B. UN BUDGET DE TRANSITION AVANT UNE RÉFORME INDISPENSABLE DU DISPOSITIF D'ASILE

La discussion des crédits consacrés à la politique de l'asile dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 intervient alors que s'achève la concertation sur l'asile lancée le 15 juillet 2013 par le ministre de l'intérieur.

Sous l'égide de nos collègues Valérie Létard , sénatrice, et Jean-Louis Touraine, député, le comité de concertation sur la réforme de l'asile , composé des acteurs du secteur - représentants de l'État, élus et associations - a été chargé de formuler des propositions sur quatre thèmes :

- l'évolution des procédures d'asile,

- l'accueil, l'orientation et l'accompagnement des demandeurs d'asile,

- l'hébergement des demandeurs d'asile,

- l'insertion des bénéficiaires d'une protection internationale (accueil, emploi, logement, formation).

Les conclusions de cette concertation serviront de base au futur projet de loi de réforme de l'asile annoncé par le Gouvernement, qui transposera également le « paquet asile » adopté par le Parlement européen et le Conseil le 26 juin 2013.

1. L'adoption du « paquet asile » en juin 2013

Depuis le Conseil européen de Tampere en octobre 1999, l'Union européenne s'emploie à construire un régime commun de l'asile . L'harmonisation des cadres juridiques des États membres a conduit à l'adoption de trois directives tendant à définir des normes minimales en matière :

- de statut des réfugiés (directive 2004/83/CE du Conseil du 29 avril 2004 dite « qualification ») ;

- de procédures de traitement des demandes d'asile, en vue d'assurer un accès à la protection internationale dans des conditions équivalentes dans toute l'Union européenne (directive 2005/85/CE du Conseil du 1 er décembre 2005 dite « procédure ») ;

- de conditions d'accueil, afin de garantir des standards minimaux pour l'accueil des demandeurs d'asile, incluant le logement, l'éducation et la santé (directive 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 dite « accueil »).

a) Le « paquet asile »

Le Pacte européen, repris par le Programme de Stockholm, prévoyait d'instaurer, au plus tard en 2012, une procédure d'asile unique comportant des garanties communes et d'adopter des statuts uniformes pour les réfugiés comme pour les bénéficiaires de la protection subsidiaire . Cela a conduit la Commission européenne à présenter en décembre 2008, une proposition de refonte de la directive « accueil », puis, en octobre 2009, deux propositions visant à la refonte des directives « procédure » et « qualification ».

• La directive « qualification »

Adopté le 13 décembre 2011, le texte de refonte de cette directive (2011/95/UE) devra être transposé d'ici la fin de l'année 2013. Le nouveau texte emporte un certain nombre d'avancées pour les demandeurs d'asile et les réfugiés, s'agissant en particulier de l' élargissement de la notion de famille au-delà de la famille nucléaire , ce qui permettra aux parents d'un mineur non marié de bénéficier de la protection qui lui a été accordée. Il prévoit également une meilleure prise en compte du besoin de protection lié au genre et à l'orientation sexuelle ouvrant droit, sur ce fondement, à une protection au titre de la convention de Genève. De plus, les droits accordés aux réfugiés et aux bénéficiaires d'une protection subsidiaire seront alignés en ce qui concerne l'accès à l'emploi et aux soins de santé. Par ailleurs, la période de validité du titre de séjour délivré au bénéficiaire d'une protection subsidiaire lors du renouvellement du titre, qui était fixée à un an par le texte en vigueur, sera allongée à deux années.

• La directive « accueil »

Adopté le 26 juin 2013, le texte issu de la refonte de cette directive (2013/33/EU) relève et harmonise les normes d'accueil des demandeurs de protection internationale , notamment pour les personnes vulnérables qui ont des besoins particuliers en matière d'accueil. Ce texte tend à approfondir les droits et garanties offerts aux demandeurs d'asile à quatre titres. Ainsi :

- le placement en rétention des demandeurs d'asile , effectué soit par l'autorité administrative soit par l'autorité judiciaire, sera conditionné à un contrôle juridictionnel accéléré ;

- les conditions matérielles d'accueil seront améliorées et établies en fonction des niveaux existants pour les ressortissants nationaux dans l'État membre concerné ;

- les besoins particuliers des personnes vulnérables seront évalués et pris en compte afin d'améliorer leur accueil ;

- l' assistance et la représentation juridique gratuites seront renforcées, les demandeurs de protection internationale disposant du droit d'accès à un recours effectif pour attaquer des décisions relatives à l'octroi, au retrait ou à la limitation des avantages et des décisions portant sur le séjour et la liberté de circulation.

• La directive « procédure »

Adoptée le 26 juin 2013, la refonte de la directive « procédure » (2013/32/UE) prévoit :

- l' encadrement des délais d'examen de la demande : une période initiale de six mois est établie, assortie d'une prolongation éventuelle de 9 mois pour les cas complexes ;

- des améliorations s'agissant de la qualité de la procédure et en particulier des conditions de l'entretien avec le demandeur : présence de l'avocat, enregistrement audio ou vidéo de l'entretien admissible comme élément de preuve en appel ; examinateur et interprète de même sexe que le demandeur si le motif de protection le justifie ;

- la prise en compte des besoins procéduraux des personnes vulnérables tels que les mineurs non accompagnés et les victimes de torture qui pourront être exclus des procédures « accélérées » ;

- pour les mineurs isolés, la possibilité d'appliquer la procédure d'asile « à la frontière » dans des conditions particulièrement encadrées ;

- un approfondissement des garanties en matière d'information du demandeur et une amélioration de l'assistance juridique en première et en seconde instance .

b) Les craintes exprimées sur les délais de traitement de la demande d'asile au regard des nouvelles obligations découlant des directives

La transposition à venir de ces directives, qui doit intervenir pour les deux dernières avant le 20 juillet 2015, va entraîner une révision en profondeur de notre dispositif d'accueil des demandeurs d'asile, en particulier la directive « procédure ».

L'impact de cette dernière sur les délais de traitement des demandes d'asile devrait être important , en particulier ses dispositions prévoyant l'assistance par un conseil de son choix lors de l'entretien personnel et l'enregistrement de cet entretien.

Le directeur général de l'OFPRA a ainsi indiqué à votre rapporteur qu'au regard des expériences étrangères, une diminution du nombre de dossiers traités dans un temps déterminé était à anticiper au moment même où le renfort en effectifs d'officiers de protection laissait espérer d'atteindre l'objectif cible du traitement de 412 à 420 dossiers par an d'ici 2015.

Le secrétaire général de la CNDA a, pour sa part, appelé l'attention de votre rapporteur sur les conséquences des choix qui seront effectués pour la transposition de certaines dispositions sur l'organisation de la juridiction . Ainsi, le choix d'un enregistrement audio plutôt que d'un compte-rendu écrit poserait la question de la valeur probante devant la Cour de cette nouvelle pièce et avec elle, celle d'une modification de la nature du contentieux des recours portés devant elle.

2. La nécessité d'une meilleure coopération européenne en matière d'asile

Si l'harmonisation des cadres juridiques en matière d'asile au niveau européen est souhaitable, elle ne suffira probablement pas à remédier aux difficultés nées d'un défaut de coopération entre les États-membres. La multiplication des naufrages de navires transportant notamment des demandeurs d'asile en mer Méditerranée, dont Lampedusa est devenu le tragique symbole, témoigne de l'impérative nécessité d'agir à l'échelle européenne et non nationale en ce domaine.

À cet égard, une mise en oeuvre effective par l'ensemble de nos partenaires européens du système « Dublin II » via l'alimentation de la base EURODAC qui recense les empreintes digitales des demandeurs d'asile aux fins d'identification, permettrait probablement de vider certaines querelles et favoriserait la coopération.

Par ailleurs, l'établissement d'une liste des pays d'origine sûrs commune à l'ensemble des États-membres permettrait de renforcer la crédibilité et l'efficacité de la notion même de pays d'origine sûrs sur laquelle se fonde le recours à la procédure prioritaire pour l'examen des demandes d'asile des ressortissants de certains pays. Cette proposition, formulée par nos collègues Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa dans leur rapport d'information relatif au droit d'asile, reprenait l'article 29 de la directive « procédure » 7 ( * ) . Une telle mesure participerait assurément d'une meilleure acceptation du recours à la procédure prioritaire sur ce fondement.

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Au bénéfice de ces observations, votre commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'asile par le projet de loi de finances pour 2014.


* 7 Cf. proposition n° 18 du rapport d'information fait par MM. Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa au nom de la commission des lois sur la procédure de demande d'asile (n° 130, 2012-2013) http://www.senat.fr/notice-rapport/2012/r12-130-notice.html

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