Avis n° 158 (2013-2014) de Mme Leila AÏCHI et M. Alain GOURNAC , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 21 novembre 2013

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N° 158

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT :
ACTION DE LA FRANCE EN EUROPE ET DANS LE MONDE

Par Mme Leila AÏCHI et M. Alain GOURNAC,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Louis Carrère , président ; MM. Christian Cambon, Jean-Pierre Chevènement, Robert del Picchia, Mme Josette Durrieu, MM. Jacques Gautier, Robert Hue, Jean-Claude Peyronnet, Xavier Pintat , Yves Pozzo di Borgo, Daniel Reiner, vice-présidents ; Mmes Leila Aïchi, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Gilbert Roger , André Trillard, secrétaires ; M. Pierre André, Mme Kalliopi Ango Ela, MM. Bertrand Auban, Jean-Michel Baylet, René Beaumont, Pierre Bernard-Reymond, Jacques Berthou, Jean Besson, Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Luc Carvounas, Pierre Charon, Marcel-Pierre Cléach, Raymond Couderc, Jean-Pierre Demerliat, Mme Michelle Demessine, MM. André Dulait, Hubert Falco, Jean-Paul Fournier, Pierre Frogier, Jacques Gillot, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Gournac, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Gérard Larcher, Robert Laufoaulu, Jeanny Lorgeoux, Rachel Mazuir, Christian Namy, Alain Néri, Jean-Marc Pastor, Philippe Paul, Bernard Piras, Christian Poncelet, Roland Povinelli, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Claude Requier, Richard Tuheiava, André Vallini.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 1 ) (2013-2014)

PRINCIPALES OBSERVATIONS SUR LE PROGRAMME 105

Au sein de la mission « Action extérieure de l'État » (4,779 Mds €, -3,1%), le programme 105 (1,852 Mds d'€, -1%) regroupe le tiers des crédits et la moitié des emplois du ministère des affaires étrangères. Programme hybride, il est constitué de dépenses très diverses : les contributions aux organisations internationales (ONU...), sur lesquelles le ministère a peu de prise, pèsent pour les 2/3 du programme, le reste étant consacré au fonctionnement du réseau diplomatique et de l'administration centrale du ministère.

Sur le programme 105, les crédits des contributions internationales et opérations de maintien de la paix baissent de 5,1% (-43 M€), du fait de la révision du barème de contribution des Nations unies en décembre dernier, qui a permis à la France de voir sa quote-part baisser au titre des contributions à l'ensemble des organisations du système des Nations unies. Le ministère des Affaires étrangères a décidé de se retirer de l'ONUDI, mais l'effet budgétaire n'en sera sensible qu'en 2015. Les loyers budgétaires augmentent quant à eux de 2,3%.

Plusieurs dotations de fonctionnement diminuent de 4 à 5% : dépenses de communication (gains liés aux abonnements numériques), crédits de l'État-major (déplacements ministériels et hôtel du ministre), dépenses de protocole (accueil de personnalités, visites de chefs d'État, conférences), crédits de location en France, dépenses d'entretien lourd à l'étranger. Les autres dépenses de fonctionnement sont stabilisées (frais de mission, fonctionnement courant, formation et action sociale, valise diplomatique, entretien et maintenance). Les dépenses de fonctionnement courant des ambassades, soumises à des facteurs exogènes (hausse du coût de l'énergie et des services, évolution du taux de change, coût du transport aérien...) augmenteront en 2014 de +0,4%.

Les crédits de coopération de sécurité et de défense (30,6 M€ hors titre 2), qui couvrent les dépenses d'intervention au titre de la formation des élites, des cadres militaires et de l'ingénierie de sécurité et de défense, notamment en Afrique, connaissent également une baisse de 4,3% qui contraindra à recentrer encore davantage cette action sur les zones géographiques et les enjeux sécuritaires les plus prioritaires, en contradiction avec les objectifs affichés par notre politique étrangère.

Le budget 2014 marque un effort particulier, pour la deuxième année consécutive, en faveur de la sécurité des ambassades , financé en partie par le compte d'affectation spéciale immobilier (programme 723, produit des cessions immobilières) pour 10 M€. Les cessions immobilières continuent, un processus de mutualisation des salles de réception dans les capitales est enclenché (Bruxelles, Vienne, Londres, New York, Genève...). Votre commission a déjà eu l'occasion de considérer que le financement de l'entretien immobilier par les cessions n'était ni vertueux, ni pérenne.

Le ministère des affaires étrangères verra, sur la période triennale 2013-2015, baisser ses effectifs de 600 emplois, soit 196 en 2014 , provenant notamment d'une adaptation du réseau diplomatique et consulaire ( 86 suppressions de postes affectant le programme 105 ). Pourtant, la masse salariale augmente de 1,8%.

Du point de vue du réseau diplomatique, au redéploiement de 300 emplois principalement vers les pays émergents, s'ajoute la création de 13 postes diplomatiques très allégés (1 ambassadeur + 4), qui se concentreront sur quelques missions jugées prioritaires en fonction des situations locales.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Au sein de la mission « Action extérieure de l'État » (4,779 Mds €, -3,1%), le programme 105 (1,852 Mds €, -1%) « Action de la France en Europe et dans le monde » est le coeur du budget du ministère des Affaires étrangères. Il porte en effet non seulement l'essentiel des emplois du Quai d'Orsay, mais aussi l'intégralité des moyens du réseau diplomatique français, le troisième dans le monde. Il finance les contributions de la France aux organisations internationales et la participation de notre pays aux opérations de maintien de la paix, dépenses sur lesquelles le ministère a peu de prise, et qui pèsent pour les 2/3 du programme.

L'année 2014 s'inscrit dans un cadrage triennal serré puisque le ministère des affaires étrangères doit « rendre » plus de 600 emplois sur la période. Dans ce contexte, les dotations budgétaires demandées, en légère baisse, à 1,8 milliard d'euros, préservent l'essentiel -à l'exception notable des crédits de coopération de défense- et affichent quelques priorités , parmi lesquelles le renforcement de la sécurité des implantations diplomatiques dans un monde sans cesse plus dangereux. L'équation budgétaire, qui repose en partie sur la cession des immeubles possédés à l'étranger, reste toutefois fragile. Notre commission déplore la baisse des crédits consacrés à la coopération de défense, principalement avec les pays africains (-4%).

Une évolution du réseau diplomatique , en germe depuis plusieurs années, est amorcée cette année avec une réallocation progressive des moyens vers les zones émergentes et l'apparition d'ambassades au format « très allégé » (un diplomate et 4 personnes) dans 13 pays.

I. UN BUDGET EN LÉGÈRE DIMINUTION, QUI PRÉSERVE L'ESSENTIEL MAIS REPOSE SUR DES FONDEMENTS FRAGILES

A. DES CRÉDITS SOUS TENSION, DES MISSIONS GLOBALEMENT PRÉSERVÉES

Le budget du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » s'établit, dans le projet de loi de finances pour 2014, en euros courants :

- à 1 844,64 M€ en autorisations d'engagement, en baisse de 12,14 M€ (-0,75%) par rapport à la loi de finances initiale pour 2013 ;

- à 1 852,04 M€ en crédits de paiement, en baisse de 13,92 M€
(-0,68%) par rapport à la loi de finances initiale pour 2013.

Les économies résultent d'une baisse des dépenses obligatoires versées aux organisations internationales et, d'autre part, d'économies sur les dépenses « pilotables » (dont celles de la coopération structurelle de de défense, ce que déplore vivement votre commission). Les priorités budgétaires portent en particulier sur les dépenses de sécurisation du réseau diplomatique.

1. Un allégement bienvenu des contributions internationales

Les crédits des contributions internationales et opérations de maintien de la paix , qui représentent une part importante du budget chaque année, baissent de 5,1% (-43 M€). Cette baisse est le résultat de la révision du barème de contribution des Nations unies en décembre dernier qui a permis à la France de voir sa quote-part baisser au titre des contributions à l'ensemble des organisations du système des Nations unies. Certaines contributions ont baissé dès 2013, pour d'autres, l'impact est visible à compter de 2014. Cette baisse en volume, qui s'accompagne d'un effort important pour maintenir les budgets des organisations internationales en croissance zéro en valeur permet d'absorber une légère prévision à la hausse du taux de change (le taux de budgétisation du dollar passe de 1,32 à 1,31). Les contributions européennes sont en revanche en hausse (prise en compte de l'impact complet des retraites à verser aux anciens agents de l'UEO).

2. Une augmentation limitée des autres dépenses obligatoires

La dotation spécifique en 2013 pour l'organisation du Sommet France Afrique (7 M€) n'est pas reconduite. Toutefois, la ligne des loyers budgétaires augmente de 2,3%. Par ailleurs, une enveloppe non reconductible de 4,5 M€ est prévue afin de couvrir les dépenses liées à la tenue du sommet de la Francophonie à Dakar (3 M€) et les dépenses des réunions préparatoires à la COP 21 (1,5 M€).

Sur le programme 105, plusieurs dotations de fonctionnement poursuivent leur baisse entamée en 2013 et diminuent de 4 à 5% en 2014 : dépenses de communication (gains liés aux abonnements numériques), crédits de l'État-major (déplacements ministériels et hôtel du ministre), dépenses de protocole (accueil de personnalités, visites de chefs d'État, conférences), crédits de location en France, dépenses d'entretien lourd à l'étranger.

Les autres dépenses de fonctionnement de l'administration centrale sont stabilisées et voient leur enveloppe maintenue, le ministère des affaires étrangères mettant en avant leur caractère incompressible (frais de mission, fonctionnement courant, formation et action sociale, valise diplomatique, entretien et maintenance).

Les dépenses de fonctionnement courant des ambassades sont soumises à un certain nombre de facteurs de coût exogènes (hausse du coût de l'énergie et des services, évolution du taux de change, coût du transport aérien...) et se rigidifient. Les crédits de fonctionnement courant des postes diplomatiques augmenteront en 2014 de +0,4%.

3. Une priorité budgétaire à la sécurité

En 2013 , les crédits dévolus à la sécurisation du réseau avaient déjà été abondés, pour atteindre, dans la loi de finances initiale, 16 millions d'euros. Face à la dégradation du contexte sécuritaire, le ministère des affaires étrangères a obtenu 4,6 M€ de crédits supplémentaires pour la sécurité.

Ce budget complémentaire a permis de mener à bien :

- Des travaux de sécurité passive (3,3 M€) à Bangui, Djeddah, Alger, Annaba, Dakar, Islamabad, Karachi, Le Caire, Kaboul, et dans les postes du Sahel ;

- L'achat de 2 véhicules blindés pour le poste de Tripoli ;

- Des travaux de sécurité active pour le gardiennage des logements à Kaboul afin d'assurer la surveillance constante à l'extérieur du site et la protection des agents à Sanaa en attendant la livraison des logements en espace sécurisé sur le site de l'ambassade ;

- Des travaux pour la protection de la communauté française par l'achat de matériel de communication, l'équipement des points de regroupement, la constitution de stocks alimentaires et l'achat de kits médicaux pour les pays les plus sensibles.

Le budget 2014 marque la poursuite de l'effort budgétaire pour le financement de la sécurité des implantations du réseau diplomatique . Face à un contexte sécuritaire dégradé, la sécurité de nos emprises demeure une préoccupation majeure.

Le nombre d'ambassadeurs qui disposaient d'une protection était de 6 il y a quelques années. Ils sont aujourd'hui une vingtaine.

Au total c'est un budget de 42 millions d'euros sur le programme 105 et de 10 millions d'euros sur le compte d'affectation spéciale 723 (cessions immobilières à l'étranger) qui sera consacré à des dépenses de sécurisation des postes à l'étranger en 2014.

Ces crédits prolongeront l'effort déjà engagé au cours des dernières années pour mettre à niveau les équipements dédiés à la sécurité (sas, détecteurs magnétiques de métaux, systèmes anti-intrusions...) et déployer des moyens techniques modernes de surveillance (alarmes, vidéo surveillance, contrôle d'accès par badge).

Ils permettront notamment de lancer les travaux nécessaires, touchant souvent à la structure des immeubles, afin d'adapter la sécurité des emprises diplomatiques au niveau de la menace, notamment terroriste, alors même que celles-ci ont souvent été conçues pour symboliser l'ouverture de notre pays sur le monde. Ils permettront en particulier d'accélérer le plan de sécurisation dans la région du Maghreb et du Sahel.

Les crédits correspondants permettront notamment de couvrir les dépenses liées à des travaux lourds de sécurisation , par exemple la construction de pièces de repli, le renforcement de la protection du périmètre de l'emprise diplomatique, la mise en place de vidéo protection, de contrôle d'accès, de vitres blindées, et l'appel à des bureaux d'études.

Les principaux postes concernés par ces travaux en 2014 sont : Nouakchott (1,7 M€), Dakar (2,03 M€), Beyrouth (2,2 M€), N'Djamena (0,4 M€), Brazzaville (1 M€), Alger (0,5 M€), Téhéran (0,65 M€), Jakarta (0,5 M€), Bamako (0,5 M€), Tallinn (0,5 M€), Tunis (0,25 M€) et Bangui (1,5 M€), et, sur les crédits du compte d'affectation spéciale, la Mauritanie (2,8 M€), le Niger (1,5 M€), l'Algérie (0,8 M€), le Burkina Faso (1,4 M€), le Sénégal (0,5 M€), le Tchad (0,5 M€) et la Libye (non chiffré à ce stade).

Un budget de 18,3 M€ sera consacré à la sécurité active . La sécurité des postes diplomatiques et consulaires repose effectivement sur la présence de gardes de sécurité . Issus de la gendarmerie ou de la police nationale, les gardes de sécurité permanents sont au nombre de 439 (soit 293 gendarmes et 146 policiers). Le nombre des ETP, bien que légèrement augmenté en 2013, reste constant et fait donc l'objet de redéploiement tous les ans en fonction de l'évolution de la menace.

Des agents en mission de renfort temporaire (séjour de moins de 3 mois) sont déployés pour faire face aux foyers de crises dans certains pays et assurer la protection rapprochée ou l'accompagnement des personnes (en août 2013, 173 missionnaires étaient déployés dans nos ambassades). À ce titre une enveloppe est prévue pour couvrir les frais de voyage de ces agents (4,68 M€ en hausse de 0,28 M€), en sus de la dotation de 3,7 M€ prévue sur le titre 2, et de vigiles éventuellement recrutés dans le cadre de contrats de prestation de services.

L'INDISPENSABLE RELOCALISATION DE L'AMBASSADE DE FRANCE À TRIPOLI

À la suite de l'attentat du 23 avril et compte tenu du risque durable qui pèse sur la sécurité des agents et de nos implantations, il a été décidé de relocaliser sur un campus unique l'ambassade, la résidence et des logements pour les agents.

Sans attendre la réalisation de cette opération, les effectifs réduits à une dizaine d'agents, encadrés par des renforts de gendarmerie, ont déménagé en juillet 2013 à l'hôtel « Radisson Blu », qui offre un environnement de sécurité jugé adapté. Les autres services de l'État ont été invités à les rejoindre très prochainement.

Plusieurs missions sur place du service de la sécurité diplomatique et de la direction des immeubles ont permis de lancer le programme de l'opération et de choisir, parmi une dizaine de terrains disponibles à la location ou à la vente, un site répondant aux critères pour l'opération projetée : situation dans la ville et voisinage, potentiel de sécurisation, existence d'éléments bâtis pouvant permettre une relocalisation plus rapide.

Le site qui est retenu devra faire l'objet d'importants travaux de sécurité et de réhabilitation. Un minimum de 6 mois de travaux sont prévus à compter de la notification du marché de maîtrise d'oeuvre, l'opération se poursuivant par la suite en site occupé. Il est envisagé d'implanter dans un premier temps 45 postes de travail à la chancellerie et 25 logements pour les agents. L'opération démarre à l'automne pour une relocalisation des agents espérée en mars 2014.

Source : Ministère des affaires étrangères, réponse aux questionnaires budgétaires

4. Une diminution d'effectifs qui s'accompagne d'une augmentation de la masse salariale de 1,8 %

Sur la période triennale 2013-2015, le ministère des affaires étrangères, non prioritaire, verra ses effectifs baisser de 600. Parallèlement, les services des visas verront la création de 75 postes au cours de la période 2013-2015 (dont 28 en 2014).

La diminution des effectifs (-86 emplois sur le programme 105 en 2014, soit -1,1%) ne se traduit pas par une diminution des charges de personnel, au contraire, puisqu'elles sont en augmentation.

Pour ce qui concerne le programme 105, les dépenses de « titre 2 » devraient ainsi passer de 587,6 millions d'euros en 2013 à 608,3 millions d'euros pour l'exercice à venir.

Cette croissance montre bien la difficulté à maîtriser ce poste de dépense, du fait des pressions inflationnistes spécifiques pour les personnels basés hors de France.

Les crédits de rémunération augmentent ainsi à structure courante de 1,8% en conséquence :

- d'une augmentation des crédits de 1,7% (939,3 M€) qui s'explique par les rémunérations à l'étranger : la perte au change-prix des personnels expatriés (13 M€) et la perte au change des personnels de droit local (3 M€) constatée en 2012 est intégrée en base dans le projet de loi de finances ;

- d'une augmentation des pensions de 2,5% (+4,3 M€, soit 173 M€ en 2014).

Les crédits de rémunération au niveau global, incluant tout le ministère, s'établiront ainsi à 1 172,4 M€. Ils incluent notamment :

- à la baisse, une économie de 9,8 M€ au titre des réductions d'emplois de 2014 et de l'effet en année pleine du schéma d'emplois de 2013 ;

- à la hausse, une enveloppe de mesures catégorielles de 3,5 M€. Ces crédits seront principalement consacrés à la revalorisation indiciaire des agents de catégorie C et aux mesures consacrées aux personnels de droit local. Les autres dépenses concerneront la poursuite des mesures déjà engagées notamment en faveur des volontaires internationaux ainsi que diverses revalorisations en administration centrale ;

- à la hausse, le maintien de la norme d'évolution de la masse salariale des agents de droit local à 3,5% par an (+3 M€), afin de mieux prendre en compte l'évolution du coût de la vie, les mesures d'amélioration de la protection sociale et l'évolution des législations locales ;

- à la hausse, des crédits supplémentaires (+1,7 M€) pour les missions de renfort temporaire dans les postes les plus exposés.

Comme le fait remarquer la Cour des comptes 1 ( * ) , un agent de droit local (ADL) représente en moyenne 15% du coût unitaire d'un expatrié titulaire en 2011. Les ADL restent encore bien souvent cantonnés à des postes d'exécution, leur montée en puissance sur des postes à plus forte valeur ajoutée restant dans les faits limitée, contrairement à la pratique de certains de nos partenaires comme les Britanniques. Les diplômés ne représentent ainsi que 4% du total, et sont dans deux cas sur trois attachés de presse ou interprètes.

LES AGENTS DE DROIT LOCAL DANS LE RÉSEAU DIPLOMATIQUE

Les 5 187 agents de droit local (ADL) employés par les 176 postes diplomatiques et consulaires en mai 2013 (dernières données disponibles) sont répartis en 4 953 agents permanents et 234 agents vacataires et exercent leurs fonctions dans les domaines suivants :

- Fonctions de soutien (conducteurs automobiles, agents de service, agents d'accueil, agents de secrétariat, interprètes, personnels de résidence) : 2 401 (48,48%) ;

- Fonctions consulaires : 1 159 ADL (23,40%) dont 41% sont des agents/visas, 21% sont des agents/français de l'étranger (AFE), 38% occupant des fonctions consulaires multiples ;

- Agents des services communs de gestion (comptables, gestionnaires, employés administratifs) : 403 ADL (8,28%)

- Presse et communication (attachés de presse, webmestres, traducteurs/ interprètes) : 299 ADL (6,04%) ;

- Services de coopération et d'action culturelle et des Services scientifiques (gestionnaires, assistants, chargés de mission) : 275 ADL (5,55%).

- Fonctions de protection et de sécurité : 192 ADL/gardiens (3.88%).

- Services des Immeubles et de la logistique : 212 ADL (4,28%) dont 94 techniciens de maintenance, 93 ouvriers, 23 intendants et 2 chargés de mission.

- Santé : 5 ADL (médecins, infirmières) dans des Centres médicaux sociaux en Afrique.

Les ADL à forte qualification (diplômés de l'enseignement supérieur) représentent 4,64% du volume global des effectifs . Ils exercent des fonctions d'attaché de presse (33,91%), de traducteur/interprète (45,65%), de chargé de mission (14,35%), de webmestre, d'informaticien (3,91%) et d'infirmier/médecin (2,17%).

Source : Ministère des affaires étrangères, réponse aux questionnaires budgétaires

B. LA BAISSE DES CRÉDITS DE COOPÉRATION DANS LE DOMAINE DE LA DÉFENSE N'EST PAS EN LIGNE AVEC LES PRIORITÉS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE FRANÇAISE

1. Des crédits à fort effet de levier

La coopération de défense et de sécurité, dite coopération « structurelle », par opposition à la coopération « opérationnelle » qui relève du ministère de la défense, est un réel outil diplomatique d'influence et de prévention des conflits. Elle est, depuis la réforme de 2008, portée par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère des Affaires étrangères.

En aidant les pays partenaires à structurer, dans le long terme, leurs élites militaires, elle contribue au maintien de la paix et au renforcement de leurs capacités à assumer des missions non seulement militaires mais aussi de protection civile , comme la lutte contre les catastrophes naturelles, le déminage, la dépollution...

Ces crédits ont un fort effet de levier et permettent d'agir à grande échelle avec des moyens réduits, grâce à un partenariat avec 139 autres États ou organisations internationales, dans des régions particulièrement sensibles comme la zone Sahélienne, où le renforcement des capacités des États à lutter contre la menace terroriste est un enjeu vital pour la stabilité de la région.

Avec un budget total alloué de 97,6 millions d'euros, la DCSD a assuré en 2012 2 ( * ) la gestion de 326 projets ou actions de coopération (défense) et 381 actions dans le domaine de la sécurité intérieure et de la protection civile. Elle s'est appuyée sur un réseau de 351 coopérants militaires, gendarmes, policiers et pompiers déployés dans 53 pays, complété par 473 missions de renfort temporaire. La DCSD a formé plus de 3 500 stagiaires, en France et à l'étranger, notamment dans son réseau de 17 écoles nationales à vocation régionale (ENVR) déployées en Afrique, et touché, au travers de ses différentes actions, plus de 65 000 auditeurs et stagiaires.

LES ÉCOLES NATIONALES À VOCATION RÉGIONALE

Domaine de formation

ENVR

Pays

Formation militaire générale

École d'application de l'infanterie

Sénégal

Formation militaire générale

École d'état-major

Gabon

Formation militaire supérieure

Cours supérieur interarmées de défense

Cameroun

Maintien de la paix

École de maintien de la paix

Mali

Maintien de l'ordre

Centre de perfectionnement du maintien de l'ordre

Cameroun

Sécurité intérieure

Cours d'application des officiers de gendarmerie

Sénégal

Police judiciaire

Centre de perfectionnement de la police judiciaire

Bénin

Protection civile

Institut supérieur d'études de protection civile

Burkina Faso

Déminage humanitaire

Centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles de déminage et de dépollution

Bénin

Sécurité maritime

École navale

Guinée équatoriale

Aéronautique

Pôle aéronautique national à vocation régionale

Cameroun

Techniques administratives et financières

École d'administration

Mali

Maintenance / Logistique

École militaire technique

Burkina Faso

Génie-travaux

École du génie-travaux

Congo

Médecine militaire

École du service de santé des armées

Togo

Médecine spécialisée

École d'application santé

Gabon

Formation infirmier / laborantin

École des personnels paramédicaux des armées

Niger

Source : ministère des affaires étrangères

L'impact d'un directeur des études français dans une école régionale africaine de maintien de la paix est considérable rapporté aux crédits budgétaires nécessaires pour le financer.

L'enjeu est de mettre les pays partenaires en situation de faire face eux-mêmes au terrorisme, à la criminalité organisée, au trafic de stupéfiants, à l'insécurité des flux maritimes....

L'impact de nos actions de formation et de structuration est considérable aussi pour organiser dans les pays partenaires une meilleure réponse aux catastrophes naturelles récurrentes (inondations, sécheresse, cyclones...). En organisant et en structurant les forces, en faisant de la planification, les progrès peuvent être considérables, car les capacités en matière de génie, de santé, de transport, de logistique ou encore de transmissions, sont bien souvent présentes, mais éparpillées.

2. Une baisse des crédits incohérente avec les priorités affichées de notre politique étrangère
a) Des crédits qui servent clairement de variable d'ajustement

Les crédits de coopération de sécurité et de défense (30,6 M€ hors titre 2), qui couvrent à la fois des dépenses de fonctionnement (appui logistique et frais de missions) et des dépenses d'intervention, connaissent dans le projet de loi de finances une baisse de 4,3%.

En 2014, ces crédits d'intervention serviront à nouveau, au sein d'un programme 105 particulièrement contraint, de variable d'ajustement, comme votre commission l'avait dénoncé à plusieurs reprises par le passé.

Après la baisse drastique qui avait particulièrement affecté ses crédits d'intervention (-40% en 2007-2008), le budget de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) n'a connu une relative stabilisation qu'entre 2009 et 2011. La décrue a ensuite repris et devrait s'accélérer sur la période 2013-2015.

BUDGETS EXÉCUTÉS, TOUS TITRES, EN €

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (Lfi)

2014 (PLF)

2015 (prév.)

Budget exécuté

106 418 616

97 987 683

95 359 000

95 366 490

91 847 251

91 005 955

90 415 787 3 ( * )

4 ( * )

dont

HT2

51 433 285

28 333 284

33 069 640

33 312 819

32 852 975

27 800 601

31 953 742

30 579 388

29 205 034

dont

T2

54 985 331

69 654 399

62 289 360

62 053 671

58 994 276

63 205 354

58 462 045

62 235 080

Source : Ministère des Affaires étrangères, réponse au questionnaire budgétaire de votre commission

Le « recentrage forcé » qu'est contrainte d'opérer la direction de la coopération de sécurité et de défense pour faire face à cette diminution se poursuivra donc dans les années qui viennent.

En 2014, le recentrage sur quelques axes prioritaires sera amplifié : terrorisme, trafics, criminalité organisée, piraterie.... La préservation de notre influence passera par des actions de formation, de conseil de haut niveau et d'enseignement du français et par le soutien aux exportations d'équipements, malgré la baisse continue du nombre de coopérants, qui va s'accentuer puisque nous franchirons en 2013 le « plancher » des 300 coopérants dans le monde.

NOMBRE DE COOPÉRANTS PAR ANNÉE ET PAR ZONE :

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Afrique subsaharienne

266

255

252

246

245

240

225

Hors Afrique subsaharienne

68

67

64

64

65

63

60

Totaux

334

322

316

310

310

303

285

Source : DCSD, ministère des affaires étrangères

Chaque année, la DCSD redéploye une vingtaine de postes par fermeture de projets achevés et création de nouveaux projets liés à des priorités politico-militaires, en tenant compte du plafond ministériel d'emplois, ce qui a abouti en 2013 pour la DCSD à la réduction de 5 ETP.

La DCSD connaitra une nouvelle baisse de 5 ETP en 2014 . Dans ses réponses écrites au questionnaire de votre commission, le ministère des affaires étrangères indique qu'en plus de cette réduction, « un gel de 11 postes de coopérants a été imposé à la DCSD dans le cadre de la maîtrise de la masse salariale des coopérants militaires. Cette mesure permettra d'économiser 950 000 euros sur l'exercice 2013 et compensera en partie les dépassements enregistrés sur le titre 2, essentiellement imputables aux dysfonctionnements du logiciel de traitement de la solde des militaires Louvois ». L'attrition des moyens est donc encore plus importante que ne le laissent supposer les seuls documents budgétaires.

Votre commission déplore que l'effort budgétaire porte sur des dépenses qui ont pourtant un fort effet de levier, qu'il s'agisse de diplomatie économique et de soutien à l'export, de francophonie, de présence de conseils de haut niveau auprès de dirigeants ou de formation des élites militaires.

b) Un coup porté à notre capacité à accompagner l'émergence d'une architecture de sécurité africaine

L'attrition des moyens de la coopération de défense est avant tout un coup porté à notre capacité à faire émerger des forces de sécurité africaines qui puissent prendre en charge la sécurité du continent.

Car les actions de la DCSD sont menées à 70% en Afrique subsaharienne, ce qui est cohérent avec la concentration des défis sécuritaires sur ce continent (terrorisme, trafics divers dont la drogue, immigration illégale, instabilité politique, insécurité maritime...). La coopération de défense contribue non seulement à la formation des armées mais aussi à la consolidation des capacités de sécurité civile des pays africains, qui sont deux enjeux majeurs pour la sécurité sur le continent.

Le renforcement des capacités en matière de protection civile est considéré aujourd'hui comme un pilier de la sécurité globale de l'État. Éligible aux financements extérieurs, notamment européens, la protection civile est un outil à dimension politique et sécuritaire qui touche directement la protection et le bien-être des populations, en apportant des réponses non seulement aux soucis quotidiens, mais aussi aux catastrophes naturelles ou accidentelles de grande ampleur (sécheresse, inondation, incendie, accidents de la route,...).

Ces actions sont en ligne directe avec les grandes priorités affirmées par notre politique étrangère. Elles tendent à agir dans le long terme pour la constitution de capacités propres des pays africains. Tel est précisément l'objectif défendu par le gouvernement, et tel sera l'objet du prochain sommet de l'Elysée des 6 et 7 décembre prochains consacré à la paix et la sécurité en Afrique.

Aussi, cette baisse des crédits est-elle difficilement compréhensible.

C'est en effet notamment la coopération de défense qui concrétise le soutien de la France à l'édification de l'architecture africaine de sécurité, et notamment à la Force africaine en attente (FAA) de l'Union africaine, prévue en 2015 - qui pourrait être baptisée " Capacité africaine pour une réponse urgente aux crises ", d'après le récent sommet tenu de l'Union africaine en Afrique du Sud-. À ce titre, un coopérant militaire français, mis en place par la DCSD, assure les fonctions d'officier de liaison auprès de l'Union africaine. Il anime le réseau des trois autres conseillers politico-militaires placés dans les organisations sous-régionales africaines, auprès de la CEDEAO, la CEEAC et l'EASFCOM (poste gelé pour un an, jusqu'à l'été 2014, pour répondre au besoin de réduction de la masse salariale des coopérants français).

La prise en compte d'une jeunesse en déshérence, les problématiques si cruciales de démobilisation/réinsertion d'anciens combattants et la réduction de forces de sécurité trop nombreuses influent directement sur la stabilité des États fragiles. Mis en oeuvre dans plusieurs pays (Madagascar, Guinée, Côte d'Ivoire, Tunisie, Tchad, Burundi,...), le Service Civique d'Aide au Développement (SCAD) propose une formation professionnelle réalisée en milieu civil mais dans un environnement militaire inspiré du système de service militaire adapté français (SMA). Cet outil, créé et soutenu par la coopération de défense, est un outil adapté aux domaines d'action de l'Union Africaine qui s'est approprié le dossier en souhaitant élargir et développer le concept au niveau continental.

Sur la base des besoins exprimés par ses partenaires africains, la coopération de défense apporte ainsi sa contribution à la prévention des conflits et à la reconstruction post-conflits, domaines où s'expriment clairement la nécessité du lien entre sécurité et développement. À ce titre, les initiatives Protection civile et SCAD , tout comme leur stratégie de diffusion sur le continent, constituent des pistes intéressantes de coopération rénovée avec le continent africain en matière de paix, de sécurité et de développement, pistes qui pourront être évoquées à l'occasion du Sommet de l'Élysée.

Alors que l'opération SERVAL au Mali aura coûté près de 650 millions d'euros en 2013, comment expliquer que les crédits consacrés justement à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise de nos partenaires africains, pourtant modestes, soient rognés à ce point ? Quelle cohérence avec notre volonté affichée de mettre en place une « approche globale » dans la gestion des crises et de proposer des solutions pérennes, au-delà de la seule réponse militaire ? Quelle continuité par rapport à nos priorités qui sont, à juste titre, de donner un sens africain à la présence militaire française en Afrique et de consolider, par notre coopération, les organisations sous-régionales africaines (CEDEAO etc..) dans le cadre de la constitution de l'architecture de sécurité africaine portée par l'Union Africaine ?

C. UNE ÉQUATION BUDGÉTAIRE FRAGILE QUI REPOSE SUR LES PRODUITS DE CESSIONS IMMOBILIÈRES

1. Un modèle qui n'est ni vertueux ni soutenable et pourrait être remis en cause dès 2015

Votre commission le dénonce chaque année : non seulement les investissements mais aussi, de plus en plus, de l'entretien immobilier lourd voire courant (depuis 2010) reposent (à l'étranger 5 ( * ) ) sur le produit de la vente des biens du ministère des affaires étrangères. Désormais, la mise à niveau en termes de sécurité de nos implantations diplomatiques est également gagée par ces cessions.

Vos rapporteurs ont déjà dénoncé les effets pervers d'un tel système.

Pour être coordonné et efficace, l'entretien du patrimoine immobilier devrait en effet, non seulement être préventif mais aussi d'autre part, faire l'objet d'une programmation pluriannuelle. La durée de vie des bâtiments et des gros équipements étant connue et souvent associée à des garanties, l'entretien dit « du propriétaire », prédictible et récurrent, devrait donc être programmé sur une base pluriannuelle.

Faire dépendre l'entretien du patrimoine immobilier des produits de cession, c'est introduire au contraire de l'aléa dans les montants et les échéanciers, et se priver d'envisager la mise en place d'une programmation pluriannuelle.

De plus, non seulement toutes les cessions dites « faciles » ont pour la plupart déjà été réalisées, mais l'enveloppe des dépenses à financer ne cesse de croître.

Le réemploi des recettes de cessions est orienté en priorité vers de nouvelles opérations structurantes (nouvelles constructions, réhabilitations, rénovations fonctionnelles ou techniques, mise en conformité parasismique, etc.) mais il sert également depuis 2010 à assurer les dépenses d'entretien du propriétaire engagées sur le parc immobilier à l'étranger (8 M€ par an en 2012 et 2013). S'y ajoute, depuis 2013, la nécessité impérieuse de financer les besoins croissants de sécurisation des emprises à l'étranger...

La contribution exceptionnelle de 22 millions d'euros qui sera prélevée en 2014 sur les recettes de ce même compte d'affectation spéciale pour le désendettement de l'État apparaît discutable au vu des réels besoins d'entretien du propriétaire du ministère des affaires étrangères.

Enfin, le contexte actuel des finances publiques, la disparition programmée, à partir du 1 er janvier 2015, du taux de retour dérogatoire (100%) pour le ministère des affaires étrangères sur ses cessions immobilières à l'étranger rend d'autant plus hypothétique l'instauration d'un mode de financement soutenable de l'entretien immobilier.

Votre commission plaide depuis plusieurs années pour que des crédits d'entretien soient prévus sur le programme 105 afin de retrouver des ressources prévisibles permettant de construire une programmation pluriannuelle de l'entretien de nos bâtiments. Un premier pas a été franchi dans le cadre des projets de loi de finances pour 2012 et 2013, mais les montants alloués (2,5 M€ et 2,3 M€) sont très insuffisants au regard des besoins estimés (entre 10 et 20 M€ pour le seul entretien du propriétaire).

Le retour à une réelle budgétisation de l'immobilier, tant pour les opérations d'investissement lourd que pour l'entretien du propriétaire, permettrait d'assurer la pérennité des ouvrages et le maintien de leur valeur immobilière en prévision -ou non- de potentielles cessions, à condition toutefois que les lignes budgétaires soient réellement abondées.

LE REGROUPEMENT DES EMPRISES PARISIENNES DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Le schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) du ministère des Affaires étrangères, validé par le Ministre du budget, prévoyait à terme un regroupement de l'ensemble des services sur trois sites (Quai d'Orsay, Convention et La Courneuve). Sa mise en oeuvre devait être financée en intégralité par les cessions réalisées sur les emprises parisiennes du ministère des Affaires étrangères.

Toutefois, l'indemnisation de 69M€ due par le ministère de l'écologie au titre du transfert en 2009 de l'immeuble du 244 Bd Saint-Germain n'a jamais été versée au ministère des affaires étrangères, malgré de nombreuses réunions interministérielles consacrées à ce sujet.

Faute d'avoir obtenu ce financement, le ministère des Affaires étrangères n'a pas été en mesure de lancer l'opération de rénovation du Quai d'Orsay, dernière étape de son schéma pluriannuel de stratégie immobilière. Une solution de financement de la rénovation de l'aile des archives est en voie d'être finalisée, par l'apport de 24 M€ à partir du CAS immobilier. Cette opération prioritaire devrait permettre la création sur le site de 120 postes de travail supplémentaires.

Source : ministère des affaires étrangères

2. Les cessions réalisées en 2012 et 2013 et prévues en 2014

Le parc immobilier géré par le ministère des Affaires étrangères est composé de plus de 1 500 biens immobiliers d'une très grande diversité pour un montant estimé, pour les biens en propriété, à 5,6 Mds € fin 2012 par un prestataire extérieur mandaté par France Domaine (ministère du Budget).

En 2012 , le ministère des affaires étrangères a réalisé pour 25,7 millions d'euros de produits de cession à l'étranger (dont la vente du Campus de Fann à Dakar pour 7,3 millions d'euros, ou le logement de fonction du premier conseiller à Séoul, pour 2,7 millions d'euros).

Le programme des cessions à l'étranger pour 2013-2014 , validé par la CIME (commission pour les opérations immobilières à l'étranger), comportait au total une valeur estimée à 242 millions d'euros de produits de cessions, dont la villa Jourdan à Alger (résidence consulaire), le bâtiment de l'Institut français à Berlin, la résidence diplomatique à Santiago du Chili, le campus diplomatique à Séoul, la résidence du représentant permanent de la France auprès des Nations unies, le campus diplomatique à Helsinki, le domaine des « Grandes Charmilles » à Madagascar, ou l'immeuble de la Palazzina à Rome....

En 2013 , le produit des cessions s'est élevé à 26 millions d'euros , dont 8 millions d'euros pour la résidence diplomatique à Buenos Aires, 7,3 millions d'euros pour la résidence consulaire à San Francisco, 4,7 millions d'euros pour les terrains dits « de l'armée de l'air » à Pointe Noire au Congo. 12,8 millions d'euros de cessions finalisées en 2013 viennent s'y ajouter, concernant notamment un terrain et des locaux du SCAC à Jakarta (3,6 millions d'euros), l'ancien bâtiment du lycée français Anna de Noailles à Bucarest (3,2 millions d'euros) ou un appartement de fonction à Londres (2,2 millions d'euros).

II. LES CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES : UN DYNAMISME SPONTANÉ ENFIN ENRAYÉ ?

A. LA BAISSE DE LA QUOTE-PART FRANÇAISE VIENT DONNER UN BALLON D'OXYGÈNE AU BUDGET DU QUAI D'ORSAY

1. 72 organisations financées, un poids majeur dans le budget du ministère des affaires étrangères

Les contributions internationales ont un poids très important dans le budget du quai d'Orsay puisque les crédits dédiés aux contributions européennes et internationales et aux opérations de maintien de la paix représentent 68% du programme 105 hors titre 2.

En outre, certaines contributions étant appelées en devises (l'essentiel en dollars américain), elles font donc courir un risque de change.

Au total, ce sont 803 millions d'euros qui sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2014 pour ce poste budgétaire.

Depuis plusieurs années, la France exerce une grande vigilance afin de maîtriser l'évolution des contributions multilatérales dans le budget du ministère des affaires étrangères. Un comité ministériel de pilotage des contributions internationales, réunissant l'ensemble des services qui suivent les organisations internationales, se réunit deux fois par an. Il permet de faire le point sur la prévision et l'exécution budgétaires, de rappeler la nécessité d'accroître nos efforts pour maîtriser la dépense, et d'échanger sur des sujets transversaux en matière de gestion. Une justification au premier euro est opérée pour chaque contribution internationale (rédaction de fiches de justification au premier euro par contribution) afin de mieux prévoir les dépenses de l'exercice budgétaire à venir.

La France adopte dans les instances de gouvernance des organisations internationales une ligne systématique de rigueur, fondée sur l'évaluation de la performance et sur la bonne gestion, et promouvant une croissance zéro des budgets des organisations.

2. Une quote-part française renégociée à 5,59%

Dans le projet de loi de finances pour 2014, le coût des opérations de maintien de la paix est estimé à 414,72 millions d'euros, soit une diminution de 6% par rapport à la loi de finances pour 2013. Celui des contributions européennes et internationales est quant à lui estimé à 427,04 millions d'euros, soit une diminution de 3,5% par rapport à la loi de finances pour 2013.

Ces marges financières bienvenues résultent de trois facteurs cumulatifs : l'impact du changement de barème de décembre 2012 pour l'ensemble du réseau onusien (baisse de la quote-part française de 6,22% à 5,59%) ; une estimation la plus réaliste possible du coût des opérations de maintien de la paix , en fonction de leur évolution potentielle, en volume et en périmètre ; le maintien d'une position très ferme lors des négociations des budgets des organisations internationales avec un objectif réaffirmé de croissance zéro en valeur .

CONTRIBUTIONS INTERNATIONALES 2014 (PRÉVISIONS)

Contributions internationales payables en euros
dont

172 330 518

37 483 000

OTAN, Organisation du Traité de l'Atlantique Nord

CDE, Organisation de coopération et de développement économiques

21 472 101

AIEA, Agence internationale de l'énergie atomique

16 567 257

OSCE, Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe

15 370 051

FAO, Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture

10 715 776

IMA, Institut du monde arabe

12 054 000

CPI, Cour pénale internationale

9 948 472

UNESCO, Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture

8 971 882

CICR, Comité international de la Croix rouge

7 500 000

ONUDI, Organisation des Nations Unies pour le développement industriel

6 309 355

Autres contributions

25 938 624

Contributions internationales payables en devises
(valorisées au taux de 1,31 $/1€)
dont

216 082 951

ONU, Organisation des Nations unies

108 798 056

OMS, Organisation mondiale de la santé

21 560 173

OIT, Bureau international du travail

14 148 034

ONU-CMP, Plan cadre d'équipement

12 977 103

OAA/FAO, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture

10 639 435

UNESCO, Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture

5 945 470

TPIY, Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie

5 343 513

OMC, Organisation mondiale du commerce

Autres contributions

30 704 922

Source : Ministère des affaires étrangères, réponse au questionnaire budgétaire de votre commission

3. L'heure des choix budgétaires : vers une sortie de l'ONUDI

Dans le contexte budgétaire que l'on connait, la France a annoncé l'arrêt du versement de sa contribution à l'ONUDI, Organisation des Nations unies pour le développement industriel, institution spécialisée des Nations unies, conduisant au retrait de notre pays de cette organisation spécialisée.

Les gains financiers liés à la cessation du paiement de la contribution obligatoire de la France à l'organisation seront importants (de l'ordre de 5 à 6 M€ par an) et effectifs en 2015.

Ce retrait pourrait avoir des conséquences pour l'organisation, d'autant plus lourdes si le retrait des Pays-Bas venait à se confirmer. D'autres États membres semblent également se préparer à se retirer de cette organisation, ce qui aura pour conséquence mécanique une augmentation de la part contributive des États membres restants.

Toutefois, du fait de l'impact d'une implication croissante de la Chine, qui entraînera sans doute dans son sillage de nombreux pays (groupe du G77 et de la Chine), à la suite de l'élection d'un nouveau directeur général chinois, M. Li Yong, en juin 2013, les versements volontaires de ces États à l'ONUDI pourraient compenser le départ français (la Chine pourrait verser 20 millions de dollars sur quatre ans).

Votre commission souhaite que le retrait de la France de l'ONUDI ne remette pas en cause l'engagement de notre pays en faveur du développement économique et social, du développement humain et du développement durable, ni les politiques et ambitions françaises en matière d'aide publique au développement. Dans sa réponse écrite à vos rapporteurs sur ce point, le ministère des affaires étrangères a indiqué que la France continuerait de collaborer avec l'ONUDI, notamment dans les domaines de l'énergie propre et du développement industriel des PME.

B. LES OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX : QUELLES ÉVOLUTIONS EN 2014 ?

En projet de loi de finances pour 2014, le coût des opérations de maintien de la paix est estimé à 414,72 millions d'euros , soit une diminution de 6% par rapport à la loi de finances pour 2013.

La France est le 26 ème pays contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix (2 ème membre de l'UE, 2 ème parmi les 5 membres du Conseil de sécurité), avec 955 hommes déployés (55 policiers et gendarmes, 14 observateurs militaires et 886 soldats) principalement au sein de la FINUL au Liban et de la MINUSTAH en Haïti. Par ailleurs, la France est le 3 ème contributeur financier. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, sa quote-part au budget des opérations de maintien de la paix est en effet majorée.

1. Des opérations plus nombreuses et plus complexes

Au 31 août 2013, près de 100 000 personnels en uniforme et plus de 16 000 civils étaient déployés dans le cadre des 15 opérations de maintien de la paix de l'ONU, pour un budget de près de 8 milliards de dollars. En 1996, ils n'étaient que 12 400.

Si les principes fondamentaux des opérations de maintien de la paix n'ont pas évolué (consentement de l'État hôte, impartialité, usage de la force uniquement dans le cadre de la légitime défense et de la défense du mandat), les missions ont désormais le plus souvent des mandats complexes et multidimensionnels (réforme des secteurs de la sécurité, construction d'un État de droit, protection des droits de l'homme, soutien au processus politique, coordination de l'assistance économique et humanitaire) et sont déployés dans des environnements non stabilisés rendant nécessaire une posture plus robuste, notamment pour la protection des civils.

Cette double évolution a de lourdes implications financières. Le budget total de l'ensemble des opérations de maintien de la paix est passé de 840 millions de dollars en 1999 à près de 8 milliards de dollars aujourd'hui , soit environ quatre fois le budget ordinaire de l'ONU.

Au-delà de la réduction des dépenses, l'objectif politique de la maîtrise du budget des opérations de maintien de la paix est gagner des marges de manoeuvre afin d'être capable de faire face à de nouvelles crises ou de marquer des efforts sur des opérations déjà engagées. Des efforts importants en ce sens ont permis d'initier une rationalisation de plusieurs opérations. Compte tenu de sa quote-part majorée du fait de son statut de membre permanent, il est en outre essentiel pour la France de participer activement à la maîtrise du coût des OMP et à leur gouvernance financière.

En janvier 2009, la France a initié avec les Britanniques une initiative visant à améliorer le suivi politico-militaire des opérations de maintien de la paix par le Secrétariat des Nations unies et le Conseil de sécurité ainsi que la gestion des aspects administratifs, logistiques et financiers des opérations. Le rapport New Horizon, publié par le Secrétariat des Nations unies en juillet 2009, a donné une impulsion complémentaire à ce mouvement.

Outil irremplaçable pour la préservation de la paix et de la sécurité internationales, la France contribue aux opérations de maintien de la paix soit directement en fournissant des Casques bleus, soit en conduisant des opérations sous commandement national, mandatée par le Conseil de sécurité et agissant en appui d'opérations de maintien de la paix (Côte d'Ivoire, Mali).

LA MINUSMA AU MALI

Le Conseil de sécurité a adopté le 25 avril 2013 la résolution 2100 , prévoyant la transformation au 1 er juillet 2013 de la force africaine présente au Mali, la MISMA, en une mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), dont les activités sont dirigées par le nouveau représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, M. Albert Gerard Koenders, pour une période initiale de 12 mois.

Le mandat de la MINUSMA consiste à aider à la stabilisation du pays et à l'accompagnement des autorités maliennes dans le processus de transition politique, en appuyant l'organisation des élections et la tenue d'un dialogue national inclusif, à protéger les civils, à appuyer les processus de réforme des systèmes de sécurité et de désarmement, de démobilisation et de réintégration, à défendre les droits de l'Homme et à coordonner l'action humanitaire.

La MINUSMA comptera au maximum 11 200 militaires, 1 440 policiers et un millier d'experts civils . Au 31 juillet 2013, 5 494 militaires et 800 policiers étaient déployés .

Son budget annuel devrait s'établir entre 800 millions et 1 milliard de dollars (vraisemblablement autour de 900 millions). Un budget de 366,7 millions de dollars pour une période initiale de six mois (jusqu'au 31 décembre 2013) a été adopté par l'assemblée générale des Nations unies au mois de juin 2013 (soit pour la France, une contribution de 26,5 millions de dollars). L'assemblée générale adoptera en décembre prochain le budget pour le premier semestre 2014 qui pourrait être supérieur à celui du second semestre 2013, la MINUSMA étant en phase de déploiement.

2. Un coût de plus de 400 millions d'euros pour la France malgré une quote-part baissée à 7,22%

Le coût estimatif dans le projet de loi de finances pour 2014 des opérations de maintien de la paix s'élève à 414 millions d'euros :

Opérations de maintien de la paix (OMP)
(estimations, en €)

414 715 587

MONUC, Mission des Nations unies en République Démocratique du Congo

78 466 205

MINUAD, Mission des Nations unies au Darfour

71 198 062

MINUSS, Mission des Nations unies au Soudan du Sud

52 883 782

MINUSMA, Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali

41 984 745

ONUCI, Opération des Nations unies en Côte d'Ivoire

32 554 007

MINUSTAH, Mission des Nations unies pour la stabilisation en Haïti

29 951 565

FINUL, Force intérimaire des Nations unies au Liban

27 359 050

MINUL, Mission des Nations unies au Liberia

26 859 868

AMISOM, Mission de l'Union africaine en Somalie

25 178 602

FISNUA, Force intérimaire des Nations unies à Abeyei

17 122 510

Autres OMP

11 157 191

Source : ministère des affaires étrangères, réponse au questionnaire budgétaire de votre commission

Le montant total des contributions pour les budgets des opérations de maintien de la paix en 2014 prévu dans le projet de loi de finances 2014 est en diminution par rapport à la loi de finances 2013 : 543,3 millions de dollars (soit 414,7 millions d'euros au taux de change retenu pour la budgétisation) contre 582, 5 millions de dollars (soit 441,3 millions d'euros) en 2013. Cette diminution s'explique notamment par :

- le changement de barème intervenu au 1 er janvier 2013 (la France contribue désormais pour 7,22% au budget des OMP, contre 7,55% lors de la période précédente, elle est désormais le 3 ème contributeur), qui permet d'économiser environ 25 millions de dollars ;

- les diminutions d'effectifs et les révisions de mandats décidées par le Conseil de sécurité pour certaines opérations (MINUAD, MINUL, MINUSTAH notamment) ;

- la disparition d'une opération : la MINUT (Timor Est) dont la liquidation s'est achevée dans le courant de l'année 2013 ;

- et ce, malgré la création, à partir du 1 er juillet 2013, d'une nouvelle opération de maintien de la paix au Mali (MINUSMA ) dont le budget annuel devrait avoisiner les 900 millions de dollars.

Il convient toutefois de noter que ces montants sont estimatifs et s'établiront in fine à des sommes qui dépendent de plusieurs facteurs :

- l'évolution de la situation internationale, notamment l'apparition de foyers de tension, peut amener le Conseil de sécurité à créer ou à étendre des opérations de maintien de la paix . Ce fut le cas en 2013 avec la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies n°2100 créant au 1 er juillet 2013 la MINUSMA ;

- les appels à contribution sont émis selon une périodicité très irrégulière qui dépend de la durée des mandats adoptés par le Conseil de Sécurité et de l'articulation entre les décisions du Conseil en matière de mandats et celles de l'Assemblée Générale en matière budgétaire (les budgets des opérations de maintien de la paix sont adoptés en juin de l'année pour une période couvrant la période de juillet N à juin N+1 ; ce calendrier est donc en décalage avec celui du budget de l'État). Les budgets peuvent en outre être révisés en cours d'exercice, en cas d'urgence (par exemple la mission d'enquête en Syrie déployée en 2013 pourrait faire l'objet de dépenses financées sur la base du budget des opérations de maintien de la paix) ou de création de nouvelles opérations.

III. LA MUE AMORCÉE DU RÉSEAU DIPLOMATIQUE FRANÇAIS

A. L'ADAPTATION DU RÉSEAU À LA NOUVELLE GÉOPOLITIQUE DE LA PUISSANCE

1. Le plan d'adaptation du réseau diplomatique

Le ministère des Affaires étrangères a engagé un plan d'adaptation des réseaux diplomatique et consulaire, afin d'accompagner les changements politiques, stratégiques et économiques, du monde contemporain et de mieux coller aux nouvelles destinations des communautés françaises expatriées. S'inscrivant également dans la modernisation de l'action publique, une réflexion en profondeur sur les missions du réseau a été menée, notamment dans le cadre de la modernisation de l'action publique.

Il s'agit, à moyens contraints, de passer d'un réseau « d'héritage » à un réseau « d'avenir ».

Entre 2013 et 2015, le ministère des Affaires étrangères effectuera des redéploiements importants de ses effectifs, à hauteur de 300 emplois , de toutes catégories, en fonction des priorités politiques et économiques. Parmi ceux-ci, une quinzaine de postes sont créés dès 2013 dans des pays prioritaires, tels que le Mali, la Birmanie, le Qatar et les grands pays émergents (Chine, Inde....).

Cette réorientation exige en contrepartie une diminution de la présence dans des zones historiquement mieux dotées , notamment l'Europe et l'Amérique du Nord.

Ces décisions viennent amplifier un mouvement déjà amorcé puisque les effectifs du réseau diplomatique ont diminué de manière continue depuis 2008 dans les grands postes des zones « d'héritage » (Afrique subsaharienne - 14%, Europe occidentale -10%).

Source : ministère des affaires étrangères

Vos rapporteurs se félicitent que le réseau diplomatique s'adapte à la nouvelle géopolitique de la puissance mondiale et à la cartographie de nos intérêts, notamment économiques.

Plusieurs pays émergents figurent ainsi au rang des plus importantes implantations diplomatiques françaises par le nombre des agents.

LES DIX PREMIERS PAYS D'IMPLANTATION DES AGENTS DU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (TOUS PROGRAMMES CONFONDUS)

Effectif en ETP

États-Unis

412

Maroc

334

Chine

301

Algérie

284

Sénégal

231

Allemagne

217

Inde

217

Russie

208

Brésil

196

Madagascar

181

Source : données ministère des affaires étrangères, tableau figurant dans le rapport n°1434 de M. Philippe BAUMEL au nom de la commission des Affaires étrangères de l'Assemblée nationale.

Il y a deux façons de lire ce tableau : soit se féliciter de ce que la Chine, l'Inde, la Russie et le Brésil figurent aujourd'hui parmi les dix postes les plus dotés en effectifs du réseau ; soit faire remarquer qu'il y a encore davantage de moyens en personnel au Maroc qu'en Chine, au Sénégal qu'en Inde, et quasiment autant à Madagascar qu'au Brésil....

Certains font en effet observer que le basculement géographique du réseau diplomatique français est lent et encore largement inabouti. Ainsi, dans un récent référé 6 ( * ) , la Cour des Comptes remarque-t-elle que malgré un réel effort, puisque les deux tiers des « petits » postes ont vu leur effectifs baisser depuis 2007, les effectifs de plusieurs « grandes » ambassades d'exception comme Londres ou Washington ont peu diminué . Le redéploiement ne serait, d'après la Cour des Comptes, que très relatif, les zones Afrique et océan Indien (-14%) et Europe (-10%) connaissant certes une plus forte réduction que la zone Asie (-1%), et la présence dans les pays émergents progressant (+11% en Chine, +14% en Inde mais -6% au Brésil), mais ces évolutions étant toutefois restées inférieures aux objectifs fixés en 2006 (+1 500 emplois dans les émergents pour tous les réseaux du ministère).

Il faut relever que l'émergence, notamment économique, concerne aussi l'Afrique, et en particulier l'Afrique anglophone où la France est historiquement moins présente. À cet égard, l'Ambassade de France à Addis Abeba tient également lieu de Représentation permanente de la France auprès de l'Union Africaine, et on peut se demander si la création d'une représentation permanente de plein exercice ne serait pas plus judicieuse.

Si l'ouverture d'une représentation permanente n'est pas à l'ordre du jour pour l'instant, le ministère des affaires étrangères n'exclut pas pour autant une adaptation du dispositif au sein de l'ambassade à l'aune de la montée en puissance de la coopération avec l'Union africaine.

LE RÉSEAU DIPLOMATIQUE FRANÇAIS COÛTE-T-IL TROP CHER ?

Question de votre commission : « Commenter les affirmations de la Cour des Comptes 7 ( * ) suivant lesquelles les ambassades au format « d'exception » (Washington, Londres), n'ont guère diminué ; le coût du réseau diplomatique britannique est de 20% inférieur ; le coût du réseau diplomatique français a augmenté de 20% depuis 2007, le coût par agent de 25%. »

Réponse écrite du gouvernement : « Comme l'a relevé la Cour des Comptes, les réductions d'ETP intervenues entre 2008 et 2011 ont été essentiellement supportées par les 8 postes à format d'exception (États-Unis, Royaume-Uni, Allemagne, Espagne, Italie, Maroc, Sénégal et Madagascar). Conformément à la mesure n°99 de la RGPP, ces ambassades ont vu leurs effectifs subir en moyenne un lissage de 10%. Si des économies plus importantes ont pu être dégagées sur certains de ces postes à format d'exception, cette tendance a traduit également les efforts opérés par le ministère des affaires étrangères pour réviser les formats dans les zones d'héritages afin de dégager des marges de redéploiement vers les grands pays émergents.

S'agissant du coût du réseau diplomatique britannique, il convient de relever que les périmètres d'intervention du ministère des affaires étrangères et du Foreign and Commonwealth Office (FCO) sont différents. En effet, le périmètre des activités du FCO est plus restreint que celui du ministère des affaires étrangères : l'aide au développement relève en effet du Department For International Development (DFID), qui est un ministère de plein exercice, alors que la gestion des visas avait été externalisée jusqu'en mars 2013 à la UK Border Agency. Les prérogatives de cette dernière ont été depuis transférées aux services du Home Office.

« S'agissant de l'analyse du coût du réseau à l'étranger, le ministère des affaires étrangères a eu l'occasion d'appeler l'attention de la Cour des Comptes sur le fait que l'étude effectuée, qui devait dans cette partie du rapport être consacrée uniquement aux dépenses de fonctionnement, a également pris en compte les dépenses de titre 2. En conséquence, l'analyse qui en est tirée par la Cour est biaisée par l'évolution de la masse salariale, analysée par ailleurs dans le rapport. Plus globalement, et en écho aux recommandations de la Cour des Comptes, plusieurs chantiers ont été entrepris pour réduire le coût du réseau diplomatique français qui fait l'objet d'une politique volontariste, en agissant sur les leviers pilotables : elle concerne notamment la rationalisation du parc immobilier et le regroupement des services de l'État. Cette politique se heurte cependant à des limites liées aux conditions de change et au renchérissement de certaines dépenses de fonctionnement (notamment en raison des inflations).»

Il faut souligner aussi que le ministère des Affaires étrangères a consenti depuis près de 20 ans un effort très important de réduction de ses effectifs.

Au total, 1 889 emplois auront été supprimés sur la période 2006-2013, soit plus de 12 % des effectifs du ministère.

Dans le réseau diplomatique, programme 105, les chancelleries diplomatiques ont pour la plupart été réduites à un format minimum :

- 80% de nos ambassades fonctionnent au format « un ambassadeur + 2 conseillers ou moins ».

- le personnel de soutien des chancelleries diplomatiques a été réduit notamment en privilégiant la polyvalence des agents : dans ? de nos postes, on compte 3 agents titulaires ou moins pour assurer les tâches de secrétariat, archives, documentation et agent ressources.

2. La rationalisation du parc de résidences dans les capitales

Le ministère des affaires étrangères a également lancé la réduction du format des résidences diplomatiques et en particulier la mutualisation des espaces de réception dans les capitales à postes multiples. Désormais engagée, cette mutualisation devrait permettre de dégager des recettes de cession et de réaliser des économies.

Plusieurs résidences sont concernées par cette réorganisation :

- Washington : le principe de vente de la résidence du représentant permanent auprès de l'OEA a été validé en juillet 2013. La vente effective de ce bien, estimé par 3 agences locales à une valeur moyenne de 2,5 millions de dollars, est prévue au second semestre 2013. Parallèlement à cette opération de vente, l'ambassade devra rechercher un appartement de fonction en location d'une superficie de 200 à 250 m² maximum, les réceptions étant mutualisées au sein de l'ambassade bilatérale.

- Vienne : la résidence du représentant permanent auprès de l'OSCE est une villa d'une superficie de 600 m² sur un terrain de 1 150 m², prise à bail par l'État français depuis 2003 pour un loyer annuel d'environ 100 000 €. Il est prévu, dès cette année, de résilier ce bail et de louer un appartement, de 150 à 200 m², moins onéreux, les réceptions devant être organisées au sein de l'ambassade bilatérale.

- Bruxelles : la résidence du représentant permanent auprès de l'OTAN, villa de 660 m² sur un terrain de 2 236 m² avec jardin et piscine, valorisée à 2,8 M€, sera cédée. Le principe de vente de ce bien, acquis par l'État français en 1986, devrait être prochainement validé. L'acquisition d'un appartement ou d'une villa de surface réduite est ensuite envisagée, avec une mutualisation des espaces de réception avec l'ambassade bilatérale.

- New York : située sur Park Avenue, la résidence du représentant permanent auprès de l'ONU, duplex de 600m², pourrait rapporter 40 millions de dollars. La vente de cette résidence diplomatique et l'acquisition d'un bien de surface moindre, ou encore sa relocalisation sur une des emprises immobilières de l'État français à New York, ont été inscrites à la programmation immobilière 2013-2014.

- Afrique du Sud : au Cap, la résidence de l'ambassadeur, d'une superficie de 890 m² sur un terrain de 12 557 m², a été acquise par la France en 1954. Elle n'est utilisée qu'à l'occasion des sessions parlementaires, à raison de 6 semaines par an. Le principe de vente de ce bien, valorisé 1,75 M€, devrait être prochainement validé.

3. Les « postes très allégés » : une alternative aux fermetures

Le réseau diplomatique français coûte environ 500 millions d'euros par an. La RGPP avait identifié un certain nombre de mesures pour diminuer ce coût autant que faire se peut et adapter la géographie du réseau aux nouveaux enjeux contemporains.

La Cour des Comptes a plusieurs fois posé la question de l'universalité d'un réseau qui est le troisième au monde après celui des Etats-Unis et de la Chine, mais le ministère des affaires étrangères s'est toujours montré viscéralement attaché à maintenir cette universalité.

Mais l'universalité du réseau ne signifie pas son uniformité, non plus que l'exhaustivité des missions. À la demande du Ministre, le directeur général de l'administration et de la modernisation a engagé, dès l'automne 2012, un examen des modalités de notre présence associé à une redéfinition des missions de nos postes diplomatiques.

Plus précisément, l'ambassadeur René Roudaut a été chargé d'une mission d'expertise des conditions dans lesquelles un ambassadeur sans équipe - inspiré par le « laptop ambassador » à la britannique- pourrait exercer sa mission au sein du réseau diplomatique français.

Les Britanniques ne sont pas les seuls à utiliser ce mode de représentation allégée : si le concept de « small post » a été développé par les Britanniques dans les années 1990, le modèle a depuis été dupliqué. Aujourd'hui, un tiers des ambassadeurs canadiens est ainsi un « ambassadeur solo » doté de moyens de communication et ne disposant pas forcément d'une résidence non plus que de personnel de service. Certains pays scandinaves ont également développé cette pratique « d'ambassadeurs solo » opérant depuis Stockholm, Copenhague ou Oslo, et se rendant épisodiquement dans leur pays d'affectation (en général dans les pays de la Caraïbe et d'Asie centrale).

Sans aller jusqu'au « laptop ambassador », l'idée était d'examiner les modalités d'une représentation allégée de notre dispositif dans treize pays, où l'ambassadeur serait secondé par une équipe de quatre agents maximum, et l'immobilier rationalisé, permettant une réduction du train de vie de l'État.

Recentrées sur une à deux missions prioritaires, 13 ambassades verront leur format allégé (hypothèse d'un ambassadeur et d'une équipe de quatre agents au maximum du ministère des Affaires étrangères, avec un dispositif immobilier adapté en conséquence). Cette diminution de format de notre représentation devrait concerner : Jamaïque, Népal, Papouasie-Nouvelle Guinée, Libéria, Kirghizistan, Guinée-Bissau, Honduras, Cap Vert, Brunei, Tadjikistan, Trinité et Tobago, Erythrée, Zambie.

Avec cette formule, les effectifs sont divisés par trois (de 195 ETP fin décembre 2012 à 59 ETP fin 2015).

La démarche consiste à identifier les missions que l'on veut pouvoir mener (faut-il maintenir l'activité consulaire, par exemple), à adapter les moyens à ce nouveau volant de missions, à chercher la mutualisation systématique avec nos partenaires européens et à externaliser les tâches de gestion.

Le but est de rester en dessous du format générant une activité « d'auto-administration » : il faut donc déléguer les tâches de gestion et maintenir l'effectif très réduit, en résistant à la tentation de l'accroissement progressif, qui rigidifie les structures et les dépenses.

Le volet « immobilier » est naturellement essentiel. La rationalisation peut prendre la forme de vente, d'arrêt de baux, de regroupements de la chancellerie et de la résidence...

Une réflexion sur les modalités de mise en place d'un dispositif d'accompagnement prenant notamment en charge les tâches de gestion (« back office ») au sein de l'administration centrale est engagée en parallèle.

Les principales préconisations du rapport « ROUDAUT »

Changements dans l'équipement et le fonctionnement des postes à effectif très réduit :

- Liaison informatique sécurisée: généraliser partout où c'est possible l'utilisation d'ITINEO -ordinateur portable sécurisé permettant l'accès via internet aux applications professionnelles du Département.

- Liaisons téléphoniques : système sécurisé TEOREME.

- Visio-conférence: déploiement de VISIO (version professionnelle de SKYPE)

- Valises diplomatiques : développer le système de groupage régional et rendre systématique l'accompagnement des valises à l'occasion de tout déplacement professionnel ou privé.

- Simplification de l'organisation budgétaire et comptable en introduisant le système de la « régie simplifiée » qui externalise la saisie comptable des opérations. Celle-ci serait effectuée par une « plateforme de soutien comptable» basée à Nantes.

- Congés de l'ambassadeur : fermeture temporaire de la représentation ou, en cas de besoin absolu, envoi d'un « renfort » parisien ou d'un poste voisin.

Conséquences pour le Département :

- Affirmation d'une doctrine claire en matière de missions et de catégories de postes.

- Création de la « plateforme de soutien comptable» à Nantes.

- Mise en place d'un dispositif de contrôle de l'adéquation des commandes aux missions dévolues aux PPD-ETR, sous l'autorité d'un coordinateur.

- Formation et gestion du personnel : repenser la définition des tâches dans le sens d'une plus grande polyvalence;

- Formuler des propositions sur l'articulation à terme de notre réseau diplomatique avec celui du SEAE.

Étude appliquée à la transformation de treize postes en postes à effectifs très réduits.

Externalisation d'une partie de la comptabilité; rationalisation du dispositif consulaire; agrégation de plusieurs fonctions de soutien ; rationalisation de nos implantations immobilières ; ventes de plusieurs propriétés et allègement maximum du personnel de résidence ; remplacement de contractuels du domaine culturel et de coopération par des VIA ou des recrutés locaux.

Le plan d'action pour la transformation des postes sera mené à bien d'ici 2015.

Vos rapporteurs ont bien conscience que ce nouveau type de postes remet en cause radicalement les schémas habituels sur le format de nos représentations, basés sur des chancelleries et des résidences. Il implique de repenser courageusement les finalités des métiers de la diplomatie française et l'adéquation de nos moyens avec les priorités du pays dans le contexte économique et budgétaire de 2013 .

Un effort d'explication et de pédagogie sera nécessaire. Mais vos rapporteurs ont pu mesurer auprès de certaines organisations syndicales que les agents étaient désormais prêts, sous certaines conditions, à dépasser les conceptions traditionnelles de la représentation diplomatique, des attributs et du prestige qui y sont symboliquement attachés.

La question est désormais posée de l'extension de ce schéma à la vingtaine d'autres « postes de présence diplomatique » identifiés par la RGPP qui ne font pas l'objet à ce jour d'un passage en format « très allégé ».

4. Les co-localisations avec nos partenaires européens : une action volontariste à poursuivre

L'espoir suscité par la perspective de co-localisations diplomatiques avec nos partenaires européens n'a pas toujours été suivi de réalisations à la hauteur des espérances. En effet, quand on fait le bilan des mutualisations de nos implantations immobilières avec nos partenaires européens engagées depuis plusieurs années, il apparait relativement mince.

C'est avec l'Allemagne que les projets sont le plus avancés. En effet, les ministres des affaires étrangères français et allemand ont réaffirmé lors de leur rencontre du 26 octobre 2004 leur volonté de favoriser les co-localisations diplomatiques et consulaires.

Depuis lors, des rencontres régulières sont organisées entre les services immobiliers des deux pays pour mettre en oeuvre des projets de rationalisation et de renforcement des relations diplomatiques entre les deux pays. Ces projets de co-localisation prennent plusieurs formes plus ou moins intégrées : construction de chancelleries avec partage de services communs, accueil de la délégation de l'autre pays dans des espaces vacants.

Le projet de construction d'une ambassade franco-allemande à Dacca (Bangladesh) , lancé en 2009, est le plus avancé et prévoit un regroupement sur un site unique, mis à disposition par la France, de l'ensemble des services français et allemands. La partie française est chargée de piloter cette opération et a déposé le permis de construire en mai 2012 et finalisé l'ensemble des aspects juridiques et financiers du projet début 2013.

La consultation des entreprises a eu lieu fin juin 2013. Le contrat est en cours de finalisation et le début des travaux est prévu en septembre 2013 pour une durée prévisionnelle du chantier d'environ de 24 mois.

L'Allemagne a manifesté le souhait fin 2011 de regrouper ses services à Séoul (Corée du Sud) avec la France qui était engagée dans un projet de relocalisation. Il a été décidé en mai 2013 de réorienter les recherches de ce projet important sur le plan politique vers l'acquisition de plateaux de bureaux. L'Allemagne ne pouvant plus rester dans ses locaux actuels, de nouveaux locaux ont été pris à bail pour 4 ans en juillet 2013. La partie allemande a toutefois réitéré son souhait de mener ce projet commun.

L'Allemagne va implanter son Consulat général dans des locaux disponibles au sein de la Maison de France à Rio de Janeiro (Brésil) . Les travaux sont en cours et l'inauguration des nouveaux locaux est prévue en novembre 2013.

En 2011, la France et l'Allemagne ont décidé de construire leurs ambassades au Koweït sur deux parcelles mitoyennes (cession à l'Allemagne d'une partie du terrain français). Le principe d'un portage par la partie allemande a été acté en 2011 et un bail à construction au profit des Allemands doit être avalisé par les autorités locales. La France a validé en avril 2013 le projet d'accord particulier support de ce projet. Des prises de contact sont en cours avec les autorités locales pour permettre le portage du projet par la partie allemande.

A Assomption (Paraguay), les bâtiments accueillant la chancellerie française sont devenus surdimensionnés. Les Allemands ont validé fin février 2013 le principe du regroupement des deux chancelleries (bail) et des études sont en cours avec l'architecte du ministère des affaires étrangères pour finaliser le scénario de répartition des effectifs.

Courant 2011, la France a sollicité l'Allemagne pour installer le Bureau de Coopération Français (BCF) de Pyongyang (Corée du Nord) dans des locaux disponibles au sein de la Chancellerie allemande. Les travaux ont été réceptionnés en juin 2013 et le BCF y est installé depuis cet été.

D'autres projets sont également envisagés à Khartoum ( Soudan ) ou encore dans le cadre du redéploiement du réseau diplomatique français décidé en mai 2013 (Bandar Sei Beghawan, Kingston, Asmara ou Port d'Espagne, notamment).

S'agissant de l'Union européenne , des projets de co-localisation avec le SEAE sont également à l'étude (Katmandou notamment). La France a transmis courant 2012 au SEAE une liste d'ambassades disposant de bureaux pouvant accueillir des représentations diplomatiques (ou antennes). La future ambassade de France à Abuja (Nigeria) sera construite sur un terrain acquis avec le SEAE et des partenaires européens.

Avec le Royaume-Uni , il existe une colocalisation à Freetown (Sierra Leone) où un agent de l'antenne diplomatique du ministère des affaires étrangères est hébergé dans les locaux de l'ambassade britannique.

À Rio de Janeiro, le consulat honoraire de Finlande est installé dans les locaux de la Maison de France depuis le début 2009.

B. LA DIPLOMATIE ÉCONOMIQUE : QUELS OUTILS POUR QUELS RÉSULTATS ?

1. Une nouvelle priorité transversale pour le réseau diplomatique

Depuis 2012, la diplomatie économique est affichée comme l'une des principales priorités du ministère des affaires étrangères.

Le constat est hélas bien connu : au sein du commerce mondial, la part de marché de la France, désormais de 3%, ne cesse de se dégrader, y compris au sein de la zone euro.

En 15 ans, la France est passée d'une position d'excédent commercial régulier à celle d'importateur net. Apparu en 2002, le déficit commercial français n'a cessé de se détériorer pour atteindre aujourd'hui le record de 70 milliards d'euros.

Des facteurs d'explication traditionnels comme une monnaie surévaluée, une facture énergétique trop lourde ou un marché européen trop ouvert n'expliquent pas tout, en particulier pas la différence de performance avec notre voisin allemand. L'Allemagne dispose d'un excédent commercial de 130 milliards d'euros (chiffre 2010) en particulier de biens industriels. La question de la spécialisation géographique et sectorielle, de la taille des entreprises et surtout de la compétitivité des entreprises françaises est d'ailleurs au coeur de la réflexion du Gouvernement pour redresser le pays.

La France ne recense que 85 000 PME exportatrices, soit 3,5 fois moins que l'Allemagne et 2 fois moins que l'Italie. Ce nombre a diminué de 12% en 10 ans. Pour développer la présence des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) françaises à l'international, il est nécessaire non seulement d'améliorer leur compétitivité mais aussi de leur permettre de bénéficier d'un dispositif d'accompagnement sur les marchés étrangers efficace, lisible et transparent.

Cette priorité doit toutefois s'incarner dans la réalité d'un dispositif public de soutien aux exportations que tous les rapports successifs ont décrit comme étant particulièrement éclaté et fragmenté , qu'il s'agisse du rapport de la Cour des Comptes consacré à ce sujet en 2011 ou de la récente évaluation de la politique publique de soutien aux exportations effectuée par l'Assemblée nationale en juillet 2013 8 ( * ) .

Les maux de notre système, maintes fois décriés, sont bien connus : pluralité d'acteurs ( qu'il s'agisse de l'État lui-même (ministère des affaires étrangères et ministère de l'économie et des finances), de ses opérateurs ou des autres acteurs publics (régions..)) et de dispositifs, absence de lisibilité d'ensemble et de pilotage stratégique global.

La démarche du gouvernement n'est pas de se lancer dans un « meccano » institutionnel, mais de partir de la situation dans les postes et de mobiliser, sous l'égide de l'ambassadeur, toutes les énergies en faveur du double objectif à la fois d'accroitre les exportations et d'attirer les investisseurs internationaux.

2. La mise en place des conseils économiques dans les postes diplomatiques

L'un des principaux leviers utilisé a été la mise en place d'un Conseil économique pour tous les postes diplomatiques dans les pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises. Ce sont ainsi 126 postes qui sont concernés par la mise en place d'un conseil économique.

Au 19 août 2013, 95 postes avaient mis en place un conseil économique, tandis que 21 postes devaient encore le faire d'ici la fin de l'année. A ces postes, il faut ajouter les pays réalisant moins de 50 millions d'euros d'exportations qui ont décidé de mettre en place un conseil, soit 7 postes. Au total 102 postes ont mis en place un conseil économique.

Ce conseil doit être composé au maximum d'une quinzaine de membres. La circulaire relative aux conseils économiques préconisait de réunir autour de l'ambassadeur, chef de l'« équipe de France de l'export », les services concernés de l'ambassade et un éventail représentatif des milieux d'affaires français dans le pays.

Les ambassadeurs y convient systématiquement les principaux services de l'État chargés du soutien aux entreprises (service économique, Ubifrance, AFII). Les représentants de Sopexa et d'Atout France sont conviés au cas par cas. La présence des attachés scientifiques et techniques est également fonction des sujets traités.

Il ressort des comptes rendus des conseils économiques que la composition mixte publique-privée a été parfaitement intégrée. La quasi-totalité des conseils économiques convie des représentants d'entreprises. Les conseillers du commerce extérieur de la France sont systématiquement associés, ainsi que les représentants des chambres de commerce et d'industrie bilatérales. La plupart des postes diplomatiques tentent d'assurer une représentation des grands groupes mais aussi des PME et ETI françaises implantées localement, et visent une représentation équilibrée des secteurs d'activité. Certains postes ouvrent les conseils économiques à des intervenants extérieurs au cas par cas.

La composition des conseils économiques varie donc fortement d'un pays à l'autre (elle peut être large (40 à Washington), ou plus restreint (15 à Pékin)). Elle reflète le plus souvent la densité et la structuration de la communauté d'affaires française.

Les conseils économiques ont vocation à se réunir régulièrement. En pratique, les postes importants réunissent le conseil économique mensuellement, tandis que les réunions sont plus espacées dans les autres postes, avec une périodicité généralement trimestrielle. Certains postes mettent en place un système de rotation des réunions du conseil économique entre les différents centres économiques du pays.

3. Le volet économique des plans d'action des ambassades

Les plans d'action des ambassades comprenaient déjà, la plupart du temps, un volet sur les actions du poste dans le domaine économique et en soutien aux entreprises. La rédaction d'un volet économique a cependant été systématisée à partir du début de l'année 2013. Ces plans répondent désormais à un format contraint (8 pages, dont 6 pages d'objectifs).

À la fin juillet 2013, 38 plans d'actions ont été élaborés selon le nouveau format dans le cadre de réunions interministérielles et validés par le ministre des affaires étrangères.

Afrique du Nord - Moyen-Orient : Tunisie, Maroc, Algérie, Libye. Les plans d'action des Emirats-Arabes-Unis et du Koweït seront instruits par les Ambassadeurs d'ici la fin de l'année 2013.

Afrique / océan Indien : Ethiopie, Mozambique, Gabon, Guinée Bissau, Tanzanie. Les plans d'action du Zimbabwe, du Tchad, du Soudan, du Bénin, de la Namibie, du Sénégal, de l'Ouganda, du Burkina Faso, de l'Afrique du Sud, de Maurice, du Kenya seront instruits par les Ambassadeurs d'ici la fin de l'année 2013.

Union européenne : Chypre, Autriche, Slovénie, Serbie, Norvège, Finlande, Malte, Turquie, Macédoine, Italie, Kosovo, Allemagne, Suisse, Belgique.

Les plans d'action des postes suivants donneront lieu à une révision à travers des réunions d'instruction, de validation ou de suivi d'ici la fin de l'année 2013 : Bulgarie, Estonie, Lettonie, Slovaquie, République tchèque, Monténégro, Biélorussie, Kazakhstan, Kirghizstan, Ouzbékistan, Croatie, Russie, Luxembourg, Espagne.

Amérique : Costa Rica, Brésil, Chili, Haïti, Port d'Espagne, Trinité-et-Tobago. Les plans d'action du Brésil, de l'Uruguay, de l'Argentine, de l'Equateur seront revus d'ici la fin de l'année 2013.

Asie-Océanie : - Corée du Sud, Chine, Afghanistan, Indonésie - Timor-Est - ASEAN, Birmanie, Cambodge, Thaïlande, Brunei, Laos.

4. La nomination d'ambassadeurs pour les régions et de représentants spéciaux

Des « ambassadeurs pour les régions » ont été mis à disposition des présidents de région qui le souhaitaient pour favoriser le rapprochement entre les régions, leurs entreprises - en particulier les PME et les ETI - et le réseau diplomatique. Il s'agit de mieux soutenir leurs initiatives et de promouvoir leurs atouts, dont les pôles de compétitivité, à l'étranger.

À ce jour, sept ambassadeurs pour les régions ont été nommés :

- Pierre ANDRIEU pour les régions Lorraine et Champagne-Ardenne

- François BARRY DELONGCHAMPS pour Provence-Alpes-Côte d'Azur

- Alain DU BOISPEAN pour les régions Limousin et Poitou-Charentes

- Michel FILHOL pour les régions Picardie et Nord-Pas-de-Calais

- Louis LE VERT pour les régions Pays de la Loire et Centre

- Chantal POIRET pour la région Haute-Normandie

- Henry ZIPPER DE FABIANI pour les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées

Les ambassadeurs pour les régions sont liés au ministère des Affaires étrangères par une convention signée par le ministre et par le président de région. Les ambassadeurs doivent présenter un plan d'action, déclinant concrètement les objectifs poursuivis et les échéances qui sont fixées.

Le dispositif des ambassadeurs pour les régions a reçu un accueil favorable dans l'ensemble des régions où il a été mis en place. Les ambassadeurs commencent à s'insérer dans les dispositifs régionaux. Ce début de parcours très institutionnel est indispensable dans un environnement complexe et délicat où les structures publiques de tous ordres encadrent de près l'action économique internationale de la région. Il est la condition d'une insertion opérationnelle au service des objectifs du département et de la région. La mission de l'ambassadeur ne pourra s'accomplir qu'en liaison avec les structures existantes.

Les ambassadeurs multiplient actuellement les contacts avec les entreprises. Entre autres, les ambassadeurs pour les régions ont permis, en lien avec les structures régionales compétentes, de sélectionner des PME et des ETI à fort potentiel pour accompagner les déplacements officiels.

Des représentants spéciaux , personnalités à l'expertise reconnue, ont été nommés pour favoriser le développement de la relation économique avec certains pays ou régions clés et appuyer les efforts de l'État en soutien aux entreprises.

A ce jour, neuf représentants spéciaux ont été nommés :

- Martine AUBRY : Chine

- Jean-Pierre CHEVENEMENT : Russie

- Philippe FAURE : Mexique

- Paul HERMELIN : Inde

- Jean-Charles NAOURI : Brésil

- Louis SCHWEITZER : Japon

- Pierre SELLAL : Émirats arabes unis

- Jean-Pierre RAFFARIN : Algérie

- Alain RICHARD : Balkans.

EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa réunion du 27 novembre 2013, sous la présidence de Jean-Louis Carrère, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a examiné le présent rapport pour avis.

Après l'exposé des rapporteurs, un débat s'est engagé.

Mme Josette Durrieu. - Les structures existaient, bien sûr, mais cette priorité à la diplomatie économique me paraît nouvelle. Les chefs d'entreprise le disent au sujet de l'Iran : la notion de « task force » est importante : pourriez-vous la préciser ? Même si cela ne sera pas facile, nos entreprises doivent être présentes en Iran ; au contraire de ce qui s'est passé en Libye.

M. Jean-Claude Requier. - Nous avions visité l'ambassade à Tripoli avant l'attentat ; va-t-elle être prochainement relocalisée ?

M. Jean Besson. - Compte tenu de la situation des finances publiques, on peut se demander s'il faut maintenir toutes nos représentations dans de petits pays, je pense en particulier à l'Amérique centrale, voire à l'Asie centrale.... Il faudrait que nous ayons le courage de ne pas être partout...

Mme Kalliopi Ango Ela. - La France est déjà passée du 2 ème au 3 ème rang pour son réseau diplomatique et consulaire... Nous devons veiller à ce que les redéploiements ne privilégient pas nos intérêts économiques -en Asie- au détriment de nos intérêts stratégiques -en Afrique-. Vous avez cité Madagascar : la situation y est très difficile, notre influence culturelle, importante, y diminue ; les problèmes consulaires et d'état civil ne doivent pas non plus être sous-estimés. Sur l'immobilier, j'attire votre attention sur la maison de France à Berlin, qui me parait un symbole politique fort. Attention à ne pas faire passer les intérêts économiques avant les gestes politiques.

M. Pierre Bernard-Reymond. - L'idée de mutualiser nos implantations diplomatiques et consulaires avec nos partenaires européens a-t-elle prospéré ?

M. Christian Cambon. - Quand on voit qu'on demande à l'AFD de réaliser 85% de ses interventions en Afrique, je me demande s'il est raisonnable de vouloir être partout ? J'ai parfois le sentiment, notamment pour les OPEX, que moins la France a de moyens plus elle agit... Dans nos sphères d'influence nous avons de moins en moins de moyens, et même dans les grandes ambassades les réceptions du 14 juillet sont sponsorisées par des entreprises privées. Est-ce digne de la France de se « marchandiser » à ce point ?

M. Jean-Louis Carrère, président. - Sur la mise en commun de nos moyens diplomatiques avec les pays de l'Union européenne, c'est comme pour l'Europe de la défense : il faut cesser de parler, et agir. Il en va de notre survie. Mais j'avais moi-même pu constater lors d'une mission à ce sujet que les difficultés suscitées par la co-localisation étaient nombreuses -et d'ailleurs les diplomates n'y tenaient pas vraiment-.

Vous dites que la France, dont les moyens se réduisent, se lance davantage dans des OPEX : mais toutes les formations politiques ont soutenu ces engagements ! Qui à part la France peut empêcher que certaines zones en Afrique ne deviennent le champ clos des terroristes, des trafics, des violences inter-ethniques et interreligieuses ? La situation en RCA nous interpelle.

M. Christian Cambon. - Nos positions ne sont pas antinomiques : je ne souhaite pas que la France se désengage, mais je considère qu'elle ne devrait pas agir seule. J'ai été stupéfait de la réaction de nos partenaires allemands lorsque nous les avions rencontrés ensemble au sujet du Mali. Il faut mieux de France et plus d'Europe, y compris pour les OPEX, mais pas seulement. Avant l'intervention, il y avait à Bamako 20 actions indépendantes de coopération des pays européens, sans autre coordination qu'informelle. Cette situation n'est pas satisfaisante. Nous pourrions de la même façon coopérer davantage avec les Britanniques et conduire ensemble des actions d'aide au développement.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je souscris à votre analyse mais je crains que les échéances électorales à venir ne fassent pas progresser l'idée européenne dans notre pays.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis. - Notre ambassade en Libye va être relocalisée, y compris en ce qui concerne les logements des agents, qui doivent être sécurisés. Vous trouverez la liste des projets de mutualisation et de co-localisation, franco-allemande, franco-britannique, franco-finlandaise ou franco-européenne dans le rapport écrit : il y a au total plus de 10 projets, en Corée, au Sierra Leone, à Katmandou... les choses se font petit à petit.

Pour les réceptions du 14 juillet, c'est simple : sans financement extérieur, pas de réception, car il n'y a plus de crédits ! Plus globalement, je ne suis pas choqué que nos ambassadeurs doivent s'orienter vers des problématiques économiques : c'est aussi leur rôle de soutenir nos entreprises.

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis. - Il faut faire avec les moyens dont on dispose. Faisons confiance à nos ambassadeurs pour mobiliser des financements innovants. Je voulais souligner aussi que les contributions de la France aux opérations de maintien de la paix sont en baisse dans le budget 2014.

M. Jean-Louis Carrère, président. - J'approuve la mutualisation des espaces de réception dans les capitales : nous avons pu observer en certains lieux une multiplicité de résidences...

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis. - Je voulais vous citer les chiffres de nos 10 premières implantations diplomatiques pour illustrer la nécessité de redéployer : États-Unis, 412 personnes, Maroc, 334, Chine, 301, Algérie, 284, Sénégal, 231, Allemagne, 217, Inde 217, Russie, 208, Brésil, 196, Madagascar, 181....

L'idée des « task forces » est de partir des besoins exprimés localement plutôt que de continuer dans la logique, moins performante, où l'on se projette depuis Paris. J'ai constaté des marchés perdus (en Algérie face aux Coréens par exemple, actifs pendant plusieurs jours au sein d'une forte délégation ministérielle) par insuffisance de mobilisation de tous les acteurs concernés -il nous manquait, en l'espèce, la brique « formation universitaire », pourtant indispensable. D'autres savent, comme les Chinois par exemple, présenter une offre complète et lisible, allant de l'aide au développement jusqu'à l'investissement et à la formation. Nous souffrons d'une multiplicité d'intervenants et d'une absence de lisibilité des dispositifs.

M. Jean-Louis Carrère, président. - Je reviens sur le manque de crédits pour les réceptions dans les ambassades : elles ne sont pas seules concernées ; j'avais constaté en Afghanistan dans nos forces qu'il en allait de même pour le petit équipement des soldats -cela a été corrigé par la suite. La présence des ministres et leur mobilisation peut certes être décisive pour emporter des contrats : j'ai pu constater aux Émirats Arabes Unis combien le lien personnel de confiance entre notre ministre de la défense et le prince héritier avait en effet joué favorablement. Prenons garde toutefois à l'opinion publique française, qui ne porte pas toujours un regard positif sur les déplacements des ministres à l'étranger...

M. Robert del Picchia. - Le 14 juillet est aussi une occasion d'adresser des messages aux représentants officiels du pays hôte, qui sont présents ; c'est aussi de la diplomatie d'influence. Comment nos ambassadeurs peuvent-ils faire sans crédits ? Ils doivent bien innover !

Au cours de sa réunion du 27 novembre 2013, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », les sénateurs des groupes UMP et CRC s'abstenant.

AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mercredi 16 octobre 2013, la commission auditionne M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, sur le projet de loi de finances pour 2014.

M. Jean-Louis Carrère. - Monsieur le ministre des affaires étrangères, chers collègues, c'est avec un grand plaisir que nous vous retrouvons, cher Laurent Fabius, un mois après une audition à huis clos sur la situation syrienne, qui fut tout à fait passionnante.

Compte tenu de l'état du monde, et je pense notamment à la situation en République centrafricaine, d'où vous revenez, et dont vous nous direz peut être un mot, il nous sera difficile aujourd'hui de cantonner nos questions aux seuls enjeux budgétaires.

C'est pourtant ce que nous tenterons de faire, tant il est vrai que les moyens d'action dévolus au Quai d'Orsay sont la condition nécessaire -mais pas suffisante- pour maintenir le rayonnement de notre diplomatie, sa capacité à orienter le cours des choses, bref la puissance d'influence de notre pays.

Les questions ne manquent pas, qu'il s'agisse du dimensionnement du réseau diplomatique et consulaire, de la sécurité diplomatique ou de l'adaptation de notre outil à l'émergence de nouvelles puissances.

Avant de céder la parole aux rapporteurs budgétaires pour leurs questions, c'est à vous, Monsieur le ministre, pour la présentation de votre budget.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Monsieur le Président, mesdames et messieurs les sénateurs, le budget de la mission « Action extérieure de l'Etat » s'inscrit dans les orientations que je vous avais présentées l'année passée, dans un contexte où la dépense publique doit être contenue. C'est un budget que j'ai souhaité efficace et économe.

Économe, car le budget de la mission « Action extérieure de l'État » s'élève à 2 952,3M€, y compris la masse salariale, en diminution de 0,7% par rapport à 2013. Il diminue de 2,1% hors masse salariale. Le plafond d'emplois s'élève à 14 505 emplois équivalent temps plein, en diminution de 196 ETP. Ce chiffre inclut la création de 28 ETP dans le secteur des visas. Il prend aussi en compte le redéploiement vers nos géographies prioritaires d'une centaine d'emplois en 2014 et de 300 sur l'ensemble du triennum. J'y reviendrai.

Efficace, car les économies proposées sont cohérentes avec les objectifs que j'ai fixés au ministère des affaires étrangères : diplomatie économique pour participer au redressement économique de la France, un service public efficace, puissance d'influence, nous renforcer dans les pays d'avenir.

Pour mettre en oeuvre ces priorités  nous adaptons le réseau, je devrais dire les réseaux du ministère. Il n'est pas question de revenir sur son universalité, qui est un atout de notre diplomatie.

Le nouveau dispositif permet en revanche d'être davantage présent là où nos intérêts l'exigent, d'assurer nos missions essentielles et de proposer des économies, qui produiront encore leurs effets dans les années à venir.

Le réseau se redéploie vers nos géographies prioritaires, les pays émergents et les pays en sortie de crise, à hauteur de 300 agents sur trois ans, principalement à partir des effectifs d'Europe et d'Amérique du Nord. Il y aura ainsi par exemple des créations d'emplois en Chine, en Inde, en Afrique du Sud, en Indonésie, également au Mali (+4) et en Birmanie.

Le réseau se renforce sur ses missions prioritaires. Un examen a été fait pays par pays et a conduit à établir une liste de treize pays où les postes seront très allégés et travailleront sur deux à trois missions exclusivement. En 2014, cela concernera la Jamaïque, le Népal, la Papouasie Nouvelle guinée, le Libéria, la Kirghizistan, la Guinée Bissao, le Honduras et le Cap Vert. En 2015, s'y ajouteront Brunei, l'Erythrée, le Tadjikistan, Trinité et Tobago et la Zambie, d'autres peut être. Tous ces pays conserveront les missions de représentation politique et diplomatique, de protection consulaire et de suivi et d'accompagnement de l'action économique ou commerciale de nos entreprises.

Autre évolution du dispositif, les missions assurées par quatre antennes diplomatiques seront rapatriées vers les capitales de rattachement : en 2013, nous l'avons fait au Malawi. En 2014, ce seront la Sierra Leone et la Gambie. Et en 2015, Sao Tomé. Il n'y avait pas d'ambassadeur physiquement présent dans ces pays. Nous avions des ambassadeurs accrédités. Nous les gardons.

A côté des évolutions liées à la réorganisation du réseau diplomatique, le réseau consulaire se réoriente pour accompagner les populations expatriées qui en ont le plus besoin. Certains réseaux s'adapteront. C'est le cas au Canada. Des agences consulaires seront ouvertes à Edmonton, capitale de l'Alberta, et à Calgary. C'est également le cas en Europe où nous rationalisons nos implantations sans fermer de consulat général mais en mettant fin au cloisonnement entre les diplomaties (politique, économique, culturelle, scientifique). Des consulats dits « à gestion simplifiée » verront leurs missions recentrées sur la diplomatie d'influence et adossés aux structures publiques ou associatives les plus pertinentes, afin de décloisonner les missions. Notre consulat à Hambourg a déjà adopté ce profil ; Stuttgart, Düsseldorf et Naples devraient suivre.

Il faut également achever la réforme du réseau culturel. La fusion de nos services de coopération et d'action culturelle avec les établissements à autonomie financière (EAF) est arrivée à son terme. Nous devons maintenant envisager l'évolution du dispositif des antennes et instituts, notamment ceux durablement déficitaires. Je compte pour cela suivre la même méthode que pour les réseaux diplomatiques et consulaires : sur la base de propositions des services, engager le dialogue avec les organisations syndicales. Ce dialogue a lieu actuellement.

En ce qui concerne la sécurité de nos implantations et la rationalisation immobilière, ces choix structurels opérés et qu'il faudra poursuivre permettent de redistribuer des moyens aux postes et, également, de mener à bien le plan de sécurisation de nos implantations auquel 20 M€ seront consacrés en 2014, 40 M€ sur trois ans.

Quelques exemples : 3,3 M€ sont programmés à Tripoli pour un budget de construction global de 15 M€ environ ; 3 M€ sont inscrits pour le relogement et la sécurisation des déplacements des agents. Je rappelle qu'en 2007, 6 ambassadeurs bénéficiaient de protection. Ils sont 20 aujourd'hui. Les préoccupations sécuritaires s'accumulent : Sanaa, Le Caire, Tunis et les capitales de la zone sahélienne. La donne évolue, après l'attentat de Nairobi. Il faut sans cesse s'adapter à l'évolution de la menace.

La moitié de ces crédits est gagée par des ventes d'immeubles (22 M€) car la poursuite de la rationalisation de nos implantations immobilières le permet et que la sécurité de nos bâtiments, de nos personnels et de la communauté française est une priorité. La problématique immobilière se posera à terme. Certains d'entre vous le soulignent, il sera difficile de poursuivre indéfiniment le financement des travaux d'entretien lourd de notre parc immobilier par la vente d'immeubles. Mais il reste encore des marges de manoeuvre.

À New York, la vente de la résidence de notre ambassadeur auprès de l'ONU sera lancée dans les prochains mois. En Malaisie, nous cèderons une parcelle de terrain.

Pour ce qui est de l'appui aux Français de l'étranger, l'appui à nos communautés expatriées demeure une priorité de notre action. Nous maintenons l'aide sociale pour les Français défavorisés.

La réforme des bourses a été mise en place à la rentrée. Vous en avez eu les premiers résultats. Ils seront s complétés par les résultats de la prochaine Commission nationale des bourses en décembre. Le nouveau modèle proposé, plus juste et plus équitable, a, je crois, rencontré une large adhésion, même si, comme toujours lorsqu'on change de système, il faut un temps d'adaptation. Il faut souligner le travail effectué par les commissions locales des bourses et je souhaite les en remercier. C'est leur connaissance des populations françaises qui permet d'adapter un mécanisme aux réalités locales. La redistribution a été réelle. 10% des familles bénéficiaires de bourses le sont pour la première fois cette année. Il y aura des adaptations marginales : la prise en compte des familles monoparentales notamment. Nous retravaillerons ensemble à ces améliorations.

La diplomatie culturelle et d'influence n'est pas séparée du reste de notre action. Elle s'y insère et en est complémentaire. Cela vaut notamment pour la diplomatie économique, qui bénéficie de notre rayonnement culturel.

Le réseau culturel est très dynamique. Cela lui permet de s'autofinancer à plus de 60% et de lever plus de 180 M€ de cofinancements. Ce réseau est atout majeur pour l'influence de la France et l'attractivité de notre culture et de notre langue.

Nous consacrons 68 M€ aux boursiers du gouvernement français, quel que soit l'instrument : les BGF, bien sûr, mais aussi les bourses Eiffel, les bourses Major, les bourses cofinancées, la contribution que nous versons à l'Université franco-allemande...

S'y ajoutent 60 M€ de programmes de bourses financés par les Etats tiers, ce qu'on appelle les boursiers des gouvernements étrangers.

Notre action doit être efficace et non ponctuelle voire anecdotique. Pour cela, il faut assurer un suivi de ces étudiants, qui étudient parfois dans le système éducatif français depuis leur plus jeune âge, grâce au réseau de l'AEFE. Je tiens à ce qu'il conserve son ouverture sur les étrangers ; en particulier j'ai demandé à nos ambassadeurs de s'investir pour faire vivre les réseaux d'anciens élèves, en liaison avec l'AEFE. C'est là aussi inscrire notre action dans le long terme.

Voilà, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les sénateurs, comment ce budget accompagne les priorités de notre action extérieure.

Je suis à présent à votre disposition pour répondre à vos questions.

M. Jean-Claude Peyronnet. - Pouvez-vous nous indiquer, compte tenu de l'actualité, quelles seront les orientations de la France en Afrique dans les années à venir ?

Sur le plan budgétaire, une partie du produit des cessions immobilières ne reviendra pas au Quai d'Orsay mais ira au budget général de l'État ; les ressources disponibles seront diminuées d'autant. Quelles seront en conséquence vos priorités géographiques ?

Plus globalement, nous souhaiterions naturellement vous entendre sur l'Iran, la République Centrafricaine ou le Nord Mali.

M. Christian Cambon. - Le concept d'ambassade « low cost » nous laisse un peu sceptiques ; de même que nous attristent les réceptions du 14 juillet financées par des entreprises privées... Sans doute cela est-il inévitable... Ne pourrait-on pas parallèlement envisager des partages d'ambassades au niveau européen ?

L'accroissement annoncé des crédits pour le développement au Mali nous pousse aussi à relancer aussi la réflexion sur l'évaluation : nous avons par le passé déversé des sommes importantes sur ce pays, sans résultat tangible. Nous aurions besoin en réalité d'une véritable « conférence de méthodologie » pour que l'aide soit dépensée à meilleur escient.

20 000 personnes ont péri en tentant de rejoindre Lampedusa : quelle action concertée, de développement solidaire, allons-nous pouvoir enfin mettre en oeuvre ?

Nous nous entretiendrons la semaine prochaine avec de hauts responsables de l'ONU, quelle explication pourrons-nous donner aux évolutions parfois difficilement compréhensibles de nos contributions, qu'il s'agisse du PNUD ou du fonds SIDA...

M. Robert del Picchia. - La réforme des bourses pour la scolarité des Français de l'étranger a posé des problèmes aux familles monoparentales. Je m'interroge en plus, au vu des premières remontées des consulats, sur la méthode, en deux temps, retenue pour déterminer les enveloppes, avec à mon sens une sous-estimation, dans un premier temps, des montants nécessaires. De nombreuses familles qui se sont vues refuser une bourse vont redéposer une demande pour la deuxième réunion des commissions locales des bourses.

Le consulat de Calgary avait été créé pour des raisons économiques, aujourd'hui l'intérêt n'est plus le même. Quels autres consulats seront concernés, et quels consulats généraux dans les capitales ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Un article du journal « Le Monde » affirme que nous allons abandonner l'Afrique francophone pour nous concentrer sur l'Afrique anglophone. Telle n'est pas notre intention : nous devons être partout en Afrique, qu'elle soit francophone, anglophone ou lusophone - je me rends prochainement en Angola-. La francophonie, qui comptera demain 750 millions de locuteurs, est un point d'entrée irremplaçable, mais la France ne peut se désintéresser de grands pays comme le Nigéria ou l'Afrique du Sud. J'observe d'ailleurs que notre intervention au Mali a été bien perçue par ces pays ; la France est écoutée et son expertise respectée sur les enjeux africains.

En effet, une partie du produit des cessions immobilières du réseau diplomatique à l'étranger sera affectée au désendettement de l'État. Sur les 52 millions d'euros de cessions prévus sur le triennum, 30 seront affectés à l'amélioration de la sécurité diplomatique, soit 10 millions d'euros par an. Notre plan de sécurisation inclut nos postes à : Nouakchott, Dakar, Beyrouth, Ndjamena, Brazzaville, Alger, Téhéran, Djakarta, Bamako, Tallin, Tunis et Bangui. Les 10 millions d'euros iront en priorité à la sécurisation des postes dans la bande sahélienne.

Nous avons des projets d'implantation commune avec l'Allemagne, notamment au Bangladesh, en Corée, au Koweït, où nous avons deux parcelles contiguës, ou encore à Rio où nous partageons les mêmes locaux de la Maison de France. Je pense que notre réflexion devrait aussi englober les représentations du Service européen d'action extérieure.

S'agissant de l'aide au Mali, je souscris pleinement aux propos de M. Cambon et je sais que la traçabilité et l'évaluation des aides sont des préoccupations fortes tant de mon collègue en charge du développement Pascal CANFIN que de l'ambassadeur au Mali Gilles HUBERSON. Nous avons besoin d'une méthode qui rompe avec les pratiques passées.

M. Jean Besson. - La diplomatie économique française obtient des résultats et nous nous en réjouissons. La vente d'Airbus au Japon en est un exemple. Vous avez mis en place une direction au quai d'Orsay dans ce but, mais il existe également dans la sphère du ministre de l'économie et des finances, une ministre du commerce extérieur et des opérateurs centraux et locaux (Ubifrance, AFII...). Comment vous organisez-vous ?

L'Institut français va connaître une nouvelle baisse de son budget
(-6%). Un nouveau contrat d'objectifs et de performances va être préparé. Dans le projet annuel de performances, il est écrit que « les objectifs de l'Institut français vont être recentrés ». Quelles orientations allez-vous donner à cet opérateur de la diplomatie culturelle ?

Je reviens de Mongolie. C'est un pays au potentiel intéressant. Nous avons sur place une équipe resserrée mais qui m'a paru efficace. Je souhaitais vous en faire part.

M. André Trillard. - Dans certains postes diplomatiques, et parfois dans des pays où notre représentation est peu nombreuse - j'ai en tête l'exemple du Kosovo - la résidence de l'ambassadeur est séparée de l'ambassade. Ne serait-il pas utile de les regrouper, éventuellement de mutualiser avec les Allemands ne serait-ce que pour des raisons de sécurité ?

La mutualisation des charges de fonctionnement est souhaitée et vous avez raison. Dans certaines grandes villes européennes, la France dispose de plusieurs établissements. Je ne parle pas que des locaux diplomatiques, mais aussi de ceux dépendant d'autres ministères comme la Villa Médicis à Rome ou la Casa Velázquez à Madrid. A-t-on envisagé une gestion commune de ces différents établissements ? Vous ont-ils spontanément proposé de gérer le fonctionnement en commun ?

Dans certaines de nos représentations anciennes, les immeubles souffrent de problèmes d'accessibilité du public. A-t-on un petit budget dédié à la mise aux normes de ces immeubles, sachant que cela peut représenter des coûts de travaux importants ?

L'immeuble du Consulat à Hong-Kong a-t-il été cédé ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Oui et il a été vendu pour un montant important, 52 millions d'euros.

M. André Trillard. - Je suis parfois surpris de voir que dans des villes où nous avons plusieurs postes diplomatiques - parfois d'ailleurs avec des effectifs peu importants, les gens s'ignorent. Vous avez entrepris des rattachements de postes dans les mêmes villes, lorsqu'il y a plusieurs ambassades. De quelles villes s'agit-il ?

M. Jeanny Lorgeoux. - Vous revenez de République Centrafricaine. La situation est catastrophique. Comment appréhendez-vous la mise en oeuvre d'un processus politique dans un Etat qui n'existe pas ? Comment faire émerger de nouveaux dirigeants fiables et compétents ? Et comment obtenir des instances internationales capacité à intervenir et arrêter cette tragédie ? Je constate que les crédits destinés à la coopération de défense baissent de 4% au moment où nous devons aider se structurer une architecture africaine d'armée.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - La diplomatie économique n'est pas l'apanage du ministère des affaires étrangères. Le ministère du commerce extérieur et celui des finances s'y emploient également. Je n'ai pas voulu me lancer dans un meccano institutionnel. Je suis parti des faits. Juridiquement et pratiquement, l'ambassadeur de France est le représentant de la France à l'étranger et a autorité sur tous les services. C'est lui le patron. C'est à lui d'organiser pour que cela fonctionne dans le même sens et en général cela fonctionne bien. Des difficultés administratives peuvent survenir, mais on arrive à les surmonter. On a créé des mécanismes qui contribuent à la circulation de l'information comme les conseils ou comités économiques qui regroupent les administrations en charge des affaires économiques l'ensemble des acteurs spécialisés, les représentants des entreprises, les conseillers du commerce extérieur. Au niveau ministériel, j'ai créé une direction des entreprises, avec Jacques Maire, un diplomate qui a travaillé pendant de longues années en entreprise, qui dépend de la direction générale de la mondialisation. J'ai nommé des représentants spéciaux pour certains pays, qui sont susceptibles par leur réputation et leur compétence de faciliter les relations économiques dont certains de vos collègues Jean-Pierre Raffarin pour l'Algérie, Jean-Pierre Chevènement pour la Russie. Ce sont de structures légères, on trouvera le mouvement en marchant. Ce concept satisfait les entreprises comme les diplomates. Cette optique plus économique, va sans doute nous amener dans l'avenir à faire évoluer le recrutement du ministère des affaires étrangères. Il faut qu'il y ait un va et vient entre les entreprises et la diplomatie.

L'Institut Français fonctionne bien, il assure des prestations de qualité pour l'ensemble du réseau culturel. S'agissant des résultats de l'expérimentation du rattachement direct des établissements à autonomie financière, nous allons avoir une décision à prendre rapidement. Je constate que la généralisation aura un coût important et qu'il y a nécessité de conforter l'ambassadeur en lui laissant l'autorité sur les services.

La Mongolie est un pays intéressant dans lequel je vais me rendre prochainement. Il a un taux de croissance élevé. C'est une démocratie. La peine de mort y est abolie. Il suscite l'intérêt des entreprises françaises. Nous allons signer un certain nombre de contrats.

S'agissant de l'immobilier, nous regroupons dans les grandes villes où il y a plusieurs postes notamment auprès d'organisations internationales à Vienne, à Bruxelles, à Washington, à Montréal et à Genève. Pour les organismes dépendant de différents ministères, la mutualisation est aussi spontanée que ce que nous constatons dans nos collectivités locales. Pour l'accessibilité, nous essayons de faire du mieux possible, mais cela a effectivement un coût.

Avant d'aborder la situation en République Centrafricaine en réponse à M. Lorgeoux, je dirai quelques mots, comme vous m'y avez invité sur l'Iran, puis sur le Mali.

Vous le savez des négociations sont en cours à Genève entre les partenaires du 5+1 et l'Iran sur la question du nucléaire. L'attitude l'Iran paraît, depuis le changement de gouvernement, plus ouverte, mais à ce stade leurs positions sur le dossier n'ont guère évolué : pas de propositions sur la limitation de l'enrichissement, ni sur le démantèlement des installations d'Arak, ni sur l'arrêt du centre de Fordow, ni sur le transfert des stocks d'uranium enrichi à l'étranger. Cela étant nous sommes au tout début de la négociation. Il va y avoir une session au niveau des ministres. A ce stade, il ne faut ni sur-réagir, ni baisser la garde.

Le Mali est entré dans la période de préparation des élections législatives. Le Président Keita est une personnalité responsable. La question liée au Capitaine Sanogo est désormais derrière nous. Il a repris les contacts avec les populations du Nord en application des accords d'Ouagadougou, mais la période des élections législatives ralentit bien sûr les discussions. Il faut avancer pas à pas et ne pas se précipiter. Il y a eu quelques incidents au Nord qui nous amènent à conserver des effectifs militaires sur place. Nous réduirons la voilure petit à petit. Je n'ai pas d'inquiétude à court terme, mais à plus long terme, il va falloir régler les problèmes de développement économique et de discussions entre les différentes composantes du peuple malien.

En République Centrafricaine, il y a un Etat très affaibli. La pauvreté est effrayante. Dans un pays de 4,8 millions d'habitants, il y a 450 000 personnes déplacées. Le taux de mortalité infantile atteint les 10%. Les salaires ne sont plus versés aux fonctionnaires et aux militaires depuis 4 mois. Pour la première fois dans l'histoire de ce pays des affrontements entre communautés religieuses, chrétiens contre musulmans, se sont produits. L'ancienne Seleka qui avait pris le pouvoir a été dissoute, laissant la place à un assemblage de petits chefs de guerre qui vivent sur la population.

Sur le plan de la sécurité, 4 pays ont envoyé des contingents militaires dans le cadre de la force des Nations-Unies : le Tchad, le Congo, le Gabon et le Cameroun. Ils sont actuellement 2 100 et ce contingent devrait être porté à 3 500. Nous avons sur place 410 militaires français qui sécurisent l'aéroport et effectuent des patrouilles à Bangui. La dernière résolution du Conseil de sécurité des Nations unies a donné mission au Secrétaire général de lui présenter un rapport dans les 30 jours. Une nouvelle résolution en décembre devrait donner mandat aux forces africaines et à la France d'intervenir pour traiter le problème de la Seleka qui représente 5 000 personnes, mais certains sont retournés à la vie civile et d'autres doivent être intégrés dans l'armée ce qui pose problème. Lorsque nous aurons mandat pour intervenir, des risques d'affrontements ne doivent pas être écartés mais les éléments de l'ex-Seleka ne disposent pas d'un armement considérable. Entretemps il peut y avoir une dégradation de la situation et des massacres sous des prétextes religieux.

La restructuration de l'armée centrafricaine pourrait être engagée avec l'appui de l'Union européennes selon le même schéma qui est mis en oeuvre au Mali. La commissaire Gueorguieva m'a accompagné lors de mon dernier déplacement, car il est important d'anticiper.

Sur le plan humanitaire, la situation est abominable. Il faut réunir des fonds pour aider la population. L'Europe s'engage. Nous envisageons une conférence des donateurs.

Sur le plan politique, des élections sont prévues en février 2015, le Président et le Premier ministre se sont engagés à ne pas se présenter. Mais qui sera candidat ? Il est difficile de le dire.

M. Jeanny Lorgeoux. - Nos services ont-ils détecté des terroristes de Boko Aram ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères -Nous n'avons pas établi de liens avec Boko Aram.

Dans la perspective des élections législatives de février 2015, il faut au préalable un referendum sur la constitution et reconstituer les listes électorales, une grande partie des registres de l'état-civil ont été détruits. Une mission des Nations unies est attendue en novembre. La France apportera une aide.

Aux Nations unies, une résolution sera présentée en décembre et une autre est envisagée en mars ou avril pour mettre en oeuvre soit une opération de maintien de la paix sous casques bleus, soit une opération associant les forces africaines et la France.

La restauration de la stabilité est importante car si la RCA s'effondre, c'est l'ensemble des pays de la zone qui seront menacé : il y aura risque de développement du terrorisme au Tchad, dans les Soudans, au Congo et au Gabon. L'Union africaine et sa secrétaire générale Mme Zuma, partagent notre analyse. L'Afrique du Sud qui s'est engagée en République centrafricaine, mais a retiré ses troupes après des pertes importantes comprend notre position. M. Bozizé, l'ancien président, a quitté la France pour rejoindre un pays africain de la région.

Les Africains, la communauté internationale avec le soutien de la France doivent s'engager pour reconstruire l'État. Le sujet n'est pas d'intervenir militairement mais de soutenir la population et d'aider les Africains. Il y a des attentes fortes de la population. Et il y a urgence. C'est le message que le Président de la République a porté lors de son intervention devant l'Assemblée générale des Nations-Unies.

Mme Kalliopi Ango Ela. - Comment préparez-vous le sommet de décembre avec les chefs d'État africains consacré à la sécurité ?

M. Jean-Claude Requier. -Le Premier ministre des Vanuatu a attiré notre attention sur la fermeture de la représentation diplomatique de l'Union européenne dans ce pays francophone. J'aimerais vous interroger sur le sort de notre otage au Niger dont la famille est de mon département.

M. Gilbert Roger. - Que répondre lorsque nous sommes interpellés par des concitoyens d'origine ivoirienne -c'est mon cas en Seine-Saint-Denis- sur l'évolution politique de ce pays ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères - Le Premier ministre s'est entretenu avec le Premier ministre des Vanuatu et nous avons alerté les institutions de l'Union européenne sur ce sujet.

Je ne m'exprimerai pas sur la question des otages, sauf pour dire que le Président de la République et moi-même, qui avons reçu personnellement les familles, comprenons la situation très difficile dans laquelle elles sont placées.

En Côte d'Ivoire, la situation s'améliore sur le plan économique mais il reste des tensions en termes politiques et sociaux.

Le sommet de décembre sera consacré à la sécurité du continent africain. De nombreux chefs d'État devraient y participer, pour aboutir à une méthodologie commune permettant d'envisager la prise en charge de leur sécurité par les Africains directement. Mettre en place des forces d'action rapide sous-régionales (pour la CEDEAO par exemple), voire une force d'action africaine, est une idée intéressante qui pourra être débattue. Nous devons approfondir notre dialogue avec les pays africains, tant sur les questions de sécurité que dans la perspective de la conférence de 2015 sur le climat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LES RAPPORTEURS

- Yves SAINT-GEOURS, directeur général de l'administration et de la modernisation du ministère des affaires étrangères ;

- Jacques MAIRE, directeur des entreprises et de l'économie internationale au ministère des affaires étrangères ;

-  René ROUDAUT, conseiller diplomatique du Gouvernement, chargé d'une mission sur la mise en oeuvre des formats d'ambassades à effectifs très réduits ;

- Nathalie BERTHY, secrétaire générale de la CDFT-MAE, et Thierry DUBOC, secrétaire général adjoint.


* 1 Référé n° 65294, février 2013

* 2 Source : rapport annuel 2012 de la DCSD

* 3 Alors que les données 2007 à 2012 correspondent aux consommations (rapport annuel de performance), le budget exécuté 2013 est donné à titre indicatif et correspond à la loi de finances initiale.

* 4 L'arbitrage du titre 2 n'ayant pas été rendu à ce jour, il n'est pas possible pour le moment de fournir le montant du budget global prévisionnel pour les exercices 2014 et 2015.

* 5 Pour la France, les crédits d'entretien du propriétaire reposent sur le programme 309 : 3 millions d'euros de crédits ont été accordés en 2013, contre 4 millions d'euros de crédits de besoins recensés.

* 6 Référé 65 294, février 2013

* 7 Référé 65294, février 2013

* 8 http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i1225.pdf

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