Avis n° 157 (2013-2014) de M. Alain CHATILLON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 21 novembre 2013

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N° 157

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME IX

PARTICIPATIONS FINANCIERES DE L'ÉTAT

Par M. Alain CHATILLON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Daniel Raoul , président ; MM. Martial Bourquin, Claude Bérit-Débat, Gérard César, Alain Chatillon, Daniel Dubois, Pierre Hérisson, Joël Labbé, Mme Élisabeth Lamure, M. Gérard Le Cam, Mme Renée Nicoux, M. Robert Tropeano , vice-présidents ; MM. Jean-Jacques Mirassou, Bruno Retailleau, Bruno Sido , secrétaires ; M. Gérard Bailly, Mme Delphine Bataille, MM. Michel Bécot, Alain Bertrand, Mme Bernadette Bourzai, MM. François Calvet, Roland Courteau, Marc Daunis, Claude Dilain, Alain Fauconnier, Didier Guillaume, Michel Houel, Serge Larcher, Jean-Jacques Lasserre, Jean-Claude Lenoir, Philippe Leroy, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Michel Magras, Jean-Claude Merceron, Jackie Pierre, Ladislas Poniatowski, Mme Mireille Schurch, M. Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395, 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 13 ) (2013-2014)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) du 1 er août 2001 prévoit un compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Participations financières de l'État ». Ce compte , qui est également une mission budgétaire - les deux termes étant utilisés indistinctement dans les documents budgétaires - vise à identifier les recettes de cessions des participations détenues par l'État et à ne pas les assimiler à des produits courants qui financeraient les dépenses de fonctionnement de ce dernier.

Les principales tendances constatées depuis quelques années jusqu'à aujourd'hui ainsi que les observations précédentes de la commission des Affaires économiques permettent de mieux situer les développements du présent rapport.

Tout d'abord, entre fin 2010 et fin 2012, la crise financière a eu pour effet de diminuer la valeur des participations de l'État de plus du quart de 88,2  à 65,4 milliards d'euros. En raison de la progression des valorisations boursières depuis le début de l'année 2013, le portefeuille de participations cotées de l'Etat représente, au 1 er septembre 2013, 68,6 milliards d'euros de capitalisation, soit un peu moins de 3,5 % du PIB et de la dette publique qui sont approximativement du même montant. Ces chiffres publiés par le « jaune » budgétaire 2014 ne prennent pas en compte la forte hausse des valorisations depuis le début du mois de septembre, si bien qu'au moment des auditions conduites par le rapporteur le 5 novembre dernier, ce portefeuille avoisinait, au total 100 milliards d'euros, dont 80 milliards de participations cotées et 20 de non cotées, soit 5 % du PIB. Pour expliquer ces évolutions, il convient de rappeler que les titres EDF, qui représentent à eux seuls près de la moitié du total du portefeuille coté de l'Etat, ont progressé de 90 % depuis un an.

Ensuite, la mise en oeuvre de la réforme institutionnelle de l'État actionnaire s'est traduite par la création d'une nouvelle fonction  de « commissaire aux participations de l'État » et l'assignation explicite d'un objectif de stratégie industrielle à l'Agence des participations financières de l'État.

Par ailleurs, comme tous ses prédécesseurs, votre rapporteur pour avis souligne que cette mission apparaît comme une sorte de « boite noire budgétaire » et constate que les années 2013 et 2014 n'apportent guère de visibilité supplémentaire au Parlement dans ce domaine. Ainsi, les montants relatifs aux cessions et au désendettement de l'État sont, selon le Gouvernement et les représentants de l'Agence des participations de l'Etat, volontairement fixés de manière indicative pour éviter de donner un quelconque « signal » aux marchés, ce qui ne permet ni à ces derniers, ni au Parlement, d'anticiper les orientations stratégiques de l'État actionnaire.

Enfin, au-delà de ces analyses traditionnelles, votre rapporteur pour avis s'est efforcé de placer son approche sous le signe du pragmatisme ainsi que de l'urgence du redressement industriel. Constatant l'insuffisance des données budgétaires chiffrées et des orientations précises sur la stratégie de l'État actionnaire, votre rapporteur pour avis avait, l'an dernier, dirigé ses investigations sur les organigrammes de l'APE et des représentants de l'État dans les conseils d'administration. Il en avait conclu, avec l'approbation de l'ensemble de la commission des Affaires économiques, qu'un élan nouveau pourrait être donné par l'État actionnaire à la réindustrialisation et au soutien de la croissance d'entreprises de taille moyenne ou intermédiaire, handicapées par le marasme du financement bancaire, en faisant appel à des personnalités reconnues du monde industriel. Il avait également suggéré d'utiliser plus largement des outils - comme le vote double, les holdings et l'emprunt obligataire - permettant de préserver le pouvoir de contrôle de l'État actionnaire tout en démultipliant ses marges de manoeuvres financières.

Pour l'essentiel, votre rapporteur pour avis, qui s'est inquiété des prolongements des recommandations de la commission, enregistre avec satisfaction l'intention exprimée par le Gouvernement d'avancer dans le sens :

- d'un plus grand dynamisme de la gestion du portefeuille de participations, au service du financement du dynamisme industriel ;

- et d'une ouverture du vivier de recrutement des administrateurs.

Au-delà des espoirs que suscite ce « renouvellement doctrinal », toute l'efficacité de cette politique reposera, bien entendu, sur ses modalités de mise en oeuvre et sur la capacité à concentrer les efforts de chacun sur les résultats économiques tangibles plutôt que sur les effets d'annonce ou les recalibrages institutionnels.

Lors d'une réunion tenue le 13 novembre 2013, la commission des Affaires économiques, sur la proposition de son rapporteur pour avis, s'en est remis à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » dans le projet de loi de finances pour 2014.

ÉLÉMENTS JURIDIQUES ET BUDGÉTAIRES DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

I. AVANT TOUT SOUCIEUX DE NE PAS ENVOYER DE « SIGNAUX » AUX MARCHÉS, LE COMPTE DE L'ETAT ACTIONNAIRE EST ÉGALEMENT PEU INSTRUCTIF POUR LE PARLEMENT

En principe, ce compte d'affectation spéciale obéit à une logique juridique et budgétaire qui consiste à retracer les recettes tirées des participations de l'État et leur utilisation. En pratique, les principaux flux budgétaires qui doivent transiter de façon certaine par ce compte en 2014, comme en 2013, apparaissent comme des « jeux d'écriture » exceptionnels qui ne se rattachent pas à ce schéma.

Soulignant ce décalage entre la théorie et la pratique, les rapports parlementaires et ceux de la Cour des comptes estiment souhaitable d'afficher de façon plus plausible en loi de finances initiale :

- le montant prévisionnel de cessions, presque invariablement fixé à une somme avoisinant 5 milliards d'euros chaque année ;

- et celui des dépenses de désendettement fictivement affiché à hauteur de 4 milliards d'euros au cours des dernières années, puis brutalement ramené à 1,5 milliard dans le PLF pour 2014, sans aucune explication dans la documentation budgétaire, ce qui a conduit votre rapporteur pour avis à recouper plusieurs séries d'informations pour en dégager la signification.

Le projet de loi de finances pour 2014, comme celui de l'an dernier, ne tient cependant pas compte de ces recommandations de transparence.

Compte tenu de l'importance de la dette publique, votre rapporteur estime souhaitable de maintenir le programme 731, inactif depuis 2008, et à travers lui, la possibilité, pour le compte d'affectation, de contribuer au désendettement de l'État. Certes, les montants en jeu - près de 2 000 milliards de dette et un portefeuille d'actions d'environ 100 milliards - amènent à conclure lucidement que même si d'éventuelles cessions devaient intervenir, leur potentiel (environ 5 % du PIB en imaginant une liquidation totale - ce que le rapporteur et la commission n'estiment, en aucun cas, souhaitable) resterait négligeable au regard d'une dette qui avoisine 100 % du PIB de notre pays. Toutefois, votre commission des affaires économiques a suggéré que l'Etat actionnaire puisse contribuer, au moins à titre symbolique, au désendettement, par exemple en y affectant une partie des dividendes versés en numéraire et en « gageant » cette réforme par une modification de la règle qui impose, à l'heure actuelle, d'allouer ces dividendes en numéraire au budget général.

A. LE SOCLE JURIDIQUE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

L' article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) qui pose le principe d'un compte d'affectation spéciale dédié aux participations financières de l'État définit :

- d'abord, de façon générale, les comptes d'affectation spéciale qui « retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. Ces recettes peuvent être complétées par des versements du budget général, dans la limite de 10 % des crédits initiaux de chaque compte. » ;

- puis il précise que « les opérations de nature patrimoniale liées à la gestion des participations financières de l'État, à l'exclusion de toute opération de gestion courante, sont, de droit, retracées sur un unique compte d'affectation spéciale. Les versements du budget général au profit de ce compte ne sont pas soumis à la limite prévue au premier alinéa ».

Cette dernière phrase constitue le fondement juridique sur lequel le compte d'affectation spéciale devrait être alimenté en 2014 par deux versements d'un montant total de 5,011 milliards d'euros.

Plus en détail, les documents « bleus » budgétaires annexés au projet de loi de finances rappellent que ce compte d'affectation spéciale retrace :

En recettes :

- tout produit des cessions par l'État de titres, parts ou droits de sociétés qu'il détient directement ;

- les produits des cessions de titres, parts ou droits de sociétés détenus indirectement par l'État qui lui sont reversés ;

- les reversements de dotations en capital, produits de réduction de capital ou de liquidation ;

- les remboursements des avances d'actionnaires et créances assimilées ;

- les remboursements de créances résultant d'autres interventions financières de nature patrimoniale de l'État ;

- les versements du budget général.

En dépenses :

- les dotations à la Caisse de la dette publique et celles contribuant au désendettement d'établissements publics de l'État ;

- les dotations au Fonds de réserve pour les retraites (F2R) ;

- les augmentations de capital, les avances d'actionnaires et prêts assimilés, ainsi que les autres investissements financiers de nature patrimoniale de l'État ;

- les achats et souscriptions de titres, parts ou droits de sociétés ;

- les commissions bancaires, frais juridiques et autres frais qui sont directement liés aux opérations mentionnées ci-dessus.

Ce compte d'affectation spéciale se limite ainsi, en principe, aux opérations de l'État actionnaire intervenant comme investisseur. L' exigence de performance de la gestion publique, consacrée par la loi organique relative aux lois de finances, s'impose à lui pour la gestion de son patrimoine industriel.

Compte tenu de ces deux caractéristiques, il est tentant de comparer l'évolution du « portefeuille » de l'État actionnaire à celui d'un fonds ou organisme de placement collectif en valeurs mobilières, comme le fait régulièrement la presse financière et comme semble y inciter la présentation du jaune budgétaire 2014 (cf. tableau ci-dessous), qui met en exergue la progression des cotations boursières.

Extrait du rapport relatif à l'Etat actionnaire présenté en annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014.

Reste que la logique de base du compte d'affectation spéciale, inscrite dans notre corpus de normes budgétaires, est :

- d'une part, de rapprocher des recettes de cession de titres et des dépenses d'acquisition de même nature ;

- d'autre part, de contribuer au désendettement de l'Etat.

Pourtant, dans la pratique, les montants les plus importants de ce compte sont, en recettes, les versements exceptionnels du budget général et, en dépenses, des opérations exceptionnelles qui n'aboutissent pas directement à l'achat de titres d'entreprises créatrices de valeur industrielle.

B. BUDGÉTAIREMENT, LA REPRISE DES CESSIONS DE TITRES EST CONFORME À LA LOGIQUE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE TANDIS QUE LA PROLONGATION DE CERTAINS « JEUX D'ÉCRITURE » S'EN ÉLOIGNE.

Les principales données budgétaires du compte de l'Etat actionnaire, dont le montant total s'établit à 10 milliards d'euros dans le PLF pour 2014, sont résumées par les deux tableaux suivants.

DÉPENSES DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE DANS LE PLF 2014

RECETTES DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE

Source : projet annuel de performance pour 2014

1. Les recettes de l'Etat actionnaire proviennent essentiellement de versements du budget général malgré une reprise des cessions de titres inédite depuis 2007

Affichées pour un montant de 10 milliards d'euros, les recettes de l'Etat actionnaire se partagent, dans les documents budgétaires accompagnant le PLF pour 2014, entre 5 milliards de versements en provenance du budget général et 5 milliards d'euros de cessions prévisionnelles de titres. Cependant, entre 2007 et 2013, aucune cession de titres n'a été effectuée sur les marchés, ce qui rend les 5 milliards inscrits en loi de finances largement fictifs. En revanche, les versements du budget général se réalisent effectivement.

Comme cela a été souligné, le compte de l'Etat actionnaire devrait être alimenté, en 2014, par deux versements d'un montant total de 5,011 milliards d'euros (contre 8,14 en 2013). Il convient ici de préciser que ces recettes sont destinées :

- pour 3,261 milliards d'euros, à honorer le dernier paiement relatifs aux parts libérées du mécanisme européen de stabilité souscrites par l'État en 2012 ;

- à hauteur de 1,750 milliard d'euros, à financer le nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 2) .

Pour mémoire, en 2013, les versements du budget général d'un montant global de 8,14 milliards d'euros ont été alloués, d'une part, au mécanisme européen de stabilité - 6,52 milliards d'euros en deux fois - et, d'autre part, à la Banque européenne d'investissement, pour un montant de 1,62 milliard d'euros.

C'est surtout en recettes tirées de cessions de titres que l'on constate du nouveau en 2013, puisqu'aucune opération de marché n'était intervenue depuis 2007.

Au cours de l' année 2013 , les cessions de titres de l'Etat au capital de Safran (3,1 %), d'EADS (3,7 %) et d'Aéroports de Paris (9,5 % conjointement avec le Fonds stratégique d'investissement) ont, en effet, permis de dégager 1,9 milliard d'euros de ressources pour l'Etat.

- Le 26 mars 2013, l'APE a engagé la cession de 3,12 % du capital de Safran , au travers d'une procédure de constitution accélérée d'un livre d'ordre. Avec un prix de cession de 34,50 euros par action, l'opération a rapporté 448,5 millions d'euros. Au terme de cette opération, l'État reste le premier actionnaire de Safran avec 27 % du capital, disposant d'une influence identique au sein des organes de gouvernance de la société.

- Les 16 et 25 avril 2013, conformément aux accords du 5 décembre 2012 relatifs à la recomposition du capital d' EADS , deux opérations de cessions représentant 3,7 % du capital de cette entreprise ont ramené la participation de l'Etat, à travers la Société de gestion et participations aéronautiques (Sogepa), à 12 % des droits de vote. Ces opérations ont rapporté à l'État 1,19 milliard d'euros.

- Le 30 juin 2013, l'État et le FSI ont cédé conjointement 9,5 % du capital d'Aéroports de Paris (ADP), au terme d'un processus d'appel d'offres. Cette opération a dégagé un produit de cession de 738 millions d'euros, dont 303 millions pour l'État, soit un prix par action de 78,50 euros. Ce prix représente une prime de 5 % sur le cours de bourse à la date de remise des offres et de plus de 13 % sur le cours à la date de l'annonce de l'opération, ce qui constitue un résultat inédit pour une transaction minoritaire. Les deux investisseurs retenus - Crédit Agricole Assurances pour 4,81 % du capital et Vinci pour 4,69 % du capital - se sont engagés à conserver ces titres pour une durée minimale d'un an et à ne pas dépasser le seuil de participation de 8 % pour une durée de cinq ans. Ils pourront chacun bénéficier d'un siège au conseil d'administration de la société. L'État conserve la majorité du capital d'ADP avec une participation de 50,63 % et assure ainsi la stabilité et l'équilibre de son actionnariat afin de préserver ses intérêts de long terme, tandis que le FSI s'est désengagé totalement.

Pour 2014 , le compte affiche, comme cela est devenu traditionnel, des produits de cessions envisageables à hauteur de 4,978 milliards d'euros. Aucune information sur d'éventuelles opérations n'a été évoquée de façon précise, y compris dans les entretiens conduits par votre rapporteur.

Cependant, le simple bon sens amène à constater qu'en 2013, les ventes de titres ont coïncidé avec la reprise des valorisations boursières. Fréquemment évoquée, la déconnexion de cette hausse avec les fondamentaux de l'économie réelle conduit, pour sa part, à souligner l'incertitude qui prévaut pour 2014.

Les ventes de titres intervenues en 2013 sont aujourd'hui présentées, dans la documentation budgétaire, comme une des composantes d'une « nouvelle doctrine de l'Etat actionnaire » . Derrière ces mots, votre rapporteur retrouve ce que, pour sa part, et avec l'approbation de la commission, il avait qualifié de nécessité d'une gestion plus active des participations de l'Etat.

2. Les dépenses du compte d'affectation spéciale

Selon une distinction assez claire entre les prises de participation et le désendettement, le compte de l'Etat actionnaire se décompose en deux programmes distincts : le programme 731 et le programme 732.

a) Le programme 731 consacré aux opérations en capital

Ce programme a pour but de contribuer à la meilleure valorisation possible des participations financières de l'État. Les emplois des produits de cessions de participations qui y sont décrits relèvent directement de l'État actionnaire et concernent l'augmentation ou le rétablissement de manière durable de capitaux propres des entités entrant dans son champ d'intervention ainsi que, plus exceptionnellement, des prises de participation.

Les moyens de fonctionnement de l'Agence des participations de l'État, qui veille à la bonne gouvernance des entreprises publiques et assure un suivi de la stratégie de l'État, sont retracés dans le programme « Stratégie économique et fiscale » de la mission « Economie » du budget.

Cinq actions structurent ce programme 1 ( * ) . Seules les principales sont ici abordées en les classant selon l'importance des montants en jeu.

Stratégiquement, la principale d'entre elles est l' action 1 , qui correspond aux augmentations de capital , aux dotations en fonds propres, avances d'actionnaire ou prêts assimilés.

Pour 2014, les 4,76 milliards d'euros de cette action 1 correspondent à trois principales séries d'opérations :

- tout d'abord, la libération éventuelle d'une nouvelle tranche de l'augmentation de capital de la BPI à laquelle ont souscrit la Caisse des dépôts et consignations et l'EPIC BPI-Groupe pour un montant total de 3,1 milliards d'euros. Une première tranche a déjà été libérée en juillet 2013 lors de la création de la BPI, à hauteur du quart, soit 383,25 millions d'euros pour chacune des deux entités ;

- ensuite la recapitalisation des banques multilatérales de développement (BIRD, BAfD, BAsD, BID et BOAD) qui porte à la fois sur le montant des actions à souscrire et sur un calendrier de versement impératif. La France a pris l'engagement d'y contribuer. Ces recapitalisations étaient assurées à partir du programme 110 « Aide publique au développement ». Depuis 2011, elles le sont à partir du CAS PFE pour un montant prévu de 56 millions d'euros en 2014.

- enfin, des versements de dotations en fonds propres prévus dans le cadre du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 2) à hauteur de 1,750 milliard d'euros. Ces montants correspondent aux prises de participation détaillées au sein des programmes suivants : 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique » ; 404 « Projets industriels pour la transition énergétique » ; 405 « Projets industriels » ; 406 « Innovation » ; 407 « Économie numérique » ; 409 « Écosystèmes d'excellence » ; 414 « Villes et territoires durables ».

L' action 6 intitulée « Versements au profit du mécanisme européen de stabilité » est dotée de 3,26 milliards d'euros pour 2014 et a été introduite par la loi de finances pour 2013. Conformément au traité instituant le mécanisme signé le 2 février 2012 et ratifié en France par la loi n° 2012-324 du 7 mars 2012, l'État s'est engagé à souscrire à hauteur de 20,38 % au capital social de cet organisme, soit un total de 16,3 milliards d'euros. Il est prévu de procéder, en 2014, au dernier des cinq versements lié aux parts libérées du capital initial, d'un montant de 3,26 milliards.

En contrepartie de ces versements, l'Etat actionnaire reçoit des titres, mais votre rapporteur fait observer que ces opérations s'éloignent la logique de prises de participations industrielles et elles peuvent être qualifiées de « jeux d'écriture », d'autant que les documents budgétaires n'ont guère explicité les raisons du choix de ce canal budgétaire.

378 millions d'euros sont prévus en 2014 au titre de l' action 3 relative aux achats de titres 2 ( * ) qui correspond, en principe, au « coeur de cible » de ce compte de l'Etat actionnaire. Le bleu budgétaire précise qu'en 2014, un achat de titres Areva auprès du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est programmé, afin de participer au financement du démantèlement d'installations nucléaires.

Enfin, les crédits de l' action 5 « Frais de gestion et juridiques » s'élèvent à 100 millions d'euros , étant précisé que cette somme, modeste au regard des actifs gérés, ne prend pas en compte les dépenses de personnel de l'Agence des participations de l'Etat. Le « jaune budgétaire » pour 2013 indique, à cet égard, que l'APE compte, au 1 er septembre 2013, 51 personnes dont 29 dirigeants et chargés d'affaires, avec une masse salariale de 5,2 millions d'euros.

Par ailleurs, l'encadré suivant dresse un rapide panorama des principales opérations relevant du coeur de métier de l'Etat actionnaire qui se rattachent à l'exécution de la loi de finances pour 2013.

Les principales opérations menées au premier semestre 2013 (jusqu'au 31 août), hors dotations au mécanisme européen de stabilité et à la banque européenne d'investissement .

La première est le versement à BPI-Groupe d'une dotation de 383,2 millions d'euros, destinée à renforcer le potentiel de sa filiale en charge des apports en fonds propres aux entreprises.

Ensuite, la libération de la dernière tranche de l'augmentation de capital de La Poste s'est traduit par une dépense de 266,6 millions d'euros.

Enfin, compte tenu de la situation très difficile de l' Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) 3 ( * ) , l'État est prêt à souscrire, à hauteur de 110 millions d'euros, des participations constitutives de fonds propres, indispensables à l'AFPA pour emprunter à moyen terme. Ce rachat de titres associatifs devrait être financé par un versement, avant la fin de l'année, du budget général.

La principale dépense à engager d'ici fin 2013 serait le rachat de titres d'Areva détenus par le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEAEA) pour 357 millions d'euros, afin d'assurer le financement du démantèlement de ses installations nucléaires.

Ces dépenses seraient principalement financées par les cessions de participations dans Safran et ADP ainsi que par la cession de titres d'EADS dont une partie du produit de cession - estimée à 853 millions d'euros - serait remontée, avant la fin de l'année, vers le budget de l'État via une réduction de capital de la société de gestion des participations aéronautiques (SOGEPA).

b) L'effondrement des crédits du programme 732 intitulé désendettement de l'État

Ce programme a été créé en 2007 pour retracer la contribution de la valorisation des participations financières de l'État au désendettement. Comme le projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances l'indique : « Au moyen d'apports financiers, l'État réduit les dettes qu'il a directement ou indirectement, par l'intermédiaire d'entités publiques qu'il détient, envers des tiers ; ces opérations contribuent alors directement à l'amélioration du bilan de l'État et d'administrations publiques au sens de la comptabilité nationale ».

En pratique, comme l'a constaté la Cour des comptes en mai 2012, depuis la détérioration de la situation économique à la fin de l'exercice 2008, la mission de contribution au désendettement de l'État a été mise entre parenthèses. Le budget est resté, jusqu'en 2013, construit de manière conventionnelle avec des inscriptions de recettes fixées à un niveau forfaitaire.

Ainsi, depuis plusieurs années, les sommes affectées au désendettement de l'Etat dans ce programme 732 étaient systématiquement évaluées à 4 milliards d'euros en loi de finances initiale tandis que les réalisations demeuraient égales à zéro. La nouveauté, dans le PLF pour 2014, est que le montant prévu de la contribution au désendettement est ramené de 4 à 1,5 milliards . Or on ne trouve aucune justification de cet effondrement dans la documentation budgétaire. Pour en élucider les raisons, il faut recouper au moins deux sources d'information :

- d'une part, la presse, vient d'indiquer que l'Etat, par l'intermédiaire de l'Agence France Trésor, emprunterait 4,5 milliards d'euros sur les marchés financiers en décembre 2013 pour solder la dette issue du « naufrage du Crédit lyonnais » ; l'autorisation en serait demandée au Parlement à l'occasion du prochain projet de loi de finances rectificative ;

- d'autre part, le précédent avis budgétaire de la commission des affaires économiques, dans le sillage des rapports de la Cour des comptes, précisait que la sincérité budgétaire devrait conduire à faire apparaître clairement les financements destinés à colmater la défaillance du Crédit Lyonnais - c'est-à-dire 4,5 milliards d'euros remboursables avant le 31 décembre 2014 par l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR).

Même si l'on comprend aisément que la décision de recourir à l'emprunt permet d'éviter d'aggraver les déficits publics tout en profitant de taux d'intérêt encore situés à un plancher historique, votre rapporteur a estimé opportun d'interroger le Gouvernement sur ce choix et de manifester un certain étonnement sur l'absence d'information du Parlement à propos de cette opération qui impacte directement le compte de l'Etat actionnaire.

De plus, même s'il n'est plus guère utilisé, l'existence de ce programme consacré au désendettement demeure, plus que jamais, un point de repère essentiel. Sur la proposition de son rapporteur, la commission suggère, compte tenu de la conjoncture financière, non seulement de maintenir ce programme 732, mais aussi de l'alimenter, au moins de manière symbolique, tant une éventuelle hausse des taux menace, à terme, nos équilibres.

BILAN DES OPÉRATIONS ET DES FINANCEMENTS
DESTINÉS À COLMATER LA « DÉFAISANCE » DU CRÉDIT LYONNAIS.

L'EPFR a été créé par la loi n° 95-1251 du 28 novembre 1995 relative à l'action de l'Etat dans les plans de redressement du Crédit lyonnais et du Comptoir des entrepreneurs. Il a pour mission de gérer le soutien financier apporté par l'Etat au Crédit lyonnais dans le cadre du cantonnement de certains de ses actifs au sein de la société chargée d'assurer la réalisation de ceux-ci et dénommée Consortium de réalisation (CDR).

La défaisance du Crédit Lyonnais est désormais dans sa phase extinctive, et un effort permanent de simplification des structures (compactages, dissolutions de filiales devenues sans objet), de réduction des coûts de fonctionnement a été mené, au fur et à mesure de l'avancement des cessions d'actifs et de l'évolution des contentieux. La gestion du CDR, chargé de réaliser les actifs cantonnés, et dont l'EPFR est actionnaire à quasiment 100 %, a été intégralement adossée à la Caisse des dépôts et consignations à compter du 1 er janvier 2007. Pour autant, le CDR doit encore réaliser un portefeuille d'actifs résiduels et gérer un certain nombre de contentieux encore en cours. Cette phase ultime est conduite en veillant à préserver sur le long terme les intérêts financiers et patrimoniaux de l'Etat sur chacun des risques et engagements résiduels.

Le financement de la défaisance du Crédit Lyonnais s'est opéré via les relations de l'EPFR avec le Crédit Lyonnais d'une part et le CDR d'autre part. Au 31 décembre 2012, l'actif de l'EPFR est composé de 11 millions d'euros d'immobilisations financières ; 5 millions d'euros de créances, et 74 millions d'euros de disponibilités. Au passif de l'EPFR, l'encours de la dette s'élève à 4,5 milliards d'euros. Cette dette est remboursable in fine le 31 décembre 2014.

En l'absence de recettes propres suffisantes, l'EPFR ne pourra pas autofinancer le remboursement du principal le 31 décembre 2014. Il est donc nécessaire que l'Etat apporte un financement de 4,5 milliards d'euros destiné à l'apurement de cette dette résiduelle. A cette fin, et dans le cadre du PLFR 2013, il sera proposé au Parlement d'autoriser l'Etat à reprendre la dette de l'EPFR.

3. Une présentation floue du compte de l'Etat actionnaire en décalage croissant avec l'exigence de sincérité et de transparence qui s'impose à l'ensemble des agents économiques.

Les développements précédents amènent à constater que, tant en dépenses qu'en recettes, le compte de l'Etat actionnaire s'apparente à une quasi « boîte noire » budgétaire, aujourd'hui confrontée à des exigences accrues de transparence et de sincérité

Cette observation ayant été réitérée sans succès depuis plusieurs années, votre rapporteur a choisi, cette année, de la fonder sur deux nouveaux arguments. D'une part, comparaison n'est pas raison, mais nos entreprises sont soumises à un tel degré d'exigence et de précision que la présentation de cette mission budgétaire semble de plus en plus « décalée» par rapport à la réalité vécue sur le terrain par les agents économiques de base. D'autre part, on peut se demander si l'Etat actionnaire, qui « pèse » à peu près 100 milliards de participations (80 en titres cotés et 20 en non cotées) n'a pas tendance à surestimer son importance au regard des « marchés ». Certes, 100 milliards représentent 5 % du PIB et de notre dette, mais avec un volume de cessions de titres égal à zéro de 2008 à 2013 et inférieur à 2 milliards en 2013, on voit mal comment l'Etat actionnaire pourrait faire « tanguer » les marchés.

En revanche, on peut se demander si l'Etat n'est pas tenté d'utiliser cet argument comme un moyen commode de rester silencieux sur un certain nombre d'éléments périphériques à cette « boite noire budgétaire ». Seule la Cour des comptes publie, de temps à autres, des informations sur des événements relatifs à la gestion des participations ou aux prises de position divergentes des représentants de l'Etat dans les conseils d'administration dont on peut se demander si ce sont des maladresses ou le résultat de conflits internes à l'Etat.

LE SUIVI DES RECOMMANDATIONS DE LA COMMISSION

I. DYNAMISER LA GESTION DES PARTICIPATIONS DE L'ÉTAT EN PRESERVANT L'INFLUENCE DE CE DERNIER

En complément de l'analyse juridique et budgétaire du compte d'affectation spéciale, votre rapporteur pour avis s'est préoccupé du suivi des recommandations approuvées l'an dernier par la commission des Affaires économiques sur les initiatives tendant à dynamiser la gestion des participations de l'État .

Il constate avec satisfaction qu'un certain nombre d'annonces vont dans le sens de ces préconisations. Tout repose, cependant, sur les modalités concrètes de leur mise en oeuvre, plus nécessaire que jamais, au moment où nos entreprises industrielles sont confrontées à un défi de compétitivité sans précédent et, simultanément, à une raréfaction de leurs possibilités de financement par crédit bancaire.

A. LA « NOUVELLE DOCTRINE » D'INTERVENTION DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE TRADUIT UNE IDÉE SIMPLE DE MOBILITÉ ACCRUE DANS LA GESTION DES PARTICIPATIONS

Les documents budgétaires ainsi que les auditions témoignent de l'importance qu'attache l'Agence des participations de l'Etat à la communication présentée au Conseil des ministres, le 2 août 2013, par les ministres de l'Économie et des Finances et du Redressement productif sur la nouvelle doctrine de l'actionnariat public.

Dans des termes assez généraux, il est indiqué que la présence de l'État au capital d'entreprises doit permettre « la mise en oeuvre d'une stratégie économique, industrielle et sociale exemplaire, garante de la préservation sur le territoire national des emplois et des compétences, et en accompagnant leur croissance et leur développement ». De façon plus précise, il a été souligné que cette nouvelle politique doit être mise « au service de nouveaux acteurs économiques porteurs de projets innovants et structurants pour le pays et, le cas échéant, au service d'interventions défensives ».

Le Gouvernement a également annoncé que « l'État pourra envisager de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises », en particulier pour contribuer au financement du PIA-2.

Votre rapporteur discerne, à travers ces formulations, une idée simple qui suscite l'adhésion de la commission : poursuivre ou intensifier, dans la mesure du raisonnable, la reprise des cessions de titres constatées en 2013 pour favoriser la croissance durable.

On peut faire observer, que cette idée, malgré la présentation qui en est faite, n'est pas une réelle nouveauté puisque le socle juridique de la réorientation de l'État actionnaire pour soutenir la compétitivité de l'industrie est d'ores et déjà inscrit dans les textes. En effet, le décret constitutif de l'Agence des participations de l'État du 9 septembre 2004 a été modifié le 31 janvier 2011 dans le sens d'une véritable stratégie industrielle globale de l'État. Ce texte prévoit explicitement que le commissaire aux participations de l'État, sous l'autorité du ministre chargé de l'économie, anime la politique actionnariale de l'État, sous ses aspects économiques, industriels et sociaux.

Plus fondamentalement, votre rapporteur s'interroge avant tout sur les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette orientation : elles portent essentiellement sur l'ampleur des cessions, la participation de professionnels au processus de décision de réinvestissement et l'optimisation des outils de maintien de l'influence de l'Etat permettant de compenser la diminution de sa participation en capital.

L'application de cette « doctrine », nécessite également de clarifier l'articulation des rôles de l'APE et de la BPI.

Sur ce point, la réponse du Gouvernement aux questions du rapporteur indique que l'APE et Bpifrance financement (ex OSEO) interviennent « selon des modalités et avec des objectifs très différents qui ne justifient pas une articulation », en effet :

- la BPI ciblerait en priorité les ETI et les PME, avec un horizon de 8 à 10 ans, des participations minoritaires et des « tickets » moyens d'un montant limité, de l'ordre de 20 millions d'euros,

- tandis que l'APE, selon le Gouvernement, devrait plutôt se limiter à un rôle d'actionnaire régalien présent sur le long terme et détenant des participations parfois majoritaires dans de grandes entreprises ainsi que dans un nombre limité de secteurs.

Prenant acte de cette vision du partage des tâches entre les deux entités, votre rapporteur souligne cependant la priorité qui consiste à apporter des solutions pragmatiques aux difficultés de financement des ETI - quatre fois moins nombreuses en France qu'en Allemagne - pour leur permettre d'acquérir une dimension optimale. La prise en considération de cet impératif devrait ramener au second plan la question des frontières et des structures d'intervention.

Dans le même sens, et comme cela a été rappelé au cours des auditions, à la suite de la loi du 31 décembre 2012 relative à la création de la Banque publique d'investissement, il a fallu consacrer quasiment une année au bon déroulement des procédures de rapprochement d'OSEO, du Fonds stratégique d'investissement et de CDC Entreprises, jusqu'à l'installation de Bpifrance, à la fin du premier semestre de l'année 2013. A cet égard, tout en se félicitant de l'objectif qui sous-tend la création de la BPI, votre rapporteur se demande si les efforts consacrés à la mise en place de cette dernière présentent un bilan coûts/avantages réellement satisfaisant, compte tenu des performances et de la connaissance de terrain des entités régionales préexistantes à la BPI.

B. PRÉSERVER LES OUTILS PERMETTANT A L'ETAT ACTIONNAIRE DE CÉDER DES TITRES TOUT EN MAINTENANT SON INFLUENCE.

Afin de contribuer à la réindustrialisation et à la compétitivité de notre pays, le Gouvernement suggère que l'État actionnaire pourrait dégager des marges de manoeuvres financières en cédant des participations. Or, dans son avis budgétaire de l'an dernier, votre rapporteur a montré que l'idée assez répandue selon laquelle les cessions de titres par l'Etat s'accompagneraient nécessairement d'un désengagement et d'une perte de pouvoir de ce dernier était, en réalité, fausse. En témoigne la situation de nombreux actionnaires du secteur privé qui parviennent à maintenir leur influence majoritaire, ou au moins déterminante, en mobilisant très peu de capital.

Dans les questionnaires budgétaires, le rapporteur a souhaité obtenir un bilan détaillé de l'utilisation de la palette d'outils du droit français permettant de préserver l'influence de l'Etat dans les entreprises en dissociant le capital et les droits de vote. Il s'agit essentiellement du vote double et du recours à des holdings détenant soit directement des participations, soit d'autres holdings.

En réponse, le Gouvernement a apporté quelques indications.

De façon générale, les outils de dissociation du capital et des droits de vote sont utilisés par l'Etat pour préserver son influence dans les sociétés dans lesquelles il est minoritaire . Il s'agit essentiellement de l'utilisation du droit de vote double, prévu dans le droit commun des sociétés à l'article L. 225-123 du code de commerce qui permet, par ce moyen, de récompenser la fidélité de l'actionnaire.

A titre d'exemple, l'Etat dispose, via la société holding TSA qu'il détient à 100 %, de droits de vote double dans le capital de Thalès. Au 30 juin 2013, TSA possédait ainsi 26,89 % du capital de Thalès, mais 37,14 % des droits de vote. Par ailleurs, le jeu des droits de vote double a permis l'Etat de maintenir une influence inchangée au sein des organes de gouvernance de Safran, à l'issue de la cession de 3,12 % du capital de la société intervenue en mars 2013. Le Gouvernement considère ainsi les droits de vote double comme un outil efficace dont l'Etat se sert dans les conditions de droit commun.

Le rapporteur note que cette réponse semble limiter l'utilisation du droit de vote double aux participations minoritaires de l'Etat et souhaite que ce dernier puisse lancer une réflexion, au cas par cas, sur la nécessité de conserver des seuils de participation très supérieurs à 51 % dans un certain nombre d'entreprises dont l'activité ne présente pas un caractère stratégique pour notre pays.

Votre rapporteur a également souhaité attirer l'attention sur les éventuels effets pervers que pourraient entrainer, pour l'Etat actionnaire, l'adoption et la mise en oeuvre de l'article 5 de la proposition de loi n° 7 , adoptée par l'Assemblée nationale et transmise au Sénat visant à reconquérir l'économie réelle .

APERÇU DE LA RÉFORME ENVISAGÉE EN MATIÈRE DE DROITS DE VOTE DOUBLE

L'article 5 de la proposition n° 7 (2013-2014) visant à reconquérir l'économie réelle, a pour but de modifier l'article L. 225-123 du code de commerce afin de généraliser les droits de vote double.

A l'heure actuelle, en droit et en pratique, le droit de vote double est déjà prévu dans les statuts de la majorité des entreprises françaises .

Historiquement , la création d'actions à droit de vote plural trouve son origine dans une loi du 16 novembre 1903, qui autorisait les sociétés à créer des actions de priorité pouvant comporter un droit de vote multiple. Utilisé de façon parfois abusive par certains actionnaires pour prendre le contrôle d'une société avec une participation réduite au capital social, la création de telles actions a ensuite été prohibée par la loi du 13 novembre 1933. Cependant, ce texte a maintenu la faculté de préciser dans les statuts un droit de vote double sous certaines conditions. Cette possibilité perdure donc au travers d'une disposition juridique parfaitement stable depuis maintenant 80 ans .

Le droit en vigueur , c'est-à-dire l'article L. 225-123 du code de commerce autorise ainsi les statuts d'une société anonyme à prévoir un droit de vote double pour toutes les actions inscrites au nom d'un même titulaire depuis 2 ans au moins. Soulignons que seules peuvent bénéficier des droits de vote double les actions nominatives, les actions au porteur en étant exclues. Une telle exclusion, qui se justifie par la nécessité d'identifier les actionnaires est indirectement défavorable aux actionnaires institutionnels, qui conservent en général leurs titres au porteur, pour avoir la possibilité de les céder plus rapidement.

En pratique , 52,5 % des sociétés du CAC 40, 58 % de celles du SBF 120, 68 % des sociétés du SBF 250, et, plus généralement, 80 % des sociétés familiales y ont recours.

En droit comparé , les droits de vote multiples, sont possibles et pratiqués dans la plupart des pays de l'OCDE : 80 % des sociétés suédoises l'utilisent, 42 % des sociétés hollandaises, 40 % des sociétés finlandaises, 25 % des sociétés danoises, 20 % des sociétés polonaises, 6 % des sociétés cotées américaines, 5 % des sociétés anglaises et hongroises mais quasiment aucune société irlandaise. En revanche, certains États interdisent purement et simplement ce type d'actions : il en va ainsi de l'Allemagne (depuis 1998), de l'Australie, de l'Autriche, de la Belgique, de la Corée du Sud, de l'Espagne, de l'Estonie, de la Grèce, de l'Italie, du Luxembourg ou de la République tchèque. Il convient également de signaler que le nombre de droits de vote par action, limité à deux en France, peut atteindre dix au Danemark, en Hongrie ou en Suède et 1 000 au Japon.

Dans ce contexte, la proposition de loi vise à automatiser l'acquisition des droits de vote double en inversant la logique actuelle de choix par l'assemblée générale.

Selon l'article L. 225-123 du code de commerce en vigueur, il est nécessaire d'obtenir une majorité « positive » des deux tiers d'une assemblée générale pour pouvoir inscrire les droits de vote double au statut d'une société.

Applicable aux sociétés ayant leur siège social en France, l'article 5 de la proposition de loi prévoit que les droits de vote double seraient de droit après un délai de 2 ans de détention, et qu'il serait nécessaire de rassembler une majorité « négative » des deux tiers de l'assemblée générale pour pouvoir les supprimer.

Une telle initiative peut paraître positive à première vue, mais la rigidité du mécanisme envisagé risque de soulever plus de difficultés pour l'Etat actionnaire qu'il ne va en résoudre. En effet, du jour au lendemain, l'Etat pourrait, dans certains cas, franchir des seuils qui l'obligeront à lancer une OPA et à acquérir des titres dont il n'a ni besoin ni les moyens de financer. Sauf à céder des titres de façon contrainte ou dans la précipitation, une de ses seules « parades » consisterait, dès lors, à convertir ses titres « au porteur », comme les fonds d'investissement qui souhaitent faire des allers-retours rapides, car les actions au porteur ne bénéficient pas du droit de vote double. Cette conversion s'accompagnerait d'une perte de valeur pour l'Etat actionnaire.

Sans entrer dans un débat de fond sur l'opportunité de modifier un des piliers du droit et de la vie des sociétés commerciales, votre rapporteur se contente ici de signaler, en ce qui concerne l'impact d'une telle initiative, d'éventuels effets contraires à la préservation des intérêts patrimoniaux de l'Etat actionnaire.

C. DONNER UN SOUFFLE NOUVEAU À L'ÉTAT ACTIONNAIRE EN FAISANT APPEL À DES TALENTS RECONNUS DU MONDE INDUSTRIEL.

En complément d'une approche plus dynamique et soucieuse de préserver l'influence de l'Etat, la troisième recommandation formulée l'an dernier par la commission, était de renforcer la pertinence ainsi que le caractère consensuel de la gestion des participations de l'État en faisant appel à des talents reconnus du monde industriel.

Comme l'a illustré l'attention portée au rapport de M. Louis Gallois, dès qu'une personnalité incontestable s'investit dans un sujet, l'intérêt du pays a tendance à prendre le dessus sur les clivages partisans ou les postures. Il est, dans ces conditions, logique de préconiser que les initiatives de l'Etat actionnaire puissent bénéficier d'un élan et d'un consensus similaire.

En ce qui concerne les prolongements de la recommandation de la commission des affaires économiques tendant à faire appel, au sein de l'APE, à des talents reconnus du monde industriel, la réponse au questionnaire budgétaire pour 2014 apporte quelques précisions et quelques pistes.

L'APE précise qu'elle dispose, pour l'exercice de ses missions, d'une équipe resserrée avec, au 1 er septembre 2013, un effectif de 29 chargés d'affaires, fonctionnaires pour l'essentiel, et de contractuels notamment au sein des pôles d'expertise (financier, RH, juridique, audit et comptabilité). S'ajoutent par ailleurs une vingtaine d'agents dans les fonctions support et les secrétariats, soit un total de 51 personnes.

« La préoccupation de renforcer au sein de l'agence la présence de profils disposant d'une expérience éprouvée de l'entreprise et de la sphère industrielle, est déjà ancienne.

Dès 2003, le rapport Barbier de la Serre soulignait que l'un des objectifs de la création de l'APE était « de rassembler et combiner des compétences de management dans des entreprises publiques et privés, des compétences administratives (...) ainsi que des compétences plus spécialisées ». De même, M. Denis Samuel Lajeunesse, qui fut le premier directeur de l'APE, présentait la mixité public/privé des équipes de l'Agence « comme un signe clair de la volonté de l'Etat de favoriser les synergies entre des cultures professionnelles différentes qui contribue à améliorer la réactivité et l'efficacité de l'Etat actionnaire ».

Une souplesse a donc été donnée en 2004 à l'APE dans le recrutement de ses agents afin de faciliter le recrutement de profils adaptés et diversifiés, notamment par le recours aux contractuels tout en respectant strictement le droit de la fonction publique sur ce sujet. Ainsi, les pôles transversaux de l'APE sur les fonctions RH, financière, comptable et juridique font ils souvent appel à ce type de recrutements pour pouvoir disposer de profils spécialisés disposant de compétences très ciblées. L'agence a notamment recruté, en août 2013, un chargé de mission provenant du secteur financier. Ce dernier, directement rattaché à la Direction générale, est un expert de l'analyse et des opérations financières, notamment dans le secteur industriel.

La nomination, en septembre 2012, d'un commissaire aux participations de l'Etat ayant une expérience significative en entreprise privée comme publique contribue aussi, par exemple, à répondre à cet enjeu.

Par ailleurs, dans le cadre de la nouvelle doctrine de l'Etat actionnaire annoncée par le Gouvernement, l'APE pourra s'appuyer sur des comités spécialisés qui comprendront des personnalités extérieures reconnues pour leur parcours professionnel, dans les domaines clés que sont la stratégie actionnariale et les nominations au sein des entreprises publiques. Un comité stratégique de l'Etat actionnaire et un comité des rémunérations seront créés à cet effet. »

Ce dernier point amène à rappeler que, concrètement, l'État actionnaire participe à la nomination de 936 administrateurs qui siègent actuellement aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises du périmètre de l'APE, dont 366 administrateurs représentant l'État .

Dans son rapport annuel pour 2014, l'APE souligne elle-même que la capacité à identifier et à recruter au sein de chaque conseil les profils d'administrateurs les plus adaptés constitue un élément majeur de la mission de l'État actionnaire. Le principal enjeu est donc d'élargir le vivier de candidats susceptibles d'exercer des mandats d'administrateurs. Or les limitations réglementaires imposent de choisir ces représentants parmi les dirigeants d'entreprises publiques ainsi que les fonctionnaires en activité ou retraités, ce qui exclut même les fonctionnaires en disponibilité ou hors cadre travaillant dans des entreprises.

L'article 10 du projet de loi d'habilitation n° 28 (2013-2014) à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises, en discussion au Sénat, semble toutefois porteur de progrès dans ce domaine. Ce texte prévoit, dans des termes assez imprécis, de « moderniser la gouvernance des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation majoritaire ou minoritaire ». En pratique, cette habilitation pourrait servir de base à un assouplissement des règles relatives à la nomination d'administrateurs. Si tel est bien le cas, une telle mesure irait très exactement dans le sens des recommandations de la commission .

Encore faudra-t-il examiner attentivement la portée exacte de l'élargissement du vivier de recrutement de ces administrateurs. On peut d'ailleurs se demander si l'imprécision des formules employées ne masque d'importants enjeux, puisque la désignation en tant qu'administrateur constitue une forme de reconnaissance à laquelle peuvent être très sensibles un certain nombre de fonctionnaires de talent et il parait effectivement souhaitable de préserver une occasion pour ces derniers de se familiariser avec le fonctionnement des entreprises.

En même temps, et comme l'ont montré, par exemple, les négociations sur le réaménagement de l'actionnariat d'EADS, l'État, pour prendre des décisions opportunes, aurait besoin de faire appel à des experts de qualité pour fortifier sa vision stratégique dans un secteur donné, en s'inspirant des « bonnes pratiques » allemandes.

Votre commission des affaires économiques préconise ainsi un rééquilibrage dans le sens d'une plus grande mixité des recrutements des représentants de l'Etat actionnaire : entre femmes et hommes, bien entendu, et entre des cultures professionnelles en faisant appel à des personnes issues du secteur privé ayant exercé des fonctions dans le domaine considéré, tout en prévenant les risques de conflit d'intérêt.

D. LES DIVIDENDES DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE : UNE DIMINUTION PROBABLE DE PRÈS DE 30 % EN 2014 ET DES INTERROGATIONS PERSISTANTES SUR LE TRAITEMENT BUDGÉTAIRE DE CES REVENUS.

Alors qu'environ 4,5 milliards de dividendes ont été encaissés par l'État au cours de chacune des années 2010, 2011, 2012 et 2013 au titre de ses participations, le bleu budgétaire pour 2014 mentionne une prévision de 3,2 milliards pour 2014. Les principaux contributeurs concernés sont EDF, GDF Suez, Orange, SNCF, La Poste, Safran et ADP qui représentent près de 90 % du montant total. Il convient également de préciser que l'hypothèse retenue pour 2014 est celle du versement intégral des dividendes en numéraire, comme en 2013, tandis qu'en 2012, 1,4 milliard de dividendes ont été versés en actions par GDF Suez et le FSI.

Extrait du rapport relatif à l'Etat actionnaire présenté en annexe « jaune » au projet de loi de finances pour 2014.

L'Etat encaisserait donc, en 2014, 1,3 milliard d'euros de moins que les années précédentes . Officiellement, cette baisse s'explique par un contexte de montée des risques qui amène les entreprises à constituer des provisions. Pour aller un peu plus loin dans le raisonnement, tout en respectant une certaine confidentialité sur ce sujet extrêmement sensible, on peut :

- d'une part, rappeler que la maximisation de la distribution de dividendes fait, à juste titre, partie des principaux indicateurs de performance de l'Etat actionnaire ;

- d'autre part, formuler l'hypothèse selon laquelle les entreprises relevant du périmètre de l'Etat actionnaire ont peut-être fourni un effort suffisamment notable de distribution de dividendes au cours des dernières années pour que le freinage qui est anticipé ne soit pas choquant.

Au total, comme le souligne l'Agence des participations, le portefeuille de l'Etat conserve un bon rendement, d'environ 6 % en 2012, presque deux fois supérieur à celui du CAC 40 (3,5 %). La composition sectorielle du portefeuille de l'APE, marquée par une forte présence des secteurs énergie et télécommunication, qui traditionnellement ont des politiques de distributions plus élevées que les autres entreprises est une des explications de cette «  surperformance ».

Ce rendement va cependant baisser, et au moment où d'éventuels prélèvements supplémentaires sur l'épargne des français sont envisagés, la situation de l'Etat semble témoigner de la situation difficile que peuvent connaître les petits actionnaires, en particulier par rapport aux épargnants qui se focalisent sur l'immobilier et dont les plus-values bénéficient d'un « rabotage » par année de détention.

Ces observations amènent à rappeler la quatrième grande recommandation de la commission. Votre rapporteur avait, l'an dernier, relevé que les dividendes versés à l'Etat actionnaire donnent lieu à deux traitements budgétaires différents selon les cas : si le dividende est versé en espèces, il est affecté au budget général et non pas au compte d'affectation spéciale. En revanche le dividende versé en action vient alimenter le patrimoine de l'Etat actionnaire.

La commission avait suggéré d'harmoniser les mécanismes et d'affecter l'intégralité des sommes au compte d'affectation spéciale, à condition que l'arbitrage pour le réemploi de ces sommes entre le désendettement de l'Etat et le financement de projets industriels puisse être éclairé par des personnalités incontestables du monde industriel. Elle renouvelle cette suggestion qui s'articule avec la double nécessité :

- de réactiver, autant que faire se peut, le programme 732 relatif au désendettement, pour limiter le recours à l'emprunt ;

- et d'alimenter en fonds propres les secteurs d'avenir.

Au total, votre rapporteur souligne avec satisfaction que les suggestions que la commission avait unanimement approuvées l'an dernier trouvent un prolongement dans des annonces formulées avec prudence mais qui pourraient se traduire par des mesures volontaristes. C'est pourquoi il a suggéré à la commission d'émettre un avis de sagesse sur les crédits de la mission participations financières de l'Etat prévus par le PLF pour 2014.

Dans l'hypothèse où ces annonces ne seraient pas suivies d'effets, et compte tenu des imprécisions de ce compte, votre rapporteur préconiserait, en revanche, d'émettre un avis très défavorable à l'occasion du prochain budget.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 13 novembre 2013, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits du compte spécial « Participations financières de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Daniel Raoul, président . - Je passe la parole au rapporteur pour avis.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Je vous présente aujourd'hui les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat », dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014.

L'année dernière, la commission avait approuvé à l'unanimité les recommandations que je lui avais soumises pour dynamiser l'Etat actionnaire. Cette année, je me suis, bien entendu, intéressé au sort réservé à nos préconisations. Je constate que les auditions et plusieurs séries de mesures envisagées par le Gouvernement vont dans la direction que nous avons souhaitée. Il s'agira de vérifier si les annonces sont suivies d'effets et si l'énergie des acteurs sera déployée pour renforcer notre économie, sans trop se disperser dans des réaménagements administratifs ou la création de nouveaux comités.

Je reviendrai plus en détail sur la prise en compte de nos préoccupations après une brève présentation générale des crédits de cette mission.

La première partie du rapport résume le cadre juridique et les données budgétaires pour 2014 de ce compte d'affectation spéciale. Elle se résume à une affirmation : avant tout soucieux de ne pas envoyer de « signaux » aux marchés, le compte de l'Etat actionnaire est également peu instructif pour le Parlement. Il faudra un jour sortir de ce flou.

Juridiquement, je rappelle que, selon l'article 21 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), la logique du compte d'affectation spéciale est de rapprocher des recettes de cession de titres et des dépenses d'acquisition de même nature. Pourtant, ce sont les versements exceptionnels du budget général, qui, dans la pratique, sont les montants les plus importants de ce compte. Ainsi, pour 2014, les 10 milliards de recettes prévues, se répartissent à part égales entre des produits de cession de titres, à hauteur de 5 milliards d'euros et des versements du budget général de 5 milliards également. Cependant, entre 2008 et 2013, aucune cession de titres n'a été réalisée, ce qui rend les 5 milliards inscrits en loi de finances largement fictifs. En revanche, les versements du budget général sont effectués. Il n'est pas tout à fait normal qu'en cinq ans aucune recette n'ait été dégagée, ce qui aurait permis de solder l'affaire du Crédit Lyonnais sans recourir intégralement à l'emprunt, comme cela est aujourd'hui prévu.

Les données qui sont présentées au Parlement relèvent donc plus de l'« écran de fumée » que de la transparence budgétaire. Ce n'est pas une nouveauté : nous le redisons année après année, mais je me demande si on a utilisé les bons arguments. J'en ajouterai donc deux pour 2014 : d'une part, comparaison n'est pas raison, mais nos entreprises sont soumises à un tel degré d'exigence et de précision que la présentation de cette mission budgétaire devient un peu « décalée » par rapport à la réalité vécue sur le terrain par les agents économiques de base. D'autre part, je me demande si l'Etat actionnaire, qui « pèse » à peu près 100 milliards de participations (environ 80 milliards pour les titres cotés et 20 pour les titres non cotés) ne surestime pas un peu son importance au regard des « marchés ». 100 milliards, c'est 5 % de notre PIB et de notre dette, mais avec zéro cessions de 2008 à 2013 et moins de 2 milliards en 2013, il n'y a objectivement pas de quoi faire « tanguer » les marchés. Les volumes traités sur les marchés financiers permettraient d'ailleurs sans encombre de faire plus de cessions de titres.

En revanche, on peut se demander s'il n'y a pas là un moyen assez commode de rester discret sur un certain nombre d'éléments périphériques à cette « boite noire » budgétaire, et seule la Cour des comptes publie de temps à autres des informations sur des événements dont on peut se demander si ce sont des maladresses ou le résultat de conflits interne à l'Etat.

Budgétairement, j'insisterai sur les nouveautés 2014 dans le compte de l'Etat actionnaire, et certaines d'entre elles illustrent encore une fois le déficit de sincérité dans la présentation de ce compte. Je prends un exemple : traditionnellement depuis plusieurs années, les sommes affectées au désendettement de l'Etat dans le programme 732 de ce compte étaient systématiquement évaluées à 4 milliards en loi de finances initiale et les réalisations étaient égales à zéro. La nouveauté en 2014 est que le montant prévu de contribution au désendettement est ramené de 4 à 1,5 milliards. On ne trouve aucune justification de cet effondrement dans la documentation budgétaire. Pour en élucider les raisons, il faut recouper plusieurs sources d'information :

- d'une part, la presse, vient d'indiquer que l'Etat, par l'intermédiaire de l'Agence France Trésor, va emprunter 4,5 milliards d'euros sur les marchés financiers en décembre pour solder la dette issue du « naufrage du Crédit lyonnais » ; l'autorisation en serait demandée au Parlement à l'occasion du prochain projet de loi de finances rectificative ;

- d'autre part, mon avis budgétaire de l'an dernier, dans le sillage des rapports de la Cour des comptes, précisait que la sincérité budgétaire devrait conduire à faire apparaître clairement les financements destinés à colmater la défaillance du Crédit Lyonnais - c'est-à-dire 4,5 milliards d'euros remboursables avant le 31 décembre 2014 par l'établissement public de financement et de restructuration (EPFR).

Même si l'on comprend aisément que cet emprunt a pour but d'éviter d'aggraver les déficits en profitant de taux d'intérêt encore bas, il me parait opportun d'interroger le Gouvernement sur ses choix méthodologiques et de manifester notre étonnement sur l'absence d'information du Parlement.

Par ailleurs, je vous suggère, compte tenu de la conjoncture financière, de souligner la nécessité de maintenir ce programme 732 consacré au désendettement de l'Etat. Même s'il n'est plus utilisé, son existence demeure un point de repère essentiel et je serai tenté de proposer qu'il soit alimenté, au moins de manière symbolique, tant une éventuelle hausse des taux menace, à terme, nos équilibres.

Du coté des autres dépenses pour 2014, trois principales séries d'opérations sont prévues. Tout d'abord, 4,76 milliards iraient à des augmentations de capital (c'est l'action 1 du programme 731 intitulée « opérations en capital ») :

- la libération éventuelle d'une nouvelle tranche de l'augmentation de capital de la BPI à laquelle ont souscrit la Caisse des dépôts et consignations et l'EPIC BPI-Groupe pour un montant total de 3,1 milliards d'euros. Une première tranche a déjà été libérée en juillet 2013 lors de la création de la BPI, à hauteur du quart, soit 383,25 millions d'euros pour chacune des deux entités ;

- la recapitalisation des banques multilatérales de développement, pour 56 millions d'euros en 2014.

- et enfin des versements de dotations en fonds propres prévus dans le cadre du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA 2) à hauteur de 1,750 milliard d'euros. Ces montants correspondent aux prises de participation détaillées au sein des programmes 403 « Innovation pour la transition écologique et énergétique », 404 « Projets industriels pour la transition énergétique », 405 « Projets industriels », 406 « Innovation », 407 « Économie numérique », 409 « Écosystèmes d'excellence » et 414 « Villes et territoires durables ».

Ensuite, 378 millions d'euros sont prévus en 2014 au titre de l'action 3 « achats de titres » qui correspond, en principe, au « coeur de cible » de ce compte de l'Etat actionnaire. Le bleu budgétaire précise qu'en 2014, un achat de titres Areva auprès du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives est programmé, afin de participer au financement du démantèlement d'installations nucléaires.

Enfin, je cite également les 3,26 milliards de l'action 6 qui retrace les versements au profit du Mécanisme européen de stabilité (MES), conformément au traité instituant ce mécanisme signé le 2 février 2012 et ratifié en France par la loi du 7 mars 2012. Il est prévu de procéder en 2014 au dernier des cinq versements : en contrepartie, l'Etat actionnaire reçoit des titres, mais on est loin de la logique de prises de participations et c'est pourquoi j'avais pu qualifier ces opérations de « jeux d'écriture » l'an passé.

C'est surtout en recettes que l'on constate du nouveau. Au cours de l'année 2013, les cessions de titres de l'Etat au capital de Safran (3,1 %), d'EADS (3,7 %) et d'Aéroports de Paris (9,5 % conjointement avec le fonds stratégique d'investissement FSI) ont permis de dégager 1,9 milliard d'euros de ressources pour l'Etat.

Ces ventes de titres sont aujourd'hui présentées comme une des composantes de la « nouvelle doctrine de l'Etat actionnaire ». Derrière ces mots, nous retrouvons ce que, pour ma part, et avec votre approbation, j'avais qualifié de nécessité d'une gestion plus active des participations de l'Etat.

Cela m'amène à la seconde partie du rapport consacrée au suivi de nos quatre principales recommandations de l'an dernier.

Je viens d'évoquer la première. Les documents budgétaires ainsi que les auditions témoignent de l'importance qu'attache l'Agence des participations de l'Etat à la communication présentée au Conseil des ministres, le 2 août dernier, par les ministres de l'Économie et des Finances et du Redressement productif sur la « nouvelle doctrine de l'actionnariat public ». Tout ceci semble entouré d'un certain halo de mystère, et je crois comprendre que l'essentiel est d'éviter les mots qui fâchent, en particulier celui de « privatisation ». Bien entendu, votre rapporteur ne peut que souscrire à cette intention de « favoriser la croissance durable dans le respect des principes de bonne gouvernance » . Je m'interroge avant tout sur les modalités concrètes de mise en oeuvre de cette nouvelle doctrine par laquelle on nous dit que « l'État pourra envisager de réduire les niveaux historiques de participation publique dans certaines entreprises ».

Je souligne que la commission avait approuvé ma recommandation qui consiste, pour l'Etat, à vendre des titres tout en préservant son influence. Encore faut-il utiliser et optimiser les outils, comme le vote double, permettant de déconnecter le capital et le pouvoir de décision. J'avais également évoqué la possibilité de créer des holdings ou des « holdings de holdings » qui permettent à un actionnaire de conserver son pouvoir en mobilisant moins de capitaux.

A ce sujet, je vous fais part d'une certaine inquiétude à l'égard d'une disposition aujourd'hui en navette inscrite dans une proposition de loi visant à reconquérir l'économie réelle dont M. François Brottes est l'un des initiateurs. Vous trouverez dans le rapport écrit les détails de ce dispositif que je vous résume très schématiquement. Partant de la très louable intention de favoriser l'actionnariat de long terme, cette proposition de loi prévoit la systématisation du vote double pour les actions nominatives, au bout de deux ans de détention. Cela peut paraître très positif, mais la rigidité d'un tel mécanisme risque de soulever plus de difficultés pour l'Etat actionnaire qu'il ne va en résoudre. En effet, du jour au lendemain, l'Etat va, dans certains cas, franchir des seuils qui l'obligeront à lancer une OPA et à acquérir des titres dont il n'a pas besoin et pas les moyens de financer. Sa principale « parade » serait alors de convertir ses titres « au porteur », comme les fonds d'investissement qui souhaitent faire des allers-retours rapides car les actions au porteur ne bénéficient pas du droit de vote double. Cependant, il ne semble pas raisonnable d'engager l'Etat dans un tel processus qui reviendrait à « se tirer une balle dans le pied » en renonçant à de la valeur patrimoniale. J'attire ainsi votre attention sur ces possibles effets pervers relatifs à l'article 5 de cette proposition de loi.

Notre troisième recommandation, complémentaire d'une gestion plus dynamique et soucieuse de préserver l'influence de l'Etat, était de donner un souffle nouveau à l'Etat actionnaire en faisant appel à des talents reconnus du monde industriel. On l'avait bien vu à l'occasion de la présentation du rapport de M. Louis Gallois : dès qu'une personnalité incontestable s'investit dans un sujet, l'intérêt du pays a tendance à prendre le dessus sur les clivages partisans ou les postures.

Concrètement, l'État participe à la nomination de 936 administrateurs qui siègent actuellement aux conseils d'administration et de surveillance des entreprises du périmètre de l'APE, dont 366 administrateurs représentant l'État. Dans son rapport annuel pour 2014, l'Agence souligne elle-même que la capacité à identifier et à recruter au sein de chaque conseil les profils d'administrateurs les plus adaptés constitue un élément majeur de la mission de l'État actionnaire. Le principal enjeu est donc d'élargir le vivier de candidats susceptibles d'exercer des mandats d'administrateurs. Or les limitations réglementaires imposent de choisir ces représentants parmi les dirigeants d'entreprises publiques ainsi que les fonctionnaires en activité ou retraités, ce qui exclut même les fonctionnaires en disponibilité ou hors cadre travaillant dans des entreprises.

L'article 10 du projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances diverses mesures de simplification et de sécurisation de la vie des entreprises semble toutefois porteur de progrès dans ce domaine. Il prévoit, dans des termes assez vagues, de « moderniser la gouvernance des entreprises dans lesquelles l'État détient une participation majoritaire ou minoritaire ». Comme on nous l'a affirmé au cours des auditions, il s'agirait, dans les faits, d'assouplir les règles relatives à la nomination d'administrateurs. Si tel est bien le cas, cela va très exactement dans le sens que nous souhaitons.

Encore faudra-t-il examiner de près la nature exacte de l'élargissement du vivier de recrutement de ces administrateurs. L'imprécision des formules employées dans ce texte masque d'importants enjeux, puisque la désignation en tant qu'administrateur constitue une forme de reconnaissance à laquelle sont très sensibles un certain nombre de fonctionnaires ; il parait effectivement souhaitable de préserver une occasion pour ces derniers de se familiariser avec le fonctionnement des entreprises. Le monopole doit cependant être démantelé et à ceux qui craindraient que des non fonctionnaires puissent moins bien défendre les intérêts de l'Etat que des personnalités du secteur public, je rappellerai que la Cour des comptes a signalé, depuis 2004, que les représentants de l'Etat étaient je cite « trop souvent incapables d'exprimer une position cohérente au sein des conseils d'administration. ».

C'est pourquoi je plaide pour un rééquilibrage dans le sens de la mixité des recrutements : parité entre femmes et hommes, bien entendu, et mixité des cultures professionnelles en faisant appel à des personnes issues du secteur privé ayant exercé des fonctions dans le domaine considéré, tout en prévenant tout risque de conflit d'intérêt. Nous l'avions proposé l'an passé et j'avais, par exemple, rappelé à quel point il était important qu'au sein d'EADS puissent siéger plus de spécialistes du secteur aéronautique.

J'évoquerai enfin la question des dividendes de l'Etat actionnaire. Le constat est celui de leur diminution probable de près de 30 % en 2014 et les interrogations concernent la politique et le traitement budgétaire de ces revenus. La maximisation de la distribution de dividendes fait, à juste titre, partie des principaux indicateurs de performance de l'Etat actionnaire.

Alors qu'environ 4,5 milliards de dividendes ont été encaissés par l'État au cours de chacune des années 2010, 2011, 2012 et 2013 au titre de ses participations, le bleu budgétaire de cette année mentionne une prévision de 3,2 milliards pour 2014. Les principaux contributeurs concernés sont EDF, GDF Suez, Orange, SNCF, La Poste, Safran et ADP qui représentent près de 90% du montant total. L'Etat encaisserait donc, en 2014, 1,3 milliard d'euros de moins que les années précédentes. Officiellement, cette baisse s'explique par un contexte de montée des risques qui amène les entreprises à constituer des provisions. Peut-on aller un peu plus loin dans le raisonnement, tout en respectant une certaine confidentialité sur ce sujet extrêmement sensible ? Je dirai simplement que les entreprises ont peut-être fourni un effort suffisamment notable les années précédentes pour que le freinage qui est anticipé ne soit pas choquant.

Au total, comme le souligne l'Agence des participations, le portefeuille de l'Etat conserve un bon rendement, d'environ 6 % en 2012, presque deux fois supérieur à celui du CAC 40 (3,5 %). La composition sectorielle du portefeuille de l'APE, marquée par une forte présence des secteurs énergie et télécommunication, qui traditionnellement ont des politiques de distributions plus élevées que les autres entreprises, est une des explications de cette « surperformance ». Ce rendement va cependant baisser, et au moment où d'éventuels prélèvements sur l'épargne des français sont envisagés, la situation de l'Etat semble témoigner des difficultés que peuvent connaître les petits actionnaires, en particulier par rapport aux épargnants focalisés sur l'immobilier.

Je précise, par ailleurs, que l'hypothèse retenue pour 2014 est celle du versement intégral des dividendes en numéraire, comme en 2013, tandis qu'en 2012, 1,4 milliard de dividendes ont été versés en actions par GDF-Suez et le FSI.

Cette remarque nous amène au suivi de notre quatrième grande recommandation. J'avais souligné l'an dernier que les dividendes versés à l'Etat actionnaire donnent lieu à deux traitements budgétaires différents selon les cas : si le dividende est versé en espèces, il est affecté au budget général et non pas au compte d'affectation spéciale. En revanche le dividende versé en action vient alimenter le patrimoine de l'Etat actionnaire. J'avais suggéré d'harmoniser les mécanismes et d'affecter l'intégralité des sommes au compte d'affectation spéciale à condition que l'arbitrage pour le réemploi de ces sommes entre le désendettement de l'Etat et le financement de projets industriels puisse être éclairé par des personnalités incontestables du monde industriel. Je renouvelle cette suggestion car il convient, plus que jamais, d'agir avec discernement avec l'argent du contribuable.

En résumé, l'Etat dispose d'environ 100 milliards investis dans des entreprises. Pour optimiser l'allocation de ces sommes, il serait logique d'abaisser à 51 % un certain nombre de seuils de participation qui dépassent ce chiffre, l'Etat pouvant se contenter de conserver la majorité absolue. On pourrait également accorder un traitement particulier aux secteurs qui ont besoin de financer des investissements stratégiques en constituant des réserves ou en maintenant une participation plus élevée de l'Etat qui se désengagerait, par la suite, à un prix plus élevé, lorsque les investissements innovants se traduiraient par une amélioration de l'activité des entreprises. Ce qui me surprend, c'est surtout le caractère assez statique de la gestion de l'Etat actionnaire alors que la vie des entreprises et des élus qui accompagnent les évolutions économiques est de plus en plus mobile. L'Etat, sans réduire son influence sur les entreprises qu'il contrôle, pourrait sans doute dégager des marges de manoeuvre de 10 à 15 milliards d'euros pour investir ou réduire la fiscalité pesant sur les ménages contribuant ainsi à la relance de la consommation et à la résolution des difficultés majeures auquel le pays doit faire face.

Au total, les principales suggestions unanimement approuvées l'an dernier par la commission trouvent un prolongement dans des annonces formulées avec prudence mais qui pourraient se traduire par des mesures volontaristes. C'est pourquoi je suggère d'émettre un avis de sagesse sur les crédits de la mission participations financières de l'Etat prévus par le PLF pour 2014. Dans l'hypothèse où ces annonces ne seraient pas suivies d'effets, et compte tenu des imprécisions de ce compte, je préconiserais, en revanche, d'émettre un avis très défavorable à l'occasion du prochain budget.

M. Daniel Dubois . - Je salue la continuité de la réflexion du rapporteur et j'adhère à ses propos : dans la situation que nous connaissons, 100 milliards ce n'est pas négligeable et nous devrions les utiliser comme levier de développement stratégique. Sans prendre de risques excessifs ni adopter une démarche capitalistique, il serait souhaitable d'augmenter le nombre de prises de participations et d'allers-retours. En même temps, il me parait opportun de « flécher » à la fois les produits de cession et les dividendes de l'Etat actionnaires pour les affecter au développement stratégique de l'économie plutôt que de les reverser au budget général.

M. Daniel Raoul , président . - Ce n'est peut-être pas tout à fait aussi simple car il y a des versements réguliers du budget général vers ce compte et les chiffres montrent qu'il s'agit souvent d'un jeu à somme nulle.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Je mets surtout l'accent sur le manque de mobilité et de souplesse de la gestion de l'Etat actionnaire qui s'apparente aux pratiques du passé. Pour être tout à fait clair, je ne me range pas du côté de ceux qui prônent un désengagement de l'Etat et je rappelle avoir plaidé pour que ce dernier conserve une majorité de contrôle des sociétés d'autoroutes. A mon sens, il convient, en revanche, d'allouer plus de fonds propres aux secteurs, entreprises ou filiales porteurs d'espoir de croissance et de développement, or il me semble que l'APE se limite trop à gérer son portefeuille « en bon père de famille ». Un gestionnaire industriel s'efforce de doubler son capital de départ en quinze ans et, pour ce faire, procède à une gestion active alors que le périmètre de l'Etat actionnaire a très peu évolué depuis plusieurs années, ce qui témoigne d'une certaine insuffisance de vision stratégique. Il faudrait donc rechercher de nouvelles compétences là où elles se trouvent, c'est-à-dire chez les industriels.

M. Jean-Jacques Lasserre . - Je remercie le rapporteur qui a rendu intéressant un exercice souvent rébarbatif. Son plaidoyer pour financer les secteurs d'avenir mérite, à mon sens, de poursuivre et d'approfondir les investigations pour nous assurer que les orientations ainsi définies se traduisent par un ciblage et des actions précises.

M. Roland Courteau . - Le rapporteur a évoqué les remarques de la Cour des comptes : quelle suite leur sont-elles réservées ? Il a également mentionné d'éventuelles conséquences néfastes d'une des dispositions de la proposition de loi de M. François Brottes, qui vise cependant à améliorer l'environnement normatif de notre économie.

M. Michel Bécot . - J'avais moi aussi plaidé pour que l'Etat ne cède pas ses participations dans les sociétés d'autoroute. Par ailleurs, je m'interroge sur les raisons de l'annonce de la diminution de 1,3 milliard d'euros des dividendes de l'Etat actionnaire.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Confrontées à un environnement économique difficile, les entreprises ont tendance à augmenter leurs provisions pour risque, ce qui diminue mécaniquement leur bénéfice distribuable et donc les dividendes versés.

M. Martial Bourquin . - J'estime avant tout qu'on ne peut pas faire comme si l'Etat n'avait pas une dette abyssale et il faut rappeler que les titres d'Etat ont tout de même permis d'alimenter le budget général. Les orientations présentées par le rapporteur méritent d'être approuvées mais je me souviens également, il y a plusieurs années, des pressions exercées par les précédents Gouvernements pour privatiser de grandes entreprises comme la Poste dont on se rend compte aujourd'hui qu'elle joue un rôle fondamental pour l'aménagement du territoire et le financement des collectivités territoriales. Par ailleurs, si l'Etat avait conservé les sociétés d'autoroute, il n'aurait pas été besoin d'instituer les taxes qui soulèvent tant de contestation. Il n'y a rien de pire que l'amnésie et les ventes de titre ne procurent des recettes qu'une seule fois. Le recours au vote double pour préserver l'influence de l'Etat est une piste intéressante mais, de grâce, ne faisons pas abstraction de la réalité ni des erreurs du passé.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Mon point de vue est celui de l'entrepreneur qui plaide pour le dynamisme de la gestion de portefeuille et non pas pour une diminution de l'influence de l'Etat. Certains seuils très élevés de participations de l'Etat pourraient être réduits sans perte d'influence. On peut, par exemple dans le secteur agroalimentaire, contrôler une grande entreprise avec 3,5 % du capital par le jeu des votes doubles, des pactes d'actionnaires et des holdings, ce qui permet de mobiliser moins de fonds et d'allouer ces derniers à des investissements d'avenir. Sans appliquer nécessairement un tel schéma optimalisé, l'Etat pourrait sans se désengager, trouver des ressources pour accompagner les mutations économiques.

Mme Renée Nicoux . - Une partie du produit des cessions pourraient également être utilisée pour aider des secteurs stratégiques momentanément en difficulté afin d'éviter les démantèlements et les délocalisations. L'expérience nous enseigne que les nationalisations ont parfois permis d'améliorer la gestion d'entreprises déficitaires. Il faudrait également recenser précisément les entreprises dans lesquelles l'Etat dispose d'une majorité.

M. Alain Chatillon, rapporteur pour avis . - Il faut, à mon sens, surtout viser les secteurs dynamiques. Investir dans des entreprises sans avenir me paraît peu opportun. Investir dans les secteurs porteurs et innovants serait à la fois rentable pour l'Etat et bénéfique pour notre économie.

M. Claude Bérit-Débat . - Tout en félicitant à mon tour notre rapporteur, je voudrais rappeler que certaines stratégies industrielles de certains groupes dites offensives ont conduit à des catastrophes cuisantes. Certes, l'Etat pourrait se contenter d'une minorité de blocage, mais ne confondons pas la gestion entrepreneuriale et la gestion des participations de l'Etat qui n'obéissent pas aux mêmes objectifs.

M. Daniel Raoul, président . - Je précise ma pensée : l'Etat doit être un stratège encore plus qu'un entrepreneur.

M. Alain Chatillon . - Entendons-nous : je plaide avant tout pour plus d'investissement dans les métiers d'avenir et je rappelle, par ailleurs, que la prise de risque est inhérente au développement industriel. Mon expérience professionnelle m'a enseigné que les restructurations comportent également des risques et impliquent des décisions courageuses. Il faut transformer ce capital dormant détenu par l'Etat en un capital dynamique investi dans des secteurs qui créent des emplois et de la valeur ajoutée.

M. Daniel Raoul, président . - Je me demande s'il n'y a pas une certaine corrélation entre l'augmentation des cessions de titres et la diminution prévisible des dividendes ?

M. Alain Chatillon . - L'APE obéit à une certaine culture du secret et j'en suis réduit à des hypothèses. Les cessions sont réalisées lorsque les valorisations augmentent et les dividendes diminuent en corrélation avec la baisse des bénéfices imputables aux provisions pour charges.

M. Daniel Raoul, président . - Je comprends que les recommandations de la commission ont été prises en compte, mais que le rapporteur a des doutes sur les réalisations consécutives aux annonces qui ont été faites. Cela nécessiterait, à mon sens, un avis de sagesse « avec les encouragements du jury » même si ce concept est sans doute difficile à traduire juridiquement.

M. Alain Chatillon . - Je formule une sagesse positive.

La commission des Affaires économiques s'en remet à l'unanimité à la sagesse du Sénat en ce qui concerne l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'Etat » .

ANNEXE

Source : Rapport de l'État actionnaire 2014

Le tableau qui suit synthétise les principales données financières des entreprises relevant du périmètre de l'État actionnaire et précise leur degré d'appartenance au secteur public.

Ces entreprises et établissements emploient plus de 1,7 million de salariés, l'État actionnaire ayant pour mission de veiller à leurs perspectives professionnelles.

Source : Rapport de l'État actionnaire 2014

Bilan des principales opérations de cessions, acquisitions et fusions conduites par l'Agence des participations de l'État depuis sa création en 2003 jusqu'en 2012 . (Ce tableau particulièrement utile n'a pas été actualisé par le dernier rapport de l'Etat actionnaire).

Source : Rapport de l'État actionnaire 2013

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 5 novembre 2013

- Agence des participations de l'Etat (APE) : MM. David Azema , commissaire aux participations de l'Etat, Cyril Forget , chargé de mission et Jérôme Baron , secrétaire général.


* 1 Le programme 731 comporte, pour 2013, 5 actions : l'action 1 « Augmentations de capital, dotations en fonds propres, avances d'actionnaire et prêts assimilés », (pas d'action numérotée 2), l'action 3 « Achats ou souscriptions de titres, parts ou droits de société », l'action 4 « Autres investissements financiers de nature patrimoniale », l'action 5 « Prestations de services : commissions bancaires, frais juridiques et frais liés aux opérations de gestion des participations financières de l'État » ainsi que la nouvelle action 6 « Versements au profit du Mécanisme européen de stabilité ».

* 2 L'intitulé exact de cette action 3 est « Achats ou souscriptions de titres, parts ou droits de société ».

* 3 « (...) il manque aujourd'hui 200 millions à l'AFPA pour ne pas mettre la clef sous la porte. » faisait observer Mme Marie-France Beaufils (Indre-et-Loire - CRC) dans une question écrite n° 03514 (publiée au JO Sénat du 13 décembre 2012 - page 2890), après avoir rappelé que le projet de loi de finances pour 2013 prévoyait un abondement de 87 millions d'euros.

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