II. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEURE : UN RISQUE D'ENLISEMENT BIEN RÉEL

A. DES PROBLÈMES CONJONCTURELS QUI PERDURENT

1. Un projet éditorial inabouti
a) Un projet d'entreprise « à l'état de bribes »

L'absence de COM ne permet pas réellement à votre rapporteure de déterminer la capacité de la tutelle et de la direction de l'AEF à définir des ambitions claires pour la holding. Elle a, au demeurant, déjà exprimé son scepticisme vis-à-vis des objectifs fixés à France 24, qui lui paraissent relativement flous. Elle n'est pas la seule à exprimer ce point de vue. M. Rachid Ahrab, lors de son audition, estimait quant à lui que la réflexion sur les missions de l'AEF a été oubliée au profit de conflits de personnes.

Néanmoins, selon les informations qu'elle a recueillies, le projet de COM aurait pour objectif prioritaire de « développer la présence française dans le paysage audiovisuel mondial en vue de contribuer à l'influence de la France, à la francophilie et à la promotion de la francophonie ».

A cette fin, le projet de COM déterminerait des objectifs et des priorités en terme de zones géographiques et de langues à développer : le Maghreb et le Proche et Moyen-Orient sont ainsi considérés comme des zones prioritaires. Selon une réponse au questionnaire budgétaire, « AEF doit développer son pôle arabophone et l'arabe est considéré comme une langue de base de diffusion qui doit permettre d'accroître l'audience de France 24 et de relancer celle de MCD. AEF doit également conserver la notoriété, l'image et les audiences de ses entités en Afrique francophone, et renforcer sa présence en Afrique anglophone. AEF doit aussi développer sa distribution en Asie-Pacifique. Enfin, le groupe doit définir une politique d'implantation en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique Latine ».

Il semble à votre rapporteure, qu'une fois encore, le projet de France 24 et son développement soient privilégiés, au détriment de ceux de RFI et de TV5 Monde, alors même que ces outils ont largement fait leur preuve.

Par ailleurs, le COM insisterait sur la définition d'une offre « à tous les publics ciblés pluri et multimédia, reflet de la diversité culturelle et linguistique ainsi que de la culture et des valeurs françaises et francophones ».

A cet égard, votre rapporteure s'étonne de l'absence d'une offre commune d'informations sur Internet et considère que le projet multimédia, en dépit du succès des sites Internet de chaque acteur pris séparément, est un réel problème. Ce constat est d'autant plus surprenant que la fusion des sites Internet en arabe de MCD et de France 24 a été réalisé, au bénéfice des deux : le site de MCD comptait ainsi 75 000 visites mensuelles en février 2010 et celui de France 24 en arabe 300 000, le nouveau site unifié attirant 1 170 000 visites en avril 2011.

Par ailleurs, elle considère que la présentation du projet « AEF » aux salariés n'a pas été réalisée. Comme l'a noté Mme François Miquel, chef de la mission de contrôle général économique et financier des sociétés du service public de la radio et de la télévision, lors de son audition, « une fusion et un déménagement ne sont pas un projet d'entreprise » : les débats se sont ainsi focalisés sur des questions de structures et d'économies de moyens sans qu'un projet stimulant d'avenir ne soit réellement défini .

Le rapport de l'IGF évoque au demeurant comme l'une des faiblesses principales de l'AEF le fait que « ses populations et cultures d'entreprises sont très différentes d'une filiale à l'autre ».

Cette analyse hypothèque les chances de réussite de l'AEF mais laisse aussi supposer que le travail en amont sur cette question n'a pas été réalisé.

b) L'enjeu de la diffusion TNT de France 24 symptôme de l'absence de stratégie

M. Pierre Hanotaux, le nouveau directeur général délégué de France 24, a récemment fait la préconisation que France 24 soit diffusée sur la TNT gratuite. Cette éventualité serait rendue possible via l'utilisation par l'État du droit prioritaire d'usage de la ressource radioélectrique qu'il tire de l'article 26 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

Cette option aurait pour mérite de permettre à l'ensemble des Français d'accéder à des programmes qu'ils paient via la contribution à l'audiovisuel public et augmenterait les recettes publicitaires de la chaîne.

En revanche, il s'agirait d'une opération onéreuse en termes de coûts de diffusion (probablement supérieurs aux recettes publicitaires qui pourraient en être tirées) et économiquement risquée.

Mais plus encore, votre rapporteure estime que cette proposition est une nouvelle preuve que la vision de l'AEF n'est pas claire en matière de public cible et d'orientation stratégique , ce qui constitue une réelle source d'inquiétude sur l'avenir de ce groupe.

Elle constate d'ailleurs que le rapport de l'IGF se pose cette question et souligne que la vocation de France 24 est bien d'être diffusée à l'étranger. Il préconise par conséquent que France 24 ne soit plus diffusée sur la TNT outre-mer , ce qui a un coût de 2,5 millions d'euros par an, compensés par une subvention spécifique de l'État.

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