C. LES MODALITÉS DE RÉDUCTION DES EFFECTIFS

Dans la loi de programmation, pour mener à bien la diminution du plafond d'emplois de la mission Défense, le ministère de la défense avait prévu d'utiliser trois leviers principaux :

- la régulation des recrutements et des renouvellements de contrats (4 000 militaires et 1 250 civils par an) ;

- la mobilité au sein de la fonction publique (1 100 militaires et 350 civils par an) ;

- les incitations financières au départ (1 200 militaires et 500 civils, dont 350 ouvriers d'Etat, par an).

En 2010, sur le périmètre du ministère, la déflation a été mise en oeuvre par ces trois types de leviers dans les proportions suivantes :

- 62 % la régulation par les flux,

- 13 % le reclassement et mobilité au sein de la fonction publique,

- 25 % les départs incités financièrement.

Il était initialement prévu un ratio de 60/20/20. Si les départs aidés sont conformes aux objectifs, les reclassements dans la fonction publique, pour le personnel militaire, n'ont pas été à la hauteur des objectifs, ce qui a contraint les armées à utiliser le premier levier au-delà de ce qui était prévu.

PREVISIONS INITIALES 2010

PREVISIONS
ACTUALISEES

ETPE

%

ETPE

%

Régulation des flux

5 100

61,82 %

5 180

62,07 %

Reclassement mobilité

1 450

17,57 %

1 096

13,14 %

Départs incités financièrement

1 700

20,61 %

2 069

24,79 %

TOTAL

8 250

8 345

D'une manière générale, la "manoeuvre RH" du ministère de la défense se déroule dans des conditions proches de la prévision initiale. De fait, le niveau effectif des réductions d'emplois devrait légèrement excéder la cible (- 8 345 ETP pour un objectif de - 8 250 ETP).

Les difficultés rencontrées pour reclasser le personnel militaire au sein de la fonction publique de l'Etat, qui expliquent le résultat mitigé des "reclassements-mobilités", devraient être contrebalancées par l'attractivité des mesures d'incitation financière au départ, en particulier pour les ouvriers de l'Etat.

En ce qui concerne les leviers RH (recrutements / non renouvellements de contrats (soit 60% de la déflation)) :

- pour le personnel militaire, les flux de recrutement ont été réduits de 700 par rapport aux prévisions puisque les départs définitifs constatés n'étaient pas à la hauteur des prévisions.

- pour le personnel civil, les recrutements sont plus importants que prévus (reliquat du recrutement 2009) sans toutefois réussir à atténuer l'accélération des sorties.

Pour les départs aidés, l'aide financière au départ, tant les pécules des militaires que les IDV civiles, ont permis de réaliser 23 % de la déflation du programme 178. Ces dispositifs apparaissent donc indispensables à la réalisation de la réforme

Pour la mobilité (soit 17 % de la déflation), le bilan du reclassement des militaires dans les fonctions publiques n'est pas satisfaisant ; seul un peu plus de la moitié des objectifs a été atteint. La solidarité interministérielle n'est pas mise en oeuvre, pour deux raisons principalement : inadéquation des profils à la fonction publique civile et forte déflation des effectifs imposée au reste de la fonction publique.

- s'agissant des emplois réservés, 22 % seulement des objectifs 2010 sont atteints.

1. Un flux de recrutement à préserver

Le principal levier de la déflation des effectifs est la régulation des flux : non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux pour les civils et gel des recrutements des ouvriers d'État, non-recrutement et non-renouvellement de contrat pour les militaires.

Pour ces derniers, la régulation des flux porte principalement sur les personnels sous contrat qui forment l'essentiel de la composante opérationnelle. Il s'agit donc d'un exercice délicat, qui risque d'affecter la moyenne d'âge des militaires si l'équilibre entrées/sorties n'est pas correctement assuré.

Les armées continuent pendant la conduite de la réduction du format à recruter chaque année plus de12 000 militaires du rang et plusieurs milliers d'officiers, de sous-officiers et de civils. Dans un contexte de déflation significative, la tentation pourrait être grande de réduire le recrutement pour diminuer les effectifs, sans provoquer trop de départs parmi les anciens et sans mettre à mal trop de plans de carrière. Ce serait évidemment une erreur qu'il faut bien se garder de commettre : les armées doivent continuer à recruter pour conserver leur jeunesse et leur nécessaire dynamisme.

Armée de terre

Catégories

2009

2010

2011*

Officiers

448

441

417

Sous-officiers

1 156

1 260

965

Militaires du rang engagés

11 158

12 965

9 597

Volontaires

1 456

1 297

847

Marine

Catégories

2009

2010

2011*

Officiers

135

134

140

Sous-officiers

696

702

790

Militaires du rang engagés

1 628

1 123

1 130

Volontaires

656

473

490

Armée de l'air

Catégories

2009

2010

2011*

Officiers

180

163

150

Sous-officiers

1 130

1 089

950

Militaires du rang engagés

1 702

736

680

Volontaires

344

69

100

Service de santé des armées

Catégories

2009

2010

2011*

Officiers

223

210

200

Sous-officiers

286

219

220

Militaires du rang engagés

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Volontaires

103

86

100

Services des essences des armées

Catégories

2009

2010

2011*

Officiers

2

3

5

Sous-officiers

3

4

9

Militaires du rang engagés

130

70

70

Volontaires

Sans objet

Sans objet

Sans objet

Pour 2011, les recrutements externes de militaires prévus s'élèvent à 18 093 contre 21 336 en 2010, soit une diminution de 3 100.

Globalement, le ministère de la défense estime que le bilan des recrutements des militaires sous contrat est satisfaisant et les objectifs atteints. Il relève cependant des difficultés récurrentes, notamment pour le recrutement de militaires du rang, dans certains domaines de spécialité bien identifiés au sein des armées.

On observe que le nombre de candidatures au recrutement a diminué par rapport à 2009 (15 600 candidats en 2010 contre 16 800 en 2009 pour les trois armées). Néanmoins, compte tenu de la diminution globale des volumes de recrutement par rapport à 2010, le ratio de sélection s'est accru entre 2009 et 2010 (2,35 candidats pour 1 poste en 2010 contre 2,26 en 2009).

Pour l'armée de terre, le taux de sélection 2010 est 1,85 contre 1,79 en 2009.

Ratio de sélection au recrutement

Off

Entre 7 et 8 pour 1

Ss off

Entre 4 et 5 pour 1

Hommes du rang

Entre 1 et 2 pour 1

Pour ce qui concerne l'armée de terre, les objectifs de recrutement pour 2010 ont été atteints.

Pour autant, il est à noter que les tensions persistent dans certains métiers tant pour les sous-officiers que pour les militaires du rang (informaticiens, métiers de bouche et du bâtiment, maintenanciers).

On observe toutefois que le nombre de candidatures au recrutement a diminué par rapport à 2009 (15 600 candidats en 2010 contre 16 800 en 2009 pour les trois armées). Néanmoins, compte tenu de la diminution globale des volumes de recrutement par rapport à 2010, le ratio de sélection s'est accru entre 2009 et 2010. Pour l'armée de terre, le taux de sélection 2010 est 1,85 contre 1,79 en 2009. La situation pour les militaires du rang est cependant préoccupante puisque le ratio de sélection est tombé en dessous de 1,6.

Depuis 2006, la Marine constate également une baisse du nombre de candidatures de militaires du rang dans toutes les filières (taux de sélection passé de 3,3 en 2006 à 1,8 en 2007 et 1, 9 en 2008).

Pour pallier ces difficultés, la marine a mis en place, en 2008, la valorisation du recrutement et de l'emploi du personnel équipage de la flotte (VAREQ) dont l'un des principaux objectifs est d'offrir plus de souplesse aux candidats à l'engagement grâce à une offre générique de métiers. Les effets positifs de cette réforme ont été constatés dès 2008 et devraient être plus importants encore en 2010.

Par ailleurs, la marine a lancé en mars 2009 une campagne de communication nationale à travers différents médias (télévision et internet). Les effets positifs de cette communication se font actuellement ressentir puisque le nombre de candidatures est en augmentation d'environ 10 % par rapport à 2008.

Au bilan, depuis un an, la marine nationale recrute de nouveau en quantité et en qualité. Les taux de sélection sont excellents dans certains cas, mais faibles pour certaines spécialités proches du coeur de métier. Le niveau de qualification des jeunes recrutés se concentre autour des diplômes de l'enseignement professionnel.

Pour l'armée de l'air, la qualité du recrutement des militaires sous contrat est globalement satisfaisante. Néanmoins, l'armée de l'air éprouve des difficultés à honorer les recrutements requis pour quatre spécialités de militaires du rang : «fusilier commando», «conducteur de chien», «mécanicien aéronautique» et «pompier». De même, compte tenu de tensions sur le marché du travail, l'armée de l'air a du mal à recruter certains profils (sécurité incendie, systèmes de télécommunication, sécurité des systèmes d'informations et renseignement).

Pour le service de santé des armées, l'entrée en vigueur des nouveaux statuts (praticiens et MITHA) améliore l'attractivité de ces professions dans le contexte très concurrentiel du monde de la santé. Le recrutement reste toutefois difficile. Concernant les médecins, il est nécessaire de poursuivre un recrutement significatif en écoles afin de répondre au contrat opérationnel et de maintenir un recrutement complémentaire de médecins contractuels. Le recrutement direct des infirmiers, lui aussi soumis à une forte concurrence du milieu civil, reste tendu. Celui des masseurs kinésithérapeutes et manipulateurs en électroradiologie médicale est délicat en raison de la faible attractivité de leur grille indiciaire par rapport à l'exercice libéral très répandu dans ces métiers.

Dans ce contexte de déflation des effectifs, recrutement et fidélisation restent plus que jamais les priorités. Si la déflation d'effectifs se fait en resserrant trop les recrutements, cela se traduira par :

- le vieillissement des armées,

- un déséquilibre de la pyramide des grades,

- un embouteillage des carrières,

- et vraisemblablement un gonflement des soutiens.

2. Plus encore que le recrutement, la fidélisation de personnels formés est à considérer avec attention.

Pour l'armée de terre, les départs subis constatés en 2009 sont supérieurs aux prévisions avec une forte proportion concernant la population des militaires du rang (MDR) pendant le premier contrat.

Le taux de conservation d'une cohorte d'engagés volontaires au-delà du primo contrat, est inférieur à l'objectif visé.

Cela conduit par ailleurs l'armée de terre à maintenir une politique de recrutement très dynamique caractérisée par des volumes conséquents.

De plus, afin de rendre plus attractive la deuxième partie de parcours professionnel pour les MDR engagés, l'armée de terre a supprimé les verrous permettant de servir au-delà de 11 ans puis de 17 ans et demi de services. Les estimations pour l'année 2010 montrent des taux de départs subis des officiers et des sous-officiers en retrait par rapport à 2009 (cette amélioration s'est confirmée au 30 juin). Cette situation résulte d'une politique d'aide aux départs ciblée et d'une tendance à la stabilisation en termes de comportement en fin de première année de restructuration en particulier pour la population des sous-officiers.

En revanche, malgré une très légère amélioration au 30 juin, le taux de départs subis de la population des militaires du rang prévu en 2010 (17,1 %) reste supérieur à 2009 (11,5 %) soit + 5,5 points. L'augmentation de ce taux est notamment due aux dénonciations pendant la période probatoire.

L'année 2010 est également une année marquée par une augmentation de la mobilité des militaires du rang dans le cadre des restructurations.

Pour la marine nationale, les taux d'attrition par filière constatés six mois après la signature du contrat pour l'année 2009 sont conformes aux prévisions. Les prévisions pour l'année 2010 sont globalement meilleures que celles de 2009.

Pour l'armée de l'air, le taux d'attrition des jeunes recrues au cours de la première année d'engagement (premier contrat) augmente depuis 2007. Cette hausse s'accentue en 2009 chez les sous-officiers (12,5 % de départs estimés) et se confirme chez les militaires du rang (près de 20 %).

Pour le service de santé des armées, des difficultés persistent sur des spécialités sensibles ou concurrentielles ainsi que pour les MITHA infirmiers en soins généraux du fait de la concurrence du secteur civil.

Comme en 2009, le service des essences des armées (SEA) conduit un recrutement préférentiel au sein du ministère de la défense ce qui limite fortement le taux d'attrition. Cette population n'est ainsi comptabilisée ni pour le taux d'attrition, ni pour le taux de renouvellement de contrat.

Au-delà de la période probatoire, la fidélisation des militaires du rang contractuels connaît une évolution préoccupante.

Pour l'armée de terre, le taux de renouvellement des premiers contrats se situe à hauteur de 69 % avec néanmoins des disparités entre populations. Ainsi, le taux des engagés est de 63 % alors que celui des sous-officiers est de 85 %. Le taux de renouvellement de contrat des officiers en 2009 est de 70 %, le taux prévu en 2010 est de 65 %.

L'âge moyen de départ des militaires du rang ne cesse de baisser (au bout de 7 ans), les carrières sont de plus en plus courtes car il devient difficile de fidéliser ce type de personnel. Comme il constitue le coeur des unités de l'Armée de Terre, ce « turnover », de l'ordre de 15 %, devient une contrainte qui explique qu'une compagnie sur quatre est en formation.

Les Armées, et plus particulièrement l'Armée de Terre, ont besoin d'un équilibre entre le recrutement permanent d'un personnel jeune et le coût que représentent ce recrutement et la formation du personnel. Aujourd'hui, l'Armée de Terre recrute 10 000 personnes chaque année et on constate un essoufflement de la formation permanente d'un personnel qui est de moins en moins fidélisé.

Pour tenter d'enrayer ce phénomène, l'Etat-major de l'armée de terre a décidé de mettre en place des centres de formation initiale des militaires (CFIM) à destination des recrues pour optimiser les moyens et pour veiller à la stricte orthodoxie en matière de délivrance de la formation. Par ailleurs, dans le cadre du plan égalité des chances, un partenariat plus étroit est en train d'être institué avec les établissements professionnels d'insertion de la défense (EPIDE) pour permettre une meilleure intégration des jeunes en difficulté.

Le pourcentage de marins dont le contrat est renouvelé reste relativement constant depuis plusieurs années et de l'ordre de 75 %. S'agissant des engagés, les taux de renouvellement estimés sont de 79 % en 2010 et de 77 % en 2011.

Pour l'armée de l'air, la fidélisation des jeunes recrues demeure élevée pour les officiers. En revanche, elle diminue sensiblement chez les sous-officiers (-9 % en deux ans), plus nombreux à partir en cours de période probatoire ou à ne pas renouveler leur premier contrat.

Le recrutement des militaires du rang a beaucoup diminué depuis 2006, et les contrats initiaux ont été ramenés à 3 ans (au lieu de 4). Cela explique une progression de 5 % des renouvellements des premiers contrats depuis cette date, contrebalancée par une plus forte attrition lors des contrats ultérieurs. Globalement, les renouvellements ont diminué de 5 %.

Plus que jamais la fidélisation devient un enjeu de la qualité de notre outil de défense. Sans doute les restructurations en cours ont un impact négatif sur le renouvellement des contrats. Mais il y a également des causes plus structurelles qu'il convient d'analyser si l'on veut fidéliser les jeunes recrues.

3. Une mobilité au sein de la fonction publique encore trop réduite

Les objectifs de reconversion dans la fonction publique sont particulièrement ambitieux dans la mesure où ils sont additionnels par rapport aux flux existants et supposeraient de les doubler : en 2007, 1 041 militaires se sont reconvertis dans la fonction publique 3 ( * ) . Il s'agit de faire monter en puissance des outils tombés en désuétude comme le dispositif des emplois réservés récemment modernisé, ou relativement élitistes comme le détachement intégration.

L'accès aux fonctions publiques a effectivement connu une forte augmentation en 2009, passant de 1043 en 2007 et 1251 en 2008 à 1935 militaires en 2009.

Cette évolution est due notamment à l'ouverture par le ministère de la défense d'un volume de postes important (500) dans le cadre de l'article L4139-2. On peut noter que 2 sessions pour la fonction publique d'Etat ont eu lieu en 2009 mais une seule en 2010.

Concernant les emplois réservés, une nouvelle procédure a été mise en oeuvre à partir du deuxième semestre 2009 au titre de la loi n° 2008-492 du 26 mai 2008 et du décret n° 2009-629 du 5 juin 2009.

Les autres procédures, les détachements-intégrations au titre de l'article L4138-8 (220 en 2009) et les recrutements sous statut contractuel (199), sont comptabilisés seulement depuis 2009.

On constate cependant un ralentissement en 2010 des détachements-intégrations, les décrets d'application relatifs à la loi mobilité et parcours professionnels n'étant pas encore parus. En revanche, l'accès aux fonctions publiques par le biais de contrats de droit public est en très forte augmentation.

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010
(au 24.09)

L4139.2 Fonction Publique d'Etat

256

203

215

263

298

663

426

L4139.2 Fonction Publique Territoriale

17

24

34

275

346

339

212

L4139.2 Fonction Publique Hospitalière

-

-

-

2

21

39

23

L4139.3 Emplois Réservés

720

628

381

503

483

318

177

L4139.1 Concours

103

157

46

L4138.8 Détachement/ Intégration

220

72

Contrats

199

583

TOTAL

993

855

630

1043

1251

1935

1539

Pour la population militaire, la mobilité vers la fonction publique n'est pas satisfaisante; seul un peu plus de la moitié des objectifs a été atteint (1 193 transferts pour un objectif de 2 100). Les transferts vers la fonction publique d'Etat sont inférieurs aux objectifs tant au sein du ministère de la défense que vers les autres ministères (426 pour un objectif de 900) car la mise en oeuvre des RGPP conduit les autres administrations à réduire leur recrutement et la population est parfois en inadéquation avec leurs besoins.

Les transferts vers les fonctions hospitalières et territoriales sont également décevants (1/3 des objectifs réalisés).

Enfin, pour ce qui concerne les emplois réservés, seul ¼ de l'objectif est atteint.

Votre rapporteur ne peut que constater que, dans un contexte où toutes les administrations sont soumises à des objectifs de réduction des effectifs, les gains espérés de la mobilité au sein de la fonction publique doivent être revus à la baisse.


* 3 263 au titre de l'article 4139-2 dans la fonction publique de l'État, 275 dans la fonction publique territoriale, 503 au titre des emplois réservés.

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