B. LA DIMENSION SOCIALE DU SOUTIEN À LA CRÉATION : DES EFFORTS À POURSUIVRE

1. La formation professionnelle continue

Le dispositif de formation professionnelle continue des artistes auteurs, adossé à l'Assurance formation des activités du spectacle (AFDAS) au sein d'une section particulière non paritaire, est opérationnel depuis le 15 avril 2013.

a) Moyens mis en oeuvre

Le conseil de gestion de la section particulière des artistes auteurs, dont la composition a été fixée par arrêté du 23 janvier 2013, s'est réuni à sept reprises au cours de l'année 2013. Après avoir fixé les critères d'éligibilité au fonds - affiliation à la Maison des artistes ou à l'association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) ou, pour les assujettis, justification d'un revenu d'artiste auteur minimum de 9 000 euros au cours des trois dernières années -, le conseil de gestion a procédé à la composition des 6 commissions professionnelles sectorielles : cinéma et audiovisuel, photographes, écrits et arts dramatiques, musique et chorégraphie, arts visuels 3D, images fixes et arts visuels.

Le conseil de gestion de l'AFDAS :
les conséquences de l'annulation prononcée par le Conseil d'État

À la suite d'une requête dirigée par le CAAP, le Conseil d'État a annulé les articles 2 et 4 du décret du 7 décembre 2012 et de l'arrêté du 25 janvier 2013 ayant introduit le IV de l'article R. 6331-64 du code du travail. Cette annulation prendra effet au 1 er janvier 2015.

Le ministère de la culture et de la communication a alerté le ministère chargé du travail de l'urgence qui s'attache à la mise en oeuvre des dispositions réglementaires modifiant le code du travail. La direction générale de la création artistique (DGCA) et la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) se sont rapprochées de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) afin d'élaborer un projet de décret modificatif qui devra être soumis à l'avis du Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (CNEFOP), puis du Conseil d'État. Un arrêté du MCC sera alors publié en application du décret.

Le budget du fonds est réparti entre les actions de formation transversale validées par le conseil de gestion (40 %) et celles validées par les commissions professionnelles (60 %). Ces dernières sélectionnent et valident des offres de formation qui peuvent être proposées aux auteurs dans les différents secteurs de création concernés. Les organismes de formation établissent ensuite leur programme de sessions de formation. Un plafond annuel de financement a été fixé à 7 200 euros par stagiaire.

Les premières formations transversales (langues, bureautique, gestion, etc.) ont été financées à partir du 1 er mai 2013 et les formations « métiers » à partir du 1 er septembre 2013.

b) Bilan d'activité

En 2015, 1 571 stagiaires ont bénéficié de 98 496 « heures stagiaires » de formation. La répartition des stagiaires par secteurs de création est la suivante :

- Images fixes et arts visuels : 48 %

- Arts visuels 3D : 6 %

- Écrits et arts dramatiques : 9 %

- Musique et chorégraphie : 3 %

- Cinéma et audiovisuel : 19 %

- Photographie : 15 %

1 581 formations ont été dispensées, dont 944 formations transversales, 20 bilans de compétences, 1 validation des acquis de l'expérience, 29 reconversions.

534 formations ont été validées par les commissions professionnelles, réparties de la manière suivante :

- Images fixes et arts visuels : 101

- Arts visuels 3D : 24

- Écrits et arts dramatiques : 56

- Musique et chorégraphie : 33

- Cinéma et audiovisuel : 227

- Photographie : 93

La majorité des formations a été financée dans des spécialités dites transversales. Cette tendance est essentiellement liée au fait que les formations métiers n'ont été financées qu'à partir du troisième trimestre 2013. 13 % des actions de formations ont été dispensées dans la spécialité « langues vivantes, civilisations étrangères et régionales », 19 % « spécialités plurivalentes de la communication », 12 % « journalisme et communication », 19 % « techniques de l'imprimerie et de l'édition », 16 % « techniques de l'image et du son ». La répartition des stagiaires par sexe montre une légère surreprésentation des femmes (56 %). Près de la moitié des stagiaires (46 %) se situent dans la classe d'âge de 45 à 64 ans.

c) Éléments financiers

Instituée par la loi du 28 décembre 2011, la contribution de formation professionnelle est recouvrée auprès des diffuseurs et des artistes auteurs depuis le 1 er juillet 2012. La participation des sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) repose quant à elle sur un engagement conventionnel annuel avec l'AFDAS.

Le bilan financier pour l'année 2013 fait état d'une collecte de 8,075 millions d'euros (hors taxes et avant prélèvement pour frais de gestion), répartis de la manière suivante :

- 650 000 euros au titre de la contribution des SPRD ;

- 5,060 millions d'euros au titre de la contribution provenant de l'Agessa ;

- 2,365 millions d'euros au titre de la contribution provenant de la Maison des artistes.

3,039 millions d'euros ont été engagés dans le financement des formations, et 310 000 euros ont été engagés au titre des frais de gestion. Le résultat pour l'année 2013 est de 4,727 millions d'euros, auxquels viennent s'ajouter les 3,224 millions d'euros collectés en 2012.

2. Le projet de caisse de sécurité sociale unique

Le projet d'unification du régime de sécurité sociale des artistes auteurs a fait l'objet d'un rapport conjoint de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) à la demande des ministres chargés des comptes publics, de la santé et de la culture. Ce rapport 11 ( * ) , rendu public en octobre 2013, dresse un constat assez sévère pour l'État : excepté la mise en place du fonds destiné à la formation professionnelle des artistes, aucune préconisation des rapports précédents n'a été suivie d'effet.

Pourtant, Michel Raymond (IGAS) et Serge Kancel (IGAC) en 2005 puis Gilles Butaud et Serge Kancel (IGAC) en 2009, avaient dressé un bilan très critique mettant en évidence les graves difficultés auxquelles les artistes auteurs sont confrontés depuis de nombreuses années. La question des retraites, notamment, était évoquée avec force.

S'appuyant sur le nouveau rapport conjoint de 2013 et après qu'un début de rapprochement des structures a été évoqué lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2014 par votre commission, le Gouvernement a engagé une première phase de concertation avec les organisations professionnelles et les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD) concernées, au cours du premier trimestre de l'année 2014.

Ce projet de réforme répond à un objectif de simplification, mais il est aussi l'occasion de consolider un régime spécifique de travailleurs indépendants rattaché au régime général. La création d'une caisse de sécurité sociale des artistes auteurs, réunissant les missions aujourd'hui dévolues à l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) et à la Maison des Artistes (MdA), est une des principales recommandations du rapport.

La concertation et les discussions menées avec les organisations professionnelles et les SPRD au cours de l'année 2013 et du premier semestre 2014 se sont focalisées sur les points suivants :

- la modification des conditions d'affiliation au régime (suppression de la distinction actuelle entre artistes auteurs affiliés et assujettis, question du maintien du caractère professionnel du régime et de la possibilité, pour ceux n'ayant pas les revenus suffisants, de « surcotiser » afin de valider quatre trimestres de retraite) ;

- la gouvernance du futur organisme et l'élection de son conseil d'administration ;

- la modification du champ du régime avec une possibilité d'extension à certains designers et artisans des métiers d'art indépendants, et la redéfinition des critères d'entrée en fonction des activités (réglementation notamment au regard du salariat, rôle des commissions professionnelles...) ;

- la mise en oeuvre de l'obligation de cotiser pour la retraite et de l'acquisition des droits afférents pour les actuels précomptés de l'Agessa .

Le ministère de la culture a indiqué que l'impact financier de la réforme ainsi que les éléments relatifs aux ressources humaines et aux moyens logistiques (déménagement, recrutements d'agents supplémentaires, convention collective, plan de formation...) à mettre en oeuvre étaient en cours d'analyse. Une proposition de plan de gestion des emplois et de l'évolution des compétences, accompagné d'éléments de cadrage financier, sera demandée au directeur de l'Agessa et de la MdA avant la fin de l'année 2014.

Par ailleurs, une réflexion sur la refonte du système informatique et de ses applicatifs a été engagée à partir des éléments fournis par l'Agessa et la Maison des artistes, qui poursuivent un travail de rapprochement depuis 2010. Une grande partie des coûts engagés pour la réforme sera liée à la mise en oeuvre du recouvrement des cotisations vieillesse auprès des actuels précomptés de l'Agessa.

Une question importante devra être également tranchée : celle de l'avenir de l'association de la Maison des artistes, qui coexiste avec la caisse, sous la même appellation. La clarification des missions et de l'avenir de chaque structure ne peut être éludée.

Votre rapporteur pour avis sera particulièrement attentif à la suite donnée à ce dossier, afin que soient associés tous les acteurs concernés, lesquels sont aujourd'hui dans l'attente d'une information de la part de l'État.

3. Le projet de convention collective

L'attente des professionnels semble être également le maître mot pour caractériser le dossier de la convention collective. Malgré un rapprochement opéré entre les artistes plasticiens et le Syndeac et en dépit de la demande officiellement transmise à la direction générale du travail de création d'une commission paritaire, aucune décision n'a été prise par le Gouvernement.

Comme le rappellent le CIPAC mais aussi le CAAP, l'existence d'une convention collective est essentielle pour le secteur des arts plastiques qui souffre de l'absence d'une structure équivalente au CNPS (Conseil national des professions du spectacle) dont le rôle est aujourd'hui unanimement salué par tout le secteur du spectacle vivant. L'évolution des missions du CNAP pourrait être étudiée dans une perspective d'accompagnement du secteur, sans qu'une nouvelle structure ne soit créée.

4. Les suites données au dossier des intermittents du spectacle

Les crédits de la mission « Culture » ne sont pas liés directement au sujet des intermittents. Mais votre rapporteur pour avis estime que la question de la dimension sociale du soutien à la création ne peut faire abstraction de l'intermittence définie par les annexes VIII et X de la convention d'assurance chômage .

Lors des travaux 12 ( * ) dirigés par Mme Maryvonne Blondin, la question de l'accompagnement social des politiques culturelles prenait une place centrale dans les réflexions. Elles seront certainement traitées par la mission de réflexion sur l'intermittence du spectacle confiée par le Gouvernement à Jean-Patrick Gille, Hortense Archambaud et Jean-Denis Combrexelle, dont on attend les conclusions pour la fin de l'année 2014.

Cette mission a été mise en place en réponse à la contestation de la réforme de l'assurance chômage issue de l'accord signé en mars 2014 par les partenaires sociaux. Les tensions ont notamment porté sur la question du différé d'indemnisation. Celui-ci commence à s'appliquer lorsque l'allocataire dépasse la rémunération horaire moyenne de 1,68 SMIC. Le différé s'impute uniquement sur les jours indemnisés, et est décalé lorsque l'allocataire travaille pendant la période de différé. D'après l'étude d'impact publiée en mai 2014 par l'Unedic, le nombre d'intermittents touchés par une mesure de différé devait passer de 9 à 48 %.

Compte tenu des critiques formulées à l'encontre de cette mesure, l'État a décidé de prendre en charge le différé d'indemnisation des intermittents du spectacle. L'Unedic estime que ce différé représente 100 millions d'euros en année pleine. Interrogé le mercredi 5 novembre 2014 par la commission des affaires sociales du Sénat, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a apporté les précisions suivantes : « le Gouvernement a décidé que les règles du différé pour les intermittents sont celles antérieures à la nouvelle convention. Je crains que ce soit mon budget qui assure la prise en charge du manque à gagner pour l'Unedic. » 13 ( * )

Après la publication du décret du 13 octobre dernier actant la prise en charge par l'État du manque à gagner pour l'Unedic de la non-application des nouvelles règles, les partenaires sociaux ont signé un avenant temporaire à la convention modifiant la formule de calcul en revenant au dispositif antérieur. L'arrêté d'agrément de cet avenant est publié au Journal officiel du jeudi 20 novembre 2014 .

Cette mesure de « neutralisation » prise par l'État devrait prendre fin lorsque la mission aura rendu ses conclusions. Votre rapporteur pour avis sera particulièrement attentif aux préconisations résultant de cette concertation, afin d'en tenir compte dans le cadre du projet de loi sur la liberté de création annoncé par la ministre au cours du premier semestre de l'année 2015.


* 11 « L'unification des organismes de sécurité sociale des artistes auteurs et la consolidation du régime », Michel Raymond et Jean-Marc Lauret, juin 2013.

* 12 Rapport d'information n° 256 (2013-2014), Régime des intermittents : réformer pour pérenniser , de Mmes Marie-Christine Blandin et Maryvonne Blondin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, 23 décembre 2013.

* 13 http://senat.fr/compte-rendu-commissions/20141103/soc.html#toc7

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