N° 334

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 février 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi (procédure accélérée) portant diverses dispositions en matière d' infrastructures et de services de transports ,

Par Mme Marie-Hélène DES ESGAULX,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

260 (2012-2013)

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports a été déposé sur le Bureau du Sénat le 3 janvier 2013. Il a été renvoyé pour examen au fond à la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire.

L'article 7 du projet de loi organise la « répercussion » de l'éco-taxe poids lourds, c'est-à-dire le mécanisme permettant de faire supporter ladite taxe non par les transporteurs, mais par leurs clients, appelés chargeurs.

Les dispositions contenues dans le projet de loi ne sont pas de nature fiscale : elles n'impactent ni l'assiette, ni le taux, ni les modalités de recouvrement de l'impôt. En revanche, elles se révèlent déterminantes pour mesurer l'incidence de l'éco-taxe poids lourds. La « répercussion », actée par le Grenelle de l'Environnement en 2007, constitue un aspect essentiel du caractère écologique de la taxe : ce sont les véritables bénéficiaires de la route qui doivent l'acquitter. C'est la traduction du principe « pollueur-payeur » .

Alors que la commission des finances entend pleinement participer au débat sur l'élaboration d'une fiscalité écologique, dans la foulée de l'installation, le 18 décembre 2012, du Comité pour la fiscalité écologique, elle a souhaité se saisir pour avis du projet de loi et plus spécifiquement de son article 7.

En outre, l'éco-taxe poids lourds représente un enjeu de près d'1,2 milliard d'euros pour les finances publiques . Elle devrait entrer en vigueur dans le courant de l'année 2013. Or son recouvrement reste une opération très complexe, nécessitant la mise en place de technologies de pointe. Votre rapporteur s'est par conséquent également intéressée à l'état d'avancement du projet avant sa date de lancement théorique, à savoir le 20 juillet 2013.

Le présent rapport pour avis s'inscrit dans le prolongement des travaux déjà conduits par la commission des finances sur le sujet et notamment la table-ronde tenue le 16 février 2011 sur la mise en place de la taxe poids lourds 1 ( * ) .

Taxe poids lourds nationale ou éco-taxe poids lourds ?

Le code des douanes régit la « taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandises », le contrat de partenariat mentionne la « taxe poids lourds nationale » (TPLN) et la taxe poids lourds alsacienne (TPLA), d'autres documents officiels reprennent la terminologie d'éco-taxe poids-lourds, voire d'éco-redevance poids lourds.

Ces termes sont indifféremment utilisés. Il convient surtout de retenir que l'éco-taxe poids lourds se divise en deux taxes : la TPLA, limitée à la seule région Alsace et dont la vocation est expérimentale et la TPLN qui sera mise en oeuvre sur l'ensemble du territoire métropolitain et qui remplacera la TPLA.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ÉCO-TAXE POIDS LOURDS : LA TRADUCTION D'UN ENGAGEMENT DU GRENELLE DE L'ENVIRONNEMENT

A. UN CADRE EUROPÉEN DÉJÀ ANCIEN

Dès 1993, la Communauté économique européenne (CEE) avait adopté une première directive régissant les taxes sur les poids lourds 2 ( * ) . Ce texte visait à éliminer les distorsions de concurrence entre les entreprises de transport européennes et à favoriser ainsi la libre circulation des biens au sein de la CEE. Il posait néanmoins le principe selon lequel il peut exister des « mécanismes équitables d'imputation des coûts d'infrastructure aux transporteurs ».

Annulée pour un vice dans la procédure législative, la législation européenne a été remplacée par la directive « Eurovignette » 3 ( * ) , adoptée en 1999 (Eurovignette I) et révisée en 2006 ( cf. encadré ci-dessous).

Une nouvelle directive du 27 septembre 2011 (« Eurovignette III » 4 ( * ) ) a complété les précédentes. Les premières législations visaient à harmoniser la perception de péages en vue de couvrir les frais engagés pour la construction des infrastructures.

La directive de 2011 s'inscrit plus nettement dans une perspective écologique, selon le principe du « pollueur-payeur », puisqu'elle permet de taxer les « externalités » engendrées par le transport routier , notamment le bruit , la pollution atmosphérique et la congestion .

L'éco-taxe poids lourds doit par conséquent respecter ce cadre, sachant que, en pratique, elle l'a largement anticipé puisque son assiette, définie en 2007, repose notamment sur des critères écologiques (classe EURO du véhicule).

Les directives « Eurovignette »

La directive « Eurovignette II »

« A l'heure actuelle, la tarification du transport routier des poids lourds respecte les obligations réglementaires issues de la directive [...] "Eurovignette II" relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.

« Ce texte affirme le principe du péage lié au recouvrement des coûts de l'infrastructure (coûts de construction, de développement, d'entretien) sauf quelques exceptions (notamment la modulation des péages en fonction de la classe d'émission EURO, l'introduction de surpéages pour combattre les nuisances en zones sensibles de montagne, la mise en place de droits régulateurs pour réduire la congestion urbaine) et définit une méthodologie de calcul des péages afin d'éviter des distorsions de concurrence entre Etats-membres.

« D'autre part, cette directive prévoit que [...] la Commission européenne lance une étude afin de présenter un modèle universel pour l'internalisation des coûts externes dans la tarification des infrastructures et le cas échéant une révision de la législation. Conformément à ces dispositions, la Commission a adopté le 8 juillet 2008 un paquet "écologisation des transports" comprenant trois communications et une proposition de révision de la directive Eurovignette dont l'objectif est de permettre l'internalisation d'un certain nombre de coûts externes dans la tarification du transport routier de marchandises ».

La directive Eurovignette III

« L'objectif de la révision de la directive "Eurovignette" est de permettre l'internalisation dans la tarification des infrastructures routières d'un certain nombre de coûts externes (congestion, bruit et pollution atmosphérique) générés par les poids lourds.

« Il s'agit d'un projet ambitieux qui rompt avec la logique traditionnelle pour affirmer la notion de coût social et environnemental du transport , conformément au principe "pollueur-payeur". Ce texte a été l'une des priorités de la présidence française de l'Union européenne en 2008. La tarification des coûts externes est en effet regardée comme un outil pertinent pour optimiser l'utilisation des infrastructures routières et encourager dans le transport de marchandises le report modal de la route vers le ferroviaire et la voie d'eau ».

Les principales dispositions de la directive sont les suivantes :

- elle détermine une méthode de calcul du niveau maximal des péages d'infrastructure ;

- elle prévoit et encadre la possibilité d'internaliser dans le péage une partie des coûts externes du transport routier (pollution atmosphérique, bruit, congestion) ;

- elle rend obligatoire la modulation des péages en fonction de la norme EURO des poids lourds.

Elle n'est applicable pas aux contrats de concession existants. Elle le sera à compter de leur renouvellement.

La perception des externalités devrait se faire par le biais de systèmes de télépéage sans barrière ( free flow ), le recours au satellitaire étant recommandé.

La directive « Eurovignette III » devrait être transposée, avant le 16 octobre 2013, dans le cadre d'un projet de loi de transposition bientôt déposé devant le Parlement.

L'éco-taxe poids lourds respecte déjà les dispositions obligatoires de la directive. En revanche, il sera nécessaire de modifier la partie législative du code des douanes pour que la taxe puisse également taxer le bruit ou la congestion ou prenne en compte d'autres facteurs que la norme EURO du véhicule.

Source : ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.


* 1 http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20110214/finc.html#toc1

* 2 Directive 93/89/CEE du Conseil du 25 octobre 1993 relative à l'application par les Etats membres des taxes sur certains véhicules utilisés pour le transport de marchandises par route, ainsi que des péages et droits d'usage perçus pour l'utilisation de certaines infrastructures.

* 3 Directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des poids lourds et à l'utilisation de certaines infrastructures.

* 4 Directive 2011/76/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.

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