C. PRIVILÉGIER UNE RÉORIENTATION DES AIDES À LA PRESSE VERS LES PRATIQUES INNOVANTES ET LES VOIES D'AVENIR
Aussi bien dans le domaine de la distribution et de la diffusion de la presse que dans celui modernisation sociale et industrielle des entreprises de presse, les aides publiques ont vocation à être recentrées sur l'accompagnement de méthodes et politiques innovantes qui permettront de faire émerger un modèle économique solide, durable et compétitif pour le secteur de presse. Le critère de la production de contenus doit néanmoins constituer une valeur cardinale dans l'attribution des aides publiques, en prenant soin de rééquilibrer la répartition des fonds publics entre les grands groupes de presse, en mesure de porter des projets d'investissements ambitieux, et les publications d'opinion, aux ressources publicitaires et capitalistiques limitées, indispensables au pluralisme de la presse .
1. Renforcer l'aide au portage au bénéfice de la presse quotidienne nationale
D'un montant de 37,6 millions d'euros en 2013, l'aide au portage de la presse accuse une diminution de plus de 16 % par rapport à son niveau de 2012 . Le dispositif mis en place par l'État en faveur du développement du portage comprend également une exonération des charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse de 16,9 millions d'euros en 2013, soit une augmentation de 9 % par rapport à 2012. Le montant combiné de ces deux aides s'établit à 54,5 millions d'euros, soit une diminution de 10 % par rapport à 2012.
Comme il a eu l'occasion de le souligner dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2012, votre rapporteur pour avis rappelle que la répartition par famille de presse des crédits du fonds d'aide au portage en 2011 plaide clairement pour une accentuation de l'effort en faveur du portage des quotidiens nationaux, dès lors que l'aide continue d'être accaparée par les quotidiens régionaux.
Type de presse |
Montant total de l'aide |
Pourcentage par rapport à la dotation du fonds |
Presse quotidienne nationale (PQN) |
17 127 261 € |
25,36 % |
Presse quotidienne régionale (PQR) |
41 347 378 € |
61,23 % |
Presse quotidienne départementale (PQD) |
6 748 527 € |
9,99 % |
Presse hebdomadaire régionale (PHR) |
1 341 817 € |
1,98 % |
Hebdomadaire nationaux (France et étranger) |
711 612 € |
1,05 % |
Presse quotidienne d'outre-mer (PQOM) |
243 773 € |
0,36 % |
Hebdomadaires régionaux |
184 € |
0,00027 % |
Montant total de l'aide |
67 520 552 € |
100,00 % |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles du ministère de la culture et de la communication
La presse quotidienne nationale (PQN) constitue le segment de presse le plus dynamique en matière de portage, en affichant une progression de plus de 33 % sur les cinq dernières années. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis invite le Gouvernement à privilégier une réorientation du fonds d'aide au portage en faveur de la PQN , en accordant une place prépondérante à l'aide au flux récompensant l'augmentation du nombre d'exemplaires portés par rapport aux deux années antérieures à l'attribution de l'aide, selon des conditions précisées dans le cadre d'une convention pluriannuelle conclue avec les éditeurs de la PQN.
Votre rapporteur pour avis se félicite des avancées significatives réalisées par les éditeurs dans le sens d'une régularisation du statut des porteurs et vendeurs-colporteurs, via la conclusion de nouvelles conventions collectives. Il tient également à saluer les efforts réalisés par la presse quotidienne régionale afin de favoriser le portage des quotidiens nationaux par la mutualisation de son réseau : ce sont plus de 16 millions d'exemplaires de quotidiens nationaux que la presse quotidienne régionale a portés en 2011, soit une progression de 53 % par rapport à 2009. Près de 70 000 exemplaires transitent chaque jour par les réseaux de portage de la presse quotidienne régionale.
D'une façon générale, votre rapporteur pour avis souhaite que la réforme des aides à la presse permette un rééquilibrage entre l'aide au portage , qui fait la preuve de son efficacité tant en termes de coût qu'en termes de fidélisation du lectorat, et l'aide au transport postal , insuffisamment ciblée sur la presse citoyenne, particulièrement coûteuse, en particulier pour La Poste, et qui favorise, du reste, un mode de distribution peu respectueux de l'environnement.
2. La section 2 du fonds stratégique pour le développement de la presse devrait faire l'objet d'une réorientation vers la presse d'information politique et générale
La dotation du fonds stratégique pour le développement de la presse, qui s'établit en 2013 à 33,5 millions d'euros, est en diminution de 12,5 % par rapport à son niveau de 2012. Créé par le décret du 13 avril 2012 précité, il fusionne deux fonds d'aide à la modernisation :
- le fonds d'aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale, créé en 1999 (section 1) ;
- le fonds d'aide au développement des services de presse en ligne, créé en 2009 (section 2).
En outre, sa troisième section reprend l'objectif du fonds d'aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger (qui est de favoriser la diffusion, hors de France, des quotidiens et des publications périodiques français qui apportent une contribution significative au rayonnement de la pensée et de la culture françaises), tout en étendant cet objectif de conquête de nouveaux lectorat à des publics présents sur le territoire français : public jeune ou publics « empêchés » (personnes incarcérées par exemple).
Le fonds est destiné à financer :
- au titre de sa première section : les opérations de mutation et de modernisation industrielles de la presse quotidienne imprimée ;
- au titre de sa deuxième section : les innovations technologiques de la presse en ligne ;
- au titre de sa troisième section : les investissements en faveur de la conquête de nouveaux lectorats pour les différentes familles de presse éligibles au fonds.
Le point commun entre les différentes actions soutenues par le fonds stratégique est la notion d'investissement : investissement matériel et industriel pour la première section, investissement numérique pour la deuxième, et investissement dans la conquête de parts de marché pour la presse pour la troisième.
Le décret du 13 avril 2012 procède à une extension du champ des bénéficiaires des aides : les entreprises de presse éditrices d'au moins une publication quotidienne apportant régulièrement des informations et des commentaires sur l'actualité de l'ensemble des disciplines sportives (soit concrètement L'Équipe ) deviennent éligibles à la première section du nouveau fonds ; les quotidiens gratuits d'information deviennent également éligibles à la première section du fonds pour la part de leurs tirages réalisés dans une imprimerie de presse. Ces catégories de presse étaient déjà éligibles au fonds d'aide au développement des services de presse en ligne, créé en 2009, mais pas au fonds de modernisation de la presse.
L'opération « Mon journal offert », conduite sur la période 2009-2011, a rencontré un vif succès auprès des jeunes . Sur plus de 900 000 demandes enregistrées, ce sont 630 000 jeunes qui ont bénéficié d'un abonnement gratuit au quotidien de leur choix, financé à parts égales par l'État et les éditeurs. Supprimée par le précédent Gouvernement en 2012, elle ne sera pas reconduite en 2013. Il est à noter que la section 3 du fonds stratégique pour le développement de la presse prévoit déjà des crédits en faveur des stratégies innovantes consacrées à la conquête et à la fidélisation de nouveaux lectorats, en particulier les jeunes.
L'objectif de fidélisation des jeunes doit demeurer prioritaire : si les pouvoirs publics n'y sont pas parvenus durablement dans le cadre de l'opération « Mon journal offert », la recherche de nouveaux moyens permettant d'attirer ce lectorat vers une lecture assidue de la presse constitue assurément un enjeu d'avenir .
En outre, le fonds stratégique apportera des progrès en matière de gouvernance des aides :
- un comité de pilotage unique, rassemblant les représentants des différentes familles de presse éligibles au fonds sous l'autorité d'un président, proposera l'attribution des aides ;
- la répartition des crédits entre les trois sections sera déterminée par le directeur général des médias et des industries culturelles en fonction des demandes présentées par les éditeurs. La répartition pourra être ajustée en cours d'année en fonction des besoins ;
- le fonds unique permettra une meilleure répartition des projets entre les trois sections : lorsqu'une demande d'aide porte sur un projet susceptible d'être examiné à la fois dans le cadre de la première et de la deuxième section du fonds (cas des projets bi-média, de plus en plus nombreux dans la presse), elle sera affectée à la première section.
Enfin, pour répondre au souhait de la mission présidée par M. Aldo Cardoso de conditionner le maintien de certaines aides à la formalisation d'une stratégie de redressement des titres, toute attribution de subvention au titre du fonds stratégique sera subordonnée à la conclusion avec l'État d'une convention cadre formalisant la stratégie de développement de l'entreprise et les objectifs poursuivis pour les projets susceptibles de bénéficier d'une aide au titre du fonds pour les trois années à venir.
Pour 2012, la répartition des crédits entre les trois sections du fonds a été fixée selon la clé de répartition suivante :
- section 1 : 45 % ;
- section 2 : 40 % ;
- section 3 : 15 %.
Le comité d'orientation du fonds stratégique s'est réuni pour la première fois le 10 juillet 2012 dans sa formation relative à la première section, et le 12 juillet 2012 dans sa formation relative à la deuxième section.
Votre rapporteur pour avis a constaté une augmentation significative de nombre de titres de presse magazine ne présentant pas de caractère d'information politique et générale bénéficiaires du fonds d'aide au développement des services de presse en ligne (désormais section 2 du fonds stratégique). En effet, la ventilation de cette aide par familles de presse fait apparaître l'évolution suivante au cours de la période 2009-2011 :
Presse quotidienne nationale |
Presse quotidienne régionale et locale |
Autre presse locale |
Presse magazine d'opinion |
Presse magazine et spécialisée non IPG |
Pure players IPG |
Autres pure players |
|
2009 |
32 % |
37 % |
3 % |
16 % |
7 % |
6 % |
- |
2010 |
23 % |
25 % |
2 % |
16 % |
16 % |
15 % |
3 % |
2011 |
22 % |
4 % |
3 % |
22 % |
25 % |
15 % |
9 % |
Source : Direction générale des médias et des industries culturelles
Entre 2009 et 2011, la presse quotidienne nationale et la presse locale ont connu une diminution du nombre de leurs bénéficiaires de l'aide au développement des services de presse en ligne, alors que les aides aux projets de la presse magazine, de la presse spécialisée et des pure players (services de presse en ligne sans édition papier) ont progressé. Le nombre de dossiers présentés par les pure players a considérablement augmenté : 74 dossiers présentés en 2011, contre 23 en 2010 et 6 en 2009.
Par conséquent, votre rapporteur pour avis souhaite interpeller le Gouvernement sur la nécessité de favoriser le développement de la diffusion sur support numérique de la presse d'information politique et générale , en particulier au sein de la presse quotidienne.