II. DANS UNE SITUATION BUDGÉTAIRE DIFFICILE, LES DROITS RECONNUS AUX ANCIENS COMBATTANTS SONT PRÉSERVÉS, LES ENGAGEMENTS PASSÉS SONT TENUS

L'article L. 1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG) proclame la reconnaissance de la République envers les anciens combattants et les victimes des conflits et établit en leur faveur un droit à réparation. Celui-ci est porté budgétairement par le programme 169, intitulé « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

Evolution des crédits de paiement du programme 169

(en millions d'euros)

Action

LFI 2012

PLF 2013

Variation
(en %)

Administration de la dette viagère

2 397,47

2 313

- 3,52

Gestion des droits liés aux PMI

161,22

162,42

+ 0,74

Solidarité

345,91

353,91

+ 2,31

Réparation des conséquences sanitaires des essais nucléaires français

10

10

0

Total

2 914,60

2 839,33

- 2,58

Source : projet annuel de performance de la mission annexé au PLF

Les actions n° 1 (administration de la dette viagère), n° 2 (gestion des droits liés aux pensions militaires d'invalidité) et n° 3 (solidarité) assurent le financement des principales mesures qui constituent l'expression de ce droit imprescriptible à réparation :

- la retraite du combattant, versée aux titulaires de la carte du combattant âgés de plus de soixante-cinq ans (action n° 1) ;

- les pensions militaires d'invalidité (PMI), indemnisation de la gêne fonctionnelle consécutive à une blessure ou maladie reconnue imputable au service ou à un fait de guerre (action n° 1) ;

- les droits liés aux PMI, en particulier la gratuité des soins médicaux et de l'appareillage, des réductions sur les transports ainsi que le remboursement aux invalides des prestations de sécurité sociale qui ne relèvent pas d'une prise en charge au titre de l'infirmité pensionnée (action n° 2) ;

- la majoration des rentes mutualistes auxquelles les titulaires de la carte du combattant et du titre de reconnaissance de la Nation peuvent souscrire (action n° 3).

Ce programme représente 92,5 % des crédits de la mission, proportion stable par rapport à 2012 (92,6 %). Il comprend également d'importantes dépenses fiscales en faveur du monde combattant.

A. SANS NIER LA RÉALITÉ DÉMOGRAPHIQUE D'UN DÉCLIN DU NOMBRE D'ANCIENS COMBATTANTS, DES ARBITRAGES BUDGÉTAIRES QUI RECONNAISSENT LA SPÉCIFICITÉ DU MONDE COMBATTANT

Chaque année, le constat est identique : le nombre d'anciens combattants à même de bénéficier des principales mesures qui constituent le droit à réparation poursuit son déclin inéluctable. Alors que les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ont presque tous plus que quatre-vingt-dix ans et que les plus jeunes des appelés qui ont servi en Algérie ont passé soixante-dix ans, les nouvelles entrées liées aux Opex ne peuvent pas compenser le vieillissement des pensionnés.

Evolution des effectifs des bénéficiaires
des prestations du programme 169

Prestation

2011

2012 1

2013 1

Variation 2013/2012
(en %)

Pensions militaires d'invalidité

295 073

279 823

265 323

- 5,2

Retraite du combattant

1 287 388

1 244 088

1 200 888

- 3,5

Soins médicaux gratuits

71 226

68 168

64 623

- 5,2

Remboursement des prestations de sécurité sociale

16 374

15 102

13 894

- 8

Rente mutualiste

410 827

403 650

400 794

- 0,71

1 Effectifs prévisionnels

Source : projet annuel de performance de la mission annexé au PLF

En conséquence, les crédits du programme diminuent de 75,3 millions d'euros par rapport à 2012, soit une baisse de 2,58 %. Toutefois, si la diminution du budget avait été proportionnelle à la baisse du nombre d'anciens combattants, elle aurait été de 4,4 %, soit 133 millions d'euros. Il s'agit donc d'un arbitrage budgétaire favorable au monde combattant, dans un contexte de redressement nécessaire des comptes publics. Alors que Bercy demandait une réduction de 7 % des dépenses d'intervention pour 2013, un tel coup de rabot aurait conduit à revoir à la baisse le niveau des prestations servies. Cela étant bien évidemment inacceptable, votre rapporteure se félicite que le Gouvernement ait reconnu la spécificité des droits des anciens combattants et de la dette de la Nation à leur égard.

La carte du combattant constitue le principal titre de reconnaissance délivré par l'Etat à ceux qui ont combattu pour lui. Elle ouvre droit notamment au versement de la retraite du combattant, à la constitution d'une rente mutualiste majorée par l'Etat, à une demi-part supplémentaire d'impôt sur le revenu à partir de soixante-quinze ans et à la qualité de ressortissant de l'Onac. Elle est attribuée pour quatre mois de présence aux soldats ayant participé à la guerre d'Algérie, aux combats au Maroc et en Tunisie. Au titre des Opex, en application des articles L. 253 ter et R. 224 du CMPIVG, la carte peut être délivrée aux anciens combattants qui ont soit :

- appartenu pendant trois mois à une unité combattante ;

- appartenu à une unité ayant connu, pendant leur temps de présence, neuf actions de feu ou de combat ;

- pris part à cinq actions de feu ou de combat ;

- reçu une blessure de guerre ou liée à leur service.

C'est le service historique de la défense (SHD) qui, par l'examen des journaux de marche des unités, détermine la participation ou non à des actions de combat.

L'ouverture du droit au versement de la retraite du combattant, à l'âge de soixante-cinq ans, est ce qui distingue la carte du combattant du titre de reconnaissance de la Nation (TRN), remis à quiconque ayant servi au moins quatre-vingt-dix jours durant un conflit et qui ouvre le droit à la retraite mutualiste du combattant et confère la qualité de ressortissant de l'Onac.

Répartition, au 31 décembre 2011, du nombre de titulaires de la carte
du combattant selon le conflit auquel ils ont participé

Conflit

Opérations de guerre avant 1939

Seconde Guerre mondiale et Indochine

Guerre d'Algérie

Opex
et hors guerre

Non déterminé

Total

Effectif

1 665

173 633

1 023 977

31 102

57 011

1 287 388

Source : Onac

En ce qui concerne l'âge des bénéficiaires, près de 81 % d'entre eux ont entre soixante-dix et soixante-dix-neuf ans, la seconde plus importante classe d'âge étant celle des quatre-vingts-quatre-vingt-neuf ans (13 %).

Dès lors, la revalorisation du montant de la retraite du combattant opérée par l'article 116 de la loi de finances pour 2012 4 ( * ) , qui l'a fait passer de quarante-quatre points d'indice PMI à quarante-huit points au 1 er juillet 2012, demande un effort budgétaire important dans le contexte actuel.

Le précédent gouvernement ne l'avait pas fait, décidant de fixer la date de cette hausse non au 1 er janvier mais en milieu d'année. La simple diminution du nombre de bénéficiaires liée à l'évolution démographique, avec 55 800 sorties du dispositif envisagées pour 2012 et 55 500 pour 2013, ne suffit pas à couvrir le besoin de financement, les crédits devant augmenter de 2,4 % à 821 800 000 euros.

Le coût de l'extension en année pleine est estimé à 54,3 millions d'euros par le Gouvernement. La valeur du point d'indice PMI ayant été portée 5 ( * ) , au 1 er janvier 2012, à 13,91 euros, la retraite du combattant est désormais de 667,68 euros par an. L'engagement de la précédente majorité sur ce point a été tenu, malgré les difficultés budgétaires. Votre rapporteure en est évidemment très satisfaite et reconnait qu'il n'est pas possible, dans l'immédiat, de procéder à une revalorisation supplémentaire, car une nouvelle hausse d'un point au 1 er janvier prochain aurait un coût de 13,6 millions d'euros en 2013 puis de 18,6 millions d'euros par an les années suivantes.

B. UNE RECONNAISSANCE MATÉRIELLE QUI N'EST PAS REMISE EN CAUSE

La reconnaissance matérielle, par la Nation, de sa dette envers les anciens combattants et les victimes de guerre ne s'exprime pas uniquement par le versement de prestations à caractère social qui sont l'héritage de la Grande Guerre. Elle ne serait pas complète s'ils ne disposaient pas d'un interlocuteur administratif de proximité vers lequel se tourner pour faire valoir leurs droits.

De même, les dépenses fiscales spécifiques dont bénéficient les anciens combattants, si leur évolution gagnerait à être plus précisément mesurée, permettent d'améliorer la situation financière des plus âgés d'entre eux. Enfin, le soutien aux conjoints survivants, et en particulier aux veuves des plus grands invalides, constitue une obligation morale qui, selon votre rapporteure, mériterait d'être étendue dès que la situation des finances publiques le permettra.

1. Une réforme de l'administration au service du monde combattant qui ne s'est pas faite sans heurts

Décidée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la réforme de l'administration au service du monde combattant a bouleversé l'organisation de celle-ci en faisant disparaître la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale (DSPRS) et ses services déconcentrés, les directions interdépartementales des anciens combattants (Diac). Engagée en 2007, cette réforme s'est achevée à la fin de l'année 2011.

Entretemps, les missions de la DSPRS et des Diac ont été transférées à plusieurs organismes, les services départementaux de l'Onac devenant l'échelon administratif de proximité, chargé de recevoir les demandes de cartes et titres puis, après un traitement centralisé, de les délivrer. La direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) instruit désormais les demandes de pensions militaires d'invalidité et la caisse nationale militaire de sécurité sociale gère les soins médicaux gratuits.

Ce transfert n'a pas été sans conséquences sur la qualité du service rendu aux anciens combattants, en particulier durant la période de transition entre les opérateurs. Ainsi, le délai moyen de traitement d'un dossier de PMI est passé de 370 jours à la fin de l'année 2009 à 539 jours à la fin de l'année 2011. Il devrait encore être de 400 jours à la fin de cette année, contre 380 initialement prévus, avec une prévision de 350 jours pour 2013. Cette dégradation significative, liée à la prise en charge du stock de dossiers anciens des Diac par la DRH-MD, devrait être corrigée maintenant que celle-ci a la maîtrise de l'intégralité du processus d'instruction des demandes. Le coût par dossier a d'ailleurs très fortement diminué, passant de 1 030 euros en 2009 à 400 euros en 2011. Devant cette situation contrastée, et ne souhaitant pas que la recherche d'économies de fonctionnement aboutisse à un allongement durable des délais de traitement des dossiers, votre rapporteure sera très attentive à leur évolution pour l'année à venir.

Un phénomène comparable s'est produit concernant l'attribution des titres et cartes, en particulier la carte du combattant, par l'Onac. En 2010, l'adoption d'un nouvel outil de gestion informatique des demandes dénommé « Kapta » et les problèmes qui en ont découlé ont conduit à une chute du nombre de dossiers traités, passé par rapport à 2009 de 18 343 à 2 252, et à un allongement des délais. Cette situation inacceptable, que votre rapporteure avait dénoncée l'an dernier, est intervenue alors même que les critères d'éligibilité pour les soldats ayant servi en Opex étaient légèrement assouplis. Le Gouvernement a d'ailleurs dû revoir à la baisse la cible de son indicateur budgétaire du nombre moyen de dossiers de cartes et titres traités par agent. Alors que l'an dernier le nombre de mille dossiers par agent devait être atteint en 2013, cet objectif a été repoussé à 2015, sachant qu'en 2012 il devrait être d'environ 800.

D'après les informations fournies à votre rapporteure par le directeur général de l'Onac lors de son audition, le logiciel « Kapta » est désormais pleinement fonctionnel et les retards causés par son adoption sont résorbés. Ainsi, pour le premier semestre 2012, plus de dossiers de cartes du combattant ont été traités (16 472) que pour toute l'année 2011 (14 797). Il n'en est pas moins regrettable qu'une réforme promue au nom de la simplification administrative ait mis entre parenthèses pendant près de deux ans l'exercice de la part la plus symbolique du droit à réparation, que chaque ancien combattant est en droit d'attendre de l'Etat.

2. Des dépenses fiscales importantes

Selon la définition qui en est donnée par le Gouvernement, les dépenses fiscales sont des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en oeuvre entraîne pour l'Etat une perte de recettes et donc pour le contribuable un allègement de la charge fiscale par rapport à ce qui aurait résulté de l'application des principes généraux du droit fiscal français. Six sont rattachées à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », et en particulier au programme 169, bien qu'il n'ait pas à en supporter le coût.

Dans le cadre du droit à réparation, les anciens combattants bénéficient d'un traitement fiscal privilégié qui s'explique par la nature même des prestations qui leur sont versées. Ainsi, la retraite du combattant, les PMI et la retraite mutualiste du combattant sont exonérées de l'impôt sur le revenu, et les versements effectués dans le cadre de cette même retraite mutualiste en sont déduits. Enfin, les titulaires de la carte du combattant âgés de plus de soixante-quinze ans obtiennent une demi-part fiscale supplémentaire.

Trois autres dépenses fiscales sont plus ciblées et représentent un coût très faible. Au total, selon le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2013, l'ensemble de ces mesures fiscales devrait représenter un coût de 505 millions d'euros en 2012 ainsi que l'an prochain.

Toutefois, votre rapporteure déplore le fait que le chiffrage réalisé manque de fiabilité. En effet, l'an dernier, la perte de recettes pour l'Etat était évaluée pour 2012 à 467 millions d'euros. La révision à la hausse du coût de ces dépenses, pour un total de 38 millions d'euros, est liée à une augmentation de plus de 10 % du nombre de ménages bénéficiaires de la demi-part supplémentaire, passé de 468 000 en 2010 à 516 500 en 2011. Le vieillissement des anciens combattants et, notamment, dans les trois prochaines années, le passage de la barre des soixante-quinze ans pour les plus jeunes de ceux qui ont participé à la guerre d'Algérie, devraient encore faire augmenter ce nombre et donc le coût de cette mesure de justice fiscale.

Sans remettre en cause ces dépenses fiscales, qui sont le témoignage de la reconnaissance de la Nation envers ceux qui l'ont servie au combat, votre rapporteure émet le souhait qu'une meilleure évaluation de leur coût soit réalisée, en tenant notamment mieux compte de l'évolution démographique de la population concernée. Elle salue le fait, comme l'a exprimé le ministère en réponse à une question qu'elle lui avait posée, « qu'en dépit du contexte financier actuel, qui impose un effort d'économie sur les dépenses fiscales et les niches sociales, aucune évolution des dépenses fiscales relatives aux anciens combattants n'est prévue dans le PLF pour 2013 » .

Les dépenses fiscales associées à la mission
« Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation »

Impôt concerné

Dispositif

Nombre de bénéficiaires
2011
(ménages)

Chiffrage pour 2012
( PLF 2012- PLF 2013)

Chiffrage pour 2013

(en millions d'euros)

Impôt
sur le
revenu

Exonération de la retraite du combattant, des pensions militaires d'invalidité, des retraites mutualistes servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l'allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l'armée française en Algérie (Harkis) et à leurs veuves
Date de création : 1934

2 088 000

200 -200

200

Demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 75 ans titulaires de la carte du combattant
Date de création : 1945

516 500

230 -270

270

Déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant
Date de création : 1941

179 300

37 -35

35

Exonération des indemnités versées aux victimes des essais nucléaires français et à leurs ayants droit

Date de création : 2010

0

å

å

Droits d'enregistrement
et de timbre

Réduction de droits en raison de la qualité du donataire ou de l'héritier (mutilé, etc.)

Date de création : 1959

nd

å

å

Exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d'opérations militaires ou d'actes de terrorisme
Date de création : 1939

nd

nc

nc

Total

2 783 800 1

467 -505 1

505 1

1 : approximation compte tenu des données manquantes

å : coût inférieur à 0,5 million d'euros

nd : non déterminé

nc : non chiffrable

Source : projet annuel de performance de la mission annexé au PLF

3. Mieux prendre en compte les difficultés des conjoints survivants des plus grands invalides

Les plus grands invalides militaires ainsi que les victimes civiles de la guerre ont besoin de soins constants et d'une aide permanente dans la vie quotidienne. Du fait des blessures reçues, les troubles fonctionnels sont parfois tels qu'ils entraînent une invalidité absolue. Dans ce cas, la pension correspondant à un degré d'invalidité de 100 %, qui correspond à mille points PMI, est majorée d'un complément qui, pour le cas actuel le plus grave, est de 143 degrés d'invalidité de 10 %.

Dans une telle situation, le conjoint a bien souvent cessé toute activité professionnelle pour s'occuper de la personne très gravement handicapée. En cas de décès de celle-ci, le conjoint survivant bénéficie d'une pension de réversion, droit reconnu par l'article L. 43 du CPMIVG dès lors que l'invalidité de l'ouvrant-droit était supérieure à 60 %. Le montant de cette pension varie selon le taux d'invalidité et le grade du conjoint décédé. Les règles en sont fixées par l'article L. 50 du CPMIVG :

- si le pensionné est mort à la suite de blessures reçues au cours d'événements de guerre, de maladies contractées et d'accidents survenus durant le service ou si son invalidité était supérieure ou égale à 85 %, le conjoint survivant bénéficie d'une pension de réversion au taux maximal de cinq cents points, majorés forfaitairement de quinze points depuis 2004, soit 596,97 euros par mois ;

- dans un second cas de figure, lorsque l'invalidité du pensionné était supérieure ou égale à 60 %, la pension de réversion est de 333 points, auxquels il faut ajouter les quinze points de majoration forfaitaire, soit 403,4 euros par mois.

Dans ces conditions, et alors que le montant moyen des quatre-vingts plus importantes pensions versées est de 10 127,6 euros par mois, il est du devoir de l'Etat de faire en sorte qu'au décès du pensionné le conjoint survivant qui a abandonné sa carrière professionnelle pour s'en occuper ne voit pas son niveau de vie s'effondrer.

Les lois de finances pour 2011 6 ( * ) et 2012 7 ( * ) ont instauré une majoration de 360 points de la pension de réversion des conjoints survivants des invalides dont le taux de pension était de 12 000 (en 2011) puis de 11 000 points (à partir de 2012). Dix-sept personnes ont bénéficié de cette mesure jusqu'à présent sur environ cent trente dossiers éligibles. Le surcoût maximal estimé par les services du ministère de la défense, sur la base du nombre de pensionnés actuel, qu'entraînerait un abaissement de la majoration aux pensions de plus de 10 000 points serait de 240 000 euros et de 954 000 euros si elle était étendue jusqu'à 8 000 points. Au vu de ces montants infimes par rapport à la masse budgétaire du programme, votre rapporteure invite le Gouvernement à faire un geste en faveur de personnes qui peuvent se retrouver en grande difficulté financière à la mort du conjoint invalide dont elles ont pris soin.

4. Un engagement gouvernemental : attribuer la carte du combattant à ceux ayant servi quatre mois en Algérie à cheval sur le 2 juillet 1962

En application des articles L. 253 bis et R. 224 du CPMIVG, la carte du combattant est attribuée aux anciens combattants totalisant au moins quatre mois de service en Algérie entre le 31 octobre 1954 et le 2 juillet 1962. Les militaires stationnés dans ce pays entre cette dernière date et le 1 er juillet 1964 peuvent recevoir le TRN.

Toutefois, un certain nombre d'appelés furent présents sur le territoire algérien pour une période de quatre mois qui, si elle débute avant le 2 juillet 1962, prend fin après cette date. Ils sont donc exclus, injustement aux yeux de votre rapporteure, du bénéfice de la carte du combattant et de la retraite du combattant qui y est rattachée.

Selon les études menées par le ministère de la défense, le chiffre de 8 338 bénéficiaires, appelés et militaires de carrière, constitue l'effectif maximal qui pourrait être concerné par cette extension de l'attribution de la carte du combattant. Cela représente un coût de 5,55 millions d'euros en année pleine.

En 2009, Hubert Falco, alors secrétaire d'Etat aux anciens combattants, avait promis de corriger cette situation inique et d'attribuer la carte du combattant pour quatre mois de présence en Algérie à cheval sur le 2 juillet 1962. Il n'en a rien été.

C'est pourquoi aujourd'hui votre rapporteure se félicite que ce dossier constitue une des priorités de Kader Arif, ainsi qu'il l'a expliqué lors de son audition par votre commission. Le contexte budgétaire ne permet pas de financer cette mesure dès 2013. Toutefois, la diminution mécanique du nombre de titulaires de la carte et bénéficiaires de la retraite du combattant d'ici à l'an prochain devrait permettre de retrouver les marges budgétaires nécessaires pour tenir cette promesse. Il serait difficilement compréhensible que ce ne soit pas le cas d'ici la fin de la mandature.

5. Associer le monde combattant à la nécessaire refonte du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre

Résultat de l'accumulation de dispositions diverses qui ont traduit le renforcement de la reconnaissance de la Nation après chaque conflit du XX e siècle, le CPMIVG n'a pas d'unité d'ensemble. Codifié sous cette forme par décret entre 1947 et 1953 puis par la loi du 3 avril 1958, il comporte de nombreux articles obsolètes qui n'ont plus d'application, notamment ceux faisant référence à la guerre de 1870-1871. La prise en compte de situations très variées l'a rendu peu lisible et juridiquement fragile.

En conséquence, le Conseil d'Etat a demandé au Gouvernement de procéder à sa recodification à droit constant, afin de répondre correctement aux exigences constitutionnelles d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi. Ainsi qu'il l'a souligné, plusieurs de ses dispositions ne sont pas conformes à la Constitution ou au droit communautaire, en particulier par la discrimination qui est parfois établie sur la base de la nationalité.

La commission supérieure de codification a été saisie le 7 juillet 2011 et a déjà tenu deux réunions sur le sujet. Elle devrait prochainement statuer sur le périmètre du nouveau CPMIVG par rapport aux autres codes. En tout état de cause, le processus de refonte ne devrait pas aboutir avant plusieurs années. Le Gouvernement devra alors obtenir du Parlement une habilitation de procéder à la recodification par ordonnance ou bien pourrait, rompant avec cette pratique peu respectueuse des prérogatives de la représentation nationale, soumettre un projet de loi contenant le nouveau code.

Cette procédure juridique et administrative doit être ouverte aux représentants du monde combattant. Ils craignent en effet, peut-être par méconnaissance de la codification couramment réalisée et du strict encadrement de sa portée, mais également à cause du peu de publicité qui en est faite, que leurs droits ne soient pas intégralement préservés. Si trois réunions ont été organisées entre mai 2011 et avril 2012 sur le sujet, votre rapporteure estime qu'un groupe de suivi spécifique pourrait être créé sur cette base. Il se réunirait à échéances fixes, par exemple trimestriellement, et permettrait ainsi aux associations d'anciens combattants d'apporter leurs observations sur l'évolution des travaux.

C. GARANTIR À LA QUATRIÈME GÉNÉRATION DU FEU LES MÊMES DROITS QU'À CELLES QUI L'ONT PRÉCÉDÉE

Les soldats ayant servi en Opex constituent la quatrième génération du feu, descendante des trois premières ayant servi la France durant les conflits du XX e siècle. La Nation a donc envers eux la même dette qu'envers ceux qui les ont précédés ; ils doivent bénéficier du même droit à réparation.

Bien que la nature des opérations ait changé par rapport aux conflits mondiaux, les risques n'ont pas diminué ; ils se sont même accrus. En effet, l'ennemi aujourd'hui ne porte plus forcément un uniforme et ne combat plus sur une ligne de front mais au milieu des populations civiles. C'est la raison pour laquelle les critères d'attribution de la carte du combattant ont dû être adaptés et précisés pour tenir compte de cette situation.

En effet, depuis la loi du 4 janvier 1993, cette marque de la reconnaissance nationale peut être attribuée à la suite d'un séjour en Opex. Il a néanmoins fallu attendre un décret du 12 novembre 2010 8 ( * ) pour que les actions de feu et de combat prises en compte soient élargies aux « actions de combat et actions qui se sont déroulées en situation de danger caractérisé » lors d'opérations militaires dont la liste est fixée par arrêté. Un arrêté du 10 décembre 2010 permet de comptabiliser des formes d'actions plus caractéristiques des Opex et qui se déroulent en situation de danger caractérisé comme le rétablissement de l'ordre, le contrôle de foule ou l'intervention sur engin explosif.

La difficulté vient bien souvent de l'établissement de la liste des opérations et des unités dont l'appartenance donne droit à la carte du combattant. Ce travail relève du service historique de la défense, qui étudie les journaux de marche. Malgré le renforcement de ses effectifs, le décalage est souvent grand entre le retour du soldat en France et la possibilité, pour lui, d'obtenir la carte auprès de l'Onac. Il faut néanmoins saluer sur ce point l'action du Gouvernement qui, par un arrêté du 28 juin 2012, a étendu à de nouvelles opérations le bénéfice de la carte, avec notamment les missions de l'Onu Monusco (Congo), Amisom (Somalie), Minustah (Haïti), et Minul (Libéria). L'opération Harmattan en Libye de mars à octobre 2011 devrait prochainement y être ajoutée.

Cela devrait permettre, selon le ministre, d'augmenter de 25 % à 50 % le nombre de cartes du combattant attribuées au titre des Opex. Alors que l'année 2010 avait été marquée par les problèmes informatiques de l'Onac, qui avaient paralysé la procédure d'attribution de la carte, 2011 et 2012 ont connu une forte accélération de la délivrance de celle-ci. 5 280 cartes Opex ont d'ores et déjà été attribuées en 2012 et au moins 3 000 de plus devraient l'être d'ici la fin de l'année, soit plus qu'en 2010 et 2011 réunies. Il est intéressant de noter que le principal théâtre d'opération au nom duquel la carte est demandée est l'ex-Yougoslavie, suivie de l'Afghanistan puis du Tchad.

Votre rapporteure est bien évidemment satisfaite des progrès réalisés cette année en matière de reconnaissance matérielle en faveur des soldats revenus d'Opex. La reconnaissance symbolique de leur sacrifice va également être mise à l'honneur avec la construction d'un monument aux morts. Il reste maintenant à s'assurer que la réinsertion professionnelle de ces hommes et de ces femmes puisse se faire dans les meilleures conditions possibles. Il faudra également être très attentif, dans les années à venir, au traitement des blessures psychologiques des anciens d'Afghanistan. 550 cas ont déjà été recensés par le service de santé des armées et on estime qu'il peut toucher de 7 % à 10 % des soldats qui ont servi dans ce pays. Il est donc essentiel d'informer sur les symptômes du stress post-traumatique et d'être capable, dans les unités comme dans le suivi des anciens combattants, de détecter les cas les plus graves.

D. VERS LA FIN DE L'INJUSTICE TOUCHANT LES MALGRÉ-NOUS

Les drames vécus par les Français originaires d'Alsace et de Moselle durant la Seconde Guerre mondiale restent encore trop méconnus par nos concitoyens. Soixante-dix ans après les faits, la plupart ignorent encore la tragédie qu'ont constituée l'annexion et les mauvais traitements des populations qui l'ont accompagnée. Votre rapporteure renouvelle le souhait qu'elle avait émis l'an dernier de voir l'histoire de cette période figurer de manière plus détaillée dans les manuels scolaires et faire l'objet d'une meilleure prise en compte par le ministère de l'éducation nationale dans ses programmes.

1. Un phénomène désormais reconnu : l'incorporation de force dans l'armée allemande et les formations paramilitaires du IIIe Reich

Parmi la population d'Alsace-Moselle, 134 000 hommes ont été incorporés de force dans l'armée allemande. Ceux qui essayaient de se soustraire à cette obligation exposaient leur famille à des représailles qui allaient jusqu'à la déportation en camp de concentration. 42 000 d'entre eux sont décédés au combat, en captivité ou ont été portés disparus.

En application de l'article L. 231 du CPMIVG, leur service dans l'armée allemande permet aux survivants de bénéficier d'une pension militaire d'invalidité dans les conditions du droit commun. L'attribution du certificat d'incorporé de force dans l'armée allemande, créé en 1952, permet à son titulaire d'obtenir la carte du combattant et donc de souscrire une rente mutualiste ainsi que de percevoir la retraite du combattant. Au 31 décembre 2011, 85 380 certificats avaient été délivrés pour 93 928 demandes. Enfin, à la suite de l'accord franco-allemand du 31 mars 1981, la fondation entente franco-allemande (Fefa) a versé à chacun d'entre eux une indemnité de 1 387,29 euros.

A côté des incorporations dans l'armée régulière, 45 000 personnes furent contraintes de rejoindre les formations paramilitaires du RAD ( Reichsarbeitsdienst ) et du KHD ( Kriegshilfsdienst ). La reconnaissance de leurs souffrances et de la participation de certains d'entre eux à des combats fut un long parcours dont l'aboutissement revient au Conseil d'Etat 9 ( * ) qui leur ouvrit droit au titre d'incorporé de force dans l'armée allemande.

L'indemnisation de ceux n'ayant pas pris part aux combats n'a eu lieu que grâce à la signature d'une convention, le 17 juillet 2008, entre l'Etat et la Fefa. Dans le cadre de ce mécanisme, dont la date limite de dépôt des dossiers était fixée au 31 décembre 2009, 5 078 personnes ont reçu une allocation de 800 euros, sur une estimation de 5 800 bénéficiaires potentiels. Quelques dossiers sont encore en cours d'instruction. Votre rapporteure est satisfaite que le dossier de la reconnaissance matérielle de toutes les formes d'enrôlement de force sous le drapeau allemand soit enfin clos, tout en regrettant qu'il ait fallu attendre plus de soixante ans après les faits pour que toutes les situations soient prises en compte.

2. La ligne Curzon : mettre un terme aux discriminations basées sur cette frontière virtuelle

De nombreux incorporés de force ont été faits prisonniers par l'armée soviétique et détenus dans des camps où les conditions de vie étaient particulièrement difficiles, notamment celui de Tambow. Un décret du 18 janvier 1973 10 ( * ) a créé un régime spécial d'imputabilité de certaines affections (tuberculose pulmonaire, colite, rhumatismes vertébraux) à la détention dans certains camps, élargi en 1980 à l'ensemble des camps situés sur le territoire de l'URSS tel qu'il était déterminé au 22 juin 1941, c'est-à-dire à l'est de la ligne Curzon, matérialisée notamment par le fleuve Bug.

Toutefois, cette règle exclut arbitrairement les camps qui étaient situés à l'ouest de cette ligne alors que les conditions de détention y étaient similaires. Cette inégalité de traitement, qui ne repose sur aucun facteur objectif, constitue une injustice que votre rapporteure dénonce chaque année. Il convient d'y mettre un terme, et ce alors que le nombre de bénéficiaires potentiels, qui est inférieur à cent, diminue rapidement du fait de leur âge avancé.

Après tant de promesses non tenues sur le sujet, notamment l'an dernier, le ministre s'est fermement engagé à mettre un terme à cette discrimination. Devant votre commission puis lors des débats à l'Assemblée nationale, il a indiqué qu'un décret serait pris avant la fin de l'année 2012. Votre rapporteure exprime sa très grande satisfaction de voir enfin le dossier de la ligne Curzon progresser grâce à une véritable volonté politique mais sera vigilante sur la façon dont les mesures prises seront appliquées.

E. AMÉLIORER LE MÉCANISME D'INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS

La loi « Morin » du 5 janvier 2010 11 ( * ) a reconnu la responsabilité de l'Etat dans l'indemnisation des personnes victimes d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français. Celles-ci, ou leurs ayants droit, peuvent obtenir réparation intégrale de leur préjudice.

Le comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires français (Civen) est chargé de l'examen des demandes et de proposer au ministre de la défense d'y donner une suite positive ou négative. Présidé par un magistrat du Conseil d'Etat ou de la Cour de Cassation, il compte huit membres dont au moins quatre médecins. Le décret du 11 juin 2010 12 ( * ) détermine la procédure à suivre devant le Civen et précise la liste des zones et des maladies radio-induites qui entrent dans le champ de la loi.

L'an dernier, votre rapporteure avait dénoncé ce mécanisme comme étant inopérant. Alors que la France a mené deux cent dix essais nucléaires dans le Sahara algérien puis en Polynésie française entre 1960 et 1996, seulement deux indemnisations avaient été accordées au 29 juillet 2011. Un an plus tard, alors que le Civen s'est réuni trente fois entre le 20 septembre 2010 et le 6 septembre 2012, il n'a donné un avis favorable qu'à sept demandes, soit cinq durant l'année qui vient de s'écouler.

Conscient du problème, le gouvernement précédent a pris un décret le 30 avril dernier 13 ( * ) qui étend le périmètre géographique des zones de Polynésie (atoll de Hao et île de Tahiti) concernées et élargit la liste des maladies prises en compte au cancer du sein chez l'homme ainsi qu'à trois nouvelles pathologies (lymphomes, myélomes et myélodysplasies). Sur cette base, cinquante-quatre dossiers qui avaient été auparavant rejetés vont être réexaminés.

Alors que le budget pour 2013 prévoit, comme l'an passé, une provision de 10 millions d'euros pour l'indemnisation des victimes, il est très peu probable qu'elle soit intégralement consommée. Selon les derniers chiffres en possession de votre rapporteure, au 6 septembre 2012, les sept indemnisations accordées représentaient un montant total de 290 000 euros. Votre rapporteure déplore donc cette situation et espère que le ministre proposera prochainement des modifications du cadre législatif de l'indemnisation, seule façon de faire en sorte que l'avancée symbolique qu'a représentée la loi de 2010 ne soit pas un trompe-l'oeil.

Statistiques d'activité du comité d'indemnisation des victimes
des essais nucléaires français au 6 septembre 2012

Dossiers reçus

772

Origine du malade

Militaire

637

Civil

81

Population locale

54

Statut du demandeur

Victime

447

Ayant droit

325

Dossiers en cours d'instruction

207

Dossiers complets

565

Dont recevables

390

Dont irrecevables

175

Dossiers complets ayant fait l'objet d'une décision du ministre

398

Dont rejets

391

Dont accords

7

Réexamen des dossiers rejetés (décret du 30 avril 2012)

54

Source : ministère délégué chargé des anciens combattants


* 4 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 5 Par un arrêté du 12 octobre 2012 (NOR: ANCM1235821A).

* 6 Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, article 147.

* 7 Loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, article 117.

* 8 Décret n° 2010-1377 du 12 novembre 2010 relatif aux modalités d'attribution de la carte du combattant.

* 9 Conseil d'Etat, 16 novembre 1973, Sieur Kocher, n° 88660.

* 10 Décret n° 73-74 du 18 janvier 1973 déterminant les règles et barèmes pour la classification et l'évaluation des invalidités résultant des infirmités et maladies contractées par des militaires ou assimilés au cours de la captivité subie dans certains camps ou lieux de détention.

* 11 Loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

* 12 Décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

* 13 Décret n° 2012-604 du 30 avril 2012 modifiant le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris en application de la loi relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français.

Page mise à jour le

Partager cette page