EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 novembre 2012, sous la présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente, la commission examine le rapport pour avis de M. Jacques Legendre sur les crédits du programme « Livre et industries culturelles » de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2013 .

Un débat s'engage après l'exposé du rapporteur pour avis.

Mme Françoise Cartron, présidente . - Le Bureau de notre commission a décidé de mettre en place un groupe de travail commun avec la commission de l'économie en janvier pour étudier ce secteur porteur du jeu vidéo.

M. Louis Duvernois . - En abordant dans votre rapport cette exception française, vous avez fait référence à plusieurs reprises à Bruxelles. La France fait oeuvre pionnière dans ce domaine. Il semblerait que nos idées soient plutôt bien perçues à Bruxelles, surtout dans deux domaines. Le prix unique du livre semble avoir été retenu, même si des réticences existent toujours. Le contrat d'édition numérique et la rédaction du code de la propriété intellectuelle, ainsi que la préservation du droit d'auteur, sont des sujets plus complexes qui d'une part, ne font pas l'unanimité sur le territoire national, et d'autre part, se heurtent à des modes de fonctionnement et des visions en matière d'édition différents d'un pays à l'autre. Faut-il considérer qu'à Bruxelles ce que nous défendons et qui permet de soutenir les professionnels du secteur connaît des avancées ou rencontrons-nous encore des réticences fortes nous obligeant à être vigilants et fermes dans nos convictions ?

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je suis chargée d'un rapport au nom de la commission des affaires européennes sur ce sujet. J'ai ainsi pu rencontrer à Bruxelles un certain nombre d'acteurs dont le directeur de cabinet de la commissaire Nelly Cross. Il y a des évolutions. La France qui a été fer de lance de la proposition de TVA réduite sur le prix du livre numérique suscite le débat au sein des pays de l'Union. C'est loin d'être gagné. Nous avons d'autres revendications sur le plan fiscal. Nous passons pour les empêcheurs de tourner en rond. Il ne faut pas se décourager car c'est en défendant avec conviction certaines valeurs qu'on peut faire avancer le débat. Sur ces sujets, il faut convaincre des partenaires européens. Toutes ces questions ne peuvent être résolues qu'au niveau européen. Une stratégie d'alliance est nécessaire pour pouvoir porter l'idée d'exception culturelle, qui devienne celle de la défense de la diversité de l'Europe culturelle. Cela avance très modestement, mais il faut poursuivre le combat qui est le nôtre.

M. André Gattolin . - Les parlementaires ont un rôle pour agir ensemble sur la neutralité fiscale concernant la presse par exemple. Les Anglais l'ont déjà fait. Il n'y a pas de blocage européen. Les Belges s'apprêtent à le faire également. C'est une question de présence.

J'ai le souvenir d'une réunion entre parlementaires français et allemands avec M. Mario Monti, alors commissaire européen, qui voulait supprimer le prix unique du livre. Après une heure de discussion, il a changé d'avis. Cela ne suffit pas aujourd'hui pour sauver la librairie. Comme pour la presse, le problème est immobilier. Toutes les maisons de la presse ont disparu car leur taux de rentabilité avoisine à peine les 2 % et elles ne peuvent plus supporter des loyers extrêmement lourds. La proposition du rapporteur d'envisager des systèmes de distribution est excellente.

Je vous inviterai à vous intéresser à un secteur de l'édition très dynamique, celui de la bande dessinée. Des librairies de bandes dessinées se sont fédérées autour d'un réseau sous le nom de Canal BD. Par un travail de mise ne valeur, tout en restant indépendantes, cela leur permet de se faire connaître, de décider entre elles de l'implantation de nouveaux magasins. Certaines se sont également dotées d'un service de livraison à domicile par coursier qui fonctionne très bien. Cette initiative n'est malheureusement pas reproduite dans le reste de la librairie. Les échecs de fédération de librairies indépendantes mériteraient qu'elles étudient cet exemple. Les pouvoirs publics devraient tenter de soutenir ce type d'initiative.

Sur les jeux vidéo, la France était dans les années 1980 le deuxième pays après le Japon. Aujourd'hui, notre pays se situe au septième ou huitième rang, même plutôt au treizième en fonction des calculs. Nous avons des entreprises françaises qui sont essentiellement établies au Canada ou aux États-Unis. Se produit aujourd'hui un renouveau complet de l'industrie du jeu vidéo avec des sociétés françaises de vingt-cinq à trente salariés. Pour le moment, les pouvoirs publics n'ont pas saisi la dimension culturelle de certains jeux intégrant des reconstitutions historiques. Il ne faut pas seulement aider sur le plan économique mais redonner une valeur culturelle à un secteur décrié.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis sur les crédits du programme « livre et industries culturelles » . - Tout à fait d'accord avec les propos de M. André Gattolin. Il est regrettable de constater que nous avons en France tout le potentiel pour développer une industrie du jeu vidéo et que nous n'avons pas su jusqu'ici occuper la place qui devrait être la nôtre. Le précédent ministre de la culture y avait été sensible. Je me souviens être allé visiter des entreprises de jeux vidéo dans la région de Roubaix qui ont une dimension encore modeste. Cela peut être une approche plus culturelle que les jeux vidéos fabriqués ailleurs.

Le terme d'exception culturelle a été beaucoup mentionné lors du Forum d'Avignon. On oublie toujours ce qu'il veut dire. L'exception culturelle, ce n'est pas le caractère exceptionnel de notre culture quant à sa qualité, c'est le fait que les industries culturelles doivent être exceptées d'accords internationaux, ou, dans le domaine commercial, ne pas être traitées comme des marchandises comme les autres. Au départ, ce sont les Canadiens qui, pour se protéger d'Hollywood lors des accords de l'ALENA, avaient obtenu une exception pour leur industrie culturelle. Nous avons demandé ensuite que les mêmes mesures soient prises dans le cadre des accords du GATT. La francophonie a sur ce point soutenu une action de la France et du Canada. Une convention a été votée à l'UNESCO, mais dont on peut parfois s'interroger sur sa réelle application.

Bruxelles a marqué son accord avec les dispositifs de défense de la diversité culturelle tout en ayant une attitude ambiguë. Certains commissaires européens ne considéraient pas de manière favorable le prix unique du livre et regrettaient que l'Europe ne s'y soit pas jadis opposée. Il semble que toute une série d'actions comme celle de M. Jacques Toubon commencent à faire changer les esprits. Il faut rester sur ce point très offensif et très actif, car les adversaires du prix unique du livre n'ont pas totalement désarmé, même s'ils sont actuellement en recul.

Il y a un deuxième point qui m'inquiète davantage. Nous nous sommes beaucoup avancés pour imposer une clause d'extraterritorialité. Je ne suis pas sûr que, sur ce point, la position de Bruxelles soit totalement tranchée. Compte tenu du lobbying de Google ou Amazon, il faut particulièrement veiller à ce qu'elle ne soit pas remise en cause par Bruxelles. Dans ce cas, on toucherait à un vrai problème de fond : est-ce que l'Europe a des frontières ? Est-ce qu'elle s'organise pour avoir une politique commune ? Ou est-ce qu'elle se laisse totalement pénétré de l'extérieur et y perd d'ailleurs des ressources fiscales considérables ?

Contrairement à l'avis de son rapporteur pour avis, qui préconisait de s'en remettre à la sagesse du Sénat, la commission décide de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » du projet de loi de finances pour 2013 .

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