III. LA POURSUITE DE LA MUE DU RÉSEAU DIPLOMATIQUE

A. UN REDIMENSIONNEMENT TOUJOURS EN COURS PAR POSTE ET PAR ZONE

Le réseau diplomatique français, composé de 162 ambassades - sans compter notre ambassade en Syrie, fermée depuis mars 2012 - et 16 représentations permanentes auprès d'organisations internationales, auxquelles il convient d'ajouter deux antennes diplomatiques et 92 implantations consulaires, constitue toujours le troisième réseau diplomatique au monde , derrière celui des États-Unis (qui compte 168 ambassades et 13 missions multilatérales, ainsi que près de 30 000 diplomates, soit deux fois plus que l'effectif français) et celui de la Chine (164 ambassades et 9 missions multilatérales). Le Royaume-Uni et l'Allemagne, qui disposent d'effectifs diplomatiques comparables à ceux de la France, entretiennent, respectivement, 148 ambassades et 8 missions multilatérales pour le premier, 145 ambassades et 11 missions multilatérales pour la seconde.

L' universalité de ce réseau a été maintenue ; elle représente un « avantage comparatif » certain de la diplomatie française, et un précieux atout pour le rayonnement de notre pays. Mais elle s'accompagne, d'une manière accentuée depuis 2008, d' évolutions destinées rationaliser et redessiner ce réseau , de façon à mieux répondre, d'une part, à l'évolution même des enjeux internationaux et aux priorités de politique étrangère définies par le Gouvernement et, d'autre part, à la contrainte qui pèse sur nos finances publiques, en s'efforçant de mettre en rapport les moyens humains et budgétaires disponibles avec les besoins stratégiques.

Cette adaptation continue, qui s'avère aujourd'hui la condition permettant d' éviter la fermeture de postes , et que rendent en partie possible les moyens et méthodes modernes de travail, suit deux voies à la fois : celle du « recalibrage » des postes et celle du redéploiement géographique.

Dix ans d'évolution du réseau

Si le nombre d'ambassades a augmenté depuis 2005, les dernières ouvertures de postes (à Podgorica, Pristina, Bichkek, Djouba) résultent de transformations de structures pré-existantes (consulats généraux, bureaux ou antennes diplomatiques), dans un contexte d'évolution géopolitique. Pour sa part, le réseau consulaire a connu des modifications touchant à la fois aux implantations (adaptation de la carte, création de pôles régionaux) et aux fonctions (mise en place de postes à gestion simplifiée, simplification accrue des procédures, développement de l'administration électronique, etc.).

Les principales évolutions depuis 2005 se présentent comme suit :


•Europe occidentale

- Belgique : Fermeture des consulats généraux à Anvers et Liège (2011).

- Luxembourg : Transformation du consulat en section consulaire d'ambassade (2011).

- Monaco : Transformation du consulat général à Monaco en ambassade (2006).

- Portugal : Transformation du consulat général à Lisbonne en section consulaire d'ambassade (2005).


•Europe orientale

- Bosnie-Herzégovine : Fermeture du bureau de liaison franco-allemand de Banja Luka (2010).

- Kazakhstan : Transfert de l'ambassade d'Almaty à Astana (2007). Un bureau d'ambassade est créé à Almaty. Transformation du bureau d'ambassade à Almaty en consulat général (2010).

- Kirghizstan : Transformation de l'antenne diplomatique de Bichkek en ambassade (2010).

- Kosovo : Transformation du bureau à Pristina en ambassade (2008).

- Monténégro : Transformation du bureau à Podgorica en ambassade (2006).

- Russie : Ouverture d'un consulat général à Ekaterinbourg (2007), transformation du consulat général à Ekaterinbourg en poste à gestion simplifiée (2012).


•Afrique du Nord - Moyen-Orient

- Algérie : Réouverture du consulat général à Oran (2007).

- Irak : Ouverture d'un bureau d'ambassade à Erbil (2007), transformation en consulat général (2009).

- Syrie : Fermeture temporaire de l'ambassade à Damas (2012).


•Afrique sub-saharienne

- Bénin : Transformation du consulat à Cotonou en section consulaire d'ambassade (2011).

- Cameroun : Transformation du consulat général à Yaoundé en section consulaire d'ambassade. Fermeture du consulat à Garoua (2009).

- Centrafrique : Transformation du consulat général à Bangui en section consulaire d'ambassade (2007).

- Djibouti : Transformation du consulat général à Djibouti en section consulaire d'ambassade (2011).

- Gabon : Transformation du consulat général à Port Gentil en chancellerie détachée (2008).

- Gambie : Fermeture de l'antenne diplomatique à Banjul (2013).

- Liberia : Réouverture de l'ambassade à Monrovia (2007).

- Malawi : Fermeture de l'antenne diplomatique à Lilongwe (2013).

- Madagascar : fermeture des chancelleries détachées de Majunga et Tamatave (2013).

- Rwanda : Fermeture de l'ambassade à Kigali (rupture des relations diplomatiques) en 2006. Réouverture de l'ambassade à Kigali (rétablissement des relations diplomatiques) en 2010.

- Sénégal : Fermeture du consulat général à Saint Louis du Sénégal (2010).

- Sierra Leone : Fermeture de l'antenne diplomatique à Freetown (2014).

- Soudan : Ouverture d'un bureau d'ambassade à Djouba (2008). Transformation en consulat général (2010).

- Soudan du Sud : transformation du Consulat Général à Djouba en ambassade au Soudan du sud, à la suite de l'indépendance du pays (2011).


•Asie

- Chine : Ouverture d'un consulat général à Chengdu (2005). Ouverture d'un consulat général à Shenyang (2007).

- Inde : Ouverture d'un consulat général à Bangalore et Calcutta (2008).


•Amériques

- Canada : Fermeture d'un consulat à Calgary (2013).

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

1. Des postes « recalibrés »

Un plan d'adaptation du dispositif diplomatique à l'étranger a été défini pour les années 2013 à 2015 . Ce plan, sans remettre en cause l'universalité du réseau, s'inscrit sous la contrainte d'une diminution nette de 600 ETP sur la période. Il conserve le principe de « modularité » retenu depuis 2008 : pour ajuster la dimension de chaque poste aux enjeux du pays ou de la zone en cause, trois catégories de poste ont été définies :

- les postes « à mission élargies », dont certains sont « à format d'exception », qui assurent l'ensemble des missions de l'État à l'étranger ;

- les postes « à missions prioritaires », dont l'action se trouve centrée sur un nombre restreint de sujets ;

- et les postes « de présence diplomatique » (PPP), créés depuis 2013 là où il s'agit avant tout de préserver une capacité de veille et d'analyse politique. Le coeur des missions de ces PPP consiste dans la représentation diplomatique auprès des autorités de résidence ; selon le contexte local, ils peuvent en outre remplir une à deux missions additionnelles, notamment la mise en oeuvre de programmes de coopération.

Suivant cette catégorisation, la cartographie du réseau se présente, aujourd'hui, comme suit :

- 8 ambassades dites « à mission élargies et à format d'exception » (pour l'Allemagne, l'Espagne, les États-Unis, l'Italie, Madagascar, le Maroc, le Royaume-Uni et le Sénégal) ;

- 29 postes « à missions élargies » (Afrique du Sud, Algérie, Arabie Saoudite, Argentine, Australie, Brésil, Cameroun, Canada, Chine, Corée, Côte d'Ivoire, Égypte, Émirats-Arabes-Unis, Éthiopie, Inde, Indonésie, Israël, Japon, Kenya, Liban, Mexique, Nigéria, Pakistan, Pologne, Russie, Thaïlande, Tunisie, Turquie et Ukraine) ;

- 95 postes « à missions prioritaires » ;

- enfin, 13 postes dits « de présence diplomatique » (PPP situés à Brunei, au Cap-Vert, en Érythrée, en Guinée-Bissao, au Honduras, en Jamaïque, au Kirghizstan, au Libéria, au Népal, en Papouasie-Nouvelle Guinée, au Tadjikistan, à Trinité-et-Tobago et en Zambie). Une réflexion vient d'être lancée pour étendre ce dispositif à d'autres postes au cours du triennum 2015 -2017.

Il convient de préciser que les missions assurées par les deux dernières antennes diplomatiques existantes - à Freetown d'une part, à Sao Tomé-et-Principe d'autre part - seront progressivement rapatriées, d'ici la fin de l'année 2015, vers les capitales de rattachement - respectivement Libreville et Conakry.

Les 37 postes « à missions élargies », y compris « à format d'exception », accueillent plus de la moitié du total des effectifs. Par ailleurs, sur les 16 représentations permanentes de la France auprès d'organisations internationales, les plus importantes sont naturellement celles qui se trouvent à Bruxelles (auprès de l'Union européenne et de l'OTAN : 117 agents au total) et aux États-Unis (auprès de l'ONU et de ses organisations : 67 agents).

Répartition des emplois par catégorie de postes diplomatiques

(en ETP)

Nombre d'emplois

Part du total

Nombre moyen d'emplois par poste

Postes à mission élargie et à format d'exception

1 787

17 %

223

Postes à missions élargies

3 603

34 %

124

Postes à missions prioritaires

4 458

42 %

47

Postes de présence diplomatique

456

4 %

15

Représentations permanentes

289

3 %

18

Représentation assurée par un autre poste

77

1 %

n.c.

Total

10 669

100 %

n.c.

Source : rapport pour avis (n° 2263) de notre collègue député Philippe Baumel, au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, sur le PLF 2015

Les 20 postes diplomatiques français les plus importants par le nombre d'emplois

(en ETP)

ETP au 31/12/2013

ETP au 31/12/2012

Évolution de 2012 à 2013

1

États-Unis

376

412

- 36

2

Maroc

336

334

+ 2

3

Chine

311

301

+ 10

4

Algérie

292

284

+ 8

5

Inde

221

217

+ 4

6

Russie

213

208

+ 5

7

Allemagne

211

217

- 6

8

Sénégal

208

231

- 23

9

Brésil

177

196

- 19

10

Royaume-Uni

176

175

+ 1

11

Madagascar

169

181

- 12

12

Espagne

162

164

- 2

13

Canada

158

159

- 1

14

Liban

153

154

- 1

15

Tunisie

152

157

- 5

16

Italie

150

149

+ 1

17

Cameroun

143

148

- 5

18

Turquie

140

137

+ 3

19

Mali

132

127

+ 5

20

Japon

124

126

- 2

Source : rapport pour avis (n° 2263) de notre collègue député Philippe Baumel, au nom de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, sur le PLF 2015

On notera que le réseau consulaire (objet du programme 151) a suivi une évolution semblable , avec la création de consulats « à gestion simplifiée » ou « d'influence », principalement chargés d'une mission de rayonnement et d'information au service de l'ambassade dont ils relèvent, la plupart créés en Europe ou en Amérique du Nord 10 ( * ) .

2. Un réseau redéployé

L'adaptation de notre outil diplomatique se traduit, depuis plusieurs années, par un effort de redéploiement des effectifs et des moyens à travers le monde, des zones « d'héritage » - celles de la présence française traditionnelle - vers de nouvelles zones prioritaires, déterminées par l'évolution géopolitique ; il s'agit en particulier des pays émergents . Cette adaptation est conduite parallèlement à l'ajustement du format des postes exposé ci-dessus. Dans un cas comme dans l'autre, l'enjeu est d'affecter les moyens de façon adéquate à la réalité des besoins et des intérêts stratégiques français.

Ainsi, d'après les informations recueillies, plus de 300 ETP, sur la période 2013-2015, auront été redistribués - dans le respect du plafond d'emplois du MAEDI - pour répondre à des besoins nouveaux. Cette stratégie bénéficie à nos ambassades en Afrique du Sud, en Arabie saoudite, en Azerbaïdjan, en Birmanie, au Chili, en Chine (+ 10 ETP entre fin 2012 et fin 2013), en Colombie, en Corée du Sud, aux Émirats Arabes Unis, en Inde, en Indonésie, au Kazakhstan, au Koweit, en Malaisie, au Mali, au Qatar, au Rwanda, à Singapour, ou encore en Turquie. Au cours de la même période, parallèlement, 75 ETP auront été créés au sein des services des visas français dans les pays émergents.

Vos rapporteurs pour avis souscrivent à cet indispensable aggiornamento , qui constitue d'ailleurs une condition sine qua non de la réussite de notre diplomatie économique (cf. infra ). L'évolution, toutefois, reste lente : au 1 er janvier de cette année, les effectifs étaient encore répartis à plus de 40 % en Afrique et au Moyen-Orient, contre seulement 16 % en Asie, où les enjeux stratégiques et économiques apparaissent pourtant, désormais, comme majeurs 11 ( * ) .

Répartition des effectifs diplomatiques par régions du monde

(en ETP)

Effectifs au 1 er /1/2013

Part du total

Effectifs au 1 er /1/2014

Part du total

Amériques

1 622,50

14,98 %

1 547,1

14,51 %

Afrique du Nord et Moyen Orient

1 768,50

16,33 %

1 777,2

16,67 %

Afrique subsaharienne

2 809,50

25,94 %

2 692,5

25,26 %

Asie et Océanie

1 680,90

15,52 %

1 702,9

15,97 %

Union européenne et pays d'Europe occidentale

1 989,50

18,37 %

1 964,2

18,42 %

Europe continentale

680,1

6,28 %

688,6

6,46 %

Représentations permanentes auprès d'organisations internationales

280,2

2,59 %

288,6

2,71 %

Total

10 831,20

100,0 %

10 661,10

100,0 %

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

Légende : - AME : Amériques

- ANMO : Afrique du Nord et Moyen-Orient

- AOI : Afrique subsaharienne

- AS : Asie et Océanie

- UE : Union européenne et pays d'Europe occidentale

- EUC : Europe continentale

- RP : représentations permanentes auprès d'organisations internationales

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

Du reste, il convient de ne pas s'enfermer dans une vision trop étroite de « l'émergence » . Cette notion, sur le plan économique notamment, concerne aussi l'Afrique - en particulier l'Afrique anglophone, où la France est historiquement moins présente. À cet égard, notre ambassade à Addis Abeba (Éthiopie) tient également lieu de représentation permanente française auprès de l'Union Africaine, et on peut se demander si la création d'une représentation permanente de plein exercice ne serait pas plus judicieuse.


* 10 Au 1 er janvier 2014, le réseau consulaire était composé de 228 postes, dont 91 consulats et consulats généraux, 133 sections consulaires d'ambassade, deux chancelleries détachées, une antenne consulaire et un bureau français (Taipei), complété par un réseau d'environ 500 agences consulaires. Cf. le rapport de nos collègues Jean-Pierre Grand et Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteurs pour avis sur le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

* 11 Cf. notamment le rapport d'information n° 723 (2013-2014) du groupe de travail de votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur « la France face à l'émergence de l'Asie du Sud-Est », établi par votre rapporteur pour avis Christian Cambon avec notre collègue Jean-Claude Requier et nos anciens collègues Jean-Claude Peyronnet et André Dulait (juillet 2014).

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