Avis n° 601 (2012-2013) de M. Jean-Jacques FILLEUL , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 22 mai 2013

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N° 601

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de modernisation de l' action publique territoriale et d' affirmation des métropoles ,

Par M. Jean-Jacques FILLEUL,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre , secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Alain Le Vern, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

495 , 580 , 593 , 598 et 581 (2012-2013)

• AVANT-PROPOS

Votre commission a souhaité se saisir pour avis du présent projet de loi car il touche à plusieurs aspects importants de son champ de compétence, notamment liés à l'aménagement du territoire, mais également à l'organisation des transports, ou, d'une façon plus générale, au développement durable.

Elle s'est ainsi saisie pour avis de l'article 3, qui désigne des collectivités chefs de file, de l'article 4, qui crée les conférences territoriales de l'action publique, de l'article 5, qui met en place un pacte de gouvernance territoriale, de l'article 31, qui réforme le régime des métropoles et de l'article 35 qui organise le transfert à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre des pouvoirs de police spéciale en matière d'assainissement et de collecte des déchets.

La commission des lois lui a par ailleurs délégué au fond l'examen de trois articles, relatifs au syndicat des transports d'Ile-de-France et à la société du Grand Paris, les articles 15, 16 et 17.

Après avoir entendu la ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique, et avoir procédé à un large débat, votre commission a estimé que la priorité était d'aboutir à une réforme utile. Si, à défaut d'organiser un fonctionnement territorial idéal, le processus législatif permet d'améliorer l'efficacité et la lisibilité des collectivités territoriales et de leurs interventions, ce sera déjà, pour elle, une véritable avancée. C'est d'ailleurs ce qu'attendent nos concitoyens car ils savent bien qu'un « big bang » territorial n'est pas réaliste.

C'est dans cet esprit que votre rapporteur a examiné les articles dont votre commission s'est saisie pour avis et qu'il a présenté plusieurs modifications et ajouts, adoptés à la quasi-unanimité par les membres de votre commission du développement durable.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LE CONTEXTE

A. UNE RÉFORME NÉCESSAIRE ET ATTENDUE

Après plusieurs mois de concertation, le Gouvernement a déposé sur le bureau du Sénat le 10 avril dernier un projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

Celui-ci a été examiné le 15 mai par la commission des lois qui l'a largement remanié, puis le 22 mai par les commissions saisies pour avis - des affaires économiques, des finances et du développement durable. Ces trois commissions ont chacune, à leur tour, adopté des amendements pour modifier et compléter le texte de la commission des lois.

Celui-ci devrait donner lieu à un débat long et approfondi en séance publique, tant l'enjeu de la réforme et de l'amélioration de l'action publique territoriale parait essentiel aujourd'hui.

1. Une phase préalable de réflexion et de concertation à laquelle le Sénat a pris toute sa part

Le projet de loi aujourd'hui soumis à l'examen du Sénat a été précédé par une phase de réflexion et de concertation dans diverses enceintes.

Le Sénat y a pris toute sa part et y a joué un rôle déterminant, avec la réalisation de nombreux travaux, notamment par sa délégation aux collectivités territoriales, mais également dans le cadre de missions communes d'information et surtout des Etats généraux de la démocratie territoriale organisés dans tous les départements en septembre dernier, à l'initiative du président du Sénat, Jean-Pierre Bel.

Devant la réunion finale à Paris de ces Etats généraux, le 5 octobre 2012, le Président de la République a salué cette initiative du Sénat qui a permis de recueillir plus de 20 000 contributions et de mobiliser les territoires de la République.

Il a notamment souligné le rôle des territoires comme acteurs du redressement : « Nous avons besoin d'acteurs qui soient reconnus, qui soient respectés et en même temps qui soient responsables » car, « la démocratie locale, c'est d'abord une exigence de citoyenneté mais c'est aussi un levier de croissance ».

Il avait alors annoncé le dépôt d'un projet de loi.

2. Une réforme échelonnée

Pour déterminer les grandes lignes de sa réforme, le Gouvernement a également procédé à de nombreuses concertations qui l'ont conduit à élaborer un texte particulièrement volumineux.

L'esprit dans lequel le Gouvernement a travaillé est explicité dans l'exposé des motifs du projet de loi, selon lequel le texte n'est « ni principalement un texte de transfert de compétences de l'État aux collectivités, à la différence de la loi du 13 août 2004, ni une tentative de spécialisation uniforme des compétences des collectivités territoriales, telle que prévue par la loi du 16 décembre 2010. Cette réforme vise à renforcer l'efficacité de la puissance publique, qu'elle soit nationale ou locale, et à améliorer la qualité du service public, en s'appuyant sur les collectivités territoriales et en clarifiant l'exercice de leurs compétences. »

Le Gouvernement a par ailleurs plusieurs fois souligné son souhait de mettre un terme au sentiment de défiance qui s'est ainsi installé entre les citoyens et leurs élus, mais aussi entre les élus locaux et l'État.

Il a finalement décidé de proposer une réforme s'organisant en trois projets de loi :

- de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles,

- de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires,

- de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

Les différents débats ayant eu lieu au sein de votre commission sur ce projet de loi ont montré, y compris pour votre rapporteur, un fort agacement d'un nombre conséquent de sénateurs à la suite de la division en trois du texte initial car elle rend difficile l'appréhension globale de la réforme voulue par le Gouvernement et ne permet pas de connaître avec certitude la date de mise en oeuvre complète des mesures proposées dans les différents textes. Toutefois, cet état d'esprit a beaucoup évolué après les importantes modifications apportées par la commission des Lois et les propositions faites par votre rapporteur.

B. L'ÉMERGENCE DU FAIT MÉTROPOLITAIN

1. Une métropolisation initialement conduite d'en haut

Comme le rappelle à juste titre le rapporteur de la commission des lois, la volonté de rééquilibrer l'influence prépondérante de Paris a motivé à partir du début des années 1960, sur la base des analyses de la DATAR, une politique d'aménagement du territoire conduite par l'Etat pour développer huit métropoles régionales : Lille-Roubaix-Tourcoing, Nancy-Metz-Thionville, Lyon-Saint-Etienne-Grenoble, Aix-Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes-Saint-Nazaire et Strasbourg.

Ces « métropoles d'équilibre » ont bénéficié de décisions nationales d'investissement dans des infrastructures de transport modernes, des industries, des centres d'affaires. Elles ont bénéficié également de délocalisations d'administrations publiques et de grandes opérations d'aménagement.

Cette politique d'Etat a été globalement couronnée de succès et, même si elles font preuve d'un dynamisme parfois inégal, les huit métropoles précitées se sont considérablement agrandies depuis qu'elle a commencé d'être mise en oeuvre.

2. Un mouvement devenu plus général et spontané

Cette première approche d'un développement des métropoles paradoxalement impulsé par le pouvoir central a été progressivement relayée au cours des décennies suivantes, à mesure que se renforçait l'urbanisation du pays et que se mettait en place la décentralisation, par un mouvement provenant plus spontanément de la base et dépassant très largement le périmètre des huit « métropoles d'équilibre » historiques.

Aujourd'hui, les analyses menées par la DATAR dans le cadre de son exercice de prospective « Territoires 2040 », identifient sept systèmes spatiaux structurant le territoire national 1 ( * ) . Les deux premiers d'entre eux présentent un caractère métropolitain.

Le premier système, qualifié d'« urbain-métropolisé français dans la mondialisation » est celui « par lequel la France prend place dans le monde et en Europe. Pour l'essentiel, c'est le rôle des grandes villes, dans leurs capacités d'accès coordonné et complémentaire aux espaces économiques hors France. L'idée que ces grandes agglomérations de connexion à l'Europe et au monde fonctionnent en réseau autour de Paris, et à partir de la capitale, est à la fois une réalité quotidiennement vérifiée et un objectif permanent de l'aménagement du territoire.

« Autant il est clair que Paris est la porte mondiale de la France et que les grandes agglomérations françaises sont toutes en lien étroit avec ce centre, autant il reste difficile de mesurer l'effectivité des relations des grandes agglomérations entre elles, hors Paris. La métropole-réseau, c'est d'abord l'étoile de la capitale et des agglomérations qui dessinent le pourtour du pays.

Cependant, la montée en puissance de rayonnement de ces grandes agglomérations françaises les autonomise sans doute de façon croissante à l'égard de Paris quant à leur accès au monde et à l'Europe : Lyon, Lille, Marseille sont assurément dans ce cas. Si cette logique se confirme, la métropole-réseau deviendrait alors l'archipel métropolitain, avec ses « plaques métropolitaines internationales » dont ferait partie chaque métropole française en fonction de la « petite Europe » vers laquelle elle se tourne. »

Ce réseau des métropoles françaises doit prendre place dans les réseaux métropolitains mondiaux, et d'abord européens. La question se pose alors de savoir si les métropoles se trouvent surtout dans des relations de coopération, ou plutôt dans des relations de concurrence.

Le deuxième système spatial, dénommé « systèmes métropolitains intégrés », distingue deux types de configuration métropolitaine :

« Certaines agglomérations métropolitaines (Bordeaux, Toulouse) poursuivent leur croissance sur le mode de l'aire centrée, avec ses radiales, ses périphériques, son polycentrisme de relais. Sans rivale métropolitaine à plus de 100 km à la ronde, elles tendent à constituer de véritables villes-régions, qui prolongent l'histoire millénaire des relations villes-campagnes, et leurs posent désormais le défi de la soutenabilité.

« D'autres agglomérations métropolitaines, parce qu'elles sont plus proches les unes des autres, ou parce qu'elles côtoient de grosses villes moyennes, tendent plutôt à poursuivre leur promotion métropolitaine sur le mode de la grappe, ou d'alliances de villes, en fonction de l'intensité des liens interurbains que les ménages et les entreprises imposent de fait.

« Lorsque la densité est importante, on rejoint la situation des conurbations de l'Europe rhénane (Eurorégion lilloise), mais ailleurs la discontinuité ne doit pas masquer l'effectivité de vastes métropoles élargies, plus ou moins polycentriques (Région urbaine de Lyon, Métropole de la Côte d'Azur), linéaires (Sillon alpin, sillon lorrain), ou en émergence (Nantes-Rennes). »

Poursuivant son analyse, la DATAR souligne que les métropoles élargies, en aires ou en grappes, « sont très exposées aux grands facteurs d'évolution mondiale, et dans l'obligation de construire leurs propres dispositifs d'anticipation et de pilotage stratégique, tout en cultivant leur cohésion sociale et leur capacité de gouvernance territoriale ».

Pour mémoire, à côté de ces deux systèmes métropolitains, les cinq autres systèmes spatiaux identifiés par la DATAR sont « les portes d'entrée de la France dans les systèmes territoriaux des flux », « les espaces de la dynamique industrielle », « les villes intermédiaires et leurs espaces de proximité », « les espaces de développement résidentiel et touristique », et « les espaces de faible densité ».

Votre rapporteur pour avis apprécie la rigueur analytique de la DATAR. Toutefois, au-delà de ce découpage en systèmes spatiaux qui aide à comprendre l'organisation du territoire national, il tient à souligner le caractère unitaire et continu de ce dernier. De fait, il ne faut pas oublier que les métropoles fonctionnent également en réseau avec les villes moyennes, et aussi en relation avec les espaces ruraux interstitiels.

3. Des performances économiques équivoques

Dans une logique de concurrence et de mondialisation, qui semble notamment être celle de la Commission européenne, les métropoles apparaissent comme les principaux vecteurs d'efficacité économique et de compétitivité d'un pays.

Néanmoins, regardée de plus près, la performance économique des métropoles apparaît équivoque : si elles excellent effectivement à produire ou capter la richesse, elles semblent moins performantes pour traduire cette richesse en un véritable développement pour l'ensemble de leurs habitants.

Telle est, du moins, l'analyse d'un spécialiste des politiques d'aménagement du territoire tel que Laurent Davezies. Dans son dernier ouvrage 2 ( * ) , celui-ci constate : « Alors que les métropoles auraient dû être, plus que jamais, les locomotives de l'économie française, elles n'ont connu que des performances médiocres. Si, au lieu de se focaliser sur la croissance et la valeur ajoutée, on prend en considération d'autres indicateurs (solde migratoire, revenu, emploi, pauvreté), on s'aperçoit que le groupe constitué par Paris, Lyon, Lille et Marseille, soit les quatre plus grandes aires urbaines du pays, ne se porte par si bien que cela. La première des quatre France, la France « marchande dynamique », celle des métropoles, a certes d'excellents résultats économiques, mais pas sur le plan démographique et social. Colosse aux pieds d'argile ? »

C'est pour cette raison que l'un des buts du présent projet de loi est de redynamiser les métropoles. Pas tant en renforçant leurs capacités de production de richesses, qu'en leur donnant les moyens, par des compétences et une gouvernance adaptées, de faire bénéficier leurs populations d'un développement véritable et également réparti.

4. Une absence d'homogénéité des structures administratives métropolitaines

Dans le cadre de son exercice de prospective « Territoires 2040 », la DATAR s'est notamment penchée sur les systèmes de gouvernance métropolitains et leur environnement institutionnel. Deux des contributeurs à sa réflexion, Gilles Pinson et Max Rousseau 3 ( * ) , estiment que « les grandes agglomérations ont gagné en autonomie fiscale, en capacité d'action et en expertise. Les institutions intercommunales ont aujourd'hui la main sur l'essentiel des politiques urbaines et ont la capacité d'investir des champs d'action sur lesquels la législation ne leur reconnaît pas de légitimité à agir. Derrière les discours sur la décentralisation ou la régionalisation, la vraie révolution intervenue dans l'organisation territoriale de la France depuis plus de vingt ans, c'est la montée en puissance d'un pouvoir urbain et métropolitain ».

Sur le plan institutionnel, les métropoles se caractérisent par une absence d'homogénéité. En dehors des métropoles à statut ad hoc , à savoir Paris, Lyon et Marseille, coexistent des communautés d'agglomérations, des communautés urbaines et une seule métropole « de droit commun », celle de Nice-Côte d'Azur.

II. DEUX OBJECTIFS POUR UN PROJET DE LOI CONSIDÉRABLEMENT REMANIÉ PAR LA COMMISSION DES LOIS

A. UNE VOLONTÉ DE CLARIFIER L'ACTION PUBLIQUE LOCALE ET DE RENFORCER LA COORDINATION ENTRE LES ACTEURS

Nombreux sont les rapports qui appellent à une clarification des rôles des différentes catégories de collectivités et à un renforcement de la coordination de leurs actions.

La philosophie du présent projet de loi diffère de celle retenue par le précédent Gouvernement. La piste d'une spécialisation uniforme des compétences, qui relevait largement d'une utopie, a été écartée. A qui aurait-on confié, par exemple, le développement économique ? Pouvaient y prétendre le bloc communal, au nom de ses compétences d'aménagement de l'espace, les départements, au nom de leur rôle en matière d'insertion professionnelle, comme les régions, responsables de la formation. Et cela sans compter l'extraordinaire diversité des habitudes et des savoir-faire développés dans les territoires... C'est ce principe de réalité qui a justifié le rétablissement de la clause générale de compétence et l'abandon de la recherche d'une spécialisation uniforme des compétences.

L'approche retenue par le Gouvernement a été de confier aux collectivités elles-mêmes la responsabilité de coordonner leurs interventions respectives , au moyen de plusieurs outils : la désignation de collectivités chefs de file, la création des conférences territoriales de l'action publique et la mise en place d'un pacte de gouvernance territoriale.

Les collectivités chefs de file , identifiées à l'article 3 du présent projet de loi, sont chargées d'organiser les modalités de l'action commune de l'ensemble des collectivités dans certains domaines identifiés.

Dans le projet de loi initial, les régions devenaient chefs de file pour l'exercice des compétences relatives au développement économique et à l'organisation des transports, les départements pour l'exercice des compétences relatives à l'action sociale et au développement social, à l'autonomie des personnes, au tourisme, à l'aménagement numérique et à la solidarité des territoires, tandis que le bloc communal se voyait attribuer un chef de filat en matière de qualité de l'air et de mobilité durable.

La commission des Lois a modifié et précisé cette répartition, attribuant aux régions un chef de filat en matière d'aménagement et de développement durable du territoire, de développement économique et touristique, d'innovation et de complémentarité entre les modes de transports. Les départements deviendraient chefs de file pour les compétences relatives à l'action sociale et à la cohésion sociale, à l'autonomie des personnes, à l'aménagement numérique et à la solidarité des territoires, tandis que le bloc communal exercerait cette responsabilité dans les secteurs de l'accès aux services publics de proximité, de l'aménagement de l'espace et du développement local, entendu comme la promotion du commerce de proximité et de l'artisanat. Elle a précisé que les modalités de l'action commune seraient définies par la conférence territoriale de l'action publique.

La création des conférences territoriales de l'action publique, prévue à l'article 4, était également attendue. Les conférences des exécutifs avaient en effet rencontré un succès inégal dans les territoires, relevé par plusieurs rapports du Sénat. Il convenait dès lors d'institutionnaliser davantage ces instances.

Le projet de loi initial crée, dans chaque région, une conférence territoriale de l'action publique composée de deux formations, l'une associant l'Etat et les collectivités, l'autre réservée aux collectivités. Il détaille précisément les missions revenant à chacune d'entre elles, leur composition ainsi que leurs règles de fonctionnement. Il a paru nécessaire à votre rapporteur d'assouplir tant la composition des deux conférences territoriales que leurs missions. Il fallait faire confiance à l'expérience des élus locaux et l'intelligence des territoires, tenir compte aussi de l'hétérogénéité des territoires en donnant de la souplesse, voir faciliter les expérimentations locales.

C'est dans cet état d'esprit que la commission des lois a simplifié l'architecture de ce dispositif. Elle a retenu une composition unique et réduite de la conférence, élargie au(x) représentant(s) de l'Etat lorsque les sujets examinés l'exigent. Elle a opté pour une formulation plus générale de ses missions et un fonctionnement plus souple, en énonçant que la conférence donnerait des avis sur tous les sujets relatifs à l'exercice des compétences et toutes les questions relatives à la coordination ou à la répartition des rôles entre les collectivités territoriales, suivant des modalités qu'elle déterminerait elle-même.

Le pacte de gouvernance prévu par l'article 5 du projet de loi est composé de divers schémas d'organisation sectoriels, dans les domaines dans lesquels des collectivités chefs de file ont été désignées, mais aussi, de façon facultative, dans les autres domaines, qu'il s'agisse de compétences exercées à titre exclusif ou non. Ces schémas déterminent les délégations de compétences consenties entre collectivités, les créations de services communs, ainsi que les conditions de la rationalisation et la coordination des interventions financières des collectivités territoriales.

Ils s'imposent aux collectivités qui les ont approuvées. Celles qui ne refusent de le faire sont soumises à des règles plus strictes s'agissant du recours aux financements croisés. Lorsque les schémas d'organisation obligatoires n'ont pas été débattus au sein de la conférence territoriale de l'action publique dans l'année suivant le renouvellement des conseils généraux, toute délégation de compétence et tout cumul de subventions de la part de la région et d'un département sont interdites dans le champ de compétence concerné.

La commission des lois a supprimé l'ensemble du dispositif prévu à l'article 5, à la satisfaction de beaucoup de sénateurs, dont votre rapporteur. Il fallait là aussi permettre les initiatives des élus de terrain aptes à s'organiser le plus souvent par conventionnements réciproques. Le pacte relevait de pratiques longues et inutiles. Il aurait certainement engendré trop de complications dans l'action locale, en multipliant les réunions et allers-retours, sans parler des délibérations concordantes pour les différents conseils municipaux, communautaires, généraux et régionaux.

B. L'AFFIRMATION DES MÉTROPOLES

Le titre II du projet de loi veut affirmer les métropoles. Il comporte des dispositions spécifiques à l'Île-de-France (chapitre Ier), des dispositions spécifiques à la métropole de Lyon (chapitre II), des dispositions spécifiques à la métropole d'Aix-Marseille-Provence (chapitre III), des dispositions relatives à la métropole « de droit commun » (chapitre IV) et des dispositions diverses relatives à l'intégration métropolitaine et urbaine (chapitre V).

Votre commission a décidé de se saisir pour avis uniquement de l'article 31 qui, en tête du chapitre IV, procède à la restructuration du régime métropolitain , tel qu'il résultait de la loi de 2010.

Dans le texte initial du projet de loi, la métropole était définie comme un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre formant un ensemble de plus de 400 000 habitants, dans une aire urbaine de plus de 500 000 habitants. Ce seuil devait permettre à onze agglomérations d'accéder au statut de métropole : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen, Toulon et Montpellier.

Toutefois, dans le souci de réserver le statut de métropole aux seuls grands pôles urbains à dimension européenne, la commission des lois a relevé les deux critères du seuil de création à 450 000 habitants, dans une aire urbaine de 750 000 habitants. De ce fait, seules les six premières métropoles de l'énumération ci-dessus pourront être créées. La commission des lois a également rendu la création de la métropole facultative, sur une base volontaire.

La métropole bénéficie de transferts facultatifs de compétences départementales et de compétences régionales, par voie de convention. Mais, pour certaines compétences départementales, le transfert intervient de plein droit au 1 er janvier 2017. La commission des lois a préféré supprimer ce transfert automatique , pour lui substituer une obligation de conventionner à la demande de l'un ou l'autre des partenaires.

Parmi les compétences transférées à la métropole par les communes dans le projet de loi initial, les seules nouvelles par rapport au régime de la loi de 2010 étaient la concession de la distribution publique d'électricité, la création et l'entretien des infrastructures de charge nécessaire à l'usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, et la gestion des milieux aquatiques. La commission des lois a précisé cette liste de compétences.

Par ailleurs un ensemble indissociable de cinq compétences de l'Etat peut, à sa demande, être délégué à la métropole : l'attribution des aides à la pierre, la garantie du droit au logement décent, la gestion du contingent préfectoral, le droit de réquisitionner des locaux vacants, la gestion des dispositifs concourant à l'hébergement des personnes sans domicile ou éprouvant des difficultés à se loger en raison de leurs ressources (veille sociale, centres d'hébergement d'urgence, centres d'hébergement et de réinsertion sociale, pensions de familles, etc). La commission a retiré de ce bloc les deux dernières compétences, qui lui ont paru relever de la solidarité nationale.

La métropole peut également, à sa demande, se voir transférer par l'Etat, outre de grands équipements et infrastructures , la compétence relative au logement étudiant .

Enfin, dans le projet de loi initial, la métropole était dotée d'un conseil de territoire . Il s'agissait d'une instance de concertation locale composée de conseillers de la métropole représentant les communes incluses dans son périmètre et présidée par un président élu en leur sein. Le conseil de territoire devait émettre des avis sur les politiques métropolitaines intéressant son périmètre. La commission des lois a supprimé ce conseil de territoire, pour lui préférer la formule d'une conférence des maires de la métropole.

C. LA COORDINATION ENTRE LE SYNDICAT DES TRANSPORTS DE LA RÉGION ILE-DE-FRANCE ET LA SOCIÉTÉ DU GRAND PARIS

L'article 15 du projet de loi résulte d'un mauvais découpage du texte initial en trois projets de loi. Il fait référence à des articles du code des transports qui n'ont pas encore été créés, mais pourraient l'être à l'occasion du troisième projet de loi.

L' article 16 précise que les compétences du STIF en matière d'investissement s'exercent sans préjudice des compétences de la société du Grand Paris .

L' article 17 prévoit une association du STIF à l'élaboration du dossier d'enquête publique, ainsi que des documents préalables à la décision du maître d'ouvrage d'engager les travaux , qu'il s'agisse de la société du Grand Paris ou d'un maître d'ouvrage délégué désigné par elle. Il renforce également le dispositif d'association en amont du STIF au processus de choix des matériels roulants.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. UNE CONVERGENCE DE VUES AVEC LA COMMISSION DES LOIS SUR LA NÉCESSITÉ DE SIMPLIFIER LE TEXTE

Votre commission salue le travail remarquable effectué par la commission des lois pour prévenir l'apparition de toute nouvelle rigidité pour l'action publique locale.

Le projet de loi initial a en effet voulu aller trop loin en réglant trop précisément le fonctionnement et les différentes missions des conférences territoriales de l'action publique . Il introduisait des distinctions et des subtilités dont la pertinence pouvait être mise en doute. Par exemple, la distinction formelle entre deux formations, l'une associant les collectivités et l'Etat, l'autre réservée aux seules collectivités, semblait difficile à comprendre dès lors que le représentant de l'Etat pouvait assister à sa demande aux réunions de la seconde.

La formulation plus générale de ses missions semble également plus adaptée aux missions assignées à ces instances de concertation, qui doivent pouvoir décider d'elles-mêmes des sujets qu'elles ont vocation à traiter.

Enfin, la composition pléthorique prévue par le texte initial était totalement déconnectée des réalités : comment envisager sérieusement que plus d'une centaine de personnes réunies autour d'une table pourrait effectivement prendre des décisions utiles pour améliorer l'action publique territoriale ? Votre commission approuve donc la réduction de sa composition effectuée par la commission des lois.

La suppression du pacte de gouvernance territoriale correspond également à un impératif que le Sénat défend avec vigilance : celui de ne pas introduire de nouvelles rigidités pour l'action publique territoriale.

Ce pacte apparaissait bien, en effet, comme un montage complexe, dont l'utilité par rapport aux schémas existants n'a pas été démontrée. Il laissait augurer la mobilisation, par les élus comme par leur administration, d'un temps conséquent pour l'élaboration, la négociation de ces schémas, ainsi que leur discussion au sein de la conférence territoriale, rajoutant des délais au déploiement des interventions des collectivités.

Enfin, les conséquences prévues en cas de non-adoption des schémas suscitaient de sérieux doutes quant à la constitutionnalité du dispositif vis-à-vis du principe de libre administration des collectivités territoriales.

Votre commission approuve donc pleinement la suppression de ce pacte par la commission des Lois.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DU MONDE RURAL

1. La participation des communes rurales à la conférence territoriale

Conséquence de la division du texte initial en trois projets de loi, votre commission a déploré l'absence totale de prise en compte des préoccupations et des réalités du monde rural . Si la nécessité d'une reconnaissance du fait urbain n'est pas remise en cause, celle-ci ne doit pas se faire indépendamment du monde rural, voire, pire encore, au détriment de ce dernier.

Aussi les membres de votre commission se sont-ils émus de l'absence de représentation du monde rural au sein des conférences territoriales de l'action publique, considérant que la présence d'un représentant par département des communes de moins de 50 000 habitants ne suffit pas à l'assurer. C'est la raison pour laquelle votre commission a adopté un amendement visant à inclure un représentant par département des communes rurales dans la liste des membres de la conférence territoriale . Cette mesure n'aurait qu'une conséquence limitée sur le nombre de membres de ces conférences, puisqu'elle ne l'augmenterait que de deux à huit personnes au maximum, ce dernier cas de figure se présentant dans seulement trois régions (Ile-de-France, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes).

Votre commission a également relevé les vives réactions suscitées par la rédaction initiale de l'article 3, qui confiait au bloc communal un chef de filat pour l'exercice des compétences relatives à la qualité de l'air . Elle est bien entendue très attachée à ce que des mesures soient prises pour améliorer la qualité de l'air. Mais comment les collectivités rurales auraient-elles pu assumer de telles compétences sur leur périmètre ? Elles manquent déjà de moyens pour exercer leurs missions traditionnelles. Il existe en outre, à l'échelle régionale, un schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie.

2. La création des pôles ruraux d'aménagement et de coopération

Alors que les territoires urbains peuvent s'organiser en pôles métropolitains, il est apparu nécessaire à votre commission de donner un signal fort en direction des territoires ruraux .

L'objectif de l'amendement qu'elle a adopté à cet effet est de proposer aux territoires ruraux un outil de développement et d'aménagement qui leur permette de poursuivre les démarches engagées, notamment par les pays, et les dynamiques territoriales existantes.

Il s'agit d'organiser les conditions de poursuite de la contractualisation nationale, régionale et départementale tout en préparant le cadre d'action des futures politiques européennes. Il s'agit également de dégager des outils d'ingénierie au profit des territoires ruraux en leur offrant un support d'action qui facilite la mutualisation des moyens, l'émergence des projets et l'animation territoriale en vue d'une égalité des territoires.

Il s'agit enfin de permettre à la ruralité de vivre au sein d'espaces de projets modernes et innovants notamment grâce à la participation des acteurs locaux, dont les habitants, et de faciliter la solidarité entre les territoires ruraux et urbains pour améliorer la cohésion territoriale.

Le pôle rural d'aménagement et de coopération propose à l'échelle infra départementale et infra régionale, un espace d'élaboration d'un projet de territoire, un espace de concertation entre les élus et la société civile, un espace de coordination des actions des établissements publics de coopération intercommunale, un espace de coordination des politiques publiques nationales et régionales, un espace de soutien aux projets grâce à une ingénierie adaptée et un espace de contractualisation privilégié pour les territoires ruraux.

Il en découlera une simplification et une convergence du paysage des territoires de projet et de contractualisation ainsi qu'une plus grande efficacité dans la territorialisation des politiques publiques qui pourront plus facilement se coordonner sur un territoire. La lisibilité de l'action publique et la mutualisation des moyens en seront renforcées.

Au total, le monde rural pourra ainsi lui aussi bénéficier de la même dynamique que celle qui est proposée par le projet de loi pour les espaces métropolitains.

C. UNE MESURE CONSENSUELLE ET ATTENDUE DE LONGUE DATE : LA DÉPÉNALISATION DU STATIONNEMENT

Afin de moderniser le régime d'exercice des compétences des autorités compétentes en matière de transports urbains, votre commission a adopté deux amendements visant à créer deux articles additionnels après l'article 3.

Ils proposent la dépénalisation du stationnement et sa transformation en service public décentralisé . Ils visent également à faciliter l'harmonisation des politiques de stationnement dans le périmètre des autorités compétentes en matière de transport urbain.

L'adoption de ces amendements lèverait ainsi plusieurs obstacles à la mise en place de politiques ambitieuses de mobilité durable , répondant à une demande exprimée de longue date par nombre d'élus locaux, de tous bords politiques confondus.

Le caractère pénal de la sanction prévue en cas de défaut de paiement de la redevance de stationnement entraîne plusieurs conséquences négatives, notamment relevées par le rapport de Louis Nègre sur la dépénalisation et la décentralisation du stationnement payant de novembre 2011, ou celui de Christian Philip sur le financement des déplacements urbains de 2003.

Tout d'abord, il implique un montant de l'amende uniforme sur l'ensemble du territoire, aujourd'hui à hauteur de 17 euros pour l'amende forfaitaire de première classe. Or, la diversité des barèmes des tarifs de stationnement en France rend ce montant peu dissuasif dans certains territoires, comme les grandes villes où les tarifs de stationnement sont élevés, alors qu'il peut paraître excessif dans certaines petites communes . D'après le rapport des inspections générales de juin 2005 sur l'évolution du stationnement payant 4 ( * ) , le taux de paiement spontané des redevances de stationnement est de 35 % en moyenne. Il est encore plus faible à Paris.

Ensuite, le défaut ou l'insuffisance de paiement ne peuvent être sanctionnés que par des agents de la police nationale ou municipale assermentés à cet effet . Or, leur nombre, leurs moyens, mais aussi les missions qu'ils assument par ailleurs - de façon prioritaire, à juste titre - comme la préservation de la sécurité des citoyens, ne leur permettent pas de mener cette tâche de façon satisfaisante. Il en résulte un sentiment d'impunité pour nombre de conducteurs. D'après le rapport des inspections générales de juin 2005 sur l'évolution du stationnement payant, à Paris, les agents dressent en moyenne 23 procès-verbaux par place et par an, ce qui représente un procès-verbal par place tous les dix jours environ. En 2007, les services de l'Etat étaient à l'origine d'environ 62 % des amendes, et les polices municipales 38 % 5 ( * ) .

Le circuit de recouvrement des amendes , organisé par l'Etat, est de plus très coûteux et complexe , comme l'a démontré la Cour des comptes dans son rapport public annuel de février 2010, qui évoque un coût de gestion de 25 euros par amende. La Cour explique également que les recettes de ces amendes sont reversées aux collectivités territoriales au prorata des infractions constatées mais non nécessairement payées, ce qui entraîne des « effets pernicieux » .

Outre ces dysfonctionnements liés au caractère pénal du dispositif, les autorités organisatrices de transport rencontrent de réelles difficultés à mettre en oeuvre des politiques harmonisées de tarification du stationnement .

En effet, en vertu de l'article L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales , c'est le maire qui détermine les voies soumises à stationnement payant. Cet article dispose en effet que « le maire peut, moyennant le paiement de droits fixés par un tarif dûment établi, donner des permis de stationnement ou de dépôt temporaire sur la voie publique et autres lieux publics, sous réserve que cette autorisation n'entraîne aucune gêne pour la circulation et la liberté du commerce. »

C'est en revanche le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI ou du syndicat mixte compétents pour l'organisation des transports urbains qui établit la redevance de stationnement, lorsqu'il y est autorisé par ses statuts, en vertu de l'article L. 2333-87 . Cette redevance doit être compatible avec les dispositions du plan de déplacements urbains s'il existe.

Cet article prévoit néanmoins que lorsque le domaine public concerné relève d'une autre collectivité, l'avis conforme de cette dernière est requis hors agglomération. Ce dispositif peut engendrer de fortes disparités au sein des territoires entre des communes proches et appartenant pourtant au même EPCI ou syndicat mixte.

C'est dans le but de remédier à ces difficultés que votre commission a décidé de proposer un dispositif, qui fait l'objet du premier amendement, souhaité de longue date par nombre d'élus locaux, toutes tendances confondues. Le second amendement vise à préserver le niveau de recettes du STIF, qui serait affecté par la disparition des amendes de stationnement.

Le dispositif de l'amendement adopté par votre commission

Au 1° du A, cet amendement précise, à l'article L. 2213-6 du CGCT , que les modalités de la tarification et la gestion matérielle du stationnement des véhicules sur la voie publique sont régies par l'article L. 2333-87, afin de clarifier la répartition des rôles entre le maire, d'une part, et l'organe délibérant de la collectivité compétente en matière de transports urbains, d'autre part.

Au 4° du A , il modifie l'article L. 2333-87 du CGCT . Il précise que l'établissement de la redevance de stationnement par le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'EPCI ou du syndicat mixte compétent s'exerce sans préjudice des pouvoirs dont dispose le maire en vertu de l'article L. 2213-2 du CGCT, notamment celui de réglementer l'arrêt et le stationnement des véhicules ou de certaines catégories d'entre eux, ainsi que la desserte des immeubles riverains, ou de réserver sur la voie publique ou dans tout autre lieu de stationnement ouvert au public des emplacements de stationnement aménagés aux véhicules utilisés par les personnes titulaires de la carte de stationnement prévue à l'article L. 241-3-2 du code de l'action sociale et des familles et aux véhicules bénéficiant du label « autopartage » tel que défini par décret.

Il remplace l'avis conforme des collectivités incluses dans le périmètre de compétence de l'autorité compétente en matière de transports urbains par un avis simple, en précisant qu'il est réputé favorable si la collectivité ne s'est pas prononcée dans un délai d'un mois.

Il indique que la délibération établit :

- le barème tarifaire de la redevance pour service rendu applicable à chaque zone de stationnement réglée spontanément par l'usager dès le début du stationnement ;

- le tarif du forfait de post-stationnement applicable en cas d'absence ou d'insuffisance de paiement spontané de la redevance .

Le tarif de la redevance de stationnement est déterminé en vue de favoriser la fluidité de la circulation, la rotation du stationnement des véhicules sur voirie et l'utilisation des moyens de transports collectifs ou respectueux de l'environnement. Il peut être modulé en fonction de la durée du stationnement, de la surface occupée par le véhicule ou de sa contribution à la pollution atmosphérique. Il peut instaurer une tranche gratuite pour une durée déterminée, de même qu'une tarification spécifique pour certaines catégories d'usagers, notamment les résidents, comme cela est déjà prévu aujourd'hui.

L'établissement du barème tarifaire tient compte des coûts d'installation, de maintenance et de renouvellement des équipements nécessaires à la collecte du produit de la redevance de stationnement par la commune, le groupement de communes, l'établissement public de coopération intercommunale, le syndicat mixte ou le tiers contractant désigné pour exercer ces missions . Il tient également compte des coûts relatifs à la mise en oeuvre du forfait de post-stationnement.

Le tarif du forfait de post-stationnement ne peut excéder le montant maximal de la redevance de stationnement due pour une journée ou une durée plus courte selon les dispositions du barème en vigueur dans la zone considérée. Le montant du forfait de post-stationnement dû par l'usager, déduction faite le cas échéant du montant de la redevance de stationnement spontanément réglée, est notifié à l'usager par un avis de paiement apposé sur son véhicule par un agent de la commune, du groupement de communes, de l'établissement public de coopération intercommunale, du syndicat mixte ou du tiers contractant désigné pour exercer cette mission. Les informations portées sur l'avis de paiement du forfait de post-stationnement sont réputées exactes jusqu'à preuve du contraire.

Le produit issu des redevances de post-stationnement finance les opérations destinées à améliorer les transports en commun ou respectueux de l'environnement et la circulation.

Les modalités d'application de l'article sont déterminées par décret en Conseil d'Etat.

Le 3° du A inclut le produit de la redevance de stationnement dans la liste des recettes non fiscales de la section de fonctionnement des communes.

Le B précise, à l'article 261 D du code général des impôts, que le stationnement des véhicules soumis à TVA inclut le stationnement sur et hors voirie.

L'article L. 411-1 du code de la route cite et reprend le contenu intégral des articles L. 2213-1 à L. 2213-6 du code général des collectivités territoriales. Le C de l'amendement préserve les références à ces articles mais supprime leur contenu, qu'il n'est pas nécessaire de reproduire.

Enfin, le D précise que cet article entre en vigueur à compter du premier jour du dix-huitième mois suivant la promulgation de la loi.

Votre commission a adopté ces deux amendements à l'unanimité.

D. UNE COORDINATION UTILE POUR L'ORGANISATION DES TRANSPORTS EN ILE-DE-FRANCE

A l'origine, le projet de réseau de transport public du Grand Paris a été conçu de façon très indépendante, voire déconnectée, du réseau francilien existant géré par le syndicat des transports d'Île-de-France , autorité organisatrice des transports unique constituée des collectivités territoriales de la région.

La loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris a créé un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial, la société du Grand Paris, responsable de la maîtrise d'ouvrage des travaux requis pour la réalisation de ce projet. Cependant, la loi est quasiment muette sur les interactions entre ce nouvel établissement public et le STIF.

Or, si les matériels roulants sont commandés par la société du Grand Paris, ils reviennent, dès leur réception par cette dernière, à la pleine propriété du STIF, contre rémunération. Par ailleurs, même si le STIF ne devient pas le propriétaire des infrastructures, il reste le responsable des conditions de leur exploitation, en termes de sécurité notamment. Il doit ainsi pouvoir s'exprimer sur le choix des infrastructures.

Il était dès lors nécessaire de compléter ce dispositif, à l'instar de ce qui existe déjà pour la coordination entre le STIF et Réseau ferré de France ou la Régie autonome des transports parisiens. Les précisions apportées par les articles 16 et 17 procèdent donc à un « retour à la normale » bienvenu pour l'organisation des transports publics en région Île-de-France. Il a recueilli l'approbation des deux entités concernées entendues par votre rapporteur.

Des craintes ont pu être exprimées sur le risque d'un allongement des délais de réalisation, voire un risque de blocage, des différentes étapes , alors que le calendrier de réalisation du réseau est déjà très serré. Votre rapporteur est convaincu de la bonne volonté des deux parties d'aboutir. Il considère en outre qu'une association en amont du STIF doit permettre, au contraire, de repérer au plus tôt les éventuelles sources de blocage et donc d'y remédier plus aisément.

Votre commission a dès lors émis un avis favorable à l'adoption des articles 16 et 17 sans modification.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 3 (article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales) - Désignation des collectivités chefs de file

Objet : cet article établit des collectivités chefs de file, chargées d'organiser les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics pour l'exercice de certaines compétences.

I. Le droit en vigueur

La révision constitutionnelle de 2003 a introduit, à l'article 72 de la Constitution, la disposition selon laquelle « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. Cependant, lorsque l'exercice d'une compétence nécessite le concours de plusieurs collectivités territoriales, la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou un de leurs groupements à organiser les modalités de leur action commune . »

Dans sa décision n° 2008-567 DC du 24 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat, le Conseil constitutionnel a précisé la portée de cette mesure, en indiquant que cette disposition autorisait la collectivité concernée, généralement appelée collectivité chef de file, à « organiser » les modalités de l'action commune mais non à les « déterminer ». Loin de se substituer aux autres collectivités, la collectivité chef de file a pour rôle de coordonner leurs interventions.

Il s'agit, dans les faits, de tirer les conséquences de la multiplication des interventions des collectivités dans certains domaines, qu'explique notamment l'impossibilité de réserver l'exercice de certaines compétences à une seule catégorie de collectivités. La compétence de développement économique, par exemple, est liée aux politiques d'aménagement de l'espace menées par le bloc communal, aux politiques d'insertion mises en oeuvre par les départements, et aux politiques de formation dont la responsabilité revient aux régions. Il est donc légitime que l'ensemble de ces collectivités jouent un rôle dans ce domaine. Ainsi, l'aide au développement économique a été « considérée [par le législateur de 1982] plus que toute autre, comme une compétence inhérente à la légitimité de chaque collectivité de maîtriser le développement de son territoire », comme l'a constaté la Cour des comptes dans son rapport de 2007 sur « Les aides des collectivités territoriales au développement économique », auquel renvoie le rapport de MM. Fichet et Mazars sur les collectivités territoriales et le développement économique 6 ( * ) , réalisé au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Cette multiplication des acteurs n'est toutefois pas sans inconvénients pour l'action publique, puisqu'elle exige des efforts de coordination conséquents afin de garantir la cohérence des différentes interventions et de renforcer leur efficacité. Il revient au chef de file d'organiser cette nécessaire coordination.

La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a utilisé cette possibilité dans deux domaines, le développement économique et l'action sociale .

L'article L. 1511-1 du code général des collectivités territoriales énonce ainsi que « la région coordonne sur son territoire les actions de développement économique des collectivités territoriales et de leurs groupements, sous réserve des missions incombant à l'Etat » , tandis que l'article L. 121-1 du code de l'action sociale dispose que « le département définit et met en oeuvre la politique d'action sociale, en tenant compte des compétences confiées par la loi à l'Etat, aux autres collectivités territoriales ainsi qu'aux organismes de sécurité sociale. Il coordonne les actions menées sur son territoire qui y concourent ». Dans ce domaine, outre les départements, le bloc communal conduit un certain nombre d'actions, au moyen des centres communaux ou intercommunaux d'action sociale (L. 123-4 et suivants du code de l'action sociale), des établissements à caractère social ou médico-social (centres d'accueil des enfants, foyers destinés aux personnes âgées...), des missions locales, des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (PLIE) et des maisons de l'emploi... Les régions interviennent également, notamment financièrement. C'est la raison pour laquelle il avait été jugé utile de désigner une collectivité responsable de la coordination des collectivités.

II. Les dispositions du projet de loi

L'article 3 du projet de loi propose une nouvelle rédaction de l' article L. 1111-9 du code général des collectivités territoriales.

Cet article, issu de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, permettait à la région et aux départements de conclure un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services. Il faisait également référence à la conférence des exécutifs, introduite par la loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. La nouvelle rédaction de l'article L. 1111-9 en entraîne de fait la suppression.

Le nouvel article L. 1111-9 propose de déterminer des collectivités chefs de file dans des domaines de compétences particuliers . Chaque chef de file est chargé d'organiser, en cette qualité, « les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs établissements publics » pour l'exercice des compétences concernées. A part l'apparition du terme de « chef de file », cette formulation reprend les termes de l'article 72 de la Constitution.

Le I dispose que la région est chef de file pour l'exercice des compétences relatives au développement économique et à l' organisation des transports.

Le II prévoit que le département est chef de file pour l'exercice des compétences relatives à l' action sociale et au développement social , à l' autonomie des personnes , au tourisme , à l' aménagement numérique et à la solidarité des territoires .

Enfin, le III énonce que la commune , ou l' EPCI à fiscalité propre auquel elle a transféré ses compétences , est chef de file pour l'exercice des compétences relatives à la qualité de l'air et à la mobilité durable .

III. Les modifications apportées par la commission des lois

Pour les régions, la commission des lois a ajouté l'aménagement et le développement durable des territoires, le développement touristique et l'innovation à la liste des compétences pour lesquelles la région est chef de file. Elle a par ailleurs remplacé le terme d' « organisation des transports » par celui de « complémentarité entre les modes de transport » .

Ainsi, les régions auraient la qualité de chef de file pour l'exercice des compétences relatives à l'aménagement et au développement durable du territoire, aux développements économique et touristique, à l'innovation et à la complémentarité entre les modes de transports.

Pour les départements, elle a reformulé la référence à l'action sociale, en remplaçant les termes d' « action sociale et de cohésion sociale » par ceux d' « action sociale et de développement social » . Par coordination, elle a supprimé la référence au tourisme, dont elle a confié le chef de filât aux régions.

Les départements seraient donc chefs de file pour l'exercice des compétences relatives à l'action sociale et à la cohésion sociale, à l'autonomie des personnes, à l'aménagement numérique et à la solidarité des territoires.

Pour le bloc communal , elle a supprimé la responsabilité de chef de en matière de « qualité de l'air » et de « mobilité durable », mais leur a attribué ce rôle pour l'accès aux services publics de proximité, le développement local, entendu comme la promotion de l'artisanat et du commerce de proximité et l'aménagement de l'espace.

Enfin, elle a complété l'article par un paragraphe IV, qui précise que les modalités de l'action commune des collectivités dans ces domaines de compétences sont définies par la conférence territoriale de l'action publique créée à l'article 4.

IV. La position de votre commission

Votre commission salue les modifications apportées par la commission des lois.

Pour les régions, il semblait effectivement légitime et nécessaire de rajouter l'aménagement et le développement durable du territoire . Les régions jouent en effet déjà un rôle majeur en ce sens. Elles sont par exemple chargées de l'élaboration du schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire, anciennement appelé schéma régional d'aménagement et de développement du territoire 7 ( * ) , en y associant les autres collectivités. Si la portée de ce schéma est inégale selon les territoires, il a contribué au développement d'une expertise et d'un savoir-faire des régions en matière d'aménagement du territoire.

Le schéma régional d'aménagement et de développement durable du territoire (SRADDT)

Créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, le SRADDT fixe les orientations fondamentales, à moyen terme, du développement durable du territoire régional. Il définit notamment les principaux objectifs relatifs à la localisation des grands équipements, des infrastructures et des services d'intérêt général qui doivent concourir au sein de la région au maintien d'une activité de service public dans les zones en difficulté ainsi qu'aux projets économiques porteurs d'investissements et d'emplois, au développement harmonieux des territoires urbains, périurbains et ruraux, à la réhabilitation des territoires dégradés et à la protection et la mise en valeur de l'environnement, des sites, des paysages et du patrimoine naturels et urbains en prenant en compte les dimensions interrégionale et transfrontalière.

Il est élaboré et approuvé par le conseil régional après avis des conseils généraux des départements concernés et du conseil économique, social et environnemental régional (CESER). Les départements, les agglomérations, les pays, les parcs naturels régionaux et les communes chefs-lieux de département ou d'arrondissement, les communes de plus de 20 000 habitants et les groupements de communes compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme, ainsi que les représentants des activités économiques et sociales, dont les organismes consulaires, sont associés à son élaboration.

Avant son adoption motivée par le conseil régional, le projet de schéma régional, assorti des avis des conseils généraux des départements concernés et de celui du CESER ainsi que des observations formulées par les personnes associées à son élaboration, est mis, pour consultation, à la disposition du public pendant deux mois.

Par ailleurs, dans le domaine du développement durable, les régions élaborent, conjointement avec l'Etat, le projet de schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie , après consultation des collectivités territoriales concernées et de leurs groupements.

Le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie
(article L. 222-1 du code de l'environnement)

Ce schéma fixe, à l'échelon du territoire régional et à l'horizon 2020 et 2050 :

1° Les orientations permettant d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y adapter, conformément à l'engagement pris par la France, à l'article 2 de la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, de diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050, et conformément aux engagements pris dans le cadre européen. A ce titre, il définit notamment les objectifs régionaux en matière de maîtrise de l'énergie ;

2° Les orientations permettant, pour atteindre les normes de qualité de l'air mentionnées à l'article L. 221-1, de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets. A ce titre, il définit des normes de qualité de l'air propres à certaines zones lorsque les nécessités de leur protection le justifient ;

3° Par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération et en matière de mise en oeuvre de techniques performantes d'efficacité énergétique telles que les unités de cogénération, notamment alimentées à partir de biomasse, conformément aux objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat. A ce titre, le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie vaut schéma régional des énergies renouvelables au sens du III de l'article 19 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement. Un schéma régional éolien qui constitue un volet annexé à ce document définit, en cohérence avec les objectifs issus de la législation européenne relative à l'énergie et au climat, les parties du territoire favorables au développement de l'énergie éolienne.

A ces fins, le projet de schéma s'appuie sur un inventaire des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre, un bilan énergétique, une évaluation du potentiel énergétique, renouvelable et de récupération, une évaluation des améliorations possibles en matière d'efficacité énergétique ainsi que sur une évaluation de la qualité de l'air et de ses effets sur la santé publique et l'environnement menés à l'échelon de la région et prenant en compte les aspects économiques ainsi que sociaux.

La région élabore également, conjointement avec l'Etat, un schéma régional de cohérence écologique , en association avec le comité régional « trames verte et bleue » créé dans chaque région qui comprend des représentants des collectivités territoriales concernées et de leurs groupements. Ce schéma, prévu à l'article L. 371-3 du code de l'environnement, est destiné à préserver les espaces naturels et la biodiversité.

La confirmation de leur rôle en matière de développement économique et d'innovation va également de soi. S'agissant du tourisme, un débat a eu lieu en commission sur cette nouvelle répartition. Votre rapporteur y est favorable, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, la promotion des richesses culturelles et naturelles de nos territoires se fait aujourd'hui, pour une large part, à l'échelon régional. Ensuite, cette compétence n'est pas sans lien avec celle du développement économique. Enfin, l'octroi du chef de filât aux régions n'a aucunement pour objet de déposséder les départements de cette compétence, mais simplement de coordonner leurs interventions.

Votre commission approuve également la nouvelle rédaction de la référence aux transports. Elle reprend les termes employés pour définir l'objet du schéma régional des infrastructures de transport (SRIT), qui constitue le volet « transports » du SRADDT. Il est élaboré par la région, en association avec l'Etat, dans le respect des compétences des départements, et en concertation avec les communes ainsi que leurs groupements. L'article L. 1213-3 du code des transports indique qu'il a « pour objectif prioritaire de rendre plus efficace l'utilisation des réseaux et des équipements existants et de favoriser la complémentarité entre les modes de transport ainsi que la coopération entre les opérateurs, en prévoyant la réalisation d'infrastructures nouvelles lorsqu'elles sont nécessaires. Il détermine, selon une approche intégrant les différents modes de transport et leur combinaison, les objectifs des services de transport offerts aux usagers, les modalités de leur mise en oeuvre ainsi que les critères de sélection des actions qu'il préconise. »

Pour les départements , le rôle de chef de file en matière d'action sociale allait de soi. S'agissant de la solidarité des territoires, ce choix semble judicieux dans la mesure où le département est certainement le plus à même de prendre en compte les problématiques spécifiques des espaces interstitiels et ruraux, au-delà du champ des intercommunalités les plus importantes . Votre commission n'a pas non plus remis en cause le choix de leur confier le rôle de chef de file en matière d'aménagement numérique.

Pour le bloc communal , votre commission se félicite de la suppression des références à la qualité de l'air et à la mobilité durable, qui avaient suscité, à juste titre, de vives réactions. Si les intercommunalités les plus importantes jouent un rôle fondamental dans ce domaine, il en est autrement des petites communes rurales. Il existe par ailleurs déjà un schéma du climat, de l'air et de l'énergie au niveau régional. S'agissant de la mobilité durable, son articulation avec le chef de filât des régions ainsi qu'avec les responsabilités propres des autorités organisatrices des transports paraissaient peu claires.

Votre commission est donc satisfaite de l'attribution au bloc communal, qui inclut les communes mais aussi les EPCI à fiscalité propre, de la responsabilité de chef de file pour les compétences relatives à l'accès aux services publics de proximité, au développement local et à l'aménagement de l'espace.

La définition des modalités de l'action commune des collectivités au sein de la conférence territoriale lui apparaît, enfin, logique compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Votre commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification, tel qu'il résulte du texte de la commission des lois.

Article 4 (article L. 1111-9-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Conférence territoriale de l'action publique

Objet : cet article met en place, dans chaque région, une conférence territoriale de l'action publique, afin de favoriser la coordination des politiques publiques territoriales.

I. Le droit en vigueur

La loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a instauré la conférence des exécutifs , instance de concertation entre la région et les départements chargée d'étudier et débattre de tous sujets concernant l'exercice de compétences pour lesquelles une concertation est prévue par la loi et de tous domaines nécessitant une harmonisation entre les deux niveaux de collectivités. Leur création s'inspirait des instances de concertation informelles mises en place dans certains territoires.

Sa composition a été élargie à l'occasion de la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 . Outre le président du conseil régional et les présidents des conseils généraux, les présidents des communautés urbaines et les présidents des communautés d'agglomération, elle inclut désormais les présidents des conseils de métropoles ainsi qu'un représentant par département des communautés de communes. Elle se réunit à l'initiative du président du conseil régional au moins une fois par an.

Plusieurs rapports du Sénat ont relevé le succès inégal de ce dispositif. Comme le mentionnait le rapport « Faire confiance à l'intelligence territoriale » d'Yves Krattinger et Jacqueline Gourault 8 ( * ) , certains territoires en ont tiré un profit évident. L' « exemple réussi » du « Breizh 15 » ou « B 15 » mis en place en Bretagne, et désormais élargi à seize collectivités, est, par exemple, souvent cité. Le rapport réalisé par Jacqueline Gourault et Didier Guillaume sur le dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales 9 ( * ) est parvenu à la même conclusion.

Mais il est des territoires où les collectivités n'ont pas perçu l'intérêt d'un tel dispositif ou réussi à s'entendre pour le faire vivre. C'est la raison pour laquelle ces deux rapports ont proposé de les institutionnaliser davantage.

II. Les dispositions du projet de loi

Les dispositions relatives aux conférences des exécutifs sont supprimées par l'article 3 du projet de loi.

L'article 4 introduit un nouvel article dans le code général des collectivités territoriales, l'article L. 1111-9-1. Il met en place, dans chaque région, une conférence territoriale de l'action publique (CTAP) , constituée de deux formations :

- la première associant l'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que les EPCI à fiscalité propre ;

- la seconde composée uniquement des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre.

Le paragraphe II de l'article indique que la formation associant l'Etat et les collectivités territoriales :

Peut émettre un avis sur les schémas régionaux ou départementaux régissant l'exercice des compétences des collectivités territoriales , lorsque ces schémas sont soumis à approbation par l'État ;

Émet un avis sur la candidature de toute collectivité à l'exercice, dans le cadre d'une délégation de compétence , de certaines compétences dévolues à une collectivité territoriale relevant d'une autre catégorie ou de compétences relevant de l'État. Cet avis est transmis au ministre chargé des collectivités territoriales, par le préfet de région, avec ses observations ;

Peut être consultée par la commission consultative sur l'évaluation des charges sur les conditions des transferts de compétence entre l'État et les collectivités territoriales ;

Débat de toute question relative à la coordination entre collectivités territoriales appartenant à des catégories différentes et entre des collectivités territoriales et l'État ;

Fournit au Haut conseil des territoires, sur demande de celui-ci, des analyses des politiques publiques locales.

Elle propose également la transmission au Haut Conseil des territoires , par le préfet de région, des saisines que tout élu peut formuler.

Pour la seconde formation, le paragraphe III prévoit que celle-ci :

Concourt à l'élaboration du pacte de gouvernance territoriale prévu à l'article L. 1111-9-2 (article 5 du projet de loi) ;

Peut émettre un avis sur les schémas régionaux ou départementaux régissant l'exercice des compétences des collectivités territoriales , lorsque ces schémas ne sont pas soumis à approbation par l'État .

Lorsqu'elle est saisie pour avis, la conférence territoriale de l'action publique dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer. A défaut de délibération dans ce délai, l'avis est réputé émis.

La composition de la conférence territoriale de l'action publique est déterminée au paragraphe V. Elle comprend :

- le président du conseil régional ;

- les présidents des conseils généraux ;

- les présidents des organes délibérants des EPCI à fiscalité propre de plus de 50 000 habitants ;

- un représentant par département des communautés de communes de moins de 50 000 habitants, élu par les présidents des organes délibérants en leur sein ;

- les maires des communes de plus de 50 000 habitants ;

- les maires des communes chefs-lieux des départements lorsque leur population est inférieure à 50 000 habitants ;

- trois représentants des maires de communes de moins de 50 000 habitants pour chaque département ;

- dans sa formation associant l'Etat et les collectivités territoriales, le préfet de région ainsi que les préfets de département. Le préfet de région peut toutefois assister, à sa demande, aux réunions de la formation constituée des collectivités territoriales uniquement.

Cette composition fait l'objet d'adaptations pour les territoires d'outre-mer.

La conférence peut associer à ses travaux des organismes ne figurant pas dans cette liste. Elle peut solliciter l'avis du conseil économique, social, et environnemental régional (CESER) , celui des services de l'Etat désignés par le préfet de région, et avec son accord, l'avis des établissements publics de l'Etat .

Sa présidence revient au préfet de région et au président du conseil régional , lorsqu'il s'agit de la première formation, et au président du conseil régional seul, dans le second cas. Le(s) président(s) fixe(nt) l'ordre du jour des réunions. Chaque membre peut y proposer l'inscription des points complémentaires relevant de sa compétence. Le préfet de région est destinataire de l'ordre du jour de la formation de la conférence réservée aux collectivités.

III. Les modifications apportées par la commission des lois

La commission des lois a complètement revu la rédaction de cet article. Il prévoit désormais que la conférence territoriale de l'action publique donne des avis sur tous les sujets relatifs à l'exercice des compétences et toutes les politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre différents niveaux de collectivités territoriales et de leurs groupements. Elle peut débattre de tous sujets présentant un intérêt local.

Sa composition a été réduite, puisqu'elle comporte désormais :

- le président du conseil régional ;

- les présidents des conseils généraux ;

- les présidents des conseils de métropole ;

- les présidents des conseils de communauté urbaine ;

- un représentant des communautés d'agglomération par département ;

- un représentant des communautés de communes par département ;

- un représentant des communes de plus de 50 000 habitants par département ;

- un représentant des communes de moins de 50 000 habitants par département.

La conférence territoriale de l'action publique organise librement ses travaux . Elle peut y associer le représentant de l'État dans la région ou les représentants de l'État dans le ou les départements concernés, ainsi que tout élu ou organisme non représenté. Elle peut solliciter l'avis de toute personne ou de tout organisme.

Enfin, au sein de la conférence territoriale de l'action publique, les collectivités territoriales et leurs groupements organisent, par convention, les modalités de leur action commune pour l'exercice des compétences pour lesquelles des chefs de file ont été désignés.

IV. La position de votre commission

Le dispositif adopté par la commission des lois a considérablement gagné en clarté et en souplesse par rapport au texte initial du Gouvernement. Cette évolution a été particulièrement appréciée des membres de votre commission, qui craignaient l'apparition d'une nouvelle rigidité pour l'action publique territoriale.

La réduction du nombre des membres de la conférence territoriale a aussi été saluée, dans la mesure où elle répond à un objectif d'efficacité.

En revanche, votre commission a regretté l'insuffisante représentation des territoires ruraux au sein de ces conférences, considérant qu'un représentant des communes de moins de 50 000 habitants par département ne suffit pas à l'assurer.

C'est la raison pour laquelle elle a adopté un amendement qui vise à ajouter un représentant des communes rurales par département à la liste des membres de la conférence territoriale . Cet amendement reprend la définition des communes rurales posée à l'article D. 3334-8-1 du code général des collectivités territoriales. Il s'agit des communes de moins de 2 000 habitants ou des communes de moins de 5 000 habitants n'appartenant pas à une unité urbaine ou appartenant à une unité urbaine dont la population n'excède pas 5 000 habitants .

L'adoption de cet amendement aurait un impact limité sur le nombre de membres des conférences territoriales , puisqu'elle l'augmenterait de deux à huit personnes au maximum, ce dernier cas de figure se présentant dans seulement trois régions (Île-de-France, Midi-Pyrénées et Rhône-Alpes).

Les conseils économiques, sociaux, et environnementaux régionaux ont saisi votre rapporteur de leur souhait de faire partie, à titre consultatif, de la conférence territoriale. Néanmoins, il leur est apparu nécessaire de laisser une certaine souplesse aux territoires, compte tenu du nombre déjà important de membres destinés à y siéger. Le projet de loi précise en effet bien que la conférence peut associer à ses travaux, ou solliciter l'avis de tout élu ou organisme non représenté. Cela paraît suffisant : aux élus locaux, le cas échéant, d'en décider.

Votre commission émet un avis favorable à l'adoption de cet article, tel qu'il résulte du texte de la commission des lois, sous réserve de l'amendement qu'elle vous soumet.

Nombre de membres des CTAP d'après le projet de loi initial

Nom de la région

Nbre de PCR

Nbre de PCG

Nbre de présidents EPCI > 50 000 hbts

Un représentant par dpt des CC < 50 000 hbts

Nbre de maires des communes > 50 000 hbts

Nbre de maires des communes chefs-lieux de dpts < 50 000 hbts

Trois représentants par département des maires des communes < 50 000 hbts

TOTAL

Alsace

1

2

4

2

3

0

6

18

Aquitaine

1

5

15

5

4

3

15

48

Auvergne

1

4

6

4

1

3

12

31

Bourgogne

1

4

7

4

1

3

12

32

Bretagne

1

4

13

4

5

1

12

40

Centre

1

6

8

6

3

3

18

45

Champagne-Ardennes

1

4

4

4

3

2

12

30

Corse

1

2

2

2

1

1

6

15

Franche-Comté

1

4

4

4

2

2

12

29

Languedoc-Roussillon

1

5

10

5

5

2

15

43

Limousin

1

3

2

3

2

2

9

22

Lorraine

1

4

9

4

2

2

12

34

Midi-Pyrénées

1

8

9

8

3

5

24

58

Nord Pas-de-Calais

1

2

16

2

6

1

6

34

Basse-normandie

1

3

3

3

1

2

9

22

Haute-Normandie

1

2

7

2

3

0

6

21

Pays-de-la-Loire

1

5

11

5

7

0

15

44

Picardie

1

3

7

3

3

1

9

27

Poitou-Charentes

1

4

9

4

3

1

12

34

Provence-Alpes-Côte d'Azur

1

6

20

6

12

2

18

65

Rhône-Alpes

1

8

21

8

8

2

24

72

Ile-de-France

1

8

49

8

40

2

24

132

TOTAL

22

96

236

96

118

40

288

896

Effectifs des CTAP d'après les travaux de la commission des lois

Nom de la région

Président

du conseil

régional

Président du conseil général

Président des conseils de métropoles (hypothèse : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg)

Nombre de présidents EPCI > 50 000 habitants (= Communautés d'agglomération existantes ou potentielles)

Présidents des conseils de communautés urbaines
(y compris futures)

Trois représentants par département
(un pour les communautés de communes, un pour les communes de - de 50 000 et un pour les communes de + de 50 000)

Total

Alsace

1

2

1

4

6

14

Aquitaine

1

5

1

15

15

37

Auvergne

1

4

6

12

23

Bourgogne

1

4

7

1

12

25

Bretagne

1

4

12

2

12

31

Centre

1

6

8

18

33

Champagne-Ardenne

1

4

4

12

21

Corse

1

2

2

6

11

Franche-Comté

1

4

4

12

21

Languedoc-Roussillon

1

5

9

1

15

31

Limousin

1

3

2

9

15

Lorraine

1

4

9

1

12

27

Midi-Pyrénées

1

8

1

9

24

43

Nord Pas-de-Calais

1

2

1

15

3

6

28

Basse-Normandie

1

3

3

2

9

18

Haute-Normandie

1

2

6

1

6

16

Pays-de-la-Loire

1

5

1

11

1

15

34

Picardie

1

3

7

9

20

Poitou-Charentes

1

4

9

12

26

Provence-Alpes-Côte d'Azur

1

6

2

18

2

18

47

Rhône-Alpes

1

8

1

20

1

24

55

Île-de-France

1

8

1

49

24

83

TOTAL

22

96

9

229

15

288

659

Effectifs des CTAP proposés par la commission du développement durable

Nom de la région

Président du conseil régional

Président du conseil général

Président des conseils de métropoles (hypothèse : Paris, Lyon, Marseille, Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg)

Nombre de présidents EPCI > 50000 hbts (= communautés d'agglomération existantes ou potentielles)

Présidents des conseils de communautés urbaines (y compris futures)

Trois représentants par département (un pour les communautés de communes, un pour les communes de - 50000 hbts et un pour les communes de + 50000 hbts)

Un représentant par département des communes rurales

TOTAL

Alsace

1

2

1

4

6

2

16

Aquitaine

1

5

1

15

15

5

42

Auvergne

1

4

6

12

4

27

Bourgogne

1

4

7

1

12

4

29

Bretagne

1

4

12

2

12

4

35

Centre

1

6

8

18

6

39

Champagne-Ardenne

1

4

4

12

4

25

Corse

1

2

2

6

2

13

Franche-Comté

1

4

4

12

4

25

Languedoc-Roussillon

1

5

9

1

15

5

36

Limousin

1

3

2

9

3

18

Lorraine

1

4

9

1

12

4

31

Midi-Pyrénées

1

8

1

9

24

8

51

Nord Pas-de-Calais

1

2

1

15

3

6

2

30

Basse-Normandie

1

3

3

2

9

3

21

Haute-Normandie

1

2

6

1

6

2

18

Pays-de-la-Loire

1

5

1

11

1

15

5

39

Picardie

1

3

7

9

3

23

Poitou-Charentes

1

4

9

12

4

30

Provence-Alpes-Côte d'Azur

1

6

2

18

2

18

6

53

Rhône-Alpes

1

8

1

20

1

24

8

63

Ile-de-France

1

8

1

49

24

8

91

TOTAL

22

96

9

229

15

288

96

755

Article 5 (article L. 1111-9-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) - Pacte de gouvernance territoriale

Objet : cet article établit un pacte de gouvernance territoriale, composé de divers schémas d'organisation.

I. Le droit en vigueur

Comme on l'a vu, l'article L. 1111-9 du CGCT introduit par la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 permettait à la région et aux départements de conclure un schéma d'organisation des compétences et de mutualisation des services, dans les six mois suivant l'élection des conseillers territoriaux, « afin de faciliter la clarification des interventions publiques sur le territoire de la région et de rationaliser l'organisation des services des départements et des régions ».

Ce schéma devait déterminer les délégations de compétences de la région aux départements et des départements à la région, l'organisation des interventions financières respectives de la région et des départements en matière d'investissement et de fonctionnement des projets, ainsi que les conditions d'organisation et de mutualisation des services . Il devait porter au moins sur les compétences relatives au développement économique, à la formation professionnelle, à la construction, à l'équipement et à l'entretien des collèges et des lycées, aux transports, aux infrastructures, voiries et réseaux, à l'aménagement des territoires ruraux et aux actions environnementales. Il pouvait également concerner toute compétence exclusive ou partagée de la région et des départements.

II. Les dispositions du projet de loi

L'article 3 supprime les dispositions relatives aux schémas d'organisation des compétences et de mutualisation des services.

L'article 5 introduit un nouvel article dans le code général des collectivités territoriales, l'article L. 1111-9-2, afin de définir le pacte de gouvernance territoriale qui doit regrouper un ensemble de schémas d'organisation .

Ces schémas comportent des objectifs en matière de rationalisation des interventions publiques. Ils déterminent, dans le champ de compétence concerné :

a - les délégations de compétences entre collectivités 10 ( * ) telles que prévues par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 (article L. 1111-8 du CGCT) ;

b - les créations de services communs tels que prévus par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 (article L. 5111-1-1 du CGCT) ;

c - les modalités de la coordination, de la simplification et de la clarification des interventions financières des collectivités territoriales .

Ils sont débattus l'année suivant le renouvellement général des conseils régionaux.

La région et le département élaborent un projet de schéma d'organisation pour chacun des domaines de compétence pour lesquels ils sont chefs de file. Ils peuvent également en élaborer pour des compétences que la loi leur attribue à titre exclusif.

Dans les autres domaines de compétence, la conférence territoriale de l'action publique peut habiliter une collectivité territoriale ou un EPCI à fiscalité propre à élaborer un schéma d'organisation relatif à une compétence déterminée.

La liste des projets de schémas d'organisation et leurs objectifs de rationalisation des interventions publiques sont débattus en conférence territoriale, dans le cadre de sa formation réservée aux collectivités territoriales et aux EPCI à fiscalité propre.

Le préfet de région porte à la connaissance des membres de la conférence territoriale et des collectivités qui ont fait connaître leur intention d'élaborer un projet de schéma d'organisation les informations nécessaires au respect des intérêts nationaux dans la région ou utiles à la modernisation de l'action publique. A sa demande, il les présente au cours d'une réunion de la conférence territoriale.

Chaque projet de schéma d'organisation est débattu au sein de la conférence territoriale de l'action publique. Le débat donne lieu à un compte-rendu qui recense les positions de chacun des membres de la conférence.

Les schémas débattus sont transmis par le président du conseil régional au préfet de région, aux collectivités territoriales et EPCI à fiscalité propre de la région.

Les collectivités territoriales et EPCI appelés à prendre l'une des mesures mentionnées aux a, b ou c, sont consultés par la collectivité en charge d'élaborer le projet de schéma. Une fois le schéma transmis par le président du conseil régional, ces collectivités se prononcent sur son approbation dans un délai de trois mois. Le schéma s'impose à celles qui l'ont approuvé. Celles qui ne l'ont pas approuvé dans ce délai ne peuvent bénéficier, pour une même opération, d'un cumul de subventions d'investissement ou de fonctionnement de la région et d'un département , sauf si cette opération est inscrite en contrat de projet Etat-régions (CPER).

Dans les domaines de compétence dont la région et le département sont chefs de file, deux sanctions sont prévues dans le cas où la conférence territoriale n'a pas débattu du projet de schéma d'organisation dans l'année suivant le renouvellement des conseils régionaux :

- l'interdiction de toute délégation de compétence entre collectivités dans le domaine de compétence concerné ;

- l'interdiction du cumul de subventions d'investissement ou de fonctionnement par la région et un département pour tout projet relevant du domaine de compétence concerné, sauf s'il est inscrit en CPER ou si sa maîtrise d'ouvrage relève de l'Etat ou de ses établissements publics.

Ces interdictions sont levées dès que la conférence territoriale de l'action publique débat du projet de schéma d'organisation.

Par ailleurs, la participation minimale d'une collectivité maître d'ouvrage d'une opération d'investissement qui n'a pas approuvé les schémas d'organisation dans les domaines de compétence dont la région et le département sont chefs de file passe de 20 % à 30 % du montant total des financements apportés par des personnes publiques à ce projet, selon les termes de l'article 6 du projet de loi.

Les schémas d'organisation peuvent être révisés au terme d'une période de trois ans ou en cas de changement des normes au vu desquelles ils ont été adoptés, dans les mêmes conditions que celles qui s'imposent à leur élaboration.

Le pacte de gouvernance territoriale est évalué par la chambre régionale des comptes.

III. Les modifications apportées par la commission des lois

La commission des lois a supprimé cet article.

IV. La position de votre commission

Votre commission s'est interrogée sur l'utilité du montage très complexe proposé par le Gouvernement. En outre, des doutes ont été exprimés quant à la constitutionnalité du mécanisme dissuasif prévu en cas de non-adoption des schémas. Votre commission approuve donc sa suppression.

Votre commission émet un avis favorable à la suppression de cet article, telle qu'elle résulte du texte de la commission des lois.

Section 5

Coordination du syndicat des transports d'Île-de-France et de la société du Grand Paris

Article 15 (article L. 1241-1 du code des transports) - Extension des compétences du syndicat des transports d'Île-de-France aux questions de mobilité durable

Objet : cet article fait référence à des articles dont la création n'est aujourd'hui envisagée qu'à l'occasion du troisième projet de loi de réforme des collectivités territoriales.

I. Les dispositions du projet de loi

Cet article renvoie à trois articles dont la création n'est aujourd'hui envisagée qu'à l'occasion du troisième projet de loi relatif à la décentralisation, les articles L. 1231-14, L. 1231-15 et L. 1231-16 du code des transports, et à un article existant dont le contenu pourrait être remanié dans le même cadre, l'article L. 1231-1 du code des transports.

Cette situation résulte de la division en trois projets de loi du texte initial : l'article 15 est la conséquence d'autres dispositions prévues dans le texte unique d'origine, qui ne figurent pas dans ce premier projet de loi mais à l'article 12 du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

II. La position de votre commission

Devenu sans objet, votre commission a estimé nécessaire de supprimer cet article.

Votre commission propose de supprimer cet article, tel qu'il résulte du texte de la commission des lois.

Article 16 (articles L. 1241-2 et L. 1241-4 du code des transports) - Précision des compétences du syndicat des transports d'Île-de-France en matière d'investissement

Objet : cet article précise que les compétences du STIF en matière d'investissement s'exercent dans la limite des compétences de la société du Grand Paris.

I. Le droit en vigueur

Le projet du Grand Paris est régi par la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris . L'article 1 er de cette loi le présente comme « un projet urbain, social et économique d'intérêt national qui unit les grands territoires stratégiques de la région d'Île-de-France, au premier rang desquels Paris et le coeur de l'agglomération parisienne, et promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d'emplois de la région capitale. Il vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au bénéfice de l'ensemble du territoire national . » Les collectivités territoriales et les citoyens sont associés à son élaboration et à sa réalisation.

Ce projet s'appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs de plus de 200 kilomètres de lignes nouvelles, reliant 72 gares. Son calendrier prévisionnel de mise en oeuvre, très serré, s'étend jusqu'à 2030. L'enquête publique relative à première ligne nouvelle, la ligne 15 reliant Pont de Sèvres et Noisy-Champs, devrait être lancée d'ici la fin de l'année.

Afin de concevoir et mettre en oeuvre ce réseau de transport, la loi relative au Grand Paris a créé un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial, la société du Grand Paris (SGP). Elle a pour principale mission, d'après l'article 7 de cette loi, « de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer la réalisation, qui comprend la construction des lignes, ouvrages et installations fixes, la construction et l'aménagement des gares, y compris d'interconnexion, ainsi que l'acquisition des matériels roulants conçus pour parcourir ces infrastructures et [...] leur entretien et leur renouvellement. »

L'article 15 de la loi précise que la société du Grand Paris exerce la maîtrise d'ouvrage des opérations d'investissement relatives à la réalisation des infrastructures du réseau de transport public du Grand Paris. L'article 16 indique qu'elle désigne le maître d'ouvrage de l'opération lorsque l'infrastructure relève simultanément de la compétence de plusieurs maîtres d'ouvrage publics ou contrôlés par l'Etat, et qu'il est décidé de transférer la maîtrise d'ouvrage à une seule entité.

Le financement du périmètre de maîtrise d'ouvrage de la société du Grand Paris a été estimé à 26,575 milliards d'euros d'ici 2030 . Il se décompose de la manière suivante :

(en milliards d'euros)

Nouvelles lignes 15, 16,17 et 18

22,625

Contribution de la SGP à l'extension de la ligne 14

0,45

Coûts d'adaptation des réseaux existants

1,5

Contribution au plan de mobilisation 2013-2017

1

Contribution projet EOLE

1

Total

26,575

Le financement prévisionnel est décomposé de la manière suivante :

(en milliards d'euros)

Taxes affectées et redevances

21,8

Co-financement des coûts d'adaptation des réseaux existants

1,05

Recette fiscale additionnelle

2,5

Subvention Etat

1

Subvention collectivités territoriales

0,225

Total

26,575

Source : communiqué de presse du Premier ministre du 6 mars 2013

Le STIF est l'autorité organisatrice unique des transports réguliers de personnes en Île-de-France . Le syndicat a été créé par l'ordonnance n° 59-151 du 7 janvier 1959 relative à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France. L'Etat y était présent jusqu'à l'adoption de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui l'a transformé en un établissement public composé de collectivités territoriales uniquement. En font partie la région Île-de-France, la ville de Paris, les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne, de l'Essonne, des Yvelines, du Val-d'Oise et de Seine-et-Marne.

Ses missions sont énumérées à l'article L. 1241-2 du code des transports. Il s'agit de :

1° Fixer les relations à desservir ;

2° Désigner les exploitants ;

3° Définir les modalités techniques d'exécution ainsi que les conditions générales d'exploitation et de financement des services ;

4° Veiller à la cohérence des programmes d'investissement, sous réserve des compétences reconnues à Réseau ferré de France (RFF) et à la Régie autonome des transports parisiens (RATP) en sa qualité de gestionnaire de l'infrastructure ;

5° Arrêter la politique tarifaire de manière à obtenir l'utilisation la meilleure, sur le plan économique et social, du système de transports correspondant ;

6° Concourir aux actions de prévention de la délinquance et de sécurisation des personnels et des usagers ;

7° Favoriser le transport des personnes à mobilité réduite.

Il a également des responsabilités particulières en matière de transport scolaire.

L'article L. 1241-4 prévoit que le STIF peut assurer la maîtrise d'ouvrage ou désigner le ou les maîtres d'ouvrage de projets d'infrastructures nouvelles destinées au transport public de voyageurs, dans la limite des compétences reconnues à l'établissement public Réseau ferré de France. Cette maîtrise d'ouvrage est exercée conjointement avec la RATP s'agissant des opérations décidées à partir du 1er janvier 2010 qui ont pour objet les aménagements, les extensions ou les prolongements directs, dépendants ou accessoires des lignes, ouvrages ou installations gérés par la RATP.

II. Les dispositions du projet de loi

L'article 16 précise que les missions du STIF en matière de cohérence des programmes d'investissements, citées au 4° du I de l'article L. 1241-2, ou de conduite des investissements nouveaux, citées à l'article L. 1241-4, ne s'exercent pas seulement dans la limite des compétences RFF ou de la RATP, mais également dans la limite des compétences de la société du Grand Paris.

III. La position de votre commission

Il s'agit de prendre acte de la création de la société du Grand Paris et de ses missions en matière d'investissement dans le domaine des transports en Île-de-France, et d'en assurer la cohérence avec les missions du STIF, à l'instar de ce qui existe déjà pour RFF ou la RATP.

Votre commission émet un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article, tel qu'il résulte du texte de la commission des lois.

Article 17 (articles 4, 15, 18, 19 et 20 de la loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris) - Association du syndicat des transports d'Île-de-France aux procédures mises en oeuvre pour la réalisation du réseau de transport public du Grand Paris

Objet : cet article organise une association plus systématique du STIF à la mise en oeuvre du réseau de transport public du Grand Paris.

I. Le droit en vigueur

La loi relative au Grand Paris est relativement peu diserte sur les relations entre le STIF et la société du Grand Paris. A part les dispositions relatives au schéma d'ensemble du réseau, seuls les articles 7 et 20 évoquent ou détaillent les relations entre les deux entités.

L' article 7 précise que la société du Grand Paris veille au maillage cohérent du territoire par une offre de transport de surface permettant la desserte des gares du réseau « sans préjudice des compétences du syndicat des transports d'Île-de-France » .

L' article 20 détermine quant à lui les propriétaires des différentes composantes du réseau de transport public du Grand Paris, après leur réception par le maître d'ouvrage.

La société du Grand Paris reste propriétaire de l'infrastructure (les lignes, ouvrages et installations), mais elle les confie à la régie autonome des transports parisiens (RATP) qui en assure la gestion technique. La RATP est en effet le gestionnaire de l'infrastructure du réseau de métropolitain affecté au transport public urbain de voyageurs en Île-de-France, dans la limite des compétences reconnues à Réseau ferré de France, en vertu de l'article L. 2142-3 du code des transports.

En revanche, les matériels roulants sont transférés en pleine propriété au syndicat des transports d'Île-de-France , qui les met à la disposition des exploitants de transports publics réguliers de personnes.

Ces deux opérations - usage des infrastructures ou transfert de propriété des matériels - donnent lieu à une rémunération de la société du Grand Paris , dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat. Le décret n° 2012-365 du 14 mars 2012 pris pour l'application des articles 19 et 20 de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris organise les relations entre la société du Grand Paris, la RATP et le STIF.

Dispositions du décret n° 2012-365 du 14 mars 2012 relatives à la coordination entre la société du Grand Paris (SGP) et le STIF

Contrats de partenariat

Lorsque la société du Grand Paris (SGP) envisage de recourir à un contrat de partenariat, elle en informe le STIF, qui lui communique les données prévisionnelles relatives aux caractéristiques de l'offre de transport et aux objectifs de qualité de service sur l'infrastructure qui fera l'objet du contrat, dans un délai de deux mois.

La SGP transmet pour information au STIF le projet de dossier d'évaluation préalable. Elle lui transmet les éléments nécessaires à la procédure d'appel d'offres choisie et l'invite à présenter ses observations dans un délai d'un mois minimum.

S'il s'agit d'un contrat portant sur du matériel roulant, l'assentiment du STIF doit avoir été recueilli avant la signature du contrat de partenariat .

Le contrat de partenariat doit prévoir les modalités selon lesquelles le STIF est associé à la définition technique et aux procédures de choix des matériels à acquérir. Lorsque le contrat de partenariat porte sur l'entretien et le renouvellement des matériels roulants, il prévoit les modalités selon lesquelles le titulaire exerce ses missions en concertation avec l'exploitant désigné par le STIF.

Une convention entre la SGP et le STIF , conclue avant la signature du contrat de partenariat, prévoit les modalités de remboursement du STIF à la SGP de la part de rémunération du titulaire du contrat relative à l'acquisition des matériels roulants et, le cas échéant, à l'entretien et au renouvellement de ces matériels.

A défaut , le STIF rembourse à la SGP la part de rémunération du titulaire du contrat relative à l'acquisition des matériels roulants et, le cas échéant, à l'entretien et au renouvellement de ces matériels dans le délai d'un mois . Ces remboursements comprennent également les frais de portage financiers que la SGP justifie avoir exposés.

Acquisition des matériels roulants selon d'autres modalités que les contrats de partenariat

Une convention entre la SGP et le STIF devait être signée dans les six mois suivant la promulgation du décret, soit à la mi-septembre 2012, pour fixer les conditions dans lesquelles le STIF est associé à la procédure d'acquisition du matériel roulant , afin notamment :

- de garantir que le STIF est associé à la définition technique et aux procédures de choix des matériels acquis par la SGP ;

- de préciser les conditions dans lesquelles le STIF donne son assentiment sur les commandes de matériel roulant, dans un délai d'un mois maximum.

Le remboursement des dépenses engagées relatives à l'acquisition des matériels roulants comprend les frais de maîtrise d'ouvrage, les frais financiers exposés par la SGP et, le cas échéant, les frais de maîtrise d'oeuvre.

Une convention entre le STIF et la SGP devait être signée dans les six mois suivant la promulgation du décret afin de fixer les modalités de ce remboursement , devant intervenir dans un délai de 2 à 6 mois après réception des justificatifs de paiement.

A défaut de la signature de cette convention, le STIF rembourse à la SGP l'intégralité des coûts d'acquisition à la date du transfert de propriété.

Les silences de la loi sur la coordination entre le STIF et la société du Grand Paris n'ont pas été comblés de manière conventionnelle, puisqu' aucune des conventions prévues par ce décret n'a été conclue . Ce décret a par ailleurs fait l'objet d'un recours devant le Conseil d'Etat de la part du STIF , qui a contesté les modalités financières du transfert de propriété. A cette occasion, l'article 20 de la loi relative au Grand Paris a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité .

Le Conseil constitutionnel comme le Conseil d'Etat ont néanmoins validé les dispositions mises en cause.

Un protocole de coordination a certes été signé entre le STIF et la SGP le 21 mars 2013. Il reste cependant de portée générale, et renvoie lui aussi à une convention particulière afin de fixer les modalités précises de la gouvernance partagée entre le STIF et la SGP en ce qui concerne la conception, les spécifications et l'acquisition des matériels roulants.

II. Les dispositions du projet de loi

Le du présent article dispose que le STIF est associé à l'élaboration du ou des dossiers d'enquête publique précédant la déclaration d'utilité publique prévue à l'article 4 de la loi relative au Grand Paris pour les projets d'infrastructures qui mettent en oeuvre le schéma d'ensemble de son réseau de transport public. Ce dossier d'enquête publique comprend, d'après l'article 4 de la loi relative au Grand Paris, une évaluation économique, sociale, environnementale et financière, l'étude d'impact et l'avis de l'autorité compétente, et le bilan du débat public.

Il est précisé que cette disposition ne sera applicable qu'aux dossiers non encore transmis au représentant de l'Etat à la date de publication de la présente loi.

Le du présent article modifie l'article 15 de la loi relative au Grand Paris. Il prévoit que le STIF est associé à l'élaboration de l'ensemble des documents établis par le maître d'ouvrage pour la réalisation des opérations d'investissements relatives au réseau de transport public du Grand Paris, jusqu'à la décision du maître d'ouvrage d'engager les travaux. Les conditions de cette association sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. L'article prévoit toutefois explicitement que cette association inclut l'approbation préalable, par le STIF, de ces documents .

Le modifie l'article 20 de la loi relative au Grand Paris. Il prévoit que le STIF est associé à chaque étape du processus d'acquisition des matériels roulants, en sa qualité de financeur.

Le précise que les conditions de cette association sont fixées par le décret en Conseil d'Etat déjà prévu pour déterminer les modalités d'application de l'article 20 de la loi relative au Grand Paris.

Les 3° et 4° sont des mesures de conséquence découlant du 2° et du 5°. Ils prévoient que les conventions de délégation de maîtrise d'ouvrage conclues en application de l'article 18 de la loi relative au Grand Paris, ainsi que le décret en Conseil d'Etat qui fixe les modalités d'application de l'article 19 relatif aux contrats de partenariat, rappellent les obligations posées au 2° et au 5°. Ils garantissent ainsi une coordination effective entre le STIF et la société du Grand Paris indépendamment du maître d'ouvrage concerné, qu'il soit la société du Grand Paris ou un maître d'ouvrage délégué.

III. La position de votre commission

Le projet du Grand Paris a été conçu à l'origine de façon très indépendante, voire déconnectée, du réseau existant géré par le STIF . Le précédent Gouvernement avait voulu reprendre la main sur l'organisation des transports dans la région, en se substituant aux collectivités, qui défendaient pour leur part le projet d' « Arc Express ».

Très rapidement, les limites de la création d'un réseau parallèle au réseau existant sont apparues, en particulier au cours des débats publics qui se sont tenus sur les deux projets. Un protocole d'accord a été signé entre l'Etat et la région en janvier 2011, reprenant des éléments communs au projet du Grand Paris et à Arc Express.

Le projet du Nouveau Grand Paris, présenté par le Premier ministre le 6 mars dernier, confirme cette approche, puisqu'il englobe, d'une part, des mesures d'amélioration du réseau existant, notamment le plan de mobilisation conclu entre l'Etat et les collectivités en 2011, d'autre part, le Grand Paris Express.

Cette approche intégrée se traduit par un impératif de coordination fort entre le STIF et la société du Grand Paris. Le STIF doit pouvoir s'exprimer, par exemple, sur le « coût de possession » de l'infrastructure une fois qu'elle est réalisée, ou sur les exigences de sécurité relatives à son exploitation. Il semble aussi évident qu'il doive s'exprimer sur l'acquisition du matériel roulant, dont il devient in fine le propriétaire contre rémunération.

Le présent article vise en fait à rapprocher les conditions de réalisation du réseau du Grand Paris du droit commun existant dans le cadre spécifique de la région Île-de-France. S'agissant de l'infrastructure, le mécanisme instauré est ainsi similaire à celui prévu à l'article 15 du décret n° 2005-664 du 10 juin 2005 portant statut du Syndicat des transports d'Île-de-France et modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France. Ce dernier dispose que le STIF approuve les avant-projets élaborés par le maître d'ouvrage de référence du réseau, à savoir RFF.

Le dispositif prévu à l'article 15 du décret n° 2005-664 du 10 juin 2005 portant statut du Syndicat des transports d'Ile-de-France et modifiant certaines dispositions relatives à l'organisation des transports de voyageurs en Île-de-France

Parmi les projets d'infrastructures nouvelles, d'extension et d'aménagement de lignes existantes, le syndicat détermine les projets qu'il soumet à son approbation et qui font l'objet d'un schéma de principe et d'un avant-projet tels que définis ci-dessous.

Lorsque ces projets donnent lieu à la concertation préalable prévue par l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme, à la saisine de la Commission nationale du débat public prévue par l'article L. 121-2 du code de l'environnement ou à l'ouverture de l'enquête publique préalable à la réalisation de projets d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux, les dossiers relatifs à ces procédures sont soumis à l'approbation du syndicat avant le lancement de la concertation ou de l'enquête ou la saisine de la Commission nationale du débat public.

Le schéma de principe expose les objectifs généraux de l'opération et décrit de façon sommaire le projet proposé, avec les variantes envisagées. Il présente le service attendu et ses principes d'exploitation avec une estimation des coûts d'investissement et de fonctionnement et une première évaluation économique, sociale et environnementale.

L'avant-projet présente une description plus détaillée des caractéristiques du projet et en fixe le coût, à partir duquel est élaborée une convention qui établit les obligations des parties qui contribuent au financement du projet. L'avant-projet et la convention de financement sont approuvés par le syndicat avant tout commencement d'exécution des travaux.

Le syndicat détermine le contenu type des dossiers soumis à son approbation.

Le syndicat élabore lui-même ou fait élaborer les schémas de principe. L'avant-projet est élaboré par le maître d'ouvrage.

La notion d'« avant-projet » étant circonscrite à ce décret, il a été décidé de retenir dans le projet de loi une rédaction générale visant à couvrir l'ensemble des documents établis par la société du Grand Paris avant la décision d'engager les travaux.

Il reviendra au décret en Conseil d'Etat de définir plus précisément les modalités selon lesquelles le STIF sera associé à ces différents documents, notamment les délais de transmission au STIF ainsi que les délais de réponse , ou le format de l'approbation qui pourra éventuellement varier en fonction de leur nature et leur objet.

La décision d'engager les travaux restera quant à elle de la responsabilité du maître d'ouvrage, qu'il s'agisse de la société du Grand Paris, d'un maître d'ouvrage délégué ou d'un titulaire de contrat de partenariat.

S'agissant des matériels roulants en revanche, l'assentiment du STIF est nécessaire, puisqu'il en devient le propriétaire in fine . Cette exigence n'a pas été précisée dans la loi, dans la mesure où elle est d'ordre constitutionnel. Elle découle en effet du principe de « libre consentement à l'acquisition » 11 ( * ) et du principe de libre administration des collectivités territoriales qui s'oppose à ce qu'une collectivité soit « engagée, notamment à titre financier, sans y avoir consenti » 12 ( * ) .

La précision faite au 5° du présent article vise donc à instaurer une association en amont du consentement du STIF , afin de garantir que le STIF soit en mesure de faire part de son assentiment dans des conditions acceptables.

La mesure proposée vient donc compléter utilement la loi relative au Grand Paris. Lors de leur audition devant votre rapporteur, les deux entités concernées ont fait part de leur satisfaction vis-à-vis de ce dispositif.

Des craintes ont certes pu être exprimées sur le risque d'un allongement des délais de réalisation, voire un risque de blocage, des différentes étapes . Votre rapporteur est toutefois convaincu de la bonne volonté des deux parties d'aboutir. Il considère en outre qu'une association en amont du STIF peut permettre, au contraire, de repérer au plus tôt les sources de blocage éventuelles et donc d'y remédier plus aisément.

Par ailleurs, les deux parties devront veiller à optimiser les coûts de façon constante . Dans ce domaine là également, il est évident qu'aucune des deux entités ne trouverait d'intérêt à aller dans le sens contraire.

Votre commission émet un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article, tel qu'il résulte du texte de la commission des lois.

Article 31 (articles L. 5217-1 à L. 5217-21 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) - Réforme du régime de la métropole

Objet : cet article modifie en profondeur le régime de la métropole mis en place par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 en conférant un caractère d'automaticité à la « transformation » des métropoles répondant à un critère de taille démographique suffisante ; en leur transférant des compétences nouvelles prises aux communes, au département, à la région ou à l'Etat ; en les organisant en territoires supra-communaux représentés au sein d'une conférence des territoires.

I. Le droit existant

Dans la hiérarchie des structures administratives qui s'offre au choix des agglomérations, en fonction de leur taille, la métropole « de droit commun » se situe près du sommet, en-deçà des statuts particuliers de Paris, Lyon et Marseille, mais au-dessus des communautés urbaines ou des communautés d'agglomération.

La métropole a été créée, en tant qu'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, par la loi 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

Les articles L. 5217-1 et suivants du code général des collectivités territoriales définissent le régime de la métropole. Celle-ci forme un ensemble de communes d'un seul tenant et sans enclave de plus de 500 000 habitants.

Elle peut être créée ex nihilo , être l'extension ou la transformation d'un EPCI existant, ou encore résulter d'une fusion. Dans tous les cas, la majorité qualifiée qui permet la constitution de la métropole doit être des deux tiers des communes membres représentant la moitié de la population, ou l'inverse.

En pratique, le dispositif mis en place en 2010 n'a pas rencontré un grand succès, puisqu'une seule métropole a vu le jour : celle de Nice Côte-d'Azur, constituée le 31 décembre 2011 dans le prolongement de la communauté d'agglomération préexistante.

II. Le dispositif du projet de loi initial

Les nouvelles dispositions relatives à la métropole se substituent aux dispositions régissant les métropoles au sein du chapitre VII (articles L. 5217-1 à L. 5217-19) du titre I er relatif aux établissements publics de coopération intercommunale du livre deuxième relatif à la coopération intercommunale du code général des collectivités territoriales.

L'article L. 5217-1 prévoit que la métropole est un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant plusieurs communes d'un seul tenant et sans enclave au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoires afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion.

Les métropoles résultent de la transformation, de plein droit, des EPCI qui forment un ensemble de plus de 400 000 habitants dans une aire urbaine au sens de l'INSEE de plus de 500 000 habitants. Ce seuil devrait permettre à onze agglomérations d'accéder au statut de métropole : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes, Strasbourg, Grenoble, Rennes, Rouen, Toulon et Montpellier.

L'article L. 5217-2 définit les compétences de la métropole , qui dispose de larges compétences transférées par les communes et l'Etat, et bénéficie également de transferts facultatifs de compétences départementales et de compétences régionales, par voie de convention. Pour certaines compétences départementales, le transfert intervient de plein droit au 1 er janvier 2017.

S'agissant des compétences transférées par les communes , le bloc de compétences des anciennes métropoles se trouve complété par les compétences suivantes : concession de la distribution publique d'électricité, création et entretien des infrastructures de charge nécessaire à l'usage des véhicules électriques ou hybrides rechargeables, gestion des milieux aquatiques.

Afin de renforcer l'intervention des métropoles en matière de logement , un ensemble indissociable de cinq compétences de l'Etat peut, sur leur demande, leur être délégué : l'attribution des aides à la pierre, la garantie du droit au logement décent, la gestion du contingent préfectoral, le droit de réquisitionner des locaux vacants, la gestion des dispositifs concourant à l'hébergement des personnes sans domicile ou éprouvant des difficultés à se loger en raison de leurs ressources (veille sociale, centres d'hébergement d'urgence, centres d'hébergement et de réinsertion sociale, pensions de familles, etc).

La métropole peut, à sa demande, se voir transférer par l'Etat, outre de grands équipements et infrastructures , la compétence relative au logement étudiant .

L'article réaffirme, par ailleurs, la compétence des métropoles en matière de coopération transfrontalière . Lille pourra ainsi voir son statut de métropole européenne renforcé au-delà des frontières nationales. L'article précise également qu'un contrat sera signé entre l'Etat et l'eurométropole de Strasbourg .

L'article L. 5217-3 prévoit que la métropole est substituée de plein droit à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre préexistant.

L'article L. 5217-4 organise le transfert des biens et droits à caractère mobilier ou immobilier situés sur le territoire de la métropole et utilisés pour l'exercice des compétences qui lui sont transférées par les communes membres et le département.

Les articles L. 5217-5 et L. 5217-6 prévoient que le conseil de la métropole est présidé par le président du conseil de la métropole et appliquent à la métropole les dispositions applicables aux communautés urbaines en matière de conditions d'exercice des mandats, de transferts de compétences, de transferts des biens, droits et obligations, d'admission de nouvelles communes et de dissolution.

Les articles L. 5217-7 à L. 5217-13 disposent que les métropoles ont la faculté de mettre en place des conseils de territoire . Il s'agit d'une instance de concertation locale composée de conseillers de la métropole représentant les communes incluses dans son périmètre et présidée par un président élu en leur sein. Les conseils de territoire émettent des avis sur les politiques métropolitaines intéressant leur périmètre, mais également toute affaire portant sur le développement et l'aménagement économique, social et culturel, l'aménagement de l'espace métropolitain et la politique locale de l'habitat.

L'article L. 5217-14 précise que les métropoles sont soumises, en matière de budgets et de comptes, aux règles de droit commun applicables aux établissements publics de coopération intercommunale.

L'article L. 5217-15 indique qu'en matière de recettes, les métropoles suivent le régime des communautés urbaines.

L'article L. 5217-16 prévoit que les métropoles, qui entrent dans la catégorie des communautés urbaines pour le calcul de la dotation globale de fonctionnement, bénéficient d'une dotation d'intercommunalité égale à 60 euros par habitant et, le cas échéant, d'une dotation de compensation qui leur assure le même montant de dotation d'intercommunalité par habitant qu'elles percevaient avant leur transformation en métropoles.

Les articles L. 5217-17 à L. 5217-20 déterminent les conditions dans lesquelles tout accroissement net de charges résultant des transferts de compétences optionnels entre le département ou la région et la métropole fait l'objet d'une compensation financière .

III. Le texte adopté par la commission des lois

La commission des lois a apporté plusieurs modifications à cet article 31, d'inégale importance.

1. Considérant que les critères démographiques du projet de loi, qui conduiraient à la création de onze nouvelles métropoles outre Paris, Lyon et Marseille, n'étaient pas assez sélectifs, elle a souhaité réserver le statut de métropole aux seuls grands pôles urbains à dimension européenne, en relevant les deux critères du seuil de création à 450 000 habitants, dans une aire urbaine de 750 000 habitants . De ce fait, seules six nouvelles métropoles pourront être créées : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes et Strasbourg.

2. Parallèlement, la commission des lois a préféré rendre facultative la création des métropoles répondant à ces critères démographiques, sur une base volontaire, alors que le projet de loi conférait un caractère d'automaticité à la « transformation » des EPCI concernés en métropoles.

3. Le statut de métropole européenne de Lille a été affirmé dans la loi, alors que le texte initial ne reconnaissait que l'« eurométropole de Strasbourg ».

4. Dans le souci de limiter les transferts de compétences obligatoires, la commission des lois a supprimé le transfert automatique prévu au 1 er janvier 2017 d'un bloc de compétences départementales , pour lui substituer une obligation de conventionner à la demande de l'un ou l'autre des partenaires.

De même, elle a précisé le champ des compétences exercées de plein droit par les métropoles en lieu et place de leurs communes membres .

Enfin, elle a enlevé du bloc indissociable des cinq compétences d'Etat en matière de logement les deux qui relèvent de la solidarité nationale : le droit au logement opposable et l'hébergement d'urgence.

5. Dans le souci de conforter les métropoles, la commission des lois a reconnu aux métropoles la fonction d'autorité organisatrice de réseaux dans leurs domaines de compétences, et élargi le champ de leurs actions en matière de développement économique .

6. Dans le souci de simplifier l'organisation interne des métropoles, elle a supprimé l'organisation de la métropole en territoires représentés au sein d'une conférence des territoires. Toutefois, pour permettre l'association des communes membres, elle a prévu la mise en place d'une conférence métropolitaine des maires , qui se réunira à l'initiative du président du conseil métropolitain ou de la moitié des maires.

IV. La position de votre commission

Votre rapporteur pour avis approuve la volonté de la commission des lois de rendre facultative la création de chaque métropole , qui ne saurait résulter de manière automatique de la loi, mais doit être l'expression de la volonté de la majorité des communes réunies au sein de l'établissement public de coopération intercommunal qui la préfigure.

Il approuve aussi la souplesse introduite dans le transfert à la métropole de certaines compétences départementales , qui se fera sur une base conventionnelle, ainsi que le remplacement de la conférence des territoires de la métropole par une conférence des maires , sur le modèle de celle mise en place par la métropole de Nice.

En revanche, si votre rapporteur pour avis comprend le souci de la commission des lois de réserver le statut de métropole aux seules villes à dimension vraiment européenne, il regrette que cinq agglomérations parmi les plus importantes de notre pays ne retirent finalement aucun bénéfice du présent projet de loi.

Certes, la restriction apportée par la commission des lois au champ de l'article 31 est compensée, à l'article 40, par un élargissement de l'accès des villes de moindre taille au statut de communauté urbaine . Grâce à un amendement voté par la commission des lois, non seulement, le seuil démographique de création des communautés urbaines sera abaissé de 450 000 à 400 000 habitants, mais même des villes d'une taille inférieure pourront se transformer en communautés urbaines à condition de remplir au moins deux de cinq « fonctions de commandement » suivantes :

- être chef-lieu de région ;

- disposer d'un centre hospitalier universitaire (CHU) ;

- disposer d'un centre universitaire ;

- disposer d'au moins deux pôles de compétitivité ;

- disposer d'au moins deux pôles d'excellence.

Votre rapporteur pour avis se félicite de voir ainsi reconnues les « métropoles d'intérêt régional », aux côtés des « métropoles d'intérêt européen ». Ces agglomérations, dont la population tangente le nouveau seuil des 400 000 habitants, fonctionnent en réseau avec les villes moyennes les plus proches et rayonnent jusque sur les espaces ruraux interstitiels.

Mais il est alors d'autant plus paradoxal, pour ne pas dire regrettable, que cinq des onze plus grandes agglomérations du pays, après Paris, Lyon et Marseille, se voient exclues du bénéfice du nouveau régime métropolitain. Ainsi, comment peut-on expliquer que Montpellier, située presqu'à égale distance de Marseille, Toulouse et Barcelone, ne puisse accéder au statut de métropole, dont elle exerce déjà toutes les fonctions ?

Néanmoins, souhaitant que le débat sur le choix du bon seuil démographique pour la création des métropoles reste ouvert jusqu'à la séance publique, votre rapporteur pour avis n'a pas jugé opportun de présenter à la commission du développement durable un amendement abaissant le seuil retenu par la commission des lois , soit 450 000 habitants dans une aire urbaine de 750 000 habitants.

Votre commission émet un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article, tel qu'il résulte du texte de la commission des lois.

Article 35 (article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales ) - Transfert à l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre des pouvoirs de police spéciale en matière d'assainissement et de collecte des déchets

Objet : cet article complète l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales relatif au transfert des pouvoirs de police spéciale des communes vers les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre en matière d'assainissement et de collecte des déchets.

I. Le droit en vigueur

1. Avant la réforme de 2010

Avant la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, les maires pouvaient, en vertu de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales, transférer aux présidents d'EPCI leurs pouvoirs de police spéciale dans un certain nombre de domaines, lorsque ces domaines relevaient de la compétence de l'EPCI.

Le pouvoir de police pouvait être transféré :

- en matière d'assainissement ;

- en matière d'élimination des déchets ménagers ;

- en matière de réalisation d'aires d'accueil ou de terrains de passage pour les gens du voyage ;

- en matière de sécurité des manifestations culturelles et sportives organisées dans des établissements communautaires ;

- en matière de voirie.

Le transfert à l'EPCI des pouvoirs de police liés à ces compétences n'était que facultatif. Le transfert était décidé, sur proposition d'un ou plusieurs maires, par le préfet, après accord de tous les maires des communes membres de l'EPCI ainsi que du président de l'EPCI. Dans le cas des communautés urbaines, le transfert pouvait être décidé par arrêté du préfet après accord du président de l'EPCI et de deux tiers au moins des maires des communes dont la population représentait plus de la moitié de la population totale, ou bien de la moitié des maires des communes membres, dont la population représentait plus des deux tiers de la population totale.

Ces pouvoirs sont dérogatoires aux pouvoirs de police générale du maire, définis à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales. La loi ne prévoyait pas l'accord des conseils municipaux des communes membres de l'EPCI pour ces transferts, dans la mesure où le pouvoir de police est un pouvoir propre du maire.

Une fois le transfert opéré, les arrêtés de police étaient pris conjointement par le président de l'EPCI et les maires des communes concernées. Plus qu'un transfert complet, il s'agissait ainsi d'un partage de compétence en matière de police spéciale entre le président de l'EPCI et les maires des communes membres.

2. La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales

Afin d'approfondir l'intercommunalité, la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010 a modifié l'article L. 5211-9-2 pour prévoir que, dans les domaines énumérés, lorsque ces compétences sont détenues par l'EPCI, le président se voit automatiquement transférer le pouvoir de police spéciale correspondant dans un délai maximum d'un an après la promulgation de la loi, à l'exception des manifestations culturelles ou sportives, pour lesquelles le transfert reste facultatif.

En outre, le texte prévoit que les arrêtés ne sont plus pris conjointement par les maires et le président de l'EPCI, mais par le seul président de l'EPCI, sauf dans le domaine des équipements culturels et sportifs. Les arrêtés sont simplement transmis aux maires des communes concernées dans les meilleurs délais. Cette évolution a été jugée de nature à simplifier grandement l'exercice du pouvoir de police.

Lors de l'examen du texte au Sénat, le dispositif avait été quelque peu assoupli. Le Sénat avait conservé le principe d'un transfert automatique des pouvoirs de police, tel que posé par le texte initial, mais il avait créé la possibilité pour les maires de s'y opposer, s'ils souhaitent continuer à exercer eux-mêmes le pouvoir de police correspondant. Par ailleurs, concernant la police de la voirie, les sénateurs avaient jugé plus opportun de revenir au caractère facultatif du transfert.

Ainsi donc, l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales prévoit depuis la loi de 2010 que :

- le transfert des pouvoirs de police spéciale des maires des communes vers les présidents d'EPCI a automatiquement lieu pour l'assainissement, l'élimination des déchets ménagers, l'accueil et l'habitat des gens du voyage ;

- ce transfert reste facultatif en matière de voirie et de manifestations culturelles ou sportives ;

- dans tous les cas, les maires peuvent s'opposer au transfert et garder leur pouvoir de police, soit dans un délai d'un an après la promulgation de la présente loi, soit dans un délai de six mois suivant chaque élection du président de l'EPCI.

Cet équilibre retenu à l'époque par le Sénat a été approuvé par les différentes associations d'élus. L'Association des communautés de France s'était notamment félicitée que le champ des pouvoirs de police transférés aux présidents d'EPCI s'accroisse.

II. Le dispositif proposé

Le chapitre V du présent projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles comporte diverses dispositions relatives à l'intégration métropolitaine et urbaine. L'objectif est d'approfondir l'intégration intercommunale.

En matière de police administrative, le transfert au président d'un EPCI à fiscalité propre de certains pouvoirs de police spéciale lui permet d'édicter les mesures règlementaires en lien avec une compétence exercée par cet EPCI, en matière d'assainissement, de gestion des déchets ménagers, d'accueil et d'habitat des gens du voyage, de voirie, ou de sécurité des manifestations culturelles et sportives. C'est l'objet de l'article L. 5211-9-2 du code général des collectivités territoriales.

Dans ce cadre, l'article 35 du projet de loi complète le premier alinéa du I de l'article L. 5211-9-2 afin d'apporter deux précisions :

- en matière d'assainissement , il est indiqué que le pouvoir de police spéciale transféré au président de l'EPCI à fiscalité propre recouvre non seulement la réglementation de l'assainissement au sens strict (article L. 1311-2 du code de la santé publique), mais aussi la délivrance des dérogations au raccordement aux réseaux publics de collecte des eaux usées domestiques (deuxième alinéa de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique). Ce raccordement doit en principe intervenir dans un délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. En vertu de l'article L. 1331-1 du code de la santé publique, le maire peut, après approbation préfectorale, accorder soit une prolongation du délai, dans une limite de dix ans, soit une exonération. L'ajout à l'article L. 5211-9-2 de cet élément rend ainsi plus cohérent le périmètre du pouvoir de police spéciale transféré ;

- en matière de déchets , l'article clarifie la rédaction du deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-9-2 en remplaçant le mot « gestion » par le mot « collecte » : le pouvoir de police spéciale transféré en matière de déchets est celui correspondant à la réglementation de la compétence de collecte.

III. La position de votre commission

Le présent article a été adopté sans modification par la commission des lois, compétente au fond. Le rapporteur du texte a souligné qu'il permettait de rationaliser le champ des attributions conférées au président de l'intercommunalité pour réglementer les compétences qui lui sont transférées.

Votre commission pour avis partage ce constat. L'objectif de cet article de précision est en effet de faire coïncider de manière exacte le périmètre des pouvoirs de police spéciale transférés avec celui des compétences correspondantes. Il s'agit essentiellement d'un article de cohérence , dans le prolongement des articles de renforcement de l'intercommunalité qui avaient été votés à l'occasion de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

Ainsi que le relève l'étude d'impact, le transfert du pouvoir de police spéciale en l'absence d'opposition des maires des communes membres de l'EPCI est un mécanisme particulièrement incitatif. L'enquête conduite au 1 er août 2012 auprès d'un échantillon de 89 préfectures a mis en évidence les résultats suivants :

- la police spéciale de la réglementation de l'assainissement a été transférée à 47 % des présidents d'EPCI à fiscalité propre compétents en matière d'assainissement, soit 630 sur 1335 ;

- la police spéciale de la réglementation de la collecte des déchets ménagers a été transférée à 34 % des présidents d'EPCI à fiscalité propre compétents en matière de collecte des déchets ménagers, soit 776 sur 2297.

L'article de précision ici proposé devrait permettre de rationaliser et poursuivre ce mouvement.

Votre commission émet un avis favorable à l'adoption sans modification de cet article, tel qu'il résulte du texte de la commission des lois.

Au bénéfice de ces observations et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, votre commission émet un avis favorable à l'adoption des articles dont elle s'est saisie dans la rédaction issue du texte de la commission des lois.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION ET ECHANGE DE VUES

A. AUDITION DE MME MARYLISE LEBRANCHU, MINISTRE DE LA RÉFORME DE L'ETAT, DE LA DÉCENTRALISATION ET DE LA FONCTION PUBLIQUE

Réunie le mardi 16 avril 2013, la commission procède à l'audition de Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, sur les projets de loi de réforme de la décentralisation.

M. Raymond Vall, président. - Madame la ministre, je vous remercie de votre présence et vous souhaite la bienvenue au sein de notre commission. Cette audition était prévue depuis longtemps, mais elle arrive à point nommé, à l'aube de l'examen des projets de loi relatifs à la décentralisation. Nous sommes très impatients d'en savoir davantage, surtout en ce qui concerne les problématiques d'aménagement du territoire qui sont au coeur de nos compétences.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique . - Je vous remercie de me recevoir. Lorsque j'ai pris mes fonctions, trois volets m'ont été confiés : la fonction publique, la réforme de l'État, que je préfère appeler « modernisation de la vie publique », et la décentralisation. J'en suis ravie, car il existe un lien très étroit entre eux.

Comme vous le savez, le projet de loi initial a été divisé en trois textes, avec des objectifs forts. Je me suis toujours inscrite en faux contre l'image du « mille-feuilles » territorial. On constate des habitudes de travail entre nos communes, nos départements et nos régions, bien plus fortes que dans certains de nos pays voisins, en Espagne, en Italie, en Allemagne, en Suède. Notre système fonctionne, mais il est perfectible. La question qui se pose est la suivante : comment améliorer le dispositif existant et quelle direction prendre ?

En matière de développement économique et d'emploi, comment entraîner les collectivités territoriales dans la lutte pour le redressement de notre pays ? Quelles missions leur confier vis-à-vis des jeunes ? La formation professionnelle et l'apprentissage sont des sujets importants, qui seront également abordés dans un autre projet de loi. Un rôle nouveau doit être confié aux régions en matière d'orientation des jeunes. Les collectivités doivent aussi pouvoir assumer un rôle en matière de logement étudiant.

La solidarité entre les territoires est également primordiale. Certains maires sont satisfaits de l'assistance technique fournie par les services de l'État pour des raisons de solidarité ou d'aménagement du territoire (ATESAT), d'autres la trouvent insuffisante. Nous avons eu de longues discussions avec l'assemblée des départements de France (ADF) à ce sujet. J'y ai perçu une quasi-unanimité sur la nécessité de confier aux départements cette mission de solidarité entre les territoires, à partir de ce qui existe déjà, qu'il s'agisse des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), des agences d'urbanisme, des agences de développement... Suivant cette logique, le numérique et le tourisme, doivent revenir au département, en tant que composante de l'aménagement du territoire. Leur rôle en matière de solidarité sociale doit quant à lui être conforté.

Je voudrais revenir sur la suppression des départements. En étudiant bien la question, je me suis rendue compte que cette mesure serait très compliquée à mettre en oeuvre : faudrait-il confier l'ensemble des allocations de solidarité à l'État, ce qui supposerait une réécriture des règles fiscales ? Ou plutôt les confier aux agglomérations et communautés de communes rurales ? Sur la base de quel critère ? Le nombre de personnes âgées ou handicapées est un flux, il n'est pas figé. Que ferait-on des collèges ? Faudrait-il les confier aux communes, aux intercommunalités ? L'opération n'est pas si simple, deux ans au moins seraient nécessaires pour sa mise en oeuvre. Une étude réalisée par KPMG pour l'ADF avait estimé le coût de cette mesure à 6,5 milliards d'euros, et évalué à dix ans la période à partir de laquelle on pouvait espérer un retour. Il faudrait en effet recréer des fonctions support, organiser les transferts de personnel, revoir leur régime indemnitaire, etc. C'est la raison pour laquelle, en pleine période de crise, et avec des élus de toutes tendances confondues, nous sommes arrivés à la conclusion qu'il n'était pas opportun de s'engager sur cette voie. Le rôle du département en matière de solidarité sociale et territoriale est fondamental en période de crise.

En revanche, nous avons souhaité renforcer son rôle en matière d'aménagement du territoire. Certaines régions auraient pu l'assumer entièrement, mais il faut prendre en compte la diversité des territoires : il existe des départements, comme le Gers ou l'Ardèche, qui ont une identité forte, alors que toutes les régions n'en ont pas nécessairement. En parallèle, il faudra à l'avenir repenser les sous-préfectures, en milieu urbain et peut-être même en milieu rural.

La priorité doit être l'accès aux services publics. Le sentiment d'abandon que l'on ressent dans les territoires, les replis identitaires parfois constatés, résultent pour beaucoup de la fermeture des services publics, qu'il s'agisse des écoles, des perceptions, de postes... Les soutiens au projet de référendum alsacien ont été observés dans le département le mieux doté de ce point de vue. Certains ont critiqué le résultat du scrutin. J'en prends acte, les Français n'ont pas à recevoir de leçons. Je place beaucoup d'espoir dans la création de maisons de services publics sur des périmètres départementaux, avec un pool de fonctions support et une organisation commune. L'idée est de promouvoir une action publique plus efficace, moins coûteuse, transparente et démocratique.

Le fait urbain existe, il fallait le reconnaître et y répondre, dans le sens de ce qu'a exprimé le Président de la République le 5 octobre à l'occasion des états généraux de la démocratie territoriale. Ce qui a été entamé en décembre 2010, et s'est soldé par quelques difficultés, doit être réécrit et amélioré. Il faut reconnaître le fait urbain, lui donner la possibilité d'exercer des compétences optionnelles, qui dépendront du débat parlementaire. Nous avons laissé la possibilité de transférer les compétences liées au logement actuellement exercées par le département, et que certains d'entre eux ont déjà transférées, à des villes, comme Strasbourg, mais pas à des unités métropolitaines. Il y a un vrai débat sur ce sujet, compte tenu des disparités d'approches observées dans nos départements. Certains d'entre eux sont volontaires pour les transférer, notamment ceux qui doivent gérer des quartiers en difficulté, d'autres beaucoup moins.

Compétentes en matière de croissance économique et d'attractivité du territoire, les métropoles devront assurer les fonctions suivantes : gestion des CHU, enseignement supérieur, transfert de technologies, recherche et innovation, accueil de sièges sociaux et action à l'international. Le seuil de population nécessaire, aujourd'hui prévu à 400 000 habitants, est très discuté sur les territoires.

Sur la simplification du fait urbain, nous avons pris acte du fait que l'entrepreneur qui habite une grande ville s'adresse d'abord à l'intercommunalité, pour acquérir des terrains, étudier les moyens et liaisons de transport... Dans beaucoup de cas, l'octroi au département de la gestion de l'immobilier d'entreprise pose problème. L'idée de créer un accès unique pour les entreprises revient à faire intégrer les schémas de développement économique mis en place depuis longtemps par les intercommunalités urbaines dans le schéma de cohérence régionale, de mettre en regard le fait urbain et le fait régional en déterminant les chefs de file dans chaque domaine. Il me semble évident que les stratégies de filières, les pôles de compétitivité et de l'innovation doivent revenir aux régions. Je rappelle que si on enlève aux départements la compétence économique, il leur reste la cohésion sociale et la lutte contre les inégalités entre territoires, soit, à mon sens, la plus noble des fonctions politiques. Je voudrais insister sur cet enjeu que constitue l'égalité de nos enfants de France.

Je ne crois pas à la métropolisation sur le modèle de la stratégie de Lisbonne, avec un regroupement des populations et une mise en concurrence des territoires. Tous les espaces interstitiels doivent être bien traités. L'aménagement du territoire passe par tous les territoires de France : la moindre communauté de commune rurale mérite notre attention. La métropole doit s'inscrire dans un polycentrisme, dans un réseau de villes. Ce sujet est fondamental. Les métropoles doivent être conçues comme des têtes de réseau : elles auront de grandes responsabilités vis-à-vis de l'ensemble des territoires de France.

J'en viens aux cas particuliers de Paris, Lyon et Marseille.

Dans la région Île-de-France, nous ne sommes pas allés au bout au niveau de l'intercommunalité. La première couronne a été dispensée de réaliser une carte intercommunale. Ce n'est pas juste, il faut prévoir une égalité de droits. Il y a des communes isolées avec beaucoup de ressources. Un élu s'est récemment plaint de ne pas savoir où placer sa troisième piscine, alors qu'il y a des endroits où il n'y en a aucune et c'est là que réside le problème... D'ici le 1 er janvier 2015, il faudra réussir à gérer la solidarité des territoires au sein de la première couronne.

Deux sujets essentiels doivent être abordés dans le cadre de la métropole parisienne ou du Grand Paris - je n'ai pas trouvé de formulation idéale, mais je sais que le Parlement en trouvera une. Les transports, tout d'abord. Il faudra établir un schéma régional des transports au sens de la mobilité durable, en partant de la première couronne. Les contrats de développement territoriaux sont extrêmement intéressants, parce qu'ils ont été faits à partir des gares, permettant de conjuguer transports, logements et services.

Ensuite, le logement. Dans les troisième et quatrième couronnes, beaucoup de craintes ont été exprimées au sujet d'un risque de spéculation immobilière en cas d'implantation d'une autorité organisatrice dans la zone dense. Pour y répondre, nous préconisons un schéma régional de l'habitat, articulé aux transports, avec une autorité organisatrice en zone dense parce qu'il y a de véritables urgences. Un loyer de 600 euros pour la location d'une pièce, ce n'est pas acceptable.

Pour Lyon, nous avions proposé au départ une solution différente de celle qui a été retenue. Deux élus ont mis en avant une autre démarche, en proposant de fusionner une partie du département et Lyon, ce qui aboutirait au maintien d'un département rural de 440 000 habitants, mais celui-ci ne serait pas seul dans ce cas. Il y aura des ajustements à prévoir, notamment au titre des fonctions support, dans un premier temps. Cette proposition a été retenue, à la condition que soit établi un conseil de territoire, incluant les maires de proximité, parce qu'on ne peut pas tout gérer de la métropole.

S'agissant d'Aix Marseille Provence, je rappelle que c'est l'État qui a fait les gros investissements sur ce territoire : l'aéroport, le projet ITER, le port... Il y a aujourd'hui six intercommunalités et dix autorités organisatrices de transport, ce qui est loin d'être optimal et de grosses difficultés sont constatées dans l'organisation des transports. Nous venons de perdre un marché sur le terminal méthanier pour des raisons d'hinterland. Lyon à commencé à passer des accords avec Barcelone, Montpellier et Sète pour avoir une porte sur la Méditerranée par Barcelone, alors que nous avons Marseille. Nous insistons pour qu'il y ait une métropole méditerranéenne. C'est notre engagement, même s'il y a des réticences locales. Ces dernières ont beaucoup évolué, d'un refus total à la piste de la transformation de l'aire métropolitaine en un établissement public opérationnel de coopération (EPOC), mais j'estime qu'il s'agirait là, pour le coup, d'une couche institutionnelle supplémentaire. D'où la proposition que nous faisons, et dont le Parlement débattra.

J'en viens au bloc communal. Il reste, en France, le plus attachant même si quelques régions ont une identité forte, liée à leur langue régionale par exemple. Médiascopie a fait un très bon travail sur les mots de la décentralisation, que je me permets de recommander ici. Il est très intéressant de voir à quel point les gens sont attachés au nom de leur ville, au nom de leur département ou à leur plaque minéralogique. En revanche, ils connaissent moins les institutions. Il ne faut pas négliger cet aspect, lorsqu'on observe les phénomènes de repli sur soi et la montée des discours populistes. Tout cela doit être pris en compte, y compris dans ce projet de loi.

Comment rassurer les maires de France ? C'est le sujet le plus difficile que nous ayons à traiter aujourd'hui. Je rappelle que les maires sont les représentants de la République. Ce ne sont pas les présidents d'intercommunalité, mais les maires. Ils exercent un rôle de citoyenneté, qui est important. Je crois personnellement à la décentralisation à la condition qu'un État fort soit préservé.

Si certaines communes souhaitent fusionner, nous les encouragerons. Si les citoyens veulent les garder telles quelles, elles seront maintenues. Mais il ne faut pas oublier qu'il y a parfois des difficultés à trouver des élus dans toutes ces communes, comme me l'indiquait il y a peu l'Association des maires ruraux de France.

A mon sens, l'intercommunalité reste cependant le moyen de sauver nos communes de France. En matière d'urbanisme, d'accompagnement des agriculteurs, de protection du foncier agricole, je ne vois pas comment on peut avancer sans une intercommunalité qui fonctionne. L'intercommunalité est arrivée à un âge presque mature. Lorsque j'ai proposé, comme d'autres, l'adoption d'un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUI), c'est en prenant acte du caractère précieux de trois types de surfaces. Les surfaces agricoles, tout d'abord. Leur recul est dramatique, surtout si l'on tient compte des projections relatives à l'indépendance alimentaire du pays à l'horizon 2050. Il est regrettable qu'y soient construits de nouveaux lotissements, dans des villes-dortoirs, alors que les bourgs-centres, villages et hameaux sont aujourd'hui complètement dépeuplés. Un établissement public foncier régional doit intervenir à ce niveau. Les surfaces industrielles, ensuite, évidemment, et enfin, les surfaces nécessaires à la préservation de l'environnement, qu'il s'agisse des captages d'eau potable, des sites Natura 2000, des zones humides... Je suis persuadée qu'il faudra que la DGF prenne en compte les mètres carrés inconstructibles. On ne juge pas un maire à la croissance du nombre d'habitants de sa commune. Or, parfois, les recettes engendrées par la construction de logements, que ce soit le foncier bâti ou la taxe d'habitation, poussent dans la mauvaise direction. L'élu qui protège les surfaces agricoles n'en tire aucun bénéfice, alors que ce sont elles qui sont importantes à long terme, et non les lotissements.

C'est la raison pour laquelle je suis favorable à un PLUI. Cela créerait de la solidarité entre les maires. Celui qui protège des mètres carrés doit être supporté au premier sens du terme. Je sais que certains maires y sont opposés, d'autres en ont déjà adopté un. Cela signifie qu'il faudra peut être réécrire les schémas de cohérence territoriale (SCoT) d'une manière différente, parce qu'il y a trop de documents à établir. Il faudra que les schémas régionaux soient véritablement des schémas d'aménagement du territoire. Le schéma régional des transports, le schéma régional de développement économique, le schéma régional de la formation professionnelle, le schéma régional des éoliennes, le schéma régional de l'énergie, doivent finir par n'en faire qu'un seul : le schéma régional d'aménagement du territoire partagé.

C'est la raison pour laquelle j'ai proposé de faire confiance aux exécutifs pour s'organiser, en mettant en place des conférences territoriales de l'action publique. Je demande à ce que l'État y soit présent, parce qu'il est le garant de la République, mais aussi pour déléguer une compétence si quelqu'un veut l'exercer. Chez moi, certains élus souhaitent récupérer la compétence de l'eau : pourquoi pas ? Mais il faut que l'État soit à la table pour en discuter les modalités. Après trente ans de décentralisation, l'État doit reconnaître que les exécutifs sont majeurs, matures, et qu'on peut leur faire confiance pour discuter entre eux d'un pacte de gouvernance de leurs compétences.

M. Gérard Cornu . - Le président de la République a annoncé un « choc de simplification », et je pensais que le présent texte y contribuerait. Mais c'est l'inverse qui se produit : au lieu d'un seul texte, nous en aurons trois. Ce sera encore une question ratée, la montagne va accoucher d'une souris. Je sais que vous n'y êtes pour rien...

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - J'en assume l'entière responsabilité !

M. Gérard Cornu . - Vous avez raison de dire que les mairies et les intercommunalités fonctionnent bien. J'approuve votre volonté de conserver les communes : c'est un atout pour la France d'avoir des communes gérées par des maires quasi bénévoles. En ce qui concerne le PLU intercommunal, ce serait une erreur de le rendre obligatoire. Nous avons des instruments, tel que le SCOT, qui peut inclure un programme locale de l'habitat (PLH), un plan de déplacement urbain (PDU) ou un document d'aménagement commercial (DAC), qui fonctionnent au niveau d'une agglomération. Mais je ne crois pas que de retirer aux communes leur compétence essentielle, l'urbanisme, contribuerait à les renforcer. En ce qui concerne la clarification des compétences, j'aurais aimé en voir plus. Je suis favorable à une compétence générale des communes, assortie de compétences ciblées pour les intercommunalités, optionnelles ou obligatoires. C'est un bon cadre, qui est à transposer au département et à la région. Sinon, nous égarons nos concitoyens, qui ne savent plus qui fait quoi. J'ai bien compris qu'il y aura parfois un chef de file, mais je ne sais pas comment ça va s'articuler. Au total, je ne pense pas que ce texte, tel qu'il nous est proposé, aboutira à une véritable simplification.

M. Rémy Pointereau . - Madame la ministre, vous étiez déjà venue présenter l'avant-projet de ce texte à la délégation aux collectivités territoriales. Je l'avais alors trouvé intéressant sur certains points, mais pas sur d'autres. Mon sentiment était justifié, puisqu'il a été retoqué et divisé en trois textes pour apaiser les oppositions : schématiquement, on a maintenant le projet de loi pour avant les élections sénatoriales, et les projets de loi pour après les sénatoriales. Après votre présentation, la situation n'est pas plus claire. Si l'on veut vraiment simplifier, il nous faut un nouveau schéma de gouvernance, qui comporte à mon sens deux choses. Premièrement, agrandir nos régions, qui sont trop petites par rapport à celles de nos voisins européens. Il faudra le faire sans demander l'avis de nos concitoyens. De même, nous devrions fusionner certains départements trop petits. Deuxièmement, on parle beaucoup d'intercommunalités, de métropoles, de régions, au détriment des départements et des communes. Les départements sont aujourd'hui étouffés financièrement, et doivent impérativement trouver des ressources pour l'Allocation perte d'autonomie (APA). Vous avez dit que vous aimiez bien les communes. Mais si vous leur imposez un PLU intercommunal, qu'est-ce qui leur restera comme compétence ? L'état civil, les écoles. Par ailleurs, on parle très peu de ruralité dans votre texte. D'autres aspects me paraissent superfétatoires. Par exemple, le Haut conseil des territoires. Mais il existe déjà : c'est le Sénat ! De même, vous prévoyez une énième commission d'évaluation des normes, alors qu'il en existe déjà deux. Mais peut-être cette troisième commission va-t-elle remplacer les deux autres ? Enfin, j'aimerais savoir pour quelle raison vous avez divisé en trois ce texte ?

Mme Esther Sittler . - Nous venons de vivre une expérience démocratique décevante avec l'échec du référendum en Alsace. Vous aviez raison de dire qu'il ne fallait pas faire de référendum ! Lors de la campagne, nous avons vu participer aux réunions des maires, des conseillers municipaux, mais très peu de citoyens de base. Il y a eu un amalgame : les gens ont cru que nous voulions supprimer le département, alors que nous voulions seulement supprimer le conseil général, ce qui n'est pas la même chose. Je sais que le Gouvernement soutenait ce projet. Les trois semaines de campagne ont été trop courtes et n'ont pas suffi. Il aurait fallu faire du porte-à-porte auprès de nos concitoyens. Alors que les jeunes ne lisent plus le journal, et n'ont même guère le temps de regarder la télévision, le simple citoyen ne connaît plus le rôle du conseil général et ne se sent pas concerné par les questions institutionnelles. Trop de démocratie a tué cette affaire. C'est dommage. Il aurait fallu une campagne électorale beaucoup plus longue. Mais je ne peux que vous encourager à simplifier le « mille-feuilles administratif ».

M. Michel Teston . - Je voudrais vous interroger sur deux sujets au coeur des compétences de notre commission du développement durable. Premièrement, les transports. Vous proposez un accroissement des compétences des régions en matière de ferroviaire. Je suis favorable à la possibilité donnée aux régions de demander la réouverture des lignes qui ne sont plus exploitées. Mais je m'interroge sur l'éventualité d'un transfert du domaine public ferroviaire national aux régions. Je suis très attaché à l'unicité dans ce domaine, il faut être prudent. Nous avons toutefois un peu de temps, car ce sujet ne sera abordé que par le troisième texte. Deuxièmement, le numérique. La « feuille de route » que nous a présentée votre collègue ministre Fleur Pellerin renforce considérablement le rôle des collectivités territoriales en matière de communications électroniques. Le code général des collectivités territoriales doit encore être modifié pour donner une base légale à ce renforcement. Cette question ne sera abordée que dans le deuxième texte, mais il ne faut pas trop tarder pour qu'il n'y ait pas trop de décalage entre la mise en oeuvre de la « feuille de route » et l'adaptation du code.

M. Yves Rome . - J'ai beaucoup apprécié le pied-de-nez fait aux élus alsaciens qui voulaient dissoudre les départements... Madame la ministre, je partage votre constat de la situation, et une part de vos objectifs, qui font appel à l'intelligence des territoires. Mais j'ai une divergence quant au fait que ce sera obligatoirement le président de région, ou à défaut le préfet de région, qui pilotera les conférences des territoires. Je suis favorable à une présidence tournante, pour ne pas imposer le fait régional, ou le rôle de l'Etat. Je déplore le choix qui a été fait de découper en trois le texte, et que le département ne soit évoqué que dans le dernier volet, relatif à la solidarité. Le département me semble très présent, dans bien d'autres domaines. Vous proposez ainsi de confier l'ingénierie territoriale aux départements, afin qu'ils rendent accessibles les services à la population. En effet, je ne connais pas d'autre collectivité territoriale qui dispose d'autant de personnel et de moyens répartis de manière homogène sur l'ensemble de son territoire. L'aménagement numérique est confié aux départements. J'ai également une divergence en ce qui concerne les établissements publics fonciers locaux. Je comprends qu'il faille en créer là où il n'y en a pas, mais je considère qu'il faut laisser aux collectivités territoriales la possibilité de conserver leur maîtrise foncière, au lieu de la déléguer à des fonctionnaires de l'Etat. Que deviendront les établissements publics fonciers locaux créés à l'initiative des élus ? En ce qui concerne le développement économique, il s'agit d'une compétence régionale, certes, mais il faut que les départements y soient associés. J'observe que personne, pas même l'Etat, ne s'est précipité pour reprendre la compétence de ces derniers en matière de SDIS.

M. Louis Nègre . - J'aurai un avis balancé. Je reprendrai tout d'abord certaines observations critiques déjà formulées. Le fait d'avoir trois textes au lieu d'un seul me paraît entrainer une perte de vision cohérente et globale. Mais vous faites aussi état de principes républicains sur lesquels nous pourrions nous entendre. En ce qui concerne la compétence en matière de tourisme, qui fait figure d'industrie lourde dans un département comme le mien, elle apparaît éclatée entre plusieurs niveaux. Il faudrait en avoir une vision plus efficace. Votre argument en faveur de la suppression de la clause de compétence générale ne me convainc pas. Vous avez dit que vous faites confiance aux exécutifs locaux pour introduire de la souplesse dans le système, que vous voulez permettre à ceux qui veulent s'entendre de le faire. Cela me va, même si je suis pour un Etat fort. La création des métropoles me paraît aussi un élément très positif : c'est une consécration du fait urbain, et nous vous en remercions. Si je prends l'exemple de la métropole Nice-Côte-d'Azur, qui comporte 46 communes, dont plus de la moitié sont rurales, nous sommes parvenus à un équilibre interne tellement satisfaisant, que même des petites communes qui y seraient politiquement minoritaires demandent à y entrer. Elle pourrait être un laboratoire de ce qui existe réellement sur la base de la loi de 2010, et qui a donné des résultats satisfaisants à ce jour. Le polycentrisme est une bonne chose ; nos communes rurales existent. Nous avons une charte interne que le conseil communautaire m'avait demandé de rédiger, qui assure l'équilibre des pouvoirs, et également un conseil des maires dont votre projet de loi s'inspire. En ce qui concerne la gouvernance, je préférerais que l'on élabore le schéma régional de l'intermodalité plutôt qu'il y ait une simple concertation. En ce qui concerne la hiérarchie des documents de planification, où en est le schéma de développement de la région Île-de-France (SDRIF) par rapport aux SCOT, aux PDU et aux PLUI ? Que deviennent, par ailleurs, les syndicats mixtes du type « loi SRU » ? Je ferai une critique relative à la décentralisation et la dépénalisation du stationnement, qui ne figurent pas dans le projet de loi, alors que le GART, toutes tendances politiques confondues, les demande. J'ai dans ma commune une zone agricole, inscrite comme telle dans le SCOT et le PLU, et que je souhaite protéger. Néanmoins, quand vous avez dans une zone agricole une parcelle qui a été affectée à un autre usage, par exemple un garage, vous ne pouvez pas la rétablir dans un usage agricole sans débourser des centaines de milliers d'euros pour la racheter à ses propriétaires, car les textes ne permettent pas de faire autrement.

M. Yves Chastan . - Madame la ministre, vous avez mis en avant une notion pour moi essentielle : celle de pacte de confiance avec les collectivités territoriales. Il faut discerner ce qui doit être impulsé par la loi, pour de nouvelles avancées, de ce qui doit rester de l'initiative des collectivités territoriales et de leur entente. Dans mon département à forte dominante rurale, l'Ardèche, nous assurons à travers un SCOT et un PLUI une solidarité forte au sein d'une agglomération qui inclut 30 communes rurales. Nous sommes prêts à nous constituer en agglomération, ce qui va faire évoluer les mentalités. Si l'on nous dit qu'il faut passer tout de suite au PLUI, nous risquons de nous heurter à des réticences. Je suis d'accord avec l'objectif final du PLUI, mais il faut privilégier l'accord volontaire et la concertation, laisser le temps au PLUI de mûrir. Par ailleurs, nous avons besoin de stabilité des textes législatifs et réglementaires. Ce n'est pas un reproche que je vous adresse en particulier : le problème est plus ancien, et tout à fait général. Je suis d'accord aussi sur votre objectif de préservation des espaces agricoles. Ma commune est urbaine, mais nous sommes en train d'y remettre des espaces agricoles.

Je ne porterai pas d'appréciation sur la pertinence de diviser en trois le projet de loi. Je pense néanmoins que nous, parlementaires, aurons besoin d'un corpus global de présentation, à destination de nos élus locaux et de nos concitoyens. Il faudra mettre en évidence la meilleure visibilité qui en résultera pour l'action de chaque niveau de collectivités territoriales. Il faut un chef de file pour le développement économique, et il me paraît normal que ce soit la région, qui travaillera avec les départements et les intercommunalités.

M. Henri Tandonnet . - Je partage votre conception qui consiste à faire confiance aux exécutifs locaux. Je suis d'accord avec l'équilibre que vous visez entre les communes et les intercommunalités, comme avec le rétablissement de la clause de compétence générale. La grande question demeure la maîtrise de l'urbanisme, avec toutes ses conséquences sur la requalification des centres-villes et des centres-bourgs et sur le maintien des zones rurales. Sur mon territoire, nous avons mis en place un PLU intercommunal, de manière plus consensuelle que contraignante, et disposons d'un établissement public foncier local (EPFL). Alors que, souvent, les petites communes subissent les règles d'urbanisme, l'existence d'un tel établissement leur permet de retrouver la maîtrise du foncier et de faire, notamment, du logement social. Nous avons aussi mis en place un SCOT, bâti dans le cadre d'un pays. Or, l'article 45 du projet de loi prévoit la mise en place d'établissements publics fonciers d'Etat, pour une couverture générale et obligatoire dans le cadre de la région. Ces nouveaux établissements vont-ils se juxtaposer aux EPFL déjà existants ? Une autre question est de savoir ce que l'on va faire des pays, dont ne je vois pas trace dans le texte de loi ? D'une manière générale, je ne suis pas favorable à une harmonisation générale. Chacun devrait pouvoir construire son territoire comme il l'entend.

M. Michel Doublet . - J'ai besoin d'une précision sur le troisième volet, relatif aux transferts entre les communes et les intercommunalités, qui me paraît oublier ces autres acteurs locaux que sont les grands syndicats. Nous avons dans mon département un syndicat pour l'eau et l'assainissement, qui regroupe 472 communes et est propriétaire de ses réseaux. Pourquoi devrions-nous transférer ce syndicat départemental à une intercommunalité ? Il fonctionne très bien et donne satisfaction à tout le monde.

M. Hervé Maurey . - Je reste perplexe et étonné par ce que j'ai entendu. La décentralisation est un sujet important, annoncé comme une grande réforme du quinquennat de M. Hollande, voire comme un « Acte III de la décentralisation » ; mais je n'ai pas senti dans vos propos une vision, une ambition, un projet. Peut-être avez-vous dû parvenir à un compromis, comme le gouvernement précédent, sous l'effet de ces puissants lobbies que sont les associations d'élus locaux. En ce qui concerne le département, vous nous dites : on a bien pensé à le supprimer, mais c'est compliqué. Votre réforme ne propose pas de simplifier le « mille-feuilles administratif », ni de clarifier les compétences. S'il y a un chef de file, qui sera la région, les autres collectivités ne pourront plus exercer leurs compétences propres, sauf s'il en est décidé autrement au sein de la conférence des territoires régionale. Cela revient à une mise sous tutelle des autres collectivités territoriales par la région. D'une manière générale, je suis d'accord pour que l'Etat se substitue aux collectivités territoriales lorsqu'elles ne font pas leur travail. Mais ce n'est pas ce que l'on observe actuellement en matière d'aménagement numérique du territoire. Par ailleurs, je suis tout à fait opposé au PLU intercommunal. Une meilleure coopération entre les communes est souhaitable, mais ne doit pas aboutir à un transfert de leur compétence d'urbanisme. Mes questions sont simples : quel est le sens de votre réforme ? Quel en est l'objectif ? S'agit-il d'un « Acte III de la décentralisation », ou d'un simple toilettage des textes ?

Mme Hélène Masson-Maret . - Je ne reprendrai pas la caricature du mille-feuilles territorial. La région sera chef de file en matière de développement économique, autour d'un schéma régional adopté pour cinq ans. La région pourra déléguer certaines de ses compétences. Mais que se passe-t-il lorsqu'il y a une enclave dans laquelle la région ne peut pas agir ? Et s'il y a deux politiques économiques sur le territoire, en l'absence d'accord ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Monsieur Cornu, vous dénoncez le mille-feuilles territorial, en disant qu'il faudrait supprimer un échelon...

M. Gérard Cornu . - Je n'ai pas dit cela. Je voudrais que les compétences de chacun soient clairement identifiées.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . - Je ne vois pas comment on pourrait s'attaquer au mille-feuilles sans supprimer quelque chose... C'est la raison pour laquelle je n'ai pas saisi ce que vous vouliez dire. Lorsque nous confions à la région un rôle de chef de file, il s'agit d'un cadre. Comme aujourd'hui entre un président d'intercommunalité et un maire, le président de conseil régional et le président de conseil général pourront se répartir les rôles. L'immobilier d'entreprise, par exemple, pourra être confié au département, ou, dans les régions où les départements ne souhaitent pas l'exercer, à l'intercommunalité... Il y aura un dialogue entre les élus. Ils y sont prêts, contrairement à ce que laissent entendre trop souvent les médias, et même si l'exercice sera peut-être un peu difficile parfois.

En l'absence de pacte de gouvernance, les cofinancements seront interdits. Ces derniers resteront autorisés, compte tenu de la diminution des ressources, mais ils devront être liés à un acte clair de définition de la politique de développement économique, dont le champ est très large...

Je m'étais posée la question de savoir si un agrandissement des régions pouvait avoir un intérêt économique ou politique. Mais après avoir visité plusieurs de nos pays voisins, je peux vous assurer que ce ne sont pas toujours les régions les plus grandes qui fonctionnent le mieux. Je suis très favorable au e-progrès et à l'e-administration, mais je crois aussi à l'importance des relations humaines. En outre, gagnerait-on du temps en termes d'action publique en les agrandissant ? Je ne le crois pas. Ce n'est pas un processus facile, il faut en avoir conscience. Il ne faut pas perturber les choses en pleine période de difficultés économiques. Peut-être que dans vingt ou trente ans, il y aura une évolution, mais je ne voudrais pas perdre aujourd'hui trois années d'action publique à cause d'une telle réforme.

La fusion de certains départements a un sens, mais j'ai vu les difficultés qu'elle pouvait engendrer, en Alsace notamment. J'en ai tiré un enseignement : en tant qu'élus, nous voyons les choses du point de vue des institutions, alors que les citoyens raisonnent en termes d'action publique et de service public. J'encouragerai et accompagnerai toute fusion de communes, départements, voire de régions, mais je ne crois pas que ce soit d'actualité aujourd'hui.

Vous regrettez l'absence de mise en place d'une organisation plus claire et plus simple. Mais il aurait alors fallu renoncer à la clause générale de compétence. J'ai été la seule, au cours de la mission Lambert, à dire qu'il fallait s'engager dans cette voie. Puis, en regardant de près, en particulier dans le domaine du développement économique, je me suis rendue compte que ce n'était pas possible.

Le transfert des techniciens et ouvriers de service aux régions a bien fonctionné, mais a engendré la transformation de la région-administration de mission et de stratégie en une administration de gestion. Si l'on supprime la clause générale de compétence, la région va devoir tout gérer, alors qu'elle doit rester une administration de mission. Il y a peut-être des présidents de conseil régional qui souhaitent se débarrasser des lycées. Si un département souhaite les assumer, et que la région en est d'accord, il pourra le faire. Je n'attends toutefois pas de révolution sur le premier mandat des pactes de gouvernance. Il ne faut pas précipiter les choses. Mais à partir de la deuxième génération de pactes, il y aura certainement plus d'évolutions...

Sur le PLU intercommunal, vous êtes d'accord pour une école intercommunale mais non pour un PLU intercommunal. Or, le lieu d'implantation d'une école n'est pas indépendant des autres décisions d'urbanisme. Il est donc important de pouvoir en discuter ensemble. Les maires ont exprimé des réticences, parce qu'ils ont l'impression de perdre quelque chose. J'entre effectivement au Sénat avec un projet de loi qui le rend obligatoire, mais je pense qu'il faut laisser un délai important pour la mise en oeuvre d'une telle mesure. Je reviens du Nord Ardèche, où il y a déjà un PLU intercommunal et un projet de mutualisation totale des services de deux communautés de communes rurales. Je suis là pour aider ce type d'initiative.

Monsieur Pointereau, le Haut Conseil des territoires sera une rencontre des exécutifs, en amont de la décision avec l'exécutif de l'État, alors que le Sénat, dans le cadre de la séparation des pouvoirs, représente le pouvoir législatif. C'est une forme d'étude d'impact réalisée par les exécutifs. Sur la question des normes, une fois que la loi Gourault-Sueur sera adoptée, les dispositions identiques qui seront restées dans le projet de loi seront supprimées.

Monsieur Teston, nous avons longtemps hésité au sujet des délaissés ferroviaires. Nous avons fait une proposition qui n'est pas si éloignée de celle du groupement des autorités responsables de transport (GART). Il faut désormais en discuter, afin d'adopter la meilleure solution.

Sur le numérique et la feuille de route de ma collègue Fleur Pellerin, il faut aller vite. Nous l'avons confié au département parce que c'est lui qui engage aujourd'hui le plus de dépenses en matière d'aménagement du territoire. La « colonne vertébrale » du réseau sera peut-être confiée aux régions dans le cadre des conférences territoriales, parce que celles-ci bénéficient de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau (IFER). Il faut en tout cas que cette « colonne » devienne publique, avec des péages pour son utilisation. C'est tout de même avec de l'argent public que l'on finance les réseaux pour lesquels l'initiative privée est défaillante.

Monsieur Rome, le président de la conférence territoriale établit l'ordre du jour, les convocations et paie les timbres... Je ne comprends pas ces querelles. Si l'on prend un président de conseil général, selon quel critère sera-t-il choisi ? Laissons de côté les problèmes d'ego, il faut une unité de présidence.

Monsieur Nègre, j'ai reçu Monsieur Estrosi et nous avons décidé de sanctuariser Nice, ce qui a néanmoins posé quelques problèmes... Si je supprime la clause générale de compétence, j'enlève au département le numérique et le tourisme, qui relèvent de l'économie. On ne peut pas tout avoir... Je pense qu'une compétence peut être partagée.

L'intermodalité doit se faire à l'intérieur des territoires, à partir d'un schéma régional. La dépénalisation du stationnement ne me choque pas, lorsqu'il s'agit du non-respect des règles de stationnement payant. En revanche, le stationnement dangereux relève de l'État.

S'agissant du rachat d'un garage pour en faire une terre agricole, je suis désolée, il n'est pas autorisé, en raison du principe du respect de la propriété privée.

Monsieur Chastan, comme je l'ai dit, nous laisserons du temps pour l'adoption des PLU intercommunaux. Il faudra en débattre, peut-être au sein de votre commission, puisqu'il y a des enjeux environnementaux forts, sur les questions de captages et de zones Natura 2000. Je rends en revanche obligatoire la mutualisation des services pour les intercommunalités. On ne peut pas transférer une compétence sans les services.

Sur la division du texte initial en trois projets de loi, cela reste un corpus global, avec le même exposé des motifs.

Monsieur Tandonnet, je suis d'accord avec vous sur la compétence générale. Pour les établissements publics fonciers locaux, il faut passer à un établissement public foncier régional. A partir du moment où il y aura une taxe, cela permettra de racheter des friches, ce que les EPF locaux ne peuvent souvent pas faire, faute de moyens.

En ce qui concerne les pays, je suis assez d'accord. Il est regrettable qu'ils soient devenus une option dans le texte. Dans la première version, j'avais proposé de créer des pôles de développement territorial là où il n'y a pas de pays. Je pense qu'il va bien falloir associer les collectivités de communes, rurales en particulier. Je ne suis pas fermée à des amendements en ce sens.

Monsieur Doublet, je suis d'accord avec votre observation sur les syndicats départementaux d'eau et d'assainissement. Il va falloir trouver une rédaction pour permettre le maintien d'une telle opération.

Monsieur Maurey, vous êtes perplexe... Moi aussi, tous les matins en me levant, mais je se suis rassurée le soir ! Plus sérieusement, ce texte n'est pas le résultat d'un compromis hypothétique entre l'AMF, l'ARF et l'ADF, mais d'une discussion très difficile avec l'AMF. Il s'agit de déterminer les liens du maire avec le département, l'intercommunalité, la région. Cela implique de prendre en compte des choses qui ne relèvent pas seulement de la réalité froide du droit. Je crois qu'il faut faire confiance aux élus, pourvu que l'Etat se porte garant in fine . Vous me dites que ce n'est pas le cas pour l'aménagement numérique. Mais l'accès au haut débit n'est pas encore un droit fondamental, pour l'instant. Vous doutez des conférences de territoires ; moi, au contraire, je leur fais confiance. Je suis convaincue que la deuxième génération des pactes de gouvernance sera d'un niveau supérieur à la première.

Pour moi, il ne s'agit pas tant de « l'Acte III de la décentralisation », que de la modernisation de l'action publique. Nous devons faire un texte qui permette d'évoluer sans devoir recourir plus tard à de nouveaux textes. Nous ne pouvons pas légiférer tout le temps. L'ensemble formé par la conférence des territoires et le pacte de gouvernance donne la possibilité aux élus d'évoluer encore et encore. Je préfère l'action au droit, pour nous adapter à un monde qui bouge vite. Mon objectif est de faire un seul texte de loi, et qu'après le système fonctionne, même dix ans après son vote.

Madame Masson-Maret, vous avez raison sur l'intégration des schémas régionaux de développement économique. Les schémas des aires urbaines doivent être intégrés à ceux des régions. Cela déplaît peut-être aux régions, mais c'est écrit dans ce sens là. La recherche précise de la cohérence doit déboucher sur un document unique.

M. Raymond Vall, président . - Je vous remercie madame la ministre. Vous n'avez rien lâché, mais aussi beaucoup écouté. Et je vous sais gré d'avoir accepté par avance de revoir un certain nombre de problèmes.

B. ECHANGE DE VUES

Réunie le mercredi 15 mai 2013, la commission procède à un échange de vues sur le projet de loi n° 495 (2012-2013) de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

M. Raymond Vall, président . - Nous examinerons la semaine prochaine le rapport détaillé de Jean-Jacques Filleul sur les huit articles du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles dont notre commission s'est saisie pour avis.

Toutefois, compte tenu de l'importance des sujets inclus dans ce texte et de la compétence généraliste de notre commission en matière d'aménagement du territoire, j'ai souhaité que nous ayons, dès cette semaine, un premier échange de vues sur l'ensemble du projet de loi.

Je vous indique d'ailleurs que le compte rendu de nos propos figurera en annexe du rapport de Jean-Jacques Filleul, auquel je laisse maintenant la parole pour qu'en introduction de nos débats, il nous rappelle les principaux éléments du projet de loi.

M. Jean-Jacques Filleul . - Comme vous le savez et comme nous l'a rappelé la ministre Marylise Lebranchu lors de son audition devant notre commission le 16 avril, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui - sur la modernisation de l'action publique et l'affirmation des métropoles - est issu de la division en trois du texte initialement prévu.

Si l'on peut naturellement comprendre le souci du Gouvernement de ne pas soumettre au Parlement un texte trop volumineux, il n'en demeure pas moins que cette séparation n'est pas parfaitement satisfaisante car elle nous nous prive d'une vision globale de la réforme.

Or, comme l'ont montré les états généraux de la démocratie territoriale, organisés à l'initiative du président Jean-Pierre Bel à l'automne dernier, il est tout à fait nécessaire de procéder aujourd'hui à une réforme de notre fonctionnement territorial dans le but essentiel d'améliorer l'efficacité de l'action territoriale au profit de nos concitoyens. C'est l'objectif que nous devons nous fixer et que je retiendrai comme fil directeur pour mon rapport.

Nous examinerons la semaine prochaine le détail des différents articles dont nous nous sommes saisis, c'est-à-dire : les articles 3, 4 et 5 qui fixent le cadre général de cette réforme ; les articles 15 à 17 sur le STIF et la Société du Grand Paris ; l'article 31 sur les compétences des métropoles ; l'article 35 sur les pouvoirs de police en matière d'assainissement et de collecte des déchets.

Pour notre échange de vues, et au regard de notre compétence « aménagement du territoire », il me semble que nous devons nous concentrer sur les articles 3, 4 et 5.

L'article 3, d'abord, définit les collectivités chefs de file pour assurer la coordination de l'action publique locale dans des domaines de compétence particuliers : les régions pour le développement économique et l'organisation des transports ; les départements pour l'action sociale, le tourisme, l'aménagement numérique et la solidarité des territoires ; le bloc communal pour la qualité de l'air et la mobilité durable.

Comme certains d'entre vous j'en suis sûr, cette répartition ne me satisfait pas pleinement. Nous devrons donc en discuter.

L'article 4 instaure les conférences territoriales de l'action publique, qui se déclineront en deux formations : l'une destinée au dialogue entre les collectivités territoriales, présidée par le président du conseil régional, et l'autre consacrée aux échanges entre l'Etat et les collectivités territoriales, coprésidée par le préfet et le président du conseil régional.

Elles se substitueront aux conférences des exécutifs mises en place par la loi de 2004 et verront leurs pouvoirs renforcés. L'article 4 détermine précisément la composition des conférences territoriales, leurs missions ainsi que leurs règles de fonctionnement.

Ce degré de précision n'est peut-être pas le plus opportun, compte tenu de la diversité de nos territoires. Doit-on rester dans ce cadre précis, ou laisser davantage de place à l'expérimentation locale ? Nous sommes ici pour en débattre.

L'article 5 crée le pacte de gouvernance territoriale, qui consiste à regrouper l'ensemble des schémas d'organisation conclus par les collectivités pour régler les questions de délégations de compétences, de mutualisation des services et de coordination de leurs actions respectives.

Là encore, le caractère très complexe et détaillé de cet article fait craindre la mise en place d'une véritable « usine à gaz » - le mot n'est pas de moi -, et, au contraire de l'objectif recherché, un alourdissement de l'action publique.

Ce dispositif comporte également des sanctions, durcissant les règles applicables aux financements croisés et à la participation minimale du maître d'ouvrage dans le financement des investissements, pour les collectivités qui n'auraient pas adopté le schéma proposé.

Je souhaite pouvoir entendre vos remarques sur ces différents points.

M. Michel Teston . - Je voudrais rappeler le débat sur la réforme précédente qui avait abouti, dans la douleur, à l'adoption de la loi du 16 décembre 2010. A l'époque, le texte prévoyait déjà la création des métropoles, mais sans élément de souplesse pour tenir compte de la diversité des territoires. Aujourd'hui, le projet de loi introduit, enfin, cette nécessaire souplesse : l'article 31 prévoit la création d'un nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre - la métropole - qui devrait logiquement se mettre en place dans un certain nombre de grandes villes.

Mais le texte permet aussi de prendre en compte les différences de situations. Ainsi, l'article 12 crée la Métropole de Paris sous forme d'établissement public, l'article 20 définit la Métropole de Lyon comme collectivité territoriale à statut particulier et l'article 30 institue la Métropole d'Aix-Marseille-Provence comme établissement public de coopération intercommunale.

Il s'agit donc d'une avancée importante, car elle permet de prendre en compte la diversité de nos territoires.

M. Hervé Maurey . - Je salue l'honnêteté du rapporteur qui évoque à juste titre le terme d'« usine à gaz ».

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteur . - A propos de l'article 5 uniquement.

M. Hervé Maurey . - J'ai cru comprendre que cet avis est relativement partagé par la commission des lois. En termes de gouvernance, on nage dans l'hypocrisie et la complexité. Ce texte ne tranche pas entre clause générale et blocs de compétences ; en ce qui me concerne, je suis plutôt favorable à cette seconde approche.

Au lieu de cela, il prévoit de mettre en place une « usine à gaz » avec deux conférences territoriales censées faire fonctionner le tout. En arrière-plan se dessine surtout le risque d'une mise sous tutelle des communes et des départements par les présidents de région. Je suis donc plus que réservé sur cette partie du projet de loi.

Quant à l'optimisme de Michel Teston sur la souplesse du texte, nous aurons l'occasion d'en reparler la semaine prochaine.

M. Michel Teston . - Ce texte est quand même plus souple que la loi précédente !

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteur . - Si j'avais choisi d'intervenir sur la question des métropoles ce matin, j'aurais également parlé de souplesse. Je vous proposerai d'ailleurs d'aller au-delà du texte du gouvernement, pour permettre une vraie prise en compte des réalités territoriales.

La rigidité et la vision technocratique apparaissent surtout à l'article 5. Il faudrait se diriger vers un système plus conventionnel, faisant davantage confiance aux élus locaux.

M. Vincent Capo-Canellas . - J'émets des réserves sur ce projet de loi, qui prône une clarification et une simplification, mais se maintient plutôt dans la lourdeur. Il y a un vrai décalage entre le titre ambitieux et la réalité du texte. Celui-ci va sans doute évoluer, vu le nombre d'amendements annoncés en commission des lois. Et je dois dire que j'attends ces amendements avec impatience, car la version actuelle manque de vision.

J'ai assisté à un grand nombre d'auditions. Certaines associations - comme l'association des maires de France ou l'association des régions de France - ont eu des mots très durs, dont il faut sans doute tenir compte.

D'emblée, le découpage de cette réforme en trois textes est discutable. Sans vision d'ensemble, on peine à voir où tout cela nous mène.

En ce qui concerne la répartition des compétences entre les chefs de file, on a bien du mal à s'y retrouver. Comment articuler la mobilité durable dévolue au bloc communal avec la compétence de la région en matière de transports ? Par exemple, en Ile-de-France, on se retrouve avec un plan de mobilité pour la métropole tandis que la qualité de l'air et les transports sont gérés au niveau régional.

Enfin, ce texte donne l'impression que l'on instaure un tutorat sur les collectivités.

Le pacte de gouvernance territoriale suppose un accord entre élus de sensibilités politiques différentes, sous peine de sanction financière. Il favorise donc mécaniquement les plus grosses formations politiques.

Ensuite, se pose un problème de représentativité : par exemple, dans mon département de Seine-Saint-Denis, nous aurions au final cinq intercommunalités, soit un élu pour 300 000 habitants siégeant au conseil de la Métropole.

Il est donc légitime de s'interroger sur la philosophie globale du texte. L'association des régions de France se demande d'ailleurs si la conférence territoriale d'action publique ne constitue pas un « conseil régional bis ». Beaucoup de questions se posent ; un renvoi en commission serait utile pour en permettre une étude plus approfondie.

M. Alain Le Vern . - Nous sommes au pied du mur. J'étais président de l'association des régions de France à l'époque de l'acte II de la décentralisation engagée par le gouvernement Raffarin. Aujourd'hui, j'entends à nouveau les mêmes choses avec des interlocuteurs différents.

Il faut savoir ce que nous voulons. Si l'on ne pense pas que les objectifs sont l'équité générale entre les citoyens, la modernisation du pays et l'utilisation plus efficiente de l'argent public, alors je pense que le débat n'a pas d'intérêt.

Tout le monde souhaite une réforme. Mais nous devons aujourd'hui constater que nos associations - l'association des maires de France, l'association des départements de France, l'association des régions de France - ne sont pas parvenues à s'entendre pour proposer unanimement un projet qui simplifierait le travail du législateur. Alors mettons-nous au travail, puisque c'est notre responsabilité.

La question du chef de file s'était déjà posée en 2003. Le gouvernement de l'époque ne l'avait pas tranchée, et le gouvernement actuel ne va pas le faire non plus. Il est donc nécessaire aujourd'hui d'en définir clairement les contours juridiques.

En tant que législateur, notre responsabilité consiste à faire en sorte que chaque acteur dispose de compétences précises et puisse les mettre en oeuvre. Je suis favorable à un schéma prescriptif. Sur quels domaines porte principalement le débat ? En matière de sport et culture. Par exemple, il semble légitime de maintenir une compétence générale.

En revanche, le développement économique ne peut souffrir d'une confusion. Je prends l'exemple de la métropole rouennaise, plus importante en termes démographiques et économiques que le reste de la région. Si on laisse à la métropole une compétence en développement économique, on créée un déséquilibre dans la mesure où la région s'occuperait seulement du territoire extra-métropolitain. On place donc les entreprises dans une situation infernale, avec potentiellement deux interlocuteurs. Il faut donc une clarification du bloc de compétences économiques. Le projet de loi initial prévoit d'ailleurs de réserver les questions immobilières et foncières au bloc communal, et de laisser le développement économique à la région.

La deuxième difficulté concerne les transports. Entre la région qui gère les TER, le département qui s'occupe des lignes régulières, la métropole responsable du transport urbain, il est difficile de s'y retrouver sans chef de file pour organiser l'intermodalité. En Haute-Normandie, nous mettons en place un titre de transport partagé par une quinzaine d'autorités organisatrices de transports. Mais tant qu'aucune d'entre elle ne porte juridiquement ce titre de transport, on reste dans l'illégalité.

Je suis donc d'accord avec mon collègue Michel Teston : ce texte apporte de la souplesse. Je suis président de région depuis quinze ans. En pratique, nous avons déjà mis en place des conférences territoriales sur notre territoire et cela fonctionne. Nous décidons ensemble et de façon transparente, pour donner de la cohérence à l'action publique locale. Je crois que sur beaucoup de sujets, nous avons besoin de telles instances de concertation.

Aussi, j'en conjure chacune et chacun ici : faisons cette loi. Le pays en a besoin car il est actuellement tétanisé.

M. Ronan Dantec . - Je crois que ce projet de loi est un signal d'alerte, comme en témoigne l'extrême difficulté de sa préparation. Les réseaux de collectivités n'ont pas été capables de se mettre d'accord. Ce sujet dépasse largement les clivages politiques et il existe un consensus sur l'incapacité des uns et des autres à dépasser leur propre intérêt pour arriver à une réforme lisible. Ce texte est donc un signal d'alerte : la société française peine à se réformer. L'échec du référendum en Alsace en est une illustration.

Ce constat étant posé, je souhaiterais souligner deux points. Le premier concerne les conférences territoriales et le chef de file : c'est la seule possibilité qui existe aujourd'hui. Il n'y a pas d'autre solution, à partir du moment où les réseaux de collectivités sont incapables de se mettre d'accord sur un schéma. On fait donc le pari que l'intelligence collective, qui ne s'est pas exprimée dans la préparation de la loi, s'exprime demain dans la conférence territoriale.

Le second point concerne le découpage de la réforme en trois textes. Je regrette cette manière de brouiller le message. Il aurait, a minima , fallu examiner la métropole et la région ensemble, s'il n'est pas possible de tout faire.

S'agissant plus précisément de la métropole, ce texte constitue une avancée sur au moins un point, dans la mesure où il acte la reconnaissance du fait urbain pour l'avenir du pays. Cependant, plusieurs problèmes demeurent.

Le projet de loi ne précise pas l'articulation entre les territoires, notamment en ce qui concerne les villes moyennes. Il n'y a rien de plus dangereux qu'un discours purement métropolitain, car les métropoles ont aussi une responsabilité sur l'ensemble des territoires périphériques. La conférence territoriale ne suffira pas à imposer le dialogue, a fortiori entre des collectivités qui ne sont pas dans le même département ou la même région. Il faudrait donc renforcer le pôle métropolitain comme instance de concertation, mais, en l'état actuel, le projet de loi ne le prévoit pas.

Enfin, l'autre difficulté majeure concerne la gouvernance. Il est inimaginable de renforcer les métropoles sans prévoir d'élire au scrutin direct ses dirigeants. On ne peut pas avoir une structure qui concentre autant de pouvoirs et entretenir un tel manque de légitimité pour son président.

M. Louis Nègre . - Ce texte ne suscite aucun enthousiasme, car il manque totalement de vision politique. On attendait l'acte III de la décentralisation, et l'on se retrouve avec les bribes d'une réforme découpée en trois morceaux. Le citoyen attend davantage de lisibilité, mais avec ce texte, il pourra encore moins comprendre comment tout cela fonctionne. Il s'agit bien d'une « usine à gaz ».

En matière de déplacements, je pense que l'on peut aller beaucoup plus loin. Il n'est pas normal que l'on renvoie la question de la mobilité durable au troisième texte. Cela montre la difficulté à faire fonctionner une vision d'ensemble.

Je ne vous parle même pas de la dépénalisation du stationnement, pour laquelle un consensus politique existe. Le président Sarkozy y était déjà favorable en 2007. J'ai été rapporteur du groupe de travail mis en place sur ce sujet, et je peux vous dire que les obstacles ne sont pas politiques mais technocratiques.

Quant à la métropole, il est normal que cela fasse peur, car les élus craignent de disparaître. Mais nous avons créé la métropole Nice Côte d'Azur et la réalité du terrain montre que c'est là que se trouve la vraie souplesse. En tant que premier vice-président de Nice Côte d'Azur, j'ai eu la charge de bâtir la charte des maires, sorte de constitution interne qui établit l'équilibre des pouvoirs et des contrepouvoirs cher à Montesquieu. Cet équilibre nous permet de prendre les grandes orientations politiques pour 46 communes et 550 000 habitants. Et ce dynamisme inclut majoritairement des communes rurales. Je vous invite à venir voir, tout cela fonctionne depuis deux ans !

M. Pierre Camani . - Ce texte répond à une demande d'innovation et d'expérimentation. Certes le concept de chef de file reste à affiner, mais je vois bien la cohérence d'ensemble. La clause de compétence générale est demandée par tous les présidents de régions et de départements. Je ne suis pas favorable aux blocs de compétences, car cela ne correspond pas à notre histoire, à notre organisation. Il vaut mieux faire confiance à l'intelligence des territoires.

Il est également positif que ce texte affiche clairement le fait métropolitain pour la première fois. Même si je me pose également la question des espaces interstitiels et de leur articulation avec la métropole. C'est un texte qui va permettre aux territoires de mieux s'organiser, pour peu que l'on y ajoute un peu de souplesse.

Mme Évelyne Didier . - Je suis certaine d'une chose : les citoyens ne peuvent pas s'y retrouver. Il faut faire un effort pour que les gens puissent avoir des repères, car c'est ce qui fait fonctionner la démocratie.

La compétence générale attribuée à tous les niveaux permet d'autant mieux les transferts de compétences que l'on peut se saisir d'un sujet lorsque l'on est concerné. Nous l'avions demandée, et c'est une satisfaction.

En revanche, l'idée que la puissance réside dans les métropoles avalise une conception foncièrement libérale de l'organisation du pays. Nous tenons beaucoup à la nation et à la commune comme lieux fondamentaux de la démocratie. Ils correspondent aux repères du citoyen.

Je me pose aussi la question des espaces abandonnés. Les conférences territoriales sont déjà une réalité dans quelques régions. Avec de l'intelligence collective, cet outil peut fonctionner correctement et a le mérite d'une plus grande transparence, notamment pour l'attribution des subventions.

Mais si l'on ajoute le pacte de gouvernance et le plan local d'urbanisme intercommunal, alors on acte la disparition des communes. A fortiori si l'on met en place une élection directe du président de la métropole, même si je suis d'accord pour dire que les pouvoirs impliquent de rendre des comptes.

Au final, il s'agit bien moins de décentralisation que d'une réorganisation des pouvoirs dans un contexte de pénurie des ressources financières. Il faut clairement le dire.

M. Gérard Cornu . - Je crains que l'acte III de la décentralisation ne soit un rendez-vous manqué. Au-delà des clivages politiques, chacun regrette ce malheureux découpage des textes. La méthode n'est pas bonne, ni sur la forme, ni sur le fond. Ce que l'on souhaite au départ, c'est davantage de lisibilité et de proximité pour le citoyen. Or avec ce texte, on ne comprend plus rien.

Comme la rappelé Ronan Dantec, on continue à ménager les intérêts de telle ou telle collectivité. La clause de compétence générale pour tous illustre un rendez-vous manqué.

En revanche, mon avis diverge de celui de Ronan Dantec sur la question du plan local d'urbanisme intercommunal et sur le suffrage direct pour l'élection du conseil de métropole. Car on acte bien la disparition des communes, cela paraît évident. Si on veut faire disparaître les communes, alors il faut l'assumer et le dire clairement.

Mme Évelyne Didier . - Il restera aux maires la compétence scolaire, et encore !

M. Gérard Cornu . - Je souhaite également attirer l'attention sur un autre point. Il faut être vigilant lorsque l'on parle de souplesse. Nous ne sommes pas un état fédéral. Je ne voudrais pas que l'on puisse avoir une image différente de la France au gré des particularismes locaux. Nos concitoyens se déplacent et déménagent. La loi doit s'appliquer partout de la même façon. Les Français ne sont pas habitués au fédéralisme.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je redis que la métropole de Paris pose un problème particulier. Avec un élu pour 300 000 habitants, cela ne va pas être simple !

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteur . - L'argument qui consiste à dire que ce texte est un rendez-vous manqué est trop simple. Le débat a lieu depuis plusieurs mois, avec les associations et les élus. Nous sommes à une étape importante, avec une vraie volonté du gouvernement et des élus, de parvenir à une organisation territoriale plus efficace pour l'action publique.

Il y aura des évolutions au cours du débat. Vincent Capo-Canellas parlait de la représentativité d'un élu pour 300 000 habitants dans l'espace parisien. Certains amendements pourront revoir ce niveau.

Concernant la conférence territoriale, il existe déjà des expériences réussies sur le territoire, comme Alain Le Vern l'a rappelé.

Je rejoins également Ronan Dantec sur la question des métropoles : le fait urbain est important aujourd'hui, ce n'est pas être libéral que de le reconnaître. Nous devons prendre comme horizon le territoire européen. Pour autant, les métropoles ne doivent pas être puissantes pour elles-mêmes, mais pour le territoire. Il faut donc avancer vers un fait métropolitain qui permette aux petites collectivités de s'impliquer. Les métropoles ont vocation à participer à l'irrigation du réseau rural.

Mme Évelyne Didier . - Il faut le dire !

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteur . - On va le dire. En matière de compétences, il faut bien cerner la logique du projet de loi. Le chef de file comme les conférences territoriales deviennent des éléments essentiels à partir du moment où l'on rétablit la compétence générale pour tous. En revanche, le schéma prévu pour ces conférences pourra être allégé, en privilégiant la piste d'une conférence qui doit donner des avis. En pratique, c'est comme ça que cela fonctionne à Nice ou en Haute-Normandie. Les amendements que je vous proposerai iront dans ce sens.

En ce qui concerne les compétences du bloc communal, je crois qu'il va falloir progresser vers l'accès aux services publics et l'aménagement du territoire local. Les amendements devront témoigner d'une volonté de subsidiarité. Sinon, on pourrait se diriger vers la suppression des communes, ce que personne ne souhaite.

Quant à la compétence des régions en matière de transport, le débat s'oriente dans le sens d'une véritable affirmation de leur rôle dans le domaine de la mobilité durable.

Deux points ne sont pas complètement réglés. Sur l'aménagement numérique du territoire, la compétence doit, à mon sens, relever exclusivement soit de la région soit du département. En revanche, pour le tourisme, je suis favorable à un schéma où la région coordonne, avec des compétences exercées par le département. Le projet de loi va davantage dans le sens du département, mais il y aura des amendements, et il faudra décider à ce moment-là.

M. Raymond Vall , président . - Merci à tous pour ces interventions intéressantes et constructives.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 22 mai 2013, la commission procède à l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi n° 495 (2012-2013) de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, présenté par Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme d'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique.

M. Raymond Vall , président . - La commission des lois ayant adopté la semaine dernière une version largement remaniée du texte, c'est sur cette version que nous sommes appelés à rendre un avis.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis . - Je ne reviendrai pas sur mes propos introductifs de mercredi dernier, et notamment sur la division en trois du texte initial qui rend malheureusement plus difficile une vision globale de la réforme. Il est essentiel à mes yeux que celle-ci soit utile. Si, à défaut d'organiser un fonctionnement territorial idéal, nous parvenons à améliorer l'efficacité et la lisibilité de nos collectivités et de leurs interventions, ce sera déjà une avancée. Aussi le texte, qui refonde et modernise l'action publique territoriale mérite-t-il tout notre intérêt.

C'est dans cet esprit que j'ai examiné les huit articles dont nous nous sommes saisis : les articles 3, 4 et 5 qui fixent le cadre général de la réforme ; les articles 15, 16 et 17 sur le STIF et la Société du Grand Paris ; l'article 31 sur les compétences des métropoles ; l'article 35, enfin, sur les pouvoirs de police en matière d'assainissement et de collecte des déchets.

Comme nous y a invités la ministre lors de son audition devant notre commission, je me suis senti très libre de vous proposer plusieurs modifications. La commission des lois a d'ailleurs adopté la même attitude la semaine dernière - j'en profite pour saluer le travail considérable de son rapporteur, qui a clarifié des points importants.

Je commencerai par les trois articles relatifs au STIF et au Grand Paris, que la commission des lois nous a délégués au fond. L'article 15 faisant référence à trois articles du code des transports, dont la création n'est prévue que dans le troisième projet de loi relatif à la décentralisation, il n'a pas lieu d'être dans celui-ci et je vous proposerai de le supprimer.

Les articles 16 et 17 concernent la coordination entre le syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, groupement de collectivités qui constitue l'autorité organisatrice unique des transports en Ile-de-France, et la société du Grand Paris, établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial.

Très rapidement, les limites de la création d'un réseau de transport parallèle au réseau existant sont apparues, en particulier au cours des débats publics qui se sont tenus sur les deux projets. Un protocole d'accord a été signé entre l'Etat et la région en janvier 2011, reprenant des éléments communs au projet du Grand Paris et à Arc Express.

Le projet du Nouveau Grand Paris, présenté par le Premier ministre le 6 mars dernier, confirme cette approche, puisqu'il englobe, d'une part, des mesures d'amélioration du réseau existant, notamment le plan de mobilisation conclu entre l'Etat et les collectivités en 2011, d'autre part, le Grand Paris Express.

Cette approche intégrée se traduit par un impératif de coordination fort entre l'autorité organisatrice des transports en Ile-de-France, le STIF, et le maître d'ouvrage du réseau de transport public du Grand Paris, la Société du Grand Paris. Le STIF doit pouvoir s'exprimer sur le coût de possession de l'infrastructure une fois qu'elle est réalisée, ou sur les exigences de sécurité relatives à son exploitation, y compris sur les matériels roulants. Or, la loi relative au Grand Paris est peu diserte à ce sujet. Il convenait, dès lors, d'aller plus loin.

L'article 16 précise que les missions du STIF, maître d'ouvrage de droit commun, en matière de transports, s'exercent non seulement dans la limite des compétences de RFF ou de la RATP, comme cela est déjà prévu dans les textes, mais également de celles de la société du Grand Paris.

L'article 17 modifie quant à lui la loi relative au Grand Paris, afin d'associer davantage le STIF aux démarches réalisées par la Société du Grand Paris. Il dispose que le STIF est associé à l'élaboration du ou des dossiers d'enquête publique précédant la déclaration d'utilité publique pour les projets d'infrastructure du Grand Paris , ainsi qu'à celle de l'ensemble des documents établis par le maître d'ouvrage pour la réalisation des opérations d'investissement relatives au réseau de transport public du Grand Paris, qu'il aura au préalable approuvés. Il prévoit, enfin, que le STIF, en sa qualité de financeur, est associé à chaque étape du processus d'acquisition des matériels roulants.

Les responsables du STIF et de la Société du Grand Paris, que j'ai entendus, semblent satisfaits de ces précisions. Comme l'a rappelé le STIF, une coopération similaire avec RFF fonctionne bien. L'action devra être coordonnée au mieux, pour ne pas allonger les délais de mise en oeuvre des différentes étapes du projet. Je crois que les deux parties partagent le même objectif et la même volonté d'avancer. Une association du STIF le plus en amont possible évitera des blocages.

Je vous proposerai d'adopter conformes ces deux articles, afin que le projet du Grand Paris, dont l'enjeu est considérable, puisse avancer rapidement dans de bonnes conditions.

Notre commission se prononce par un simple avis sur cinq autres articles du projet de loi. L'article 3 vise à désigner des collectivités chefs de file. Cette disposition est la conséquence logique du rétablissement, à l'article 2, de la clause générale de compétence, qui est parfois mal comprise. Le chef de file n'exercera pas la compétence concernée à la place des autres collectivités, il aura pour mission de coordonner leurs interventions. C'est introduire une plus grande rationalité dans l'exercice des compétences partagées tout en respectant le principe de non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, dans l'esprit de clarification de l'action publique locale qui préside à ce texte. Les chefs de file coordonnent, ce qui ne signifie pas qu'ils règlent tout sur le terrain.

Le texte du gouvernement faisait des régions les chefs de file pour le développement économique et l'organisation des transports. La commission des lois a complété et précisé cette formulation en leur octroyant la responsabilité de chef de file dans les domaines de l'aménagement et du développement durable du territoire, du développement économique et touristique, de l'innovation et de la complémentarité entre les modes de transports.

Cette nouvelle rédaction, bienvenue, conforte le rôle reconnu de la région en matière de développement économique et d'innovation. Je vous renvoie au rapport de Jean-Luc Fichet et de Stéphane Mazars pour la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui l'a mis en évidence.

L'expression « complémentarité entre les modes de transports » me paraît plus pertinente que celle d' « organisation des transports » retenue par le gouvernement. Il revient à la région de promouvoir l'intermodalité, tout en laissant les autorités organisatrices en première ligne pour l'organisation des transports, dans leur périmètre.

Le transfert du rôle de chef de file pour le tourisme aux régions ne fait pas consensus. J'estime pour ma part que le niveau est le bon pour promouvoir les richesses culturelles et naturelles de nos territoires, d'autant que cette compétence n'est pas sans lien avec le développement économique. Lorsque l'on visite les châteaux de la Loire, on se réfère au Val de Loire ou à la région Centre, et non à tel ou tel département. Encore une fois, il ne s'agit pas de déposséder ces derniers de leurs compétences dans ce domaine, mais de donner de la cohérence aux interventions de chacun des échelons territoriaux.

Le texte initial faisait des départements les chefs de file pour l'exercice des compétences relatives à l'action sociale et au développement social, à l'autonomie des personnes, au tourisme, à l'aménagement numérique et à la solidarité des territoires. La commission des lois, si elle a maintenu cette prérogative légitime et attendue dans le domaine social, en retenant les termes d' « action sociale et de cohésion sociale » plutôt que d' « action sociale et de développement social », ainsi que leur responsabilité en matière d'autonomie des personnes, d'aménagement numérique et de solidarité des territoires, a, en revanche, préféré faire des régions les chefs de file en matière de tourisme. Le choix des départements en matière de solidarité territoriale me paraît judicieux, car le département est certainement le mieux à même de prendre en compte les problématiques spécifiques des espaces interstitiels et ruraux, au-delà du champ des intercommunalités les plus importantes.

Le projet de loi initial attribuait au bloc communal la fonction de chef de file pour les compétences relatives à la qualité de l'air et à la mobilité durable, ce qui faisait rire tout le monde, y compris votre rapporteur pour avis. La commission des lois, répondant à un souhait largement partagé, a entièrement revu cette formulation. Elle a fait des communes et de leurs groupements les chefs de file pour les compétences relatives aux services publics de proximité, au développement local et à l'aménagement de l'espace.

Il semblait en effet difficile d'octroyer à l'ensemble des communes le rôle de chef de file dans le domaine de la qualité de l'air. Si les grandes intercommunalités jouent un rôle fondamental dans ce domaine, il en est autrement des petites communes rurales. Il existe en outre un schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie. Quant à la mobilité durable, son contenu et son articulation avec les missions confiées à la région ainsi qu'avec les compétences des autorités organisatrices de transport semblaient peu claires. Aussi suis-je satisfait que la commission des lois ait confié au bloc communal le rôle de chef de file dans le domaine de l'accès aux services publics de proximité, du développement local, entendu comme la promotion de l'artisanat et du commerce de proximité, et de l'aménagement de l'espace. Il s'agit bien là des compétences-clefs des communes et de leurs groupements.

Concrètement, pour l'ensemble des compétences que je viens de citer, la coordination et la répartition des rôles seront organisées, par convention, au sein de la conférence territoriale de l'action publique (CTAP), dont l'article 4 prévoit la mise en place. L'idée prend sa source dans les expériences locales, en particulier en Bretagne. La loi de 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait cherché à les étendre sur l'ensemble du territoire en créant les conférences des exécutifs régionaux. Les bilans réalisés au Sénat, par la mission Krattinger-Gourault ou le rapport Gourault-Guillaume, ont montré que leur succès était inégal ; ils en ont conclu à la nécessité d'une formalisation et d'une institutionnalisation de ces instances.

Le projet de loi initial du Gouvernement, néanmoins, traite peut-être trop précisément des conférences territoriales, au risque de rigidifier l'action publique locale. La commission des lois a tenu compte de ces objections ; elle a considérablement allégé le dispositif, tout en préservant l'esprit du texte initial. Elle a notamment défini un fonctionnement plus souple, susceptible de s'adapter aux spécificités territoriales. Elle a diminué l'effectif de la conférence, qu'elle jugeait excessif et peu opérationnel. Enfin, elle a prévu que ces conférences rendront des avis sur tous sujets relatifs à l'exercice des compétences et toutes questions sur la coordination ou la répartition des rôles entre collectivités territoriales, suivant des modalités qu'elles auront elles-mêmes déterminées.

Sur cet article, un seul point me semble encore mériter débat : la question de la représentation des territoires ruraux. Je suis conscient de la nécessité de limiter le nombre de personnes autour de la table, pour des motifs d'efficacité évidents. La présence systématique des présidents de région, de départements, des présidents de conseils de métropole et de communauté urbaine se justifie, compte tenu de leur caractère stratégique et des interactions que ces collectivités ont ou doivent avoir entre elles et avec les communes ou EPCI de plus petite taille. En revanche, la présence d'un représentant des communes de moins de 50 000 habitants par département ne suffit pas à représenter le monde rural. A 10 000 habitants, une commune n'est plus vraiment rurale... On nous objecte que les présidents de conseils généraux pourront porter les problématiques des territoires ruraux. Sans doute. Je pense néanmoins qu'il ne serait pas inutile que la conférence territoriale compte systématiquement un représentant de commune rurale par département, afin que le monde rural puisse exprimer ses problématiques propres. C'est le sens de l'amendement que je vous proposerai tout à l'heure.

Les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux m'ont saisi de leur souhait de faire partie, à titre consultatif, de la conférence territoriale. Je préfère sur ce point laisser une certaine souplesse aux territoires, compte tenu du nombre déjà important de membres destinés à y siéger. Le texte précise bien qu'elle peut associer à ses travaux ou solliciter l'avis de tout élu ou organisme non représenté. Cela me paraît suffisant : aux élus locaux d'en décider.

Dans l'esprit du gouvernement, le pacte de gouvernance territoriale, objet de l'article 5, devait rassembler divers schémas d'organisation, destinés à régir les délégations de compétences entre collectivités, la création de services communs, et les modalités de coordination entre leurs actions. Ce pacte venant s'ajouter aux schémas actuels, l'on peut s'interroger sur l'utilité et la complexité de ce montage. En outre, les conséquences prévues en cas de non-adoption des schémas font douter de la constitutionnalité du dispositif au regard du principe de libre administration des collectivités. C'est la raison pour laquelle j'approuve la suppression de l'article 5 par la commission des lois.

L'article 31, dans le texte du Gouvernement, transforme de plein droit en métropoles tous les établissements publics de coopération intercommunale de plus de 400 000 habitants, au sein d'une aire urbaine de plus de 500 000 habitants, ce qui devait conduire à la création de onze nouvelles métropoles.

Ces métropoles se voient obligatoirement transférer certaines compétences additionnelles des communes, au-delà du bloc de compétences déjà fixé pour les métropoles par la loi de 2010, ainsi que certaines compétences départementales. Certaines autres compétences pourraient leur être transférées de façon facultative, par voie conventionnelle, par les départements et les régions. De même, l'Etat pourrait, à leur demande, leur transférer un ensemble indissociable de cinq compétences en matière de logement, de grands équipements et d'infrastructures.

La commission des lois a sensiblement modifié l'article 31. Tout d'abord, elle a relevé à 450 000 habitants, dans une aire urbaine de 750 000 habitants, le seuil démographique de création des métropoles, ce qui limite à six le nombre de métropoles : Toulouse, Lille, Bordeaux, Nice, Nantes et Strasbourg.

Elle a également rendu la création des métropoles facultative, supprimé le caractère automatique du transfert des compétences départementales, ôté du bloc indissociable des compétences d'Etat en matière de logement le droit au logement opposable, et l'hébergement d'urgence, qui relèvent de la solidarité nationale. Enfin, elle a substitué une conférence métropolitaine des maires  à la conférence des territoires.

A l'article 40, la commission des lois a abaissé de 450 000 à 400 000 habitants le seuil de création des communautés urbaines, accordant toutefois une dérogation aux villes n'atteignant pas ce seuil, mais présentant au moins deux des fonctions de commandement suivantes : être chef lieu de région, disposer d'un CHU ou d'un centre universitaire, d'au moins deux pôles de compétitivité ou d'excellence. La reconnaissance de métropoles d'intérêt régional au côté de métropoles à dimension européenne semble pertinente.

Le chapitre V concerne l'intégration métropolitaine et urbaine : il s'agit essentiellement d'approfondir l'intégration intercommunale. L'article 35 revient sur les modalités de transfert des pouvoirs de police de l'assainissement et des déchets à l'intercommunalité. En effet, depuis la loi de 2010, lorsque les compétences d'assainissement et de collecte des déchets sont transférées par la commune à l'EPCI, les pouvoirs de police correspondants sont également transférés au président de l'intercommunalité, sauf opposition expresse du maire.

L'objectif est de compléter ce pouvoir de police, par la délivrance des dérogations au raccordement aux réseaux publics de collecte des eaux usées domestiques, et de préciser le pouvoir de police des déchets pour la réglementation de la collecte. Cet article de cohérence a été adopté sans modification par la commission des lois, que je vous propose de suivre.

Enfin, je vous présenterai un article additionnel afin de dépénaliser le stationnement et de le transformer en service public décentralisé, comme nous sommes nombreux à le réclamer depuis longtemps. Indispensable à la mise en oeuvre de politiques ambitieuses de mobilité durable au niveau communal, cette mesure mettrait fin à nombre de dysfonctionnements soulignés par plusieurs rapports, notamment celui de notre collègue Louis Nègre.

Le texte du Gouvernement modifié par la commission des lois comporte quelques vraies avancées pour notre démocratie territoriale : il clarifie le rôle des différents acteurs territoriaux et accroît la cohérence de leurs interventions. Il se fonde sur la confiance en l'intelligence des territoires et de leurs élus.

Je vous propose donc de lui donner un avis favorable, sous réserve des amendements que je vous présente.

M. Raymond Vall, président . - Nous vous remercions pour la rapidité et la qualité de votre travail.

M. Gérard Cornu . - En effet, le rapporteur a travaillé rapidement, et ce n'est pas sur ce point que portera ma critique, d'autant que je crois avoir senti que certains détails du texte l'agaçaient. Le saucissonnage en trois textes pose un vrai problème de lisibilité pour nos concitoyens, surtout quand on ménage la chèvre et le chou sur les chefs de file. En outre, avec le PLU intercommunal et la demande de suffrage universel direct pour l'intercommunalité, on va transformer les communes en hameaux... Comment, d'ailleurs, la commune peut-elle être chef de file pour l'aménagement rural et de l'espace en perdant son PLU ? Personne n'est contre l'acte III de la décentralisation, mais les choses démarrent mal. L'article additionnel après l'article 45 ter , qui part d'un bon sentiment, apporte-il quelque chose de neuf ? Je n'en suis pas sûr, et pour gagner en lisibilité, mieux vaut en enlever qu'en rajouter.

Saucissonnage, confusion, volonté de ménager tantôt l'un tantôt l'autre : malgré la bonne volonté du rapporteur, l'acte III de la décentralisation est un rendez-vous manqué. Mon vote sera négatif.

M. Michel Teston . - Je salue le travail de notre rapporteur ainsi que de celui de la commission des lois, qui a sensiblement fait progresser le projet. Si je suis favorable à la proposition du rapporteur de supprimer l'article 15, les articles 16 et 17 sont les bienvenus : l'avancement du Grand Paris est vital, non seulement pour améliorer les liaisons, mais aussi pour choisir à l'avenir l'implantation des logements.

La notion de chef de file qui figure à l'article 3  est-elle définie quelque part ? Que dit la loi du 13 août 2004 ? Voilà peut-être le moment de préciser le concept, et de dire que la collectivité chef de file n'est pas celle qui fait tout.

M. Rémy Pointereau . - L'acte III de la décentralisation n'est pas une vraie réforme : il se contente d'ajustements. On n'avance guère sur le plan financier, sur la libre administration, sur l'autonomie financière. Le Grand Paris progresse... dans la continuité. L'on fait la part belle aux métropoles et aux régions ; les départements qui se consacrent déjà à 60 % à des compétences sociales s'y voient définitivement confinés, alors qu'ils auraient un vrai rôle à jouer en matière économique, on l'a vu en Vendée. Quant aux communes, si on veut les supprimer, qu'on le dise clairement ! Après le PLU intercommunal, que va-t-il leur rester ? L'état-civil ? Les délégués communautaires seront des super maires des communes rurales...Vous l'avez sans doute remarqué, puisque vous proposez d'accroître le nombre de représentants des communes rurales dans les conférences territoriales, ce nouveau machin. La ruralité est abandonnée. Je ne m'associerai pas à votre navigation à vue. Je serai défavorable sur le fond et sur la forme à ce rendez-vous manqué.

M. Louis Nègre . - Voilà un texte petit bras, sans vision ni ambition. Nous attendions l'acte III de la décentralisation, un texte fondateur portant une vision globale ; nous écopons d'un texte éclaté en trois parties. Néanmoins, celui-ci marque quelques avancées significatives. Je suis en désaccord avec la commission des lois sur l'article 3 : ce n'est pas à la région de s'occuper du tourisme, mais au département, qui est, en tout cas chez moi, dans les Alpes Maritimes, l'institution touristique par excellence.

L'article 4, en revanche, témoigne des bienfaits du passage du texte par la commission des lois, qui arrive à donner de la souplesse et de la lisibilité au système, en se fondant sur la responsabilité des élus. Je suis favorable au conventionnement et à tout ce qui fait progresser le débat, même si l'article n'est pas parfait. La métropole Nice Côte d'Azur comporte majoritairement des communes rurales ; leur partenariat avec les communes littorales hyper-denses fonctionne, quelles que soient les sensibilités politiques, et la récente demande d'intégration de deux communes communistes dans un ensemble dominé par la droite prouve que la métropole est perçue comme protectrice. C'est pourquoi je vous suis également sur l'article 4 introduisant des représentants des communes rurales au sein de la conférence territoriale.

Je suis entièrement d'accord pour supprimer le pacte de gouvernance prévu à l'article 5. Pensons au citoyen lambda et cessons d'ajouter des étages.

L'article 31 réduit les métropoles à six, dont Nice. Une telle vision correspond au souhait de la Datar de métropoles pesant au niveau européen. La conférence métropolitaine que vous évoquez fonctionne déjà à Nice de façon très satisfaisante : toutes les décisions exécutives importantes s'y prennent par consensus.

L'article 35 ne me pose pas de problème. L'article 33 témoigne de la reconnaissance, tant par le Gouvernement que par la commission des lois, du rôle pionnier de la métropole Nice Côte d'Azur. Nous invitons tous les sceptiques à venir constater sur place comment peuvent s'entendre des communes.

Un grand merci pour l'amendement dépénalisant le stationnement, que vous aviez vous-même déjà proposé à l'Assemblée nationale et qui a été soutenu par le Gart (Groupement des autorités responsables de transport). La commission que j'ai présidée sous le précédent gouvernement a rendu un rapport dont vous suivez les grandes lignes. Avec Roland Ries, président du Gart, nous souhaitions donner aux autorités locales la possibilité d'adapter la redevance du stationnement au coût horaire, comme cela se fait en Belgique, ou à Madrid. Voilà une vraie mesure de décentralisation ! Une amende de 17 euros n'a en effet pas le même sens dans une ville où le stationnement coûte 20 centimes de l'heure que dans Paris où il atteint 3 euros - et où seulement 10 % des gens payent leur stationnement.

M. Roland Ries . - Il est évident que le texte n'est pas parfait, mais il a été bien amendé par la commission des lois, et il le sera encore. Essayons de déjouer cette malédiction qui fait de la France un pays institutionnellement irréformable.

Il y a débat sur la répartition des compétences entre les communes et l'intercommunalité. Je suis pour ma part en communauté urbaine obligatoire depuis 1966. De larges transferts ont été réalisés des villes vers la communauté urbaine. Certaines intercommunalités sont très intégrées, d'autres moins. Chez nous, le logement et le PLU sont d'ores et déjà de compétence communautaire, sans parler du transport, des ordures ménagères, des routes... Nous aurions tort de nous focaliser sur cette question ancienne de répartition des compétences entre communes et intercommunalités, car dans le texte, les deux sont conjoints.

Qu'est-ce qu'un chef de file, demandait Michel Teston ? Deux orientations sont possibles : l'une donne au chef de file la capacité d'imposer, l'autre consacre l'impératif constitutionnel de libre-administration des collectivités territoriales et donne au chef de file un rôle d'organisation de la concertation ou des projets : c'est cette dernière que retient le texte, donnant ainsi des garanties. Une coordination est possible, comme elle a déjà lieu en Alsace où se réunissent très régulièrement les exécutifs régional, départementaux et de métropoles.

La bataille sur le stationnement a mobilisé la droite et la gauche durant quinze ans. Nous approchons du but : ne le manquons pas. Le stationnement est un élément déterminant du choix modal, comme l'ont démontré en 1998 Jean-Marie Guidez et Vincent Kaufmann : avec une offre de stationnement élevée et bon marché, nous organisons la concurrence par la voiture des transports publics. L'arbitrage du Premier ministre sur cet amendement devrait être positif, même si insister sur les amendes était un peu maladroit. Le stationnement est un service qui se paye ou se post-paye : cela ne relève pas du pénal.

Mme Évelyne Didier . - A partir de quel seuil est-on en zone rurale ? En dessous de 10 000 habitants comme je l'entends ici ou là ? Ma commune de 2 500 habitants passe dans son secteur pour une petite ville et le stationnement y constitue un vrai problème. Comment puis-je mettre des amendes sans agent ni garde champêtre ?

M. Louis Nègre . - La police ou la gendarmerie interviennent. Je suppose que le stationnement n'est pas payant ?

Mme Évelyne Didier . - En effet, mais il est parfois gênant. La question se pose différemment à la ville et à la campagne.

Les commissions ont fait évoluer le texte et je m'en réjouis, parce que cela signifie qu'on laisse le Parlement jouer son rôle : je ne suis pas d'accord pour parler de navigation à vue ; au contraire, il y a une volonté d'entendre les uns et les autres. Dire que le chef de file coordonne est plus respectueux pour les autres. Ne soyons cependant pas hypocrites, nous le savons bien, quand le pourvoyeur de fonds les distribue en fonction de politiques qu'il a lui-même définies, les autres sont contraints de s'y plier pour avoir leur part.

Prenons en considération le fait que dans certaines régions, ce sont les départements qui sont les plus investis dans le tourisme. Il est pertinent de ranger l'aménagement de l'espace et le développement local au niveau du bloc communal. Faire gérer la qualité de l'air par les communes relevait presque de la moquerie... Quant au PLU, je suis résolument contre le fait d'imposer son transfert : libres aux collectivités de l'accepter. Enfin, notre collègue assure que le pacte territorial a été écarté ; d'autres affirment que le Gouvernement y tient. Globalement, je m'abstiendrai à ce stade.

M. Henri Tandonnet . - Le principal écueil de ce texte, aux yeux de l'UDI-UC, est sa division en trois blocs. A voir le travail réalisé par la commission des lois, on regretterait presque que le Sénat n'ait pas été saisi de sa rédaction. La principale question est la suivante : comment donner aux collectivités la liberté de s'organiser, sinon en faisant confiance à l'intelligence territoriale ? La conférence territoriale et les conventions sont de bons éléments de réponse, et j'approuve la suppression du pacte. La conférence métropolitaine marque la confiance envers les maires. Dans notre communauté d'agglomération, nous avons mis en place un bureau réunissant les maires de toutes les communes, qu'elles aient 200 ou 33 0000 habitants.

En revanche, l'attribution au bloc communal de la compétence accès aux services publics de proximité est inquiétant : ne faut-il pas y voir le moyen pour l'Etat de transférer des charges de service public aux communes ? Je regrette que cette question ne soit pas examinée dès maintenant.

Notre Etat reste très centralisé. On aurait pu songer à donner un pouvoir réglementaire aux régions... Nous sommes à cet égard en retard sur nos voisins, et l'acte III de la décentralisation ne compromet pas cette démarche centralisatrice.

M. Jean Bizet . - Je déplore ce rendez-vous manqué et j'aurais préféré que le texte ne soit pas divisé en trois volets. On fragilise la ruralité. Comme il faut évoluer, je demeure ouvert.

L'article additionnel après l'article 45 corrige d'une certaine façon les lacunes du texte sur la ruralité, et je le voterai, parce que je suis favorable à la mutualisation. La loi de 2010 réformant les collectivités territoriales avait à juste titre élargi les EPCI : quelle que soit la taille des communautés de communes, imaginer qu'elles pourront vivre seules serait une erreur profonde. Les passerelles sont indispensables, et si je dois être en désaccord avec ma famille politique sur ce point, je l'assume. Il faut à tout prix éviter les antagonismes entre les zones rurales et urbaines. Dans un contexte d'argent public rare, il convient de privilégier la contractualisation. N'oublions pas le prisme européen : les fonds de cohésion vont être d'importance. Si nous voulons en profiter, nous avons besoin d'être organisés.

M. Pierre Camani . - Je salue une avancée de la démocratie territoriale : le texte clarifie les responsabilités, donne un cadre à la compétence générale et valorise les complémentarités entre collectivités.

En tant que président de département, je connais l'importance de leur rôle en matière de tourisme, et suis plus sceptique sur l'organisation proposée pour le numérique. En Aquitaine, le département a la compétence déploiement et confie à la région la compétence commercialisation. Ce modèle pourrait être repris par les départements ruraux, qui n'ont pas les moyens d'agir seuls.

M. Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis . - Je remercie ceux qui ont apprécié l'évolution du texte. Nous avons accompli un énorme travail ensemble, et la commission des lois a siégé la semaine dernière au-delà de trois heures du matin... Faire confiance aux élus locaux, tel a été le gros apport des sénateurs. Il est vrai que la ministre souhaite réintroduire le pacte ; puisqu'il n'apporte rien que des contraintes, j'espère que nous tiendrons bon.

Dénoncer le saucissonnage ne veut plus rien dire : le texte améliorera l'action publique sur les territoires, même si je me suis bien gardé de parler de troisième acte de la décentralisation. Le PLU ne sera abordé que lors de l'examen du troisième volet. Il sera sans doute intercommunal, mais le bloc communal est aussi une décision locale... Les élus locaux décideront. Dans ma communauté de communes, nous négocions et sommes tous d'accord.

Sans verser dans l'autosatisfaction, car nous avons une vision pragmatique, je rappellerai que deux textes nous éclairent sur la notion de chef de file : d'une part, la réforme constitutionnelle du 28 mars 2003, d'autre part, la loi du 13 août 2004. Lorsqu'une opération nécessite le concours de plusieurs collectivités, le constituant de 2003 prévoit que la loi peut autoriser l'une d'entre elles ou l'un de leurs groupements à organiser les modalités de l'action commune : le chef de file coordonne, il ne détermine pas.

Je reçois tous les ans une publicité de la région Aquitaine pour y passer mes vacances, dans le département de mon choix : sur le territoire, ce sont bien les départements qui exercent la compétence tourisme que la région organise.

Loin d'être inutile, la conférence territoriale est stratégique : les grandes collectivités se retrouveront pour organiser leurs compétences, actions et initiatives sur le territoire.

En ce qui concerne la conférence territoriale qui réunira les grandes collectivités et qui aura un rôle stratégique, il fallait aussi représenter le monde rural : deux de mes amendements vont dans ce sens.

C'est un vrai bonheur de présenter la dépénalisation du stationnement, une revanche sur le moment pénible que nous avions passé lorsque le Premier ministre de l'époque l'avait refusé. Mme Didier l'a bien dit : à nous d'imposer nos vues face au ministère.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Division additionnelle après l'article 3

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR1 et les deux suivants ont pour objet de dépénaliser le stationnement.

L'amendement n° DEVDUR 1 est adopté.

Articles additionnels après l'article 3

L'amendement n° DEVDUR 2 est adopté.

L'amendement n° DEVDUR 3 est adopté.

Article 4

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteur . - L'amendement n° DEVDUR 4 tend à assurer une représentation des communes rurales dans la conférence territoriale.

L'amendement n° DEVDUR 4 est adopté.

Article 15

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteu r. - Je me suis déjà exprimé au sujet de l'amendement de suppression n° DEVDUR 5.

L'amendement n° DEVDUR 5 est adopté.

L'article 15 est supprimé.

Article 16

L'article16 est adopté sans modification.

Article 17

L'article 17 est adopté sans modification.

Article additionnel après l'article 45 ter

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteur. - L'amendement n° DEVDUR 6 propose aux territoires ruraux de s'organiser en pôles rural d'aménagement et de coopération. Il fera sûrement débat, mais il peut en effet apporter une solution à l'organisation des territoires ruraux.

M. Louis Nègre . - Comment éviter la confusion avec les pays ?

M. Henri Tandonnet . - La similitude est grande en effet !

M. Raymond Vall, président . - Il est difficile de réintroduire le mot dans le débat. La loi de 2010, qui a interdit la création de nouveaux pays, a laissé subsister ceux qui existaient alors. Ces 470 territoires sont caractérisés par une grande disparité. Ils ont porté un projet pendant dix ou quinze ans, certains sont devenus une intercommunalité, d'autres en réunissent plusieurs. Ils ont été reconnus, labellisés, une convention a été signée avec l'Etat, les régions, les départements et l'Europe. Afin de conserver leur dynamique, pourquoi ne fonctionneraient-ils pas sous forme de syndicat mixte ? Il n'est pas question de créer une nouvelle strate, mais d'assurer à ceux qui existent pouvoir de participer à la conférence territoriale et de continuer à défendre des zones qui se sentent un peu ignorées.

M. Pierre Camani . - Gardons à l'esprit notre objectif de clarification : il faut donner aux pays la possibilité d'évaluer et de se transformer.

M. Raymond Vall, président . - Il importe en effet de dire clairement que les pays devront se transformer en syndicat mixte pour pouvoir assurer une continuité autour d'un projet de territoire.

M. Jean-Jacques Filleul , rapporteu r. - En effet, ma première réaction à la vue de cet amendement a été : et les pays ? Nous pouvons voter cet amendement, quitte à le retravailler pour la séance afin de l'articuler avec les pays.

Mme Évelyne Didier . - A force de partir des projets, on ajoute une couche au mille-feuille. Cette philosophie conduit à multiplier les entités. Je comprends néanmoins la préoccupation. Au lieu de nous laisser conduire par les projets, suivons une règle générale qui s'applique à tout le territoire.  Je m'abstiendrai.

M. Pierre Camani . - Nous sommes dans une logique d'organisation territoriale. Nous donnons un signal positif par rapport à la loi de 2010.

M. Raymond Vall, président . - Il n'est pas question d'ajouter, mais de laisser une liberté à ceux qui ont trouvé une forme de mutualisation mobilisant 3 500 emplois. Ne laissons pas les territoires ruraux à la dérive : il leur faut des structures, un syndicat par exemple, pour bénéficier des fonds européens. Va-t-on perdre des fonds LEADER faute de structure ? Adoptons cet amendement sous la réserve que vous avez tous exprimée.

L'amendement n° DEVDUR 6 est adopté.

ANNEXE I - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 14 mai 2013

- Syndicat des transports d'Ile-de-France (STIF) : Mmes Sophie Mougard , directrice générale, Véronique Hamayon Tarde , secrétaire générale et M. Emmanuel Grandjean , responsable des affaires juridiques, des marchés publics et du patrimoine.

Mercredi 15 mai 2013

- Société du Grand Paris : MM. Etienne Guyot , président et Pierre-Alain Jeanneney , membre du directoire.

- CESER de France : MM. Alain Even , président et Jean-Louis Chauzy , président du CESER de Midi-Pyrénées.


* 1 Cf. le site Internet de la DATAR : www.datar.gouv.fr

* 2 Laurent Davezies - « La crise qui vient - La nouvelle fracture territoriale ». Page 89 - Collection La République des idées - Seuil.

* 3 Territoires 2040 - Revue d'études et de prospective n° 3 - 1 er semestre 2011 - page 48.

* 4 Rapport de synthèse sur l'évolution du stationnement payant, Jacques Andrieu, Michel Mazard, Anne Bolliet, Claude Hossard, Werner Gagneron, Frédéric Desportes, Gilles Clavreul, Daniel Fedou, Juin 2005.

* 5 Cour des comptes, rapport public annuel 2010.

* 6 « Les collectivités territoriales et le développement économique : vers une nouvelle étape ? », Rapport d'information n° 372 de MM. Jean-Luc FICHET et Stéphane MAZARS, fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (Sénat, 2012-2013).

* 7 Le CGCT fait encore référence à ce terme, à l'article L. 4251-1.

* 8 « Faire confiance à l'intelligence territoriale », Rapport n°471 de M. Yves Krattinger et Mme Jacqueline Gourault, fait au nom de la mission temporaire sur l'organisation et l'évolution des collectivités territoriales (Sénat, 2008-2009).

* 9 « Rénover le dialogue entre l'Etat et les collectivités territoriales : une nécessité pour une démocratie apaisée », Rapport n° 272 de Mme Jacqueline Gourault et M. Didier Guillaume fait au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (Sénat, 2010-2011).

* 10 Entre collectivités territoriales ou de la région ou du département à un EPCI à fiscalité propre.

* 11 Décision du Conseil constitutionnel n °98-403 DC du 29 juillet 1998.

* 12 Décision du Conseil constitutionnel n°2009-594 du 3 décembre 2009.

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