de la qualité de la gestion de ces organismes. »

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