IV. LA COUR DE JUSTICE DE LA RÉPUBLIQUE : UNE IMPLANTATION IMMOBILIÈRE TOUJOURS PRÉCAIRE

La Cour de justice de la République (CJR)

La Cour de justice de la République a été instituée à la suite de la révision constitutionnelle du 27 juillet 1993. Elle est compétente pour juger les crimes et délits commis par les membres du gouvernement dans l'exercice de leurs fonctions (art. 68-1 et 68-2 de la Constitution).

La Cour de justice de la République est composée de 15 juges : 12 parlementaires (6 députés, 6 sénateurs désignés par leurs assemblées respectives, lors de chaque renouvellement) et 3 magistrats du siège de la Cour de cassation. Elle est présidée par l'un des magistrats.

La commission des requêtes, composée de trois magistrats du siège hors hiérarchie de la Cour de cassation, de deux conseillers d'État et de deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes reçoit les plaintes des personnes s'estimant lésées  par un crime ou un délit commis par un membre du gouvernement dans l'exercice de ses fonctions. Elle peut classer la plainte ou la transmettre au procureur général près la Cour de cassation pour saisine de la CJR. Le procureur général près la Cour de cassation peut saisir directement la CJR après avis conforme de la commission des requêtes.

La commission d'instruction, composée de trois membres titulaires et trois membres suppléants, conseillers à la Cour de cassation, procède à toutes mesures d'investigation jugées utiles. Elle peut requalifier les faits. A l'issue de son instruction, elle peut décider qu'il n'y a pas lieu à poursuivre ou décider le renvoi devant la Cour de justice de la République. Sa décision peut faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation.

La Cour de justice de la République vote sur la culpabilité, à la majorité absolue, par bulletins secrets. Sa décision peut faire l'objet d'un pourvoi devant la Cour de cassation qui doit alors statuer dans les trois mois.

Depuis l'installation de la Cour de justice de la République, le 1 er février 1994, la commission des requêtes a été saisie de 1 123 requêtes concernant la responsabilité pénale des membres du Gouvernement. Il s'agit de plaintes de particuliers ou d'associations ainsi que des demandes d'avis du Procureur général à la suite de décisions d'incompétence des juridictions de droit commun.

Sur les 1 123 demandes, la commission des requêtes a prononcé trente-huit avis favorables à la saisine de la commission d'instruction dont vingt-trois concernaient les affaires dites du « sang contaminé » et cinq le dossier de l'encéphalopathie spongiforme bovine dite « ESB ». Ces avis ont donc donné lieu à trente-huit saisines de la commission d'instruction. A l'issue de l'instruction, six affaires ont conduit à un arrêt de renvoi devant la Cour de justice de la République, quatre d'entre elles se sont soldées par un non lieu, une par un arrêt d'incompétence et enfin une saisine s'est conclue par un arrêt constatant la prescription de l'action publique.

La commission des requêtes a statué depuis le 1 er janvier 2012 dans 25 requêtes. La commission d'instruction est actuellement saisie de deux dossiers. Selon les informations communiquées à votre rapporteur en réponse à son questionnaire, les nouveaux membres de cette commission « qui exercent simultanément leurs fonctions de conseiller à la chambre criminelle de la Cour de cassation, à temps plein -qui ont pris leurs fonctions fin janvier 2012-, ont dû prendre connaissance des volumineux dossiers constitués depuis leur ouverture.

Dans ces deux dossiers, la commission d'instruction, pour conduire les informations et apprécier s'il existe ou non des charges à l'encontre des personnes visées devant elle, doit se référer en permanence à des éléments de preuve recueillis par d'autres juridictions, dans des conditions qui échappent totalement à sa maîtrise.

L'ensemble de ces éléments conduisent les magistrats, tant du siège que du parquet, à des travaux d'analyse et de synthèse approfondis, à la hauteur de l'importance des dossiers traités et de leurs éventuelles conséquences.

Ces éléments établissent en revanche, contrairement à ce que certains ont pu craindre -faute peut-être de tout écho médiatique ?- que l'instruction de ces deux affaires est poursuivie activement, dans le respect scrupuleux des droits de la défense et du secret de l'instruction et, avec le souci de parvenir dès que possible, à la manifestation de la vérité et au règlement définitif des dossiers. ».

Compte tenu de l'activité possible de la commission d'instruction, la dotation de 70 000 euros correspondant aux frais de justice a été reconduite en 2013 (elle avait été presque totalement consommée en 2011 et elle le sera également en 2012).

Par ailleurs, même si la formation de jugement de la Cour n'est saisie d'aucun dossier, le projet de budget pour 2013 intègre le coût lié à la tenue éventuelle d'un procès (audience de 5 jours), ce qui ne préjuge en rien de l'issue de l'une ou l'autre des deux affaires en cours d'instruction.


La question récurrente de l'implantation

Le loyer de la Cour de justice (485 000 euros en 2012) continue de peser de manière excessive sur le budget de cette institution.

La Cour de justice de la République pourrait occuper à l'horizon 2017 les locaux laissés vacants par le tribunal de grande instance de Paris lors de son emménagement dans le site des Batignolles à Paris. Elle se trouverait ainsi à proximité immédiate de la Cour de cassation dont est issue son effectif permanent. Cette formule présenterait donc des avantages pratiques indéniables.

Dans l'intervalle, la Cour de justice de la République peut-elle rester dans le bâtiment de la rue de Constantine (surface pondérée de 818 m²) ? Compte tenu de la cherté du loyer, le Gouvernement avait envisagé l'installation, à titre transitoire, de la Cour de justice dans des locaux situés rue du Renard qui relèvent aujourd'hui de l'administration pénitentiaire. Ces espaces, actuellement occupés, nécessitent des aménagements. Il semble que la Cour ne pourrait s'y établir, au plus tôt, que dans deux ans... pour les quitter deux ans plus tard. Comme l'avait déjà noté votre rapporteur l'an passé, ce dispositif pourrait ainsi se révéler coûteux.

L'incertitude sur la situation immobilière de la Cour de justice complique la négociation sur le bail concernant le bâtiment actuel de la Cour de justice.

Le bail du 15 mars 2004 est arrivé à échéance le 29 février 2012. A ce jour, la procédure de renouvellement est toujours en cours. Le propriétaire -GMF Prony Bureau- a d'abord proposé un renouvellement du bail moyennant un loyer annuel de 500 000 euros, montant ramené à 450 000 euros à la suite d'une renégociation par la Cour de justice. France Domaine a toutefois formulé des contre-propositions.

Le maintien dans les locaux de la rue Constantine où ont été aménagés notamment une salle des requêtes, une salle d'instruction et une salle d'audience devrait être privilégiée. La situation précaire dans laquelle se trouve placée la Cour en raison du non-renouvellement du bail devrait être levée au plus vite.

Votre rapporteur rappellera pour mémoire que la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par M. Lionel Jospin a recommandé la suppression du privilège de juridiction des ministres et donc de la Cour de justice de la République dont la composition fait l'objet de nombreuses critiques. La Commission propose d'appliquer le droit commun aux ministres sous réserve de certaines adaptations (examen des plaintes par une « commission d'examen préalable », recours obligatoire à une instruction préparatoire collégiale, collégialité renforcée lors du jugement).

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Au bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable aux crédits de la mission « pouvoirs publics ».

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