II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. LA LIBERTÉ D'ORGANISATION DE CHAQUE ASSEMBLÉE EN MATIÈRE DE CONTRÔLE ET D'ÉVALUATION

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a modifié en profondeur la fonction de contrôle du Parlement. Elle a, en particulier, consacré :

- la reconnaissance constitutionnelle expresse de cette fonction (qui, jusqu'à présent, n'était pas désignée en tant que telle dans la Constitution) et la définition, au même titre que le vote de la loi et le contrôle de l'action du Gouvernement, d'une mission d'évaluation par le Parlement des politiques publiques (article 24) ;

- l'extension de l'assistance de la Cour des Comptes au Parlement à sa nouvelle mission d'évaluation des politiques publiques (article 47-2).

Pour autant, la nouvelle définition de la fonction de contrôle n'a pas réduit la liberté de chacune des Assemblées quant à sa propre organisation interne et au choix de ses instances de contrôle et d'évaluation .

C'est au regard de cette autonomie et de pratiques qui diffèrent sensiblement entre le Sénat et l'Assemblée nationale que doit s'apprécier la présente proposition de loi.

L'Assemblée nationale a choisi la voie des structures ad hoc . La création, par la réforme du Règlement du 27 mai 2009, du comité d'évaluation et de contrôle (CEC) pour conduire des évaluations de politiques publiques, et, d'autre part, apporter son expertise sur les études d'impact qui accompagnent les projets de loi déposés par le Gouvernement, s'inscrit dans cette tradition.

Le Sénat, pour sa part, n'a pas souhaité la création formelle de telles structures spécifiques, et s'appuie, dans sa fonction de contrôle et d'évaluation, sur les commissions permanentes et leurs rapporteurs généraux et spéciaux.

L'article 40 du règlement du Sénat 4 ( * ) dispose ainsi que :

« les commissions permanentes assurent l'information du Sénat et mettent en oeuvre, dans leur domaine de compétence, le contrôle de l'action du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques et le suivi de l'application des lois... La commission des finances suit et contrôle l'exécution des lois de finances et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques... La commission des affaires sociales suit et contrôle l'application des lois de financement de la sécurité sociale et procède à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale . »

B. LE CHAMP DES INSTANCES CONCERNÉES

La proposition de loi pose d'abord le problème de la généralisation des pouvoirs particuliers reconnus aux rapporteurs et des moyens de contrainte qu'il est possible d'exercer à l'égard des personnes auditionnées.

Certaines instances, au sein de chaque Assemblée, bénéficient de prérogatives particulières attachées aux fonctions de contrôle et d'évaluation des politiques publiques.

Ces prérogatives permettent d'exercer un contrôle sur pièces et sur place, en se faisant communiquer tous les renseignements et documents de service. Elles consistent aussi à pouvoir convoquer en audition toute personne, y compris en ayant recours à une exécution forcée, et à l'entendre sous serment. Elles comprennent enfin la faculté de formuler des demandes d'assistance à la Cour des comptes et la transmission des documents dits administratifs (référés et rapports particuliers).

Au premier rang des instances concernées par ces dispositions particulières figurent les commissions des finances et des affaires sociales et les commissions d'enquêtes .

Article 57 de la LOLF

« Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances suivent et contrôlent l'exécution des lois de finances et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances publiques. Cette mission est confiée à leur président, à leur rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs spéciaux et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres d'une de ces commissions obligatoirement désignés par elle à cet effet. A cet effet, ils procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu'ils jugent utiles.

« Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

« Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues à l'alinéa précédent. »

Article 58 de la LOLF

« La mission d'assistance du Parlement confiée à la Cour des comptes par le dernier alinéa de l'article 47 de la Constitution comporte notamment :

« 1° L'obligation de répondre aux demandes d'assistance formulées par le président et le rapporteur général de la commission chargée des finances de chaque assemblée dans le cadre des missions de contrôle et d'évaluation prévues à l'article 57 ;

« 2° La réalisation de toute enquête demandée par les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances sur la gestion des services ou organismes qu'elle contrôle. Les conclusions de ces enquêtes sont obligatoirement communiquées dans un délai de huit mois après la formulation de la demande à la commission dont elle émane, qui statue sur leur publication ;

« ... »

Code de la sécurité sociale

« Article L.O. 111-9. - Les commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat saisies au fond du projet de loi de financement de la sécurité sociale suivent et contrôlent l'application de ces lois et procèdent à l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale. Cette mission est confiée à leur président, au président de la mission mentionnée à l'article LO 111-10, ainsi que, dans leurs domaines d'attributions, à leurs rapporteurs et, pour un objet et une durée déterminés, à des membres d'une de ces commissions désignés par elle à cet effet. A cet effet, ils procèdent à toutes auditions qu'ils jugent utiles et à toutes investigations sur pièces et sur place auprès des administrations de l'Etat, des organismes de sécurité sociale, de tout autre organisme privé gérant un régime de base de sécurité sociale légalement obligatoire et des établissements publics compétents. Tous les renseignements et documents d'ordre financier et administratif qu'ils demandent, y compris tout rapport établi par les organismes et services chargés du contrôle de l'administration, réserve faite des sujets à caractère secret concernant la défense nationale et la sécurité intérieure ou extérieure de l'Etat et du respect du secret de l'instruction et du secret médical, doivent leur être fournis.

« Les personnes dont l'audition est jugée nécessaire par le président et le ou les rapporteurs de la commission, dans leur domaine d'attribution, ont l'obligation de s'y soumettre. Elles sont déliées du secret professionnel sous les réserves prévues au premier alinéa. »

Ordonnance n° 58 -1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires

« Art. 6. - II. - Les articles L. 135-5 et L. 132-4 du code des juridictions financières sont applicables aux commissions d'enquête dans les mêmes conditions qu'aux commissions des finances. 5 ( * )

« Les rapporteurs des commissions d'enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l'exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l'État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l'autorité judiciaire et des autres pouvoirs. Toute personne dont une commission d'enquête a jugé l'audition utile est tenue de déférer à la convocation qui lui est délivrée, si besoin est, par un huissier ou un agent de la force publique, à la requête du président de la commission. À l'exception des mineurs de seize ans, elle est entendue sous serment. Elle est, en outre, tenue de déposer, sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal. Les dispositions du troisième alinéa de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse lui sont applicables. Toute personne qui participe ou a participé aux travaux de la Commission bancaire, du Comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement, de l'Autorité des marchés financiers, du Conseil des marchés financiers, du Conseil de discipline de la gestion financière ou de la Commission de contrôle des assurances est déliée du secret professionnel à l'égard de la commission, lorsque celle-ci a décidé l'application du secret conformément aux dispositions du premier alinéa du IV. Dans ce cas, le rapport publié à la fin des travaux de la commission, ni aucun autre document public, ne pourra faire état des informations recueillies par levée du secret professionnel.

« III. - La personne qui ne comparaît pas ou refuse de déposer ou de prêter serment devant une commission d'enquête est passible de deux ans d'emprisonnement et de 7 500 € d'amende.

« Le refus de communiquer les documents visés au deuxième alinéa du II est passible des mêmes peines. Dans les cas visés aux deux précédents alinéas, le tribunal peut en outre prononcer l'interdiction, en tout ou partie, de l'exercice des droits civiques mentionnés à l'article 131-26 du code pénal, pour une durée maximale de deux ans à compter du jour où la personne condamnée a subi sa peine. En cas de faux témoignage ou de subornation de témoin, les dispositions des articles 434-13, 434-14 et 434-15 du code pénal sont respectivement applicables. Les poursuites prévues au présent article sont exercées à la requête du président de la commission ou, lorsque le rapport de la commission a été publié, à la requête du bureau de l'assemblée intéressée.

« IV. - Les auditions auxquelles procèdent les commissions d'enquête sont publiques. Les commissions organisent cette publicité par les moyens de leur choix. Toutefois, elles peuvent décider l'application du secret ; dans ce cas, les dispositions du dernier alinéa du présent article sont applicables. »

L'extension de ces prérogatives spécifiques à l'ensemble des instances parlementaires de contrôle serait problématique alors que le nombre de ces instances est en voie d'augmentation.

Dans sa version initiale, le texte aurait ainsi concerné, au-delà des instances antérieurement concernées et des commissions permanentes :

- à l'Assemblée nationale, le Comité de contrôle et d'évaluation des politiques publiques, les missions d'évaluation et de contrôle créées par la commission des Finances (MEC) et par la commission des Affaires sociales (MECSS), les missions d'information créées par la Conférence des présidents sur proposition du Président de l'Assemblée nationale, en vertu de l'article 145, alinéa 4 du Règlement, ainsi que les missions d'information temporaires confiées à un ou plusieurs de leurs membres par les commissions permanentes, en vertu de l'article 145, alinéa 2 du Règlement ;

-  au Sénat, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ainsi que la délégation sénatoriale à la prospective, la MECSS et les missions d'information prévues par l'article 21 du Règlement ;

-  dans chacune des assemblées, la délégation parlementaire aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes ;

- l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) et toute autre délégation parlementaire commune aux deux Assemblées.

En ce qui concerne la convocation de personnes , le texte retenu par l'Assemblée nationale, qui restreint le bénéfice des nouvelles dispositions aux seules « instances permanentes créées au sein de l'une des assemblées du Parlement pour contrôler l'action du Gouvernement ou évaluer des politiques publiques dont le champ dépasse le domaine de compétence d'une seule commission permanente » aboutit à écarter de cette liste les missions d'information et les délégations parlementaires communes aux deux assemblées . Le pouvoir de convoquer en audition contraignante serait donc réservé aux délégations parlementaires propres à chaque assemblée (délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, délégation sénatoriale à la prospective) et au CEC de l'Assemblée nationale . Cette solution constitue un compromis satisfaisant .

En ce qui concerne les pouvoirs des rapporteurs , le texte retenu qui vise les mêmes instances , ne modifie pas la situation actuelle des rapporteurs des commissions d'enquête, ni de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques qui bénéficiaient déjà de dispositions particulières. Il est à noter cependant qu'il met sur un pied d'égalité les présidents, rapporteurs généraux et rapporteurs spéciaux de la commission des finances avec les rapporteurs des trois délégations aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à la prospective et aux droits des femmes.

* 4 Modifié par l'article 12 de la résolution tendant à modifier le Règlement du Sénat pour mettre en oeuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, adoptée le 2 juin 2009.

* 5 Article 132-4 : La Cour des comptes procède aux enquêtes qui lui sont demandées par les commissions des finances et par les commissions d'enquête du Parlement sur la gestion des services ou organismes soumis à son contrôle, ainsi que des organismes et entreprises qu'elle contrôle en vertu des articles L. 133-1 et L. 133-2.

Article 135-5 : Les communications de la Cour des comptes aux ministres, autres que celles visées aux articles L. 135-2 et L. 135-3, et les réponses qui leur sont apportées sont transmises aux commissions des finances et, dans leur domaine de compétence, aux commissions chargées des affaires sociales de chacune des assemblées parlementaires à l'expiration d'un délai de réponse de deux mois. Elles sont également communiquées, à leur demande, aux commissions d'enquête de chacune des assemblées parlementaires. En outre, le premier président communique à ces mêmes destinataires, à leur demande, les autres constatations et observations définitives de la Cour des comptes, ainsi que les réponses qui leur ont été apportées.

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