II. LA NÉCESSITÉ DE RENFORCER L'EFFICACITÉ DE LA JUSTICE ADMINISTRATIVE FACE À UNE PRESSION CONTENTIEUSE CONSTANTE

A. DES PERFORMANCES SATISFAISANTES DANS UN CONTEXTE CONTENTIEUX TENDU

1. Des indicateurs dans le vert...

En projet de loi de finances pour 2014, la structure des objectifs et indicateurs de performances du programme 165 reste inchangée par rapport au projet de loi de finances pour 2013. Elle permet d'évaluer la maîtrise des délais de jugement ainsi que le maintien de la qualité des décisions rendues.

L'objectif n° 1 de réduction des délais de jugement des juridictions administratives, a été globalement atteint en 2012 .

Le délai prévisible moyen de jugement des affaires en stock 3 ( * ) , passé pour la première fois sous la barre d'un an en 2011, toutes juridictions confondues, a encore diminué en 2012 dans les tribunaux administratifs (- 29 jours, pour s'établir à 9 mois et 28 jours) et dans les cours administratives d'appel (- 7 jours, à 11 mois et 11 jours). Au Conseil d'État, il reste quasiment stable, à 8 mois et 26 jours.

Si ces performances mises en avant par le Conseil d'État sont tout à fait satisfaisantes, votre rapporteur tient cependant à préciser que cet indicateur ne distingue pas selon les types de décisions . Sont donc comptabilisées, de la même manière, les affaires complexes et les ordonnances ou les affaires traitées dans des délais d'urgence. Selon Mme Véronique Hermann, secrétaire générale de l'union syndicale des magistrats administratifs (USMA), entendue par votre rapporteur, cet indicateur ne rend pas compte de la réalité des choses.

Ce point de vue est partagé par les magistrats que votre rapporteur a rencontrés lors de son déplacement au tribunal administratif de Lille. Communiquer sur un délai de jugement inférieur à un an risque d'induire le justiciable en erreur, puisque le délai de jugement des affaires ordinaires (hors référés-procédures d'urgence, hors affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers et hors ordonnances) s'établit devant les tribunaux administratifs, en 2012, à 1 an, 10 mois et 6 jours .

Votre rapporteur préfère donc apprécier les progrès réalisés par la juridiction administrative en matière d'amélioration des délais de jugement à l'aune de l'indicateur « délai moyen constaté pour les affaires ordinaires » 4 ( * ) .

Ces délais ont été sensiblement améliorés en 2012 toutes juridictions confondues. En première instance, il a diminué de 2 mois et 12 jours par rapport à 2011, pour s'établir à 1 an, 10 mois et 6 jours. En appel, le délai a diminué de 12 jours pour se fixer à 1 an, 2 mois et 1 jour. Il s'est établi, pour la première fois, à un niveau inférieur à 2 ans pour les deux niveaux de juridictions. Au Conseil d'Etat, ce délai était en 2012 de 1 an, 4 mois et 5 jours (contre 1 an, 5 mois et 15 jours en 2011) et devant la Cour nationale du droit d'asile, les affaires ont été traitées en 9 mois et 29 jours (11 mois et 10 jours en 2011).

L'effort de « rajeunissement » du stock s'est également poursuivi en 2012. Dans les tribunaux administratifs, la part des affaires enregistrées depuis plus de deux ans , ne représentait plus que 13 % du total des affaires en stock (13,8 % en 2011 et 40 % en 2002). Dans les cours administratives d'appel, ces affaires ont connu une légère augmentation, passant de 4,4 % du stock total en 2011 à 4,8% en 2012. Devant le Conseil d'Etat, la diminution a été importante (7,2% des affaire en 2011 et 5,9% en 2012).

Les décisions des juridictions administratives s'inscrivent désormais dans un « délai raisonnable » au sens de la convention européenne des droits de l'homme (articles 5§3 et 6§1).

Le « délai raisonnable de jugement » devant les juridictions administratives

Le droit des justiciables à un délai raisonnable de jugement de leur affaire par le juge administratif a été consacré par la décision d'assemblée du Conseil d'Etat « Magiera » du 28 juin 2002. Le code de justice administrative a été modifié afin de donner à ce principe sa pleine effectivité.

Le Conseil d'Etat a arrêté, en s'inspirant de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, quatre critères permettant d'apprécier le caractère raisonnable ou non de la durée de la procédure juridictionnelle :

- la complexité de l'affaire ;

- le comportement du requérant (prise en compte de demandes se traduisant par un rallongement de la procédure voire de manoeuvres dilatoires) ;

- le comportement des autorités judiciaires ainsi que des autorités nationales ;

- la nature et l'importance du litige pour l'intéressé. À cet égard une célérité particulière s'impose lorsque la procédure risque d'être privée de tout effet utile du fait de l'espérance de vie réduite du requérant, ou met en cause le droit au respect de sa vie familiale, ou comporte un enjeu financier mettant en cause son activité professionnelle.

L'existence d'une faute lourde n'est plus exigée pour engager la responsabilité de l'Etat. Cette action en responsabilité relève, depuis le 1 er septembre 2005, en application des dispositions du 7° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, de la compétence du Conseil d'Etat en premier et dernier ressort.

Depuis le 1 er septembre 2005, le Conseil d'Etat a enregistré 120 requêtes 5 ( * ) et en a jugé 107. Dans 62 affaires le requérant a eu satisfaction totale ou partielle de sa demande, dans 42 cas le Conseil d'Etat a rejeté l'affaire et dans 3 cas, le requérant s'est désisté.

Afin de prévenir les durées de procédures excessives devant la juridiction administrative, l'article R. 112-2 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 19 décembre 2005, prévoit que toute partie faisant état de la durée excessive d'une procédure engagée devant un tribunal administratif ou une cour administrative d'appel, peut saisir le chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives qui a la faculté de faire des recommandations visant à remédier à cette situation.

Le chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives est par ailleurs rendu destinataire des décisions administratives ou juridictionnelles allouant une indemnité en réparation du préjudice causé par une durée excessive de procédure devant les juridictions administratives. Il peut ainsi, s'il le juge opportun, signaler aux chefs de juridiction les dossiers faisant apparaître un dysfonctionnement du service public de la justice.

Cependant, compte tenu du contentieux important auquel les juridictions doivent faire face et de la stabilité des effectifs des juridictions administratives, votre rapporteur souligne l' effet de « vase communicant » de l'effort de réduction des délais . L'apurement du stock ancien se fait logiquement au détriment des dossiers enregistrés plus récemment. De même, le traitement de certains contentieux, inscrits par le législateur dans des délais très contraints, comme le contentieux des étrangers, entraîne mécaniquement un traitement plus long des affaires ordinaires, comme les dossiers relatifs à la fiscalité, aux marchés publics ou à l'urbanisme.

Par exemple, au tribunal administratif de Lille, dans lequel votre rapporteur s'est rendu, le contentieux des étrangers a représenté 31 % des affaires en 2012 (contre 24 % en 2011). Selon le président de la juridiction, M. Benoît Rivaux, son traitement constitue un défi permanent pour le tribunal qui doit juger sans retard les autres contentieux. Les magistrats ont le sentiment d'être devenus des « urgentistes » du droit.

Cette spécificité du tribunal administratif de Lille se reflète dans les délais de jugement de la juridiction. Alors que son délai prévisible moyen de jugement s'est établi pour 2012 à 9 mois et 3 jours, ce qui est inférieur à la moyenne nationale, son délai moyen constaté pour les affaires ordinaires, qui exclut les procédures qui s'inscrivent dans des délais brefs (comme le contentieux des étrangers), s'est établi à 2 ans, 1 mois et 25 jours (contre 1 an, 10 mois et 6 jours pour la moyenne nationale).

Le délai de traitement des affaires ordinaires s'explique également par le fait qu'en dix ans, le contentieux traité par la juridiction lilloise a doublé passant de 4 837 affaires en 2002 (506 affaires relevant du contentieux des étrangers) à 7 500 affaires en 2012 (dont 1 650 contentieux des étrangers), alors que les effectifs théoriques de magistrats n'ont augmenté dans le même temps que de trois ETPT passant de 27 à 30 et ceux du greffe d'un seul, passant de 38 à 39 ETPT.

Quant à la qualité des décisions juridictionnelles , elle est mesurée par leur taux d'annulation.

2011

2012

2013

2013

2014

2015

(prévision PAP)

(prévision actualisée)

(prévision)

(cible)

Taux d'annulation par les CAA des jugements des TA

18,1 %

16,4 %

< 15 %

16 %

15 %

< 15 %

Taux d'annulation par le CE des arrêts des CAA.

20,2 %

17,9 %

< 15 %

19,6 %

17,3 %

< 15 %

Taux d'annulation par le CE des jugements des TA

18,3 %

17,7 %

< 15 %

25,6 %

20,8 %

< 15 %

Taux d'annulation par le CE des décisions de la CNDA

4,9 %

6,2 %

< 5 %

5,8 %

4,7 %

< 5 %

Source : projet annuel de performances 2014.

Pour 2012, ce taux s'est amélioré pour les trois degrés de juridictions, s'approchant ainsi de de l'objectif cible de 2015 : 15% d'annulation.

En revanche, les taux d'annulation des décisions des cours administratives d'appel (CAA) et des tribunaux administratifs (TA) par le Conseil d'Etat (CE) sont en nette augmentation dans les prévisions actualisées 2013.

Selon le Conseil d'Etat, cette dégradation de l'indicateur résulte en grande partie du traitement de séries et ne devrait pas compromettre l'objectif cible fixé pour 2015.

Plus largement, lorsqu'il a été entendu par votre rapporteur, le secrétaire général du Conseil d'Etat, M. François Séners, a fait état d'une augmentation générale du taux d'appel et de pourvoi en cassation. Ce phénomène pourrait être le révélateur d'un climat d'insatisfaction générale. Il pourrait également résulter d'un effet paradoxal du raccourcissement du délai de jugement. Le laps de temps entre l'enregistrement de l'affaire et son jugement étant réduit, le perdant serait toujours dans la dynamique du procès au moment de la décision, ce qui l'inciterait à poursuivre la procédure.

Enfin, le renforcement de l'efficience des juridictions (objectif n° 3) est mesuré par le nombre d'affaires réglées par magistrat et agent de greffe. La légère baisse constatée en 2012 s'explique par le fait qu'un très gros effort de productivité ayant été réalisé ces dernières années, les juridictions ont apuré leur stock. Ce léger recul s'explique également par l'alourdissement du contentieux des étrangers à la suite de la loi du 16 juin 2011 6 ( * ) .

Dans les tribunaux administratifs, plus spécifiquement, l'augmentation continue depuis plusieurs années du nombre de dossiers traités en formation collégiale (42 % du total des affaires traitées en 2013 selon les prévisions, contre 38 % en 2009), et la forte diminution des affaires réglées par ordonnance ou par juge unique (- 8 %) conduisent mécaniquement à une légère baisse de la productivité moyenne annuelle des magistrats. Ce mouvement s'explique notamment par la complexification des contentieux traités (marchés publics, responsabilité hospitalière urbanismes, fiscalité..). Si cette évolution de la structure du contentieux devait se confirmer, l'objectif cible de 2015 devrait être revu à la baisse.

Quant à la CNDA, en 2012, la grève des auxiliaires de justice, qui a généré une augmentation très sensible du taux de renvoi des affaires enrôlées a pesé négativement sur cet indicateur.

Nombre d'affaires réglées par magistrat et par agent de greffe

Unité

Magistrat

Agent de greffe

2011
Réalisation

2012
Réalisation

2013
Prévision actualisée

2011
Réalisation

2012
Réalisation

2013
Prévision actualisée

CE

Nbre

79

74

80

150

138

145

CAA

Nbre

117

111

116

97

96

100

TA.

Nbre

258

248

240

192

193

205

CNDA

Nbre

290

287

312

241

275

270

Source : projet annuel de performances pour 2014.

Les résultats positifs des juridictions administratives ont pu être obtenus grâce aux moyens dont dispose la juridiction administrative, mais également grâce à la mobilisation des magistrats et des personnels, dont l'effort de productivité consenti a facilité l'absorption du contentieux. Votre rapporteur tient ici à rendre hommage à leur grand sens du service public. Cependant, entendu par votre rapporteur, M. François Séners, secrétaire général du Conseil d'Etat, a estimé que les magistrats et les personnels avaient atteint leur niveau maximum de productivité et qu'il serait difficile, dans l'avenir d'aller au-delà.

2. ... malgré un niveau d'activité élevé et une multiplication des compétences des juridictions administratives

Devant les tribunaux administratifs , 178 491 affaires nouvelles ont été enregistrées en données nettes 7 ( * ) en 2012, soit - 2,4 % par rapport à 2011. Le contentieux des étrangers et celui du logement ont augmenté alors que les autres principales matières (contentieux fiscal, de la fonction publique, de la police, de l'urbanisme) sont en diminution.

Le nombre d' affaires jugées poursuit sa progression avec 190 380 affaires jugées en 2012, soit une augmentation de 2,1 % par rapport à 2011. Le taux de couverture (affaires jugées sur affaires enregistrées) progresse de façon significative : il passe de 102 % en 2011 à 106,6 % en 2012, ce qui permet aux tribunaux de diminuer le stock d'affaires restant a` juger.

Les cours administratives d'appel ont enregistré 28 494 affaires en données nettes en 2012, soit une augmentation modérée de 0,8 %. Elles ont jugé 29 169 dossiers (29 314 en 2011). Les cours ont donc jugé plus d'affaires qu'elles n'en ont enregistrées. Le taux de couverture est de 102,4 % en 2012.

Au Conseil d'Etat , 9 035 affaires ont été enregistrées en données nettes (9 346 en 2011), soit une diminution de 3,3 % . 9 131 affaires ont été réglées. Cette diminution doit être relativisée, dans la mesure où avaient été comptabilisés en 2011 quelques 200 dossiers relatifs aux recours contre les décisions de la Commission nationale d'aménagement commercial, en instance devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel et transférés au Conseil d'État en application du décret du 1 er août 2011.

La juridiction administrative s'est vue et se voit transférer de nouvelles compétences . Après le contentieux du droit au logement opposable (DALO) en 2007 et les contentieux liés au revenu de solidarité active (RSA) en 2008, la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi donne compétence au juge administratif pour connaître des litiges relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), qui relevaient jusqu'à présent du tribunal de grande instance. L'article L. 1235-7-1 du code du travail prévoit désormais que « ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif ».

Le texte impose des délais de jugement strictement encadrés. Le recours doit être présenté dans un délai de deux mois, le juge devant rendre sa décision dans les trois mois. À l'issue de ce délai, s'il ne s'est pas prononcé ou en cas d'appel, le litige est porté devant la cour administrative d'appel qui statue également dans un délai de trois mois. Si la cour ne s'est pas prononcée dans ce délai ou en cas de pourvoi en cassation, l'affaire est portée devant le Conseil d'État.

Toute personne ayant un intérêt à agir pourra également saisir le juge administratif en référé (référé-suspension et référé-liberté notamment).

De plus, en 2014, le Conseil d'Etat aura à connaître , en premier et dernier ressort, d'un contentieux inédit sous la V ème République, celui du redécoupage des circonscriptions cantonales .

Lors de ses échanges avec votre rapporteur, le secrétaire général du Conseil d'Etat, M. François Séners, a relevé que, si ce contentieux était relativement balisé juridiquement, compte-tenu de la jurisprudence abondante du Conseil constitutionnel sur le découpage des circonscriptions législatives, il pourrait être important en masse.

Votre rapporteur souhaite également attirer l'attention de la commission sur le fait que le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, actuellement en navette, prévoit la dépénalisation du stationnement payant afin de lui substituer un service public décentralisé.

Dès lors, s'agissant de redevances administratives, les redevances de post-stationnement feront l'objet d'un recours devant le tribunal administratif , alors que les contraventions sont actuellement contestées devant le tribunal de police.

Selon M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, entendu par le député Olivier Dussopt, rapporteur du projet de loi pour la commission des lois de l'Assemblée nationale 8 ( * ) , le transfert aux tribunaux administratifs d'un contentieux de masse constitué des 13 millions d'amendes annuelles de stationnement correspondrait à un surcroît de travail équivalant à 96 à 298 agents et magistrats supplémentaires, soit 8,5 à 26,7 millions d'euros par an.

En outre, le contentieux devant le juge administratif pourrait porter non seulement sur la légalité du forfait de post-stationnement, mais également sur les délibérations des collectivités et des établissements publics de coopération intercommunale qui l'auront mis en place.

Les contentieux administratifs spécifiques

Outre les contentieux traditionnels, les juridictions administratives doivent faire face à la montée en puissance de contentieux spécifiques, découlant de réformes législatives récentes. Ces contentieux de masse peuvent avoir un effet d'éviction sur le traitement des autres litiges et entraîner une activité par « à-coups » de la justice administrative, portant ses efforts tantôt sur tel contentieux tantôt sur tel autre.

La montée en puissance du droit au logement opposable

La loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable a instauré une procédure de recours ad hoc à destination de personnes qui n'ont pas reçu une offre de logement social correspondant à leurs besoins et à leurs capacités, pour leur permettre d'obtenir du juge qu'il ordonne de les loger ou de les reloger, au besoin sous astreinte.

Cette procédure génère un contentieux important devant les juridictions administratives, particulièrement devant les tribunaux administratifs . L'appel et la cassation restent marginaux dans ce domaine.

Il a connu une progression importante depuis sa création en 2007. En 2008, les tribunaux administratifs ont enregistré 7 933 affaires sur ce fondement (4 % du total des entrées). En 2012, on en comptait 11 940 (7 % du total des entrées).

Les recours juridictionnels se concentrent dans les territoires qui connaissent les plus grandes difficultés en matière de logement : Île-de-France et, dans une moindre mesure, façade méditerranéenne et nord de la France. Depuis 2008, le territoire francilien concentre à lui seul 85 % du total des recours .

L'explosion du contentieux de l'éloignement des étrangers

En 2011, les juridictions administratives ont eu à mettre en oeuvre la réforme des procédures contentieuses relatives à l'éloignement des étrangers en situation irrégulière prévue par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration , à l'intégration et à la nationalité et immédiatement appliquée par le décret n° 2011-819 du 8 juillet 2011.

Cette loi a profondément modifié le régime contentieux applicable aux mesures d'éloignement, lorsque l'intéressé est placé en rétention. Elle a notamment inversé l'ordre d' intervention du juge des libertés et de la détention et celle du juge administratif . Cette inversion a contribué à l' accroissement du nombre de recours dont le juge administratif a été sais i, le requérant étant incité à saisir le premier juge « utile ».

La loi a également entraîné un alourdissement de la charge de travail induite par chaque recours. Un même dossier peut donner lieu à cinq séries de contestations portant sur le principe même de l'éloignement de l'étranger, le cas échéant, l'absence de délai de retour volontaire qui lui est laissé, le choix du pays de destination, le bien-fondé de son placement en rétention, le prononcé d'une interdiction de retour.

Pour 2012, le contentieux des étrangers s'est établi, devant les tribunaux administratifs, à un niveau encore jamais atteint de 56 800 dossiers, soit 32 % du total des requêtes enregistrées et 12 538 dossiers, soit 44 % devant les cours administratives d'appel, alors même que l'arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 5 juillet 2012, invalidant la garde à vue des étrangers pour le seul motif de séjour irrégulier, a entrainé mécaniquement une diminution du nombre de décisions attaquables à compter de cette date et jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2012-1560 du 31 décembre 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées.

Cependant, alors que le contentieux des étrangers augmente tendanciellement, pour la première fois, en 2013, il diminue d'environ 6 %, sans que les services du Conseil d'Etat ne puissent en expliquer la raison.

La nette augmentation du contentieux relatif au revenu de solidarité active

La loi n° 2008-1249 du 1 er décembre 2008 généralisant le revenu de solidarité active (RSA) et réformant les politiques d'insertion, en faveur des tribunaux administratifs a prévu que le contentieux du RSA relève désormais de la compétence des tribunaux administratifs alors qu'il relevait de la compétence des commissions d'aide sociale, et celui de l'allocation de parent isolé (auquel le RSA s'est également substitué) des tribunaux des affaires de sécurité sociale. Ce contentieux représentait 12 000 affaires devant les commissions départementales d'aide sociale.

Dans un premier temps, le niveau de ce contentieux est resté relativement faible devant les juridictions administratives, du fait d'un retard dans la mise en oeuvre de ce transfert et d'un déficit d'information des justiciables sur leur droit au recours. Ces deux obstacles ayant été levés, le contentieux du RSA, qui s'élevait à 1 325 affaires en 2009, a augmenté d'environ 200 % en quatre ans pour atteindre près de 2 750 dossiers en 2010 et 2011 et 4 017 en 2012. Les entrées du début de l'année 2013 sont en nette progression : + 17%, comparé à la même période l'année dernière. Les requêtes en matière du RSA ont représenté 2,2 % du total des affaires enregistrées en 2012 (contre 1,5 % en 2011).

À l'activité contentieuse, s'ajoute pour le Conseil d'Etat une activité consultative importante. En 2012, il a examiné 109 projets de loi, 29 projets d'ordonnance et 940 projets de décret, dont 272 individuels. 100 % des projets de loi ont été examinés en moins de deux mois et 28 % des textes en moins de 15 jours. Quant aux projets de décrets, 83 % des textes ont été examinés en moins de deux mois et 23 % en moins de 15 jours.

Enfin, concernant les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC), entre 2010 et 2012, leur rythme a décru sensiblement pour atteindre, en 2012, un « rythme de croisière ». Les tribunaux administratifs ont été saisis' de 374 QPC en 2012, les cours administratives d'appel de 105 et le Conseil d'État de 187.

Deux domaines se dégagent particulièrement : le contentieux fiscal avec 62,5 % des QPC déposées en première instance en 2012 et 23,8 % des QPC en appel, et le contentieux des collectivités territoriales. Les autres principaux contentieux (fonction publique, urbanisme, professions réglementées, police, pensions, étrangers, travail, aide sociale, et sante' publique) représentent chacun moins de 5 % du total.

Depuis le 1 er mars 2010, le taux global de transmission des QPC au Conseil constitutionnel est de 24 %. En moyenne, dans plus de 70 % des cas, le Conseil constitutionnel a rendu des décisions de conformité à la Constitution.


* 3 Il s'agit du nombre de décisions en stock en fin d'année, divisé par la capacité annuelle de jugement. Il prend en compte tous les types d'affaires, y compris les ordonnances et les procédures d'urgence ou les procédures enfermées dans un délai déterminé

* 4 Il s'agit de la somme des délais de jugement de toutes les affaires « ordinaires » réglées durant l'année (hors référés-procédures d'urgence, hors affaires dont le jugement est enserré dans des délais particuliers, et compte non tenu des ordonnances) divisée par le nombre de dossiers de ce type réglés au cours de l'année.

* 5 Affaires enregistrées :

2005 (*)

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013 (**)

Total

25

24

16

14

8

6

12

5

10

120

(*) du 01/0/9/05 au 31/12/05

(**) du 01/01/13 au 31/07/13

* 6 Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

* 7 Les données nettes excluent les affaires dites de « série », c'est à dire celles qui présentent à juger en droit, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification des faits, une question qui a déjà fait l'objet d'une décision juridictionnelle.

* 8 Rapport n° 1216 de M. Olivier Dussopt, fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, p.403 et suivantes : http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rapports/r1216.pdf

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