3. Le moratoire des normes : un bilan en demi-teinte
a) Le champ d'application du moratoire
Instauré par deux circulaires du Premier ministre, l'une du 6 juillet 2010 30 ( * ) , l'autre du 17 février 2011 31 ( * ) , le moratoire s'applique à l'ensemble des mesures réglementaires applicables aux collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics dont l'adoption n'est commandée ni par la mise en oeuvre d'engagements internationaux de la France, ni par l'application des lois, c'est-à-dire aux cas où le pouvoir réglementaire intervient de manière autonome, à savoir :
- aux dispositions réglementaires prises indépendamment de la mise en oeuvre d'une norme juridiquement supérieure ;
- aux dispositions d'opportunité, c'est-à-dire aux dispositions qui, bien qu'intégrées dans un texte réglementaire d'application d'une loi récemment adoptée ou de transposition d'une directive européenne, excèdent ce qui est « strictement commandé par la norme supérieure » et dont l'absence ne ferait pas obstacle à la mise en oeuvre de la norme supérieure ;
- aux dispositions qui modifient des textes d'application d'une disposition législative ou réglementaire ou d'une stipulation de droit international édictées antérieurement.
En d'autres termes, le moratoire s'applique à l'ensemble des mesures réglementaires dites « d'initiative » ou autonomes concernant les collectivités territoriales, que l'impact financier de la mesure projetée soit négatif (engendrant un coût), positif (générant des recettes et/ou des économies par rapport à la réglementation en vigueur) ou neutre pour les collectivités. Il couvre ainsi le même périmètre que le champ de compétence de la CCEN.
Pour autant, ce moratoire n'est pas absolu : en effet, si, par exception, l'édiction d'une norme entrant dans le champ du moratoire apparaît absolument nécessaire à un ministre, il lui appartient de solliciter du Premier ministre, par l'intermédiaire du Secrétariat général du Gouvernement, une dérogation formelle au moratoire. Dans ce cas, selon les termes de la circulaire précitée du 6 juillet 2010, le Premier ministre tient compte « très strictement de l'avis rendu par la commission pour déterminer si le projet peut être adopté ».
En revanche, les dispositions d'application d'une loi récemment votée ou d'une directive européenne à transposer ne relèvent pas du moratoire dès lors qu'elles n'excèdent pas ce qui est strictement commandé par la norme supérieure, même si l'administration dispose d'une marge d'appréciation et doit choisir entre plusieurs scénarii de mise en oeuvre possibles, plus ou moins contraignants pour les collectivités territoriales. Il appartient alors aux ministères porteurs de justifier tant auprès du commissaire à la simplification que de la CCEN que les projets soumis « se limitent aux mesures rendues strictement nécessaires par les dispositions qu'ils ont pour objet d'appliquer ».
De même, ne relèvent pas du moratoire les prescriptions édictées par les fédérations sportives dans l'exercice de leur pouvoir réglementaire. En vertu des dispositions des articles L. 131-14 et R. 131-32 et suivants du code du sport, les fédérations agréées par le ministre chargé des sports détiennent le pouvoir d'organiser ou d'autoriser les compétitions sportives et reçoivent à cette fin délégation pour édicter « les règles techniques propres aux disciplines qu'elles représentent » ainsi que « les règlements relatifs à l'organisation de toute manifestation ouverte à leurs licenciés ». L'exercice de ce pouvoir réglementaire, qui procède directement de la loi, ne saurait être encadré par une circulaire, même du Premier ministre.
* 30 Circulaire NOR : PRMX1017659C du 6 juillet 2010 relative au moratoire applicable à l'adoption de mesures réglementaires concernant les collectivités territoriales, leurs groupements et leurs établissements publics.
* 31 Circulaire NOR : PRMX1104783C du 17 février 2011 relative à la simplification des normes concernant les entreprises et les collectivités territoriales.