B. DES DÉFAILLANCES EN MATIÈRE DE SÉCURITÉ CIVILE

La lourdeur de ce bilan s'explique, en premier lieu, par l'existence de dysfonctionnements en matière de sécurité civile .

1. Une insuffisante prise en compte des spécificités du risque de submersion marine

De manière générale, la mission a constaté que la spécificité du risque de submersion marine n'avait pas été suffisamment prise en compte par les pouvoirs publics. À cet égard, elle rappelait que « le risque de submersion marine n'est guère comparable à aucun risque d'origine naturelle, ni même au risque de crue » : l'absence de modalités de gestion et de prévention adaptées aux particularités de la submersion marine a ainsi posé de nombreux problèmes lors de la phase d'intervention des secours, puisque des mesures d'urgence pertinentes n'avaient pas pu être définies en amont.

Les spécificités du risque de submersion marine

Il existe trois grands mécanismes de submersion :

- le débordement, lorsque le niveau de la mer est supérieur à la cote de crête des ouvrages ou au terrain naturel,

- le franchissement par paquets de mer,

- la rupture ou destruction d'un cordon dunaire ou d'un ouvrage de protection.

La quantification de l'aléa de submersion par débordement nécessite d'estimer la probabilité d'occurrence d'un niveau d'eau donné à partir de ses composantes de marée et de surcote, sur la base de méthodes d'estimation statistiques. Le calcul des périodes de retour, s'il peut être envisagé pour certains points où l'on dispose d'historiques de mesures longs, reste localisé et l'extrapolation sur toute une zone géographique est délicate.

Le franchissement des ouvrages ou du terrain naturel par paquets de mer est lié au dépassement de la crête des ouvrages par la houle après déferlement alors que le niveau d'eau ne l'a pas encore atteint. Compte tenu des données météorologiques disponibles, il est possible de caractériser le régime de houle au large et de le valider à l'aide des mesures enregistrées par les houlographes le long des côtes. Il est ensuite nécessaire d'utiliser des modèles numériques pour propager cette houle jusqu'à la côte, la forme de la houle étant fortement conditionnée par la bathymétrie, puis de calculer les débits de franchissement en fonction du niveau d'eau. Là encore, il sera nécessaire d'utiliser des modèles statistiques pour évaluer la concomitance d'un niveau d'eau donné avec un certain régime de houle à la côte.

Enfin, des submersions marines peuvent se produire dans le cas de défaillance d'un ouvrage de protection ou de formation de brèche dans un cordon dunaire due aux attaques marines, notamment du fait de l'énergie libérée par la houle lors du déferlement. Ce type de submersion est directement imputable à la construction et/ou l'entretien de l'ouvrage ou à l'intégrité du cordon dunaire et sa capacité de résilience.

Les phénomènes naturels à l'origine de la submersion marine comprennent les variations du niveau de la mer liées à la marée et aux effets météorologiques et le déferlement de la houle sur la côte. De plus, l'interaction entre érosion et submersion est nécessairement à prendre en compte. Par comparaison, l'aléa fluvial est essentiellement contrôlé par les conditions hydrologiques et le risque principalement associé au niveau d'eau.

Source : centre d'études maritimes et fluviales,
cité par le rapport final de la mission commune d'information sur la tempête Xynthia

Cette prise en compte déficiente du risque de submersion marine a eu un impact d'autant plus important qu'elle s'est conjuguée avec l'insuffisance de la « culture du risque » dans notre pays : la mission a ainsi affirmé, dans son rapport final, que la France était marquée par une « `culture du secret' qui pousse le citoyen à compter sur la protection de la puissance publique pour se prémunir contre les risques », et qui s'est traduite par des défaillances lors des phases d'alerte et d'évacuation.

2. Des plans communaux de sauvegarde défectueux

Parallèlement, la mission a observé que les plans communaux de sauvegarde (PCS) -dont la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile impose la mise en place pour définir les modalités de gestion, à l'échelle des communes, des événements portant atteinte aux populations, aux biens et à l'environnement- étaient insuffisamment développés .

Votre rapporteur rappelle que les PCS sont un instrument majeur pour l'organisation des secours : en effet, ces plans doivent recenser l'ensemble des risques envisageables localement, quelle que soit leur nature (risques naturels et climatiques, technologiques, sanitaires, etc.) et doivent, sur cette base, faire la liste des moyens qui pourront être déployés pour alerter, informer, protéger et soutenir la population en cas de survenance de ces risques.

Or, les PCS n'ont pas joué leur rôle préventif et ce, pour deux raisons principales :

- le nombre de PCS dans les zones les plus exposées aux risques naturels est insuffisant. Citant les statistiques de la direction de la sécurité civile, le rapport final de la mission d'information sur la tempête Xynthia soulignait ainsi que, en 2009, 7 660 communes étaient soumises à l'obligation d'élaborer un PCS, mais que seules 1 474 d'entre elles s'étaient effectivement dotées d'un tel document ;

- le contenu des PCS est, lui aussi, peu satisfaisant : nombre de plans « se résument à des recueils de recommandations ou de prescriptions formelles peu connues ni maîtrisées des responsables locaux devant les mettre en oeuvre, et moins encore des populations auxquelles elles s'adressent », et s'apparentent « à un `copier-coller' de circulaires administratives ».

Cette situation est évidemment déplorable, dans la mesure où elle a privé les acteurs de la sécurité civile et les populations d'un outil qui aurait pu les aider à mieux gérer les conséquences immédiates de la tempête.

3. Des réseaux inadaptés aux besoins de la sécurité civile

Tout en saluant la mobilisation exceptionnelle des secours, qui ont effectué plus de 37 000 interventions pour évacuer les personnes touchées par la tempête Xynthia, la mission a relevé que des améliorations pouvaient être apportées pour renforcer la coordination des intervenants. À cet égard, elle a notamment observé que l'importance des télécommunications en cas de crise avait été sous-estimée et que le réseau national d'alerte, hérité des années 1930 et essentiellement conçu pour répondre aux situations de guerre, n'était plus adapté aux risques contemporains.

Dans le cadre de cette réflexion d'ensemble sur les réseaux dont disposent les secours, la mission avait attiré l'attention du Sénat sur la mise en place d'une « priorisation » des appels d'urgence : elle avait ainsi estimé nécessaire, « en cas de crise, de privilégier les appels d'urgence au détriment de tous les autres qui contribuent à engorger le réseau voire à le neutraliser ».

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