LE LIVRE, SYMBOLE CULTUREL CONFRONTÉ À LA MODERNITÉ

I. LIVRE ET LECTURE À L'ÈRE NUMÉRIQUE

A. PRÉSERVER LE LIVRE ET DÉVELOPPER LA LECTURE

1. Une pratique culturelle constante

Il ressort des enquêtes du ministère de la culture et de la communication sur les pratiques culturelles des Français, réalisées régulièrement depuis les années 70, que :

- la proportion de non lecteurs est demeurée stable à 30 % de la population ;

- la proportion de grands lecteurs (plus de vingt livres par an), qui constituent le coeur de la clientèle des librairies, s'est fortement réduite, de 28 % en 1973 à 16 % en 2008 ;

- parallèlement, la proportion de lecteurs moyens est passée de 24 % en 1973 à 39 % en 2008.

En définitive , cette évolution ne permet pas de conclure à une érosion de la lecture dans les pratiques culturelles françaises , ce qui explique sans nul doute la relative stabilité du marché du livre.

Selon l'enquête annuelle du Syndicat national de l'édition (SNE), le chiffre d'affaires global de l'édition s'est élevé, en 2012, à 2,7 milliards d'euros pour 441 millions d'exemplaires vendus , ce qui représente une légère baisse, de 1,2 % en valeur et de 2,1 % en volume. Malgré cette régression, le marché global du livre -évalué à 4,1 milliards d'euros à partir des ventes en sortie de caisse- reste le premier marché de biens culturels en France avec 53 % des ventes. À la différence de la musique ou des DVD, le livre n'a donc pas connu d'effondrement, mais plutôt une contraction progressive.

Cette situation, globalement satisfaisante dans le contexte économique actuel des industries culturelles, cache cependant des contrastes entre les supports et les catégories éditoriales.

Ainsi, à la faveur du ralentissement économique et d'une préoccupation accrue sur le pouvoir d'achat, le format poche, en croissance depuis 2010, a représenté, en 2012, 13,3 % des ventes de livres et 24,8 % des volumes. Avec un chiffre d'affaires de 352 millions d'euros, en progression de 1,4 %, le livre de poche a, en partie, soutenu le marché.

S'agissant des différentes catégories éditoriales, les livres destinés à la jeunesse, la bande dessinée et les sciences humaines et sociales progressent, tandis que les beaux livres, les livres pratiques et les manuels scolaires pèsent sur les ventes. En outre, la littérature, qui représente encore le quart du chiffre d'affaires, stagne en valeur et en volume. C'est également le cas des essais et des ouvrages religieux. En revanche, la poésie, le théâtre, les dictionnaires et encyclopédies, les cartes et atlas comme les livres scientifiques affichent des pertes inquiétantes.

Dans le même temps, les ventes de livres numériques demeurent marginales . Le livre numérique représente ainsi 3,1 % du chiffre d'affaires de l'édition. En ce qui concerne les catégories éditoriales, le secteur des sciences humaines et sociales représente le principal contributeur de l'édition numérique avec 70,2 % du marché, suivi de la littérature (9,4 %) et des beaux livres et livres pratiques (6,4 %).

Selon le Baromètre Opinion Way SOFIA/SGDL/SNE de février 2013, 5 % seulement des Français ont déjà lu un livre numérique en partie ou en totalité.

Toujours minoritaire, le livre numérique n'en poursuit pas moins sa croissance en s'affirmant chaque année davantage dans les habitudes de lecture des Français, sans pour autant mettre en péril le livre imprimé. En effet, les lecteurs de livres numériques sont majoritairement de grands lecteurs de livres imprimés . Tandis que le support numérique va être choisi pour son prix et son usage mobile, le livre imprimé demeure préféré pour le confort de lecture et la variété de choix, mais également comme cadeau.

2. Un soutien public utile mais instable

En matière de soutien au livre, les pouvoirs publics interviennent avant tout par l' adaptation du cadre normatif (prix du livre, droits d'auteur, etc.), notamment au regard du contexte numérique, mais également par des aides financières aux acteurs portées, pour près de 30 millions d'euros annuels de prêts et de subventions, par le Centre national du livre (CNL).

L'État a ainsi, dès 1981 et la loi n° 81-766 du 10 août relative au prix unique du livre dite « loi Lang » , obligé les éditeurs et importateurs à fixer un prix pour chaque ouvrage , qui s'applique à l'ensemble des détaillants nonobstant la possibilité, pour ces derniers, d'offrir une remise de 5 % à leurs clients (9 % pour les collectivités, les établissements d'enseignement ou de recherche et les bibliothèques).

Face à la concurrence des grandes surfaces généralistes et spécialisées qui, dans les années 70, ont appliqué des rabais pouvant aller jusqu'à 40 % en vue de s'imposer sur le marché du livre, les pouvoirs publics ont donc refusé de considérer le livre comme un produit marchand banalisé et choisi de maintenir un réseau de librairies indépendantes sur le territoire, librairies qui n'auraient pu supporter longtemps une guerre des prix. Au cours des quinze dernières années, les prix des livres sont ainsi restés stables (+ 0,2 % sur les titres du fonds et + 0,75 % sur les nouveautés).

Le prix unique permet également de préserver la diversité de la création comme de l'édition , la distribution en grande surfaces favorisant les ouvrages à rotation rapide au détriment des oeuvres plus complexes ou moins connues.

Le souci de conserver un taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) faible pour le livre vise, pour sa part, à en favoriser l'achat , dans un contexte où le livre demeure un bien culturel coûteux pour de nombreux Français. Ce taux, bien que réduit, n'en a pas moins connu récemment des fluctuations perturbantes pour le secteur.

Pour mémoire, le projet de loi de finances rectificative pour 2011 prévoyait initialement de relever le taux réduit de TVA de 5,5 % à 7 % à compter du 1 er janvier 2012. Face à la fronde des libraires, le Gouvernement de l'époque a chargé Pierre-François Racine d'une mission sur les contraintes juridiques et techniques propres à la filière du livre dans le cadre de l'augmentation du taux de TVA et sur les moyens d' aménager une transition.

Les premières conclusions de cette mission, remises en décembre 2011, jugeaient nécessaire un délai supplémentaire pour l'application du dispositif, compte tenu du nombre considérable de références disponibles en librairies (plus de 700 000) et de l'ampleur, en conséquence, du travail de ré-étiquetage . La loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 a donc reporté au 1 er avril 2012 le relèvement du taux pour le livre physique, la date du 1 er janvier étant maintenue pour le livre numérique.

Au mois de mars 2012, la mission Racine rendait une seconde série de conclusions, dans lesquelles elle proposait, pour accompagner la réforme, l'instauration de mesures fiscales favorables, d'une information du public sur les lieux de vente, d'un soutien du Centre national du livre (CNL) aux librairies et d'un observatoire des prix du livre.

Ce nouvel observatoire a constaté que l'application du taux de TVA à 7 % avait été globalement répercutée sur le prix de vente des livres. Ainsi, les opérateurs dont la rémunération dépend du prix hors taxe (les détaillants bien sûr, mais aussi les auteurs, les éditeurs et les distributeurs) n'ont pas souffert du relèvement du taux. En revanche, le coût du seul ré-étiquetage par les détaillants est estimé à 30 millions d'euros , auxquels s'ajoute le montant de la mise à jour des logiciels comptables.

Promesse de campagne du Président de la République, le rétablissement du taux de TVA à 5,5 % pour le livre papier et numérique a été confirmé par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-958 du 16 août 2012). La modification n'est cependant intervenue qu'au 1 er janvier 2013 , le début d'année, période de faible activité, ayant été considéré plus favorable à la mise en oeuvre d'une réforme, dont les difficultés techniques et financières étaient identiques à celles de l'année précédente.

Quelques mois plus tard, dans le cadre de la réforme globale des taux, la troisième loi de finances rectificative pour 2012 (loi n° 2012-1510 du 29 décembre 2012) dispose, dans son article 68, que le taux de TVA applicable au livre sera abaissé, à compter du 1 er janvier 2014, à 5 %.

Votre rapporteur pour avis est évidemment favorable au principe de l'application d'un taux réduit de TVA au livre papier et numérique. En revanche, la modification trop fréquente de ce taux pose des difficultés techniques et budgétaires insoutenables pour les librairies. Votre rapporteur pour avis souhaite donc que le soutien des pouvoirs publics au livre et à la lecture soit désormais stable pour ce qui concerne son volet fiscal .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page