Avis n° 690 (2011-2012) de Mme Françoise CARTRON , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 juillet 2012

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N° 690

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 juillet 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , de finances rectificative pour 2012 ,

Par Mme Françoise CARTRON,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas , secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Mme Cécile Cukierman, M. Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou, Maurice Vincent.

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

71 , 77 , 78 , 79 et T.A. 2

Sénat :

687 , 689 et 691 (2011-2012)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a décidé de se saisir pour avis de plusieurs articles du projet de loi de finances rectificative pour 2012 concernant ses secteurs de compétences.

Elle a étudié ainsi :

- l'article  23, qui rehausse le plafond des autorisations d'emploi de la mission « Enseignement scolaire » afin de renforcer les moyens humains dévolus à l'éducation nationale ;

- l'article 24, qui vise à vise à ramener de 7 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux livres, imprimés et numériques, ainsi qu'au secteur du spectacle vivant ;

- l'article 30, qui tend à supprimer la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger, instituée en 2007 ;

- l'article 30 bis , qui vise à reporter de quelques mois la date effective du passage des universités d'Antilles-Guyane et de la Réunion aux responsabilités et compétences élargies, prévue par la loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités.

Par ailleurs, la commission se réjouit de la reconstitution, en faveur du spectacle vivant, de l'intégralité des crédits d'intervention prévus en loi de finances initiale pour 2012 . Il s'agit de 23,5 millions d'euros, pour lesquels Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a déclaré devant la commission, le mercredi 18 juillet 2012, que des consignes de mandatement rapide ont été données. Il s'agit là d'une excellente nouvelle pour ce secteur, dont les marges artistiques ont dû être rognées ces dernières années.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 23 - Plafond des autorisations d'emploi de la mission « Enseignement scolaire »

I. - Le texte du projet de loi

Cet article vise l'article 69 de la loi de finances initiale pour 2012 qui fixait le plafond pour l'année des autorisations d'emplois de l'État, en équivalents temps plein travaillé (ETPT).

Conformément aux engagements du Président de la République, rappelés par le ministre de l'éducation nationale, lors de son audition le 10 juillet 2012 devant votre commission, il est procédé au rehaussement du plafond d'emplois pour renforcer les moyens humains dévolus à la mission « Enseignement scolaire », seul poste bénéficiant de mesures exceptionnelles dans le cadre du présent projet de loi de finances rectificative.

Le plafond d'emplois du budget général de l'État, hors budgets annexes, est porté ainsi à 1 924 029 ETPT.

L'éducation nationale bénéficierait de 1 507 ETPT supplémentaires qui devront permettre, selon l'exposé des motifs, des recrutements de personnels enseignants (1 000 professeurs des écoles) et non enseignants (100 CPE 1 ( * ) , 1 500 AVS-I 2 ( * ) , 2 000 assistants d'éducation et 500 agents chargés de la prévention et de la sécurité scolaire 3 ( * ) ), ainsi que des aménagements de service pour les enseignants stagiaires.

L'enseignement technique agricole (programme 143) bénéficierait de 17 ETPT supplémentaires, sans que la répartition des emplois entre les différentes catégories de personnels ne soit précisée dans les documents budgétaires.

II. - La position de votre commission

Votre rapporteure salue les mesures d'urgence proposées par le Gouvernement pour atténuer en cours d'année les effets des suppressions de postes inscrits au budget 2012.

Il convient, en effet, de rappeler que le schéma d'emploi de la mission « Enseignement scolaire » pour 2012, voté l'an passé, était contraint par la règle du non-remplacement d'un départ sur deux en retraite. Pour mémoire, il prévoyait donc la suppression à la rentrée 2012 de 14 000 emplois selon la répartition suivante :

- 5 700 emplois d'enseignants du primaire ; 4 ( * )

- 6 550 postes d'enseignants dans le secondaire ; 5 ( * )

- 1 350 enseignants dans le privé ;

- et 400 emplois administratifs, dont 165 en établissements et 235 en administration centrale et dans les services académiques.

Pendant les cinq années de la précédente législature, le budget de l'éducation nationale est demeuré enfermé dans un carcan extrêmement rigide, d'autant plus inadapté que le ministère multipliait tous azimuts les annonces de réformes et d'expérimentations. L'inflation des ambitions, jamais soumises à évaluation, s'était substituée à l'adaptation réaliste des moyens humains aux besoins éducatifs.

Accumulées depuis 2007, les suppressions de postes avaient fini par toucher à l'os et attaquer la substance de l'offre éducative .

Suppressions d'emplois pendant la dernière législature (en ETP)

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

LFI 2011

LFI 2012

Cumul

1 er degré public
(prg.140)

- 30

6 000

7 000

8 967

(3 367 nettes)

5 700

27 637

2 nd degré public
(prg. 141)

8 830

6 500

7 000

4 800

6 550

33 680

Privé
(prg. 139)

1 400

1 000

1 400

1 533

1 350

6 683

Soutien
(prg. 214)

1 000

-

600

600

400

2 600

Total
(hors ens. agricole)

11 200

13 500

16 000

15 900

14 000

70 600

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat - PAP successifs.

Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2012, votre rapporteure avait condamné vivement cet affaiblissement du système éducatif. Elle se félicite aujourd'hui de la correction nécessaire, inscrite dans le collectif budgétaire, qui témoigne de la volonté du Gouvernement de concilier la responsabilité budgétaire et l'ambition pédagogique.

Après plusieurs années de fragilisation du primaire, en particulier de l'école maternelle, l'accent mis sur ce segment essentiel du système éducatif est particulièrement bienvenu. De même, doivent être saluées les mesures destinées à amender aussi rapidement que possible le déroulement de l'année de stage des futurs enseignants en leur octroyant des décharges de service pour leur permettre de poursuivre leur formation au métier.

L'échec patent de la mastérisation est tel, de l'aveu général, que de simples ajustements seront bien entendu insuffisants pour corriger tous les dysfonctionnements. La remise à plat de la formation des enseignants est un des sujets centraux discutés lors de la concertation générale, mise en place par le ministre de l'éducation nationale. Elle sera au coeur du projet de loi d'orientation et de programmation pour l'école annoncé pour l'automne 2012.

Votre rapporteure estime que c'est lors du débat législatif qu'il conviendra d'agir en profondeur pour :

- repenser l'articulation, dans le temps et dans les contenus, entre l'obtention du diplôme de master, la préparation des concours et la professionnalisation pédagogique progressive des futurs enseignants ;

- et favoriser une entrée progressive dans le métier sur un an, en s'appuyant sur des écoles supérieures du professorat intégrées aux universités pour assurer un accompagnement au plus proche des besoins des stagiaires.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 24 - Rétablissement du taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 5,5 % dans le secteur des livres et du spectacle vivant

Cet article vise à ramener de 7 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux livres, imprimés et numériques, ainsi qu'au secteur du spectacle vivant.

I. - Le droit en vigueur

L'article 13 de la loi n° 2011-1987 du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 a créé un second taux réduit de TVA de 7 % applicable à l'ensemble des biens et services antérieurement soumis au taux réduit de 5,5 %. Quelques biens et services de première nécessité ont conservé le bénéfice du taux réduit de 5,5 % mais le livre et les autres biens culturels n'ont pas été considérés comme tels.

Une application de ce taux de 7 % au secteur du livre dès le 1 er janvier 2012 aurait néanmoins emporté d'importants inconvénients tant techniques qu'économiques. C'est pourquoi, le Gouvernement avait chargé M. Pierre-François Racine, Président de section au Conseil d'État, d'une mission en vue de proposer les mesures d'accompagnement que les spécificités de ce secteur imposeraient.

Suite à son premier rapport, du 5 décembre 2011, il a été décidé - dans la loi de finances précitée (article 13-II-8°) - que l'application de ce nouveau taux de TVA ne s'appliquerait qu'au 1 er avril 2012 pour le livre papier, la date du 1 er janvier 2012 étant retenue pour le livre numérique 6 ( * ) (à l'instar donc des autres biens et services), pour tenir compte des spécificités et difficultés propres au secteur. Les principales raisons pour ce délai de trois mois étaient les suivantes :

- Aux termes de la loi du 10 août 1981, les éditeurs fixent librement un prix de vente au public pour chaque livre. La majorité des éditeurs avaient confirmé leur intention de répercuter globalement la hausse de la TVA sur le prix de vente au public des livres, ceci afin de préserver la rémunération des acteurs de la chaîne du livre, notamment libraires et auteurs. Il s'agissait donc de modifier les prix de plus de 700 000 références tout en se réservant le droit de faire varier le niveau de la répercussion de la hausse de la taxe selon la nature des ouvrages et des collections. Cependant, l'éditeur étant libre de fixer le prix des livres, rien ne garantissait la réévaluation des prix, en particulier de la part des petits éditeurs indépendants. Le risque était donc que la hausse de la taxe ne vienne ainsi amputer la faible marge moyenne des librairies.

Les détaillants devant respecter le prix de vente au public fixé par l'éditeur en application de cette loi, se posait aussi la question des délais d'intégration des nouveaux prix dans les systèmes d'information. Puis ces prix devaient être intégrés dans les systèmes d'information propres aux détaillants, ce qui posait des difficultés pratiques et techniques. Sans une transmission fiable de l'information relative aux nouveaux prix, les détaillants se seraient alors trouvés en infraction avec la loi du 10 août 1981.

- Compte tenu de l'importance des stocks constituant les fonds de librairie, se posait également la question de la gestion des retours effectués par les libraires après l'entrée en vigueur du relèvement du taux de TVA, avec des difficultés fiscales et comptables importantes pour les éditeurs et les libraires.

- Enfin, il était essentiel d'assurer la bonne information du public quant à l'évolution des prix.

Dans un second rapport, du 8 mars 2012, M. Pierre-François Racine a proposé des mesures d'accompagnement concrètes et pragmatiques afin d'aider les professionnels de la filière à traiter tous ces sujets.

Pour autant, les inquiétudes des professionnels, en particulier des libraires, le maillon le plus fragile, sont restées exacerbées, dans un contexte économique, technologique et juridique incertain.

En outre, même si la majorité des grandes maisons d'édition s'étaient engagées à répercuter la hausse de la TVA dans le prix de vente de leurs ouvrages, tel n'était pas le cas de l'ensemble des petits éditeurs, au risque donc de voir la marge des libraires être rognée.

II. - Les travaux de l'Assemblée nationale

? Une disposition applicable au secteur du livre...

Dans ce contexte, le Gouvernement estime qu'il convient de réaffirmer le caractère spécifique du livre, qui a d'ailleurs toujours bénéficié d'une législation propre (avec la loi de 1981 - dite loi Lang - sur le prix du livre, la fixation de règles plus souples en matière de délais de paiement compte tenu de l'importance et de la faible rotation des stocks des librairies, la loi de 2011 sur le prix du livre numérique).

Le nouveau taux de 5,5 % s'appliquera aux opérations pour lesquelles la TVA est exigible à compter du 1 er janvier 2013 , afin de tenir compte une nouvelle fois des contraintes techniques particulières au secteur de la librairie.

L'objectif est de préserver la filière du livre et d'encourager sa compétitivité dans l'économie du numérique.

L'incidence budgétaire de cette mesure est évaluée à 50 millions d'euros par an.

? ... et étendue par amendement à la billetterie des spectacles vivants

Nos collègues députés ont adopté un amendement présenté par M. Pierre-Alain Muet et les membres du groupe socialiste, républicain et citoyen, afin de rétablir également le taux réduit de 5,5 % de la TVA applicable sur la billetterie des spectacles vivants.

L'objectif est de préserver et de développer le secteur du spectacle vivant, tant dans sa dimension création que diffusion auprès des publics.

III. - La position de votre commission

Cet article, ainsi amendé, permet de mettre en oeuvre l'engagement n° 44 du projet du Président de la République qui prévoit « le retour à un taux de TVA à 5,5 % pour le livre et la billetterie, et la lutte pour la survie des librairies indépendantes », engagement confirmé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale.

Votre commission soutient pleinement cette mesure, qu'elle avait d'ailleurs défendue à l'occasion de l'adoption du projet de loi de finances rectificative de décembre 2012.

Dans son rapport, présenté par notre collègue Vincent Éblé, elle avait souligné les conséquences particulièrement graves pour la culture d'une hausse de la TVA, touchant tous les secteurs déjà affectés par un contexte difficile.

? Outre un refus de principe de la hausse de la TVA, elle avait insisté sur l'impact « particulièrement néfaste de cette mesure pour le secteur de l'édition » et sur ses difficultés d'application au secteur du livre , y compris sur un plan pratique. Elle avait également relevé qu'en cas de « répercussion de la hausse de la TVA sur le prix de vente du livre aux lecteurs et aux bibliothèques, c'est l'accès à la lecture, et donc à culture, qui serait atteint. »

Auditionné par votre commission le mercredi 18 juillet 2012, le Syndicat de la librairie française a d'ailleurs réitéré ses inquiétudes et insisté sur la fragilité économique des librairies, notamment indépendantes. La baisse de leur rentabilité se conjugue avec l'augmentation des charges, en raison notamment de la hausse des loyers commerciaux en centre ville. Alors que leur survie est essentielle pour l'animation culturelle de nos territoires, les reprises de fonds de commerce en cas de départ à la retraite s'avèrent difficiles.

Votre rapporteure précise que le lecteur ne devrait pas supporter les conséquences de cette mesure . En effet, d'après des représentants des éditeurs (Syndicat national de l'édition) - également entendus le 18 juillet dernier par votre commission -, la baisse du taux de TVA devrait être absorbée par une moindre hausse des prix des livres au 1 er janvier, date à laquelle les éditeurs répercutent habituellement le taux d'inflation de l'année précédente.

? Quant aux autres produits culturels pouvant concourir à la préservation du lien social, votre commission avait jugé essentiel d'encourager leur accès, tout particulièrement en temps de crise.

Ainsi son rapport soulignait-il que : « S'agissant du spectacle vivant, le relèvement du taux de TVA fragiliserait de nombreuses structures, déjà obligées de réduire leurs marges artistiques (...) Certes, le taux de 2,10 % restera appliqué aux 140 premières représentations, mais la hausse de la TVA aurait un impact sur les contrats de cession et de coproduction de spectacles. Les compagnies et petites structures non fiscalisées seraient les plus touchées, de même que les structures qui achètent les spectacles toutes taxes comprises.

En outre, la situation est cruciale pour le secteur des concerts où le spectateur peut consommer pendant la séance, car il ne pourra plus bénéficier du taux de 2,10 % sur les 140 premières représentations, cet avantage étant non conforme à la législation européenne. Le taux de TVA qui leur est applicable risquerait ainsi de passer brutalement de 2,10 % à 7 %... » .

Rappelons que la commission des finances du Sénat ayant adopté un amendement de suppression pure et simple de l'article concerné du projet de loi de finances rectificative, votre commission n'avait donc pas eu à intervenir spécifiquement en faveur de ces secteurs et qu'elle avait soutenu cet amendement.

Votre rapporteure réaffirme cette position et se réjouit du texte ainsi proposé par l'Assemblée nationale.

Votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 30 - Suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger

Le présent article vise à abroger les dispositions législatives faisant référence à la prise en charge des frais de scolarité (PEC) des enfants français scolarisés dans les établissements d'enseignement français à l'étranger . La PEC a été créée en 2007 par un texte réglementaire (en l'espèce une instruction générale de l' Agence de l'enseignement du français à l'étranger - AEFE ), pris en application de l'article D. 531-48 du code de l'éducation.

I. - Le droit en vigueur

La prise en charge des frais de scolarité des élèves français à l'étranger, promise par M. Nicolas Sarkozy au cours de la campagne présidentielle de 2007, a été mise en oeuvre progressivement par l'AEFE à la demande du Gouvernement à partir de l'année scolaire 2007-2008. D'abord ouverte aux élèves de terminale, elle a ensuite été étendue à la rentrée 2008 aux classes de première et, enfin, aux classes de seconde à la rentrée 2009. A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, l'extension de la mesure au-delà des classes de lycée a été subordonnée par le législateur à la transmission au Parlement d'une étude d'impact préalable.

Régulièrement débattue , tous les ans depuis 2007 lors de l'examen du projet de loi de finances, la PEC a fait l'objet, successivement en 2008 et 2010, de deux articles rattachés à la mission « Action extérieure de l'État » du budget général de l'État visant à :

- poser le principe d'une étude d'impact préalablement à toute extension du dispositif . L'article 133 de la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 dispose, ainsi, que « toute extension éventuelle de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger en sus des classes de seconde, de première et de terminale est précédée d'une étude d'impact transmise au Parlement, précisant notamment les modalités de son financement » ;

- mettre en place un plafonnement de la prise en charge . L'article 141 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 prévoit, en effet, que « nonobstant l'octroi de bourses scolaires, la prise en charge par l'État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger ne peut excéder un plafond, par établissement, déterminé par décret pris après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger et, au plus tard, le 3 juillet 2011. Le plafond est déterminé selon les frais de scolarité pratiqués l'année de référence fixée par le décret ; il est ajusté annuellement par arrêté, pour tenir compte notamment des variations des changes et des conditions locales d'existence ».

L'application de ces dispositions s'est traduite par la publication des textes réglementaires suivants :

- le décret n° 2011-506 du 9 mai 2011 qui porte détermination des plafonds de prise en charge par l'État des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger pris en application de l'article 141 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 ;

- l' instruction spécifique sur la prise en charge de la scolarité des lycéens français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger, applicable à l'année scolaire 2012/2013 pour les pays du rythme nord, publiée sur le site de l'AEFE en janvier 2012. Cette instruction a été prise en application de l'article D. 531-48 du code de l'éducation qui prévoit que « les commissions locales examinent et présentent à la commission nationale les demandes de bourses scolaires dont peuvent bénéficier les élèves français établis hors de France dans les conditions définies aux articles D. 531-45 et D. 531-46 [du même code] . Elles répartissent entre les bénéficiaires les crédits délégués par l'agence, dans le respect des critères généraux définis par des instructions spécifiques ».

II. - Les travaux de l'Assemblée nationale

L'Assemblée nationale a adopté un amendement prévoyant que le Gouvernement présentera un rapport, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2014, sur les conséquences de la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger et sur les ajustements à apporter aux bourses sur critères sociaux.

Votre commission estime cet ajout très utile.

III. - Les propositions de votre commission

A. La PEC : une mesure attribuée sans conditions de ressources au coût exponentiel

Sur le plan budgétaire, l'aide à la scolarité au bénéfice des enfants français résidant avec leur famille à l'étranger repose sur deux dispositifs dont les crédits sont inscrits dans le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » de la mission « Action extérieure de l'État » :

- les bourses scolaires attribuées sur conditions de ressources et en tenant compte des conditions locales d'existence ;

- la prise en charge par la collectivité nationale de la scolarité des lycéens.

La généralisation de la mesure de gratuité, si elle devait s'étendre jusqu'aux enfants du primaire, aurait dû s'achever à l'horizon 2018 (en l'absence du moratoire mis en place en 2009), date à laquelle elle aurait produit l'ensemble de ses effets budgétaires pour atteindre quelques 730 millions d'euros . Le moratoire sur l'extension de la mesure de gratuité des frais de scolarité au-delà des classes de lycée a permis de limiter, temporairement, les effets budgétaires potentiellement lourds du dispositif.

Plusieurs effets négatifs de cette mesure ont été régulièrement dénoncés par votre commission, au cours du dernier quinquennat, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances :

- la mesure de gratuité exerce une pression très forte à la hausse des demandes de bourses : de plus en plus de familles qui ne s'étaient pas manifestées auparavant pour percevoir des bourses alors même qu'elles y étaient éligibles, en font désormais la demande pour leurs enfants scolarisés en primaire et au collège (niveaux pour lesquels les frais de scolarité ne sont pas encore pris en charge) dès lors qu'elles constatent que des familles ne paient plus de frais de scolarité pour leurs enfants scolarisés de la seconde à la terminale. Le graphique ci-dessous illustre cet « effet d'aubaine » :

Source : Ministère des affaires étrangères et européennes.

- la mesure de gratuité, bien qu'égalitaire dans son principe, est susceptible de développer un certain nombre d'inégalités, aussi bien entre élèves français et étrangers et qu'entre élèves français et élèves ressortissants de l'Union européenne. L'augmentation du nombre d'élèves français acceptés dans les établissements d'enseignement français à l'étranger, consécutivement à la prise en charge de leurs frais de scolarité, peut exercer une forte tension sur la capacité d'accueil des élèves étrangers résidents et de pays tiers ;

- le désengagement des entreprises prenant en charge les frais de scolarité des enfants de leurs cadres expatriés est à craindre, alors même que le montant des frais de scolarité des établissements conventionnés ou homologués, insuffisamment contrôlés par l'État, a tendance à augmenter. Le second cycle du secondaire, où a été mise en oeuvre la PEC, a connu une augmentation de la moyenne des frais de scolarité de 41 % entre 2007-2008 et 2010-2011. Les classes de collège ont connu une augmentation moyenne de 32 % et les classes de primaire 29 %. Pour mémoire, les classes de lycée coûtent plus cher que celles des autres cycles en raison des dépenses d'équipement qu'elles impliquent. En 2010-2011, les frais de scolarité de 7 300 lycéens ont été pris en charge par la collectivité nationale (hors bénéficiaires de bourses des classes de lycée), pour un montant moyen d'environ 4 500 euros.

LISTE DES DIX ÉTABLISSEMENTS OÙ LES FRAIS DE SCOLARITÉ SONT LES PLUS ÉLEVÉS POUR L'ANNÉE SCOLAIRE 2010-2011

1. École internationale des Nations unies de New York (États-Unis) : 19 771 euros ;

2. Lycée international franco-américain de San Francisco (États-Unis) : 18 397 euros ;

3.  Lycée français de New York (États-Unis) : 17 888 euros ;

4. École bilingue ( Toronto French School ) (Canada) : 17 063 euros ;

5. Lycée franco américain de New York (États-Unis) : 16 276 euros ;

6. École bilingue Arlington-Cambridge de Boston (États-Unis) : 15 859 euros ;

7. École internationale de la Péninsule de Palo Alto (États-Unis) : 15 326 euros ;

8. Lyceum Kennedy de New York (États-Unis) : 14 843 euros ;

9. Lycée français La Pérouse de San Francisco, établissement conventionné (États-Unis) : 14 423 euros ;

10. École bilingue de Berkeley (États-Unis) : 14 348 euros.

Source : Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

En 2012, le coût de la PEC s'établit à 31,9 millions d'euros (soit 17,9 millions d'euros pour le rythme nord 2011-2012, 1,6 million d'euros pour le rythme sud 2012 et 12,5 millions d'euros pour le rythme nord 2012-2013). Cette prise en charge ne concerne que les lycéens, c'est-à-dire, à la rentrée 2012, 7 455 personnes .

B. Privilégier un système de bourses plus juste

Conformément à la position qu'elle a adoptée à l'occasion de l'examen de chaque projet de loi de finances depuis 2007, votre commission estime plus juste et plus raisonnable de substituer à la PEC une politique d'aide à la scolarité plus généreuse et plus inclusive . Elle doit se traduire par une véritable politique éducative en direction des Français de l'étranger, fondée sur un droit égal d'accès à l'enseignement français à l'étranger pour les élèves français, qui s'appuierait sur des bourses prenant en compte, le cas échéant, des critères sociaux et appliquant un barème différencié selon les établissements .

La suppression de la PEC ne devrait pas pénaliser les familles les moins aisées qui devraient demeurer éligibles aux bourses scolaires attribuées sur conditions de ressources.

Dans ces conditions, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 30 bis (nouveau) - Report de la date butoir du passage des universités au régime des responsabilités et compétences élargies

Cet article vise à reporter de quelques mois la date effective du passage des universités d'Antilles-Guyane et de la Réunion aux responsabilités et compétences élargies.

I. - Le droit en vigueur

L'article 49 de loi n° 2007-1199 du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités précise que la totalité des universités accèdent au régime des responsabilités et compétences élargies (RCE) dans un délai de cinq ans après sa publication, soit au plus tard le 12 août 2012 .

Deux universités, celle d'Antilles-Guyane (à Pointe-à-Pitre) et celle de la Réunion (Saint-Denis), sont concernées par cette accession en cours d'année 2012.

L'accession aux RCE se traduit nécessairement, pour les deux universités concernées, par un transfert concomitant des emplois et de la masse salariale jusqu'alors rémunérée directement par l'État sur le titre 2.

II. - Les travaux de l'Assemblée nationale

Le changement d'identification des employeurs dans l'application de paie en cours d'année présente des difficultés techniques importantes qui font courir un risque de rupture dans le versement des rémunérations aux personnels de l'État travaillant dans ces établissements.

C'est pourquoi l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par le Gouvernement . L'article additionnel ainsi introduit dans le projet de loi vise à reporter de quelques mois (un peu plus de quatre mois et demi), soit au 1 er janvier 2013, la date effective du passage des universités d'Antilles-Guyane et de celle de la Réunion aux responsabilités et compétences élargies, afin de faire coïncider le transfert des crédits de masse salariale avec l'année budgétaire et civile.

III. - La position de votre commission

Votre commission adhère à cet objectif de sécurisation de la rémunération des personnels des universités concernées.

Elle a donné un avis favorable à l'adoption de cet article.

*

* *

Réunie le lundi 23 juillet 2012, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du projet de loi de finances rectificative dont elle s'est saisie pour avis .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le lundi 23 juillet 2012 sous la présidence de Mme Marie-Christine Blandin, présidente, la commission examine le rapport pour avis de Mme Françoise Cartron sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012 .

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - Notre commission a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative de juillet 2012 que l'Assemblée nationale vient d'adopter, plusieurs dispositions concernant son champ de compétences.

Notre commission se réjouit de la reconstitution, en faveur du spectacle vivant, de l'intégralité des crédits d'intervention inscrits au budget 2012. Pour ces 23,5 millions d'euros, Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a déclaré lors de son audition, mercredi dernier que des consignes de mandatement rapide ont été données. C'est une excellente nouvelle pour ce secteur, dont les marges artistiques ont été rognées ces dernières années, comme a pu le constater la délégation de notre commission qui s'est rendue à Avignon.

Je me réjouis tout particulièrement de l'article 23, qui relève le plafond des autorisations d'emploi de la mission « enseignement scolaire », conformément aux engagements du Président de la République. Les moyens humains dévolus à cette mission seront renforcés, avec 1 507 « équivalents temps plein annuel travaillé » (ETPT) supplémentaires, dont 1 000 professeurs des écoles, ainsi que des non enseignants (100 conseillers principaux d'éducation, 1 500 auxiliaires de vie scolaire AVS-I, chargés d'accompagner les enfants en situation de handicap, 2 000 assistants d'éducation et 500 agents chargés de la prévention et de la sécurité scolaire). Cela permettra d'aménager le service pour les enseignants stagiaires, en attendant la future réforme de la formation des enseignants.

Je me félicite de ces corrections nécessaires qui témoignent de la volonté du Gouvernement de concilier la responsabilité budgétaire et l'ambition pédagogique.

Après plusieurs années de fragilisation du primaire, en particulier de l'école maternelle, l'accent mis sur ce segment essentiel du système éducatif est particulièrement bienvenu. De même, je salue les mesures destinées à amender aussi rapidement que possible le déroulement de l'année de stage des futurs enseignants en leur octroyant des décharges de service pour leur formation au métier.

L'article 24 ramène de 7 % à 5,5 % le taux de TVA applicable aux filières les plus fragiles de la culture : en premier lieu les livres, imprimés comme numériques, pour un coût fiscal annuel évalué à 50 millions d'euros ; en second lieu, le spectacle vivant, grâce à un amendement du groupe socialiste.

Nous ne pouvons que soutenir ces dispositions, dans la mesure où le Sénat s'était farouchement opposé à l'adoption de l'article 13 de la loi du 28 décembre 2011 portant loi de finances rectificative pour 2011 qui avait procédé à cette hausse du taux de TVA. Je rappelle les termes de ce débat dans mon rapport écrit et je vous remercie, madame la Présidente, d'avoir organisé, mercredi dernier, l'audition de professionnels du livre.

L'article 30 supprime la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d'enseignement français à l'étranger. Nous avons dénoncé chaque année cette mesure, créée en 2007, dont le coût est exponentiel et qui entraîne d'importants inconvénients : une forte tension sur la capacité d'accueil des élèves étrangers résidents et de pays tiers ; un désengagement potentiel des entreprises prenant en charge les frais de scolarité des enfants de leurs cadres expatriés.

L'article 30 bis reporte de quelques mois la date effective du passage des universités d'Antilles-Guyane et de la Réunion aux responsabilités et compétences élargies, en application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. La coïncidence du transfert des crédits de masse salariale avec l'année budgétaire et civile sécurisera la rémunération du personnel de ces universités.

Je vous propose de soutenir l'adoption de l'ensemble de ces articles dans les rédactions proposées par l'Assemblée nationale, donc d'émettre un avis favorable.

M. David Assouline . - Je soutiens ce rapport et son appréciation sur le collectif amendé par l'Assemblée nationale. Pour la culture, ce texte porte une bonne nouvelle, au sein de l'effort budgétaire général accordé à l'éducation, qui est la priorité du Gouvernement. Il ne s'agit pas que de mots. Cette priorité s'inscrit d'ores et déjà, par cette première rectification avant le budget 2013, dans les faits : des professeurs ayant le titre de fonctionnaires seront mis devant les élèves à la rentrée, alors que les concours sont passés.

Ce texte soutient fortement la culture. Tous les gouvernements, en période de crise, ont tenté de toucher à ce que certains désignent comme un « supplément d'âme ». Nous savons que Bercy n'est pas peuplé de poètes ! Les mesures prises sont d'autant plus à mettre à l'honneur de ce Gouvernement.

Je déposerai un amendement en séance qui aura pour objet d'accroître les recettes de l'État. Notre Assemblée avait voté à l'unanimité un dispositif que j'avais proposé au nom de la commission - de portée générale et non pas seulement dédié à un cas particulier, qui nous avait tous émus, ainsi que le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) - sur les plus-values réalisées sur des cessions de fréquences précédemment accordées par l'État. Les fréquences de la télévision numérique terrestre (TNT), distribuées gratuitement pas la puissance publique, ont été valorisées par des entrepreneurs créatifs, qui les ont ensuite vendues à des tarifs exorbitants, en réalisant au passage des plus-values peu conformes à notre conception, partagée par le CSA, de la morale. Pour procurer de nouvelles recettes à l'État et éviter le renouvellement de telles pratiques, notre amendement proposait de taxer à 5 % ces plus-values. Nous étions tous d'accord, mais le gouvernement de l'époque était réticent. Notre dispositif fut amendé, afin que les petites télévisions et radios associatives ne soient pas touchées, pour fixer un seuil d'un million d'euros ; pour mémoire, le cas que j'ai évoqué portait sur 460 millions d'euros. L'Assemblée nationale a cru bon de modifier notre texte, estimant qu'il encourait un risque d'inconstitutionnalité. En fait, le Conseil constitutionnel a censuré l'article amendé par l'Assemblée nationale en jugeant que la rédaction du Sénat était la bonne. Je ne sais s'il faut y voir une maladresse des conseils du gouvernement d'alors ou pire... Quoi qu'il en soit, je présenterai à nouveau cet amendement en séance, en espérant qu'il recueillera la même unanimité sur nos bancs et que le Gouvernement verra d'un bon oeil 20 à 25 millions d'euros entrer dans les caisses de l'État, puisque c'est ce que devrait rapporter cette taxe de 5 %.

M. Jacques-Bernard Magner . - La situation est inédite : créations d'emplois et 90 millions de crédits supplémentaires ! C'est un effort sans précédent depuis plus d'une décennie en faveur de l'éducation, priorité du Gouvernement. Le recrutement de 1 000 professeurs des écoles est tout à fait positif. Il permet de rouvrir des classes en zones rurales, dans mon département notamment. Ainsi, dix enfants de deux ans et demi qui attendaient d'accéder à l'école maternelle le pourront désormais dans mon territoire, pourtant classé en zone de revitalisation rurale. La volonté de ne plus l'abandonner est manifeste. Il en va de même pour les zones d'éducation prioritaire, les Rased (réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté) ou pour les AVS. Il importe de réimplanter dans les écoles les postes de ces assistants, afin d'y réintégrer les élèves handicapés, pour qu'ils suivent une scolarité normale.

L'enseignement technique agricole n'est pas oublié, qui bénéficiera de 50 postes supplémentaires, alors qu'il subissait une perte de plus en plus importante de ses moyens.

M. Jean-Pierre Leleux . - J'exprime mes réserves. En premier lieu, j'attire votre attention, même si la commission n'en est pas saisie, sur l'article 2 qui supprime la défiscalisation des heures supplémentaires. Pendant l'année scolaire 2010-2011, 56 % des enseignants ont bénéficié de ce dispositif, soit 510 000 heures supplémentaires, effectuées par 232 000 enseignants. Il est dangereux de baisser encore le pouvoir d'achat ou le revenu des enseignants, alors que l'amélioration de notre système éducatif passe par la revalorisation de leur métier. Je crains que cela soit contreproductif.

En second lieu, je m'étonne que l'article 24, qui ramène de 7 % à 5,5 % le taux de TVA sur les biens culturels écarte le cinéma et vise le seul livre. Au-delà de l'aspect financier, songez à la dimension psychologique ! Je me réjouis de cette mesure, bien sûr, mais les professionnels du cinéma se sentent exclus...

M. David Assouline . - Ils gagnent beaucoup d'argent !

Mme Corinne Bouchoux . - Nous adhérons, pour l'essentiel, à ce rapport. Si nous ne pouvons tout réduire à la question des moyens, il est vrai que la saignée subie ces dernières années ne pouvait plus se poursuivre. C'est un signal heureux et nécessaire adressé au pays, aux enseignants et aux parents. La question de la formation doit être revue. Il ne peut être remédié à une difficulté permanente par une mesure ponctuelle, si bonne soit-elle. Il est crucial de restaurer les vocations. Les résultats des Capes et des agrégations de cette année sont particulièrement préoccupants.

Notre groupe envisage de déposer un amendement en séance afin d'élargir l'assiette de la taxe Buffet sur les événements sportifs internationaux. Ayant participé à la commission d'enquête sur la fraude fiscale et l'évasion des capitaux, je suis convaincue qu'il y a là des niches à trouver et en tout cas une piste de réflexion.

Mme Cécile Cukierman . - Je me félicite des mesures fortes contenues dans ce collectif en faveur de la culture et de l'éducation. Comme notre collègue, je regrette que l'Assemblée nationale n'ait pas étendu la baisse de la TVA accordée au livre et au spectacle vivant à d'autres champs de la culture. Nous déposerons un amendement à ce sujet.

M. Jacques Legendre . - Il est beaucoup facile de présenter des créations de postes que des suppressions. Mais le problème essentiel de l'État consiste à réduire ses dépenses : c'est ce que nous avons fait. Le Gouvernement actuel s'est engagé à ne pas augmenter le nombre de fonctionnaires, tout en augmentant les effectifs de la police, de la gendarmerie et de l'éducation nationale. Il n'a pas annoncé dans quels services de l'État auraient lieu les suppressions de postes. Je redoute qu'il ne sacrifie les militaires, au moment où les dangers sont tels que la France a besoin de moyens pour assurer sa sécurité.

Le gouvernement précédent a supprimé des postes, mais ces suppressions ont permis, pour partie, de revaloriser le salaire des enseignants en début de carrière. Revenez-vous sur cette réévaluation, ou maintenez-vous ces dépenses, tout en revenant sur les suppressions de postes qui les gageaient ? Si, dans les cinq ans qui viennent, tous les postes sont maintenus et les départs à la retraite remplacés dans l'éducation nationale, nous serons loin du compte : nous serons plus proches de 150 000 postes supplémentaires que des 60 000 annoncés, avec des conséquences financières qu'il convient de rappeler !

Je me réjouis, comme notre commission unanime, du rétablissement du taux réduit de TVA de 5,5 % pour le livre. Comme les auditions, très intéressantes, sur le sujet nous l'ont rappelé, les problèmes des libraires ne tiennent pas seulement au prix du livre, mais surtout aux inégalités de distribution et à l'irruption du numérique. Nous serons loin d'avoir fait tout ce que nous devons pour le livre lorsque nous aurons ramené le taux de TVA de 7 % à 5,5 %. Si nous nous en contentons, d'autres secteurs seront fondés à faire valoir qu'ils méritent d'en bénéficier aussi et le taux faible de TVA de 7 % sera remis en cause, ce qui ouvrira la porte à bien d'autres demandes...

M. David Assouline . - N'êtes-vous pas d'accord avec cette mesure ?

M. Jacques Legendre . - Si, tout en étant bien conscient qu'elle ne sera pas suffisante pour les libraires que nous soutenons.

Mme Marie-Annick Duchêne . - Je suis tout à fait d'accord avec MM. Legendre et Leleux. J'insiste sur l'esprit de la loi de 2005 : l'accessibilité aux personnes handicapées et la « compensation », concept abstrait, que je préfère appeler, comme le député Guy Geoffroy, « la question des moyens humains de compensation, qui est un élément central de l'élaboration de ce projet ». J'apprécie la création de 1 500 postes d'AVS. Nous avons fait beaucoup pour la prise en compte du handicap à l'école. Poursuivons cet effort ! Je suis d'accord avec le recrutement d'assistants d'éducation et d'agents de prévention au sein des établissements en difficulté. Pour ces deux motifs, je m'abstiendrai, en séance, sur l'article 23.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Ce collectif marque une inversion de politique bienvenue, avec la baisse de la TVA sur le livre et la suppression de la prise en charge des frais de scolarité à l'étranger. Je m'en félicite. Veillons à ce que les nouveaux crédits ainsi dégagés ne soient pas issus d'allègements sur d'autres programmes. Je m'inquiète en particulier pour l'enseignement supérieur et la recherche. Nous serons vigilants. Vous n'abordez pas l'enseignement professionnel, pourtant touché par les suppressions d'emplois.

Je pose deux questions précises. La première porte sur la décharge annoncée de trois heures pour les nouveaux stagiaires. Elles sont estimées représenter 1 500 emplois. Quelles assurances avons-nous du déploiement égal, sur l'ensemble du territoire, de cette mesure ? Le recteur de Versailles a décidé qu'elle ne s'imputerait pas sur le temps de travail. Puisqu'il a affecté les stagiaires à temps complet, ceux-ci devront faire des heures supplémentaires. J'y vois des risques d'inégalités de traitement entre les territoires.

Je reviens sur la question que j'ai posée à M. Peillon sur les postes non pourvus. Je persiste à voir là une manne - le ministre a évoqué 545 postes, il y en aurait plus de 700 - qui aurait pu servir à amorcer la pompe du pré-recrutement. Personne ne conteste la nécessité cruciale de reconstituer un vivier.

Sous le bénéfice de ces deux observations, je voterai en faveur du collectif.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - Nous débattons, dans le cadre d'un projet de loi de finances « rectificative », de mesures d'urgence et non de la construction à long terme d'une nouvelle politique d'éducation. Nous répondons aux besoins les plus criants, afin que la rentrée scolaire préparée par l'ancien gouvernement se passe le moins mal possible, surtout là où il y a le plus de souffrances et de difficultés. Les 5 000 postes, ce n'est pas rien, ce n'est pas neutre, cela répond à une véritable ambition !

L'article 2 ne supprime pas les heures supplémentaires, lesquelles ne s'appliquent ni au primaire ni à la maternelle, que le ministre a déclaré prioritaires. Les témoignages et les évaluations montrent que ces heures supplémentaires ont profité dans le secondaire à des professeurs agrégés qui sont allés jusqu'à doubler leur salaire, ce qui n'est pas précisément conforme aux valeurs d'égalité.

M. David Assouline . - Elles ne sont pas supprimées !

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - Il n'en est pas question ! Mais peut-être ont-elles empêché la création de postes de titulaires, dans une période où l'emploi est en forte crise. Nous ne nous sommes pas saisis de cet article parce qu'il appelle une réflexion globale.

La baisse de la TVA à 5,5 % a pour objet d'aider des filières en difficulté. L'accès au spectacle vivant, au livre pose des problèmes différents de ceux d'un secteur, où coexistent un cinéma commercial qui marche très bien et un cinéma d'art et d'essai...

M. Jean-Pierre Leleux . - Les méchants et les gentils !

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - L'urgence, c'est d'aider les secteurs en souffrance. Nous ne sommes pas dans le cadre de la loi de finances qui sera adoptée en fin d'année, non plus que dans le programme des 60 000 postes, monsieur Legendre, qui fera l'objet de la loi de refondation de l'école. Personne ici ne pense que la seule création de postes suffira à résoudre les problèmes de l'école. Cette loi inclura les mesures ambitieuses qui accompagneront les créations de postes. Nous répondons, par ce collectif, aux situations d'urgence pour la rentrée qui vient, en particulier, madame Duchêne, pour l'accompagnement des élèves handicapés, en levant les blocages et en leur permettant d'accéder à l'école dans les meilleures conditions possibles.

Monsieur Legendre, ce qui est acquis est acquis. Les créations de postes ne remettent pas en cause la revalorisation des salaires des jeunes enseignants, dont vous ne devriez pas trop vous glorifier, car elle est insuffisante pour rendre attractives les carrières d'enseignants. Les résultats du Capes montrent que nous avons un vrai souci : la place du métier d'enseignant dans la société est en cause. Si les étudiants de mathématiques et de physique préfèrent devenir ingénieurs plutôt qu'enseignants, c'est au moins autant en raison de leur perception du métier que des salaires. Tout cela appelle une réflexion d'ensemble, au-delà des réponses d'urgence aux difficultés les plus criantes.

Mme Sophie Primas . - Vouloir à la fois créer des postes et revaloriser les salaires, c'est déclencher un rouleau compresseur pour le budget de l'Etat. Sans doute avez-vous la solution à cette quadrature du cercle !

Lorsque j'entends que ce projet de loi serait « très favorable à la culture », je trouve cela un peu exagéré. La baisse de la TVA, qui ne concerne que le livre, représente 20 centimes d'euros pour un ouvrage vendu 10 euros : c'est peu, pour sauver le livre et la lecture.

M. Jean-François Humbert . - Ce n'est pas faux !

Mme Sophie Primas . - C'est peu, pour les libraires comme pour les consommateurs. Comme pour les salaires des professeurs, ce n'est pas suffisant. Le Président de la République s'étant engagé à ne pas augmenter les effectifs de l'ensemble de la fonction publique, les créations de poste entraîneront des suppressions dans les ministères non prioritaires : la culture en fait partie !

M. David Assouline . - Un rappel s'impose : ce collectif rectifie le budget que vous avez voté et aimé ! Il comportait pourtant des mesures inacceptables. Vous pouvez estimer que ces mesures ne sont pas suffisantes ; elles représentent pourtant une avancée par rapport au budget que vous avez voté. Vous avez quand même adopté la hausse de la TVA sur le livre ! Vous ne pouvez avoir fromage et dessert...

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Gardez-vous pour la séance publique !

M. David Assouline . - Je tenais tout de même à le dire ! Il ne faut pas exagérer ! J'espère que l'opposition défendra avec nous toutes les mesures que comporte ce collectif en faveur de la culture, qui vont en sens inverse de celles votées sous les gouvernements de droite précédents.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - Parmi les mesures du collectif en faveur de la culture, il en est une très importante : la levée du gel des crédits décidé par le précédent gouvernement, soit une enveloppe de 23,5 millions d'euros pour le spectacle vivant. Tous les établissements, toutes les DRAC (directions régionales des affaires culturelles) ont subi un gel de plus de 6 %. Le dégel apporte une bouffée d'oxygène immédiate à de nombreux lieux et compagnies, qui étaient en grande difficulté. C'est une mesure extrêmement importante et symbolique de la volonté du Gouvernement.

M. Jacques Legendre . - A ma connaissance, chaque année, le dégel succédait en cours d'année au gel annoncé en début d'exécution du budget. Peut-être avez-vous annoncé le dégel cette année un ou deux mois plus tôt que ne l'aurait fait le précédent gouvernement.

Mme Bariza Khiari . - Oui, ce collectif comprend des mesures d'urgence pour une rentrée plus satisfaisante. C'est un signal important. Madame Primas, si 20 centimes paraissent peu pour l'achat d'un livre, ce point et demi de TVA représente beaucoup au regard de la marge des libraires, qui aura une grande influence sur leur compte d'exploitation.

Mme Maryvonne Blondin . - Les dégels des budgets précédents ont toujours été annoncés, sauf celui de 2012, puisque le gel devait être maintenu, selon les propres documents du ministère de la culture. C'est bien au nouveau Gouvernement que nous devons ce dégel.

Mme Marie-Annick Duchêne . - Vous avez dit que les heures supplémentaires ne concernaient pas le primaire. Quid des heures d'études rémunérées, non par l'éducation nationale, mais par les communes, qui étaient défiscalisées, et concernent de nombreuses mairies des Yvelines ?

M. David Assouline . - Elles sont déjà majorées !

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - Elles seront fiscalisées, ce qui ne représentera pas grand-chose.

Mme Marie-Annick Duchêne . - Certes, ce sera très marginal...

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - Cela n'amputera pas le pouvoir d'achat !

Mme Marie-Annick Duchêne . - Peut-être, mais je crains que la cinquantaine d'enseignants que nous avions ainsi réussir à faire venir à Versailles ne partent. Rien ne vaut les enseignants pour assurer ces heures d'études.

Mme Françoise Cartron, rapporteure pour avis . - Je ne pense pas que les enseignants se démobilisent à cause de la fiscalisation des heures supplémentaires, d'autant que nous allons ouvrir le grand chantier des rythmes scolaires.

Je confirme à M. Legendre que lors d'une réunion dans ma ville d'Artigues-près-Bordeaux au centre de développement chorégraphique, le DRAC était venu nous annoncer que contrairement à certaines années le gel des crédits à hauteur de 6,5 % serait maintenu, ce qui a suscité de fortes inquiétudes. Rien ne dit, s'il était resté ministre, que Frédéric Mitterrand n'aurait pas changé d'avis, mais telle était la situation cette année.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Regardons vers l'avenir !

M. Jacques Legendre . - Le gel aurait pu être levé après le mois de mai.

M. David Assouline . - Non.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Je dois dire que la décision avait été prise et nous avait été communiquée de ne pas y toucher...

M. David Assouline . - Même le ministre nous l'avait dit !

La commission donne un avis favorable aux articles 23, 24, 30 et 30 bis dont elle s'était saisie.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Syndicat de la librairie française (SLF)

MM. Matthieu DE MONTCHALIN, président, et Guillaume HUSSON, délégué général

Syndicat national de l'édition (SNE)

M. Vincent MONTAGNE, président, et Mme Christine DE MAZIÈRES, déléguée générale

ANNEXE

Répartition par académie des 1 000 postes de professeurs des écoles supplémentaires
à la rentrée scolaire 2012

Aix-Marseille

65

Martinique

5

Amiens

25

Montpellier

35

Besançon

10

Nancy-Metz

10

Bordeaux

65

Nantes

50

Caen

20

Nice

15

Clermont-Ferrand

25

Orléans-Tours

40

Corse

5

Paris

15

Créteil

80

Poitiers

35

Dijon

20

Reims

15

Grenoble

65

Rennes

65

Guadeloupe

5

Réunion

15

Guyane

15

Rouen

20

Lille

30

Strasbourg

15

Limoges

10

Toulouse

50

Lyon

65

Versailles

100

Total

990

Emplois réservés pour Mayotte

10

Avis n° 78 (2011-2012) sur la loi de finances rectificative pour 2012, de Mme Martine Faure, Députée


* 1 Conseillers principaux d'éducation.

* 2 Auxiliaires de vie scolaire individualisés, chargés de l'accompagnement des élèves handicapés.

* 3 Nouveau corps dont le ministre de l'éducation nationale a annoncé la création prochaine.

* 4 L'année précédente, seules 3 367 suppressions nettes étaient prévues, si l'on exclut les 5 600 régularisations de surnombres dus à un calibrage défectueux des concours, soit un alourdissement des suppressions nettes de 2 333 postes dans le projet de budget 2012.

* 5 Soit une hausse des suppressions prévues de l'ordre de 1 750 postes par rapport à 2011.

* 6 Rappelons que l'article 25 de la loi de finances pour 2011 avait étendu à compter du 1 er janvier 2012 le taux réduit de TVA aux livres sur tout type de support physique, y compris aux livres numériques fournis par téléchargement. La Commission européenne a attiré l'attention de la France et du Luxembourg sur le fait que cette mesure serait incompatible avec la directive TVA, la vente d'un livre électronique étant considérée comme une prestation de service. La France continue à défendre sa position auprès des institutions européennes. La Commission devrait présenter une proposition sur les taux réduits en 2013.

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