B. UN MODÈLE ÉCONOMIQUE DES MÉDIAS REMIS EN CAUSE

1. Une chronologie des médias à moderniser pour la préserver

La chronologie des médias constitue un pilier essentiel du système de préfinancement des oeuvres cinématographiques en France. Elle résulte d'un accord interprofessionnel signé le 6 juillet 2009 qui a fait l'objet d'une extension par arrêté ministériel. Elle repose sur la cohérence et la proportionnalité des différentes fenêtres d'exploitation vis-à-vis du poids et des obligations de chacun dans le préfinancement des oeuvres.

Source : Commission de la culture, de l'éduction et de la communication du Sénat

Depuis quelques années, l'adaptation de la chronologie des médias est devenue un thème récurrent du fait de l'apparition de nouveaux modes de diffusion en vidéo à la demande (VàD), du développement du piratage et de l'accélération du cycle d'exploitation des films. De premières négociations engagées en 2012 n'ont pas abouti tandis que le rapport de Pierre Lescure 3 ( * ) a permis de poursuivre les échanges. Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) a rencontré l'ensemble des acteurs au premier trimestre 2014 afin de recueillir leurs points de vue dans la perspective de la signature d'un avenant global à l'accord actuel .

Ce nouvel équilibre prévoirait notamment une amélioration des conditions de dérogation automatique à 3 mois pour la vidéo/VàD, un avancement de 2 mois de l'ensemble des fenêtres des chaînes de télévision, la mise en place d'une commission de dérogation, un avancement de la VàDA à 24 mois pour les services « vertueux », une limitation des « gels des droits » VàD à l'acte et une exclusion du court métrage de l'accord.

Votre rapporteur pour avis forme le voeu qu'un large accord puisse être trouvé afin de moderniser la chronologie des médias en 2015 afin de renforcer l'ensemble des acteurs dans un contexte de mutation technologique accéléré.

2. La nécessaire modernisation du régime de préfinancement de la production

Le système français d'aide à la production est indispensable pour préserver notre spécificité culturelle. Pour autant, il est remis en cause par les évolutions technologiques en cours et la nécessité pour les financeurs de mieux valoriser leurs investissements.

Or, les chaînes de télévision, faute de détenir des parts de coproduction, ne sont pas incitées à concevoir des programmes destinés principalement à l'exportation . Cette situation pourrait avoir des conséquences préjudiciables dans l'avenir si l'on en croit une étude réalisée par Olivier Bomsel de la chaire Médias de Mines ParisTech, qui estime que, d'ici 2017, les sommes consacrées au cinéma et aux fictions devraient baisser de 20 %, voire 24 % pour la fiction télévisuelle.

L'article 71-1 de la loi du 30 septembre 1986 prévoyait dans son dernier alinéa que « l'éditeur de services ne peut détenir, directement ou indirectement, de parts de producteur » . C'est ce verrou qui a été levé par le Sénat lors des débats en première lecture de la loi du 15 novembre 2013 quand celui-ci a autorisé la détention de parts de coproduction par les diffuseurs dès lors qu'ils participent substantiellement au financement d'une oeuvre. Ce même article modifié par le Sénat renvoie à un décret le soin de préciser le niveau de financement substantiel d'une oeuvre et l'étendue des droits secondaires et des mandats de commercialisation détenus par les diffuseurs.

Le Gouvernement a reçu le 17 décembre 2013 le rapport de M. Laurent Vallet suite à sa mission sur les obligations de financement de la production audiovisuelle par les chaînes de télévision qui formule une série de propositions tendant à moderniser les relations entre les diffuseurs et les producteurs. Sur la base de ce rapport « le ministère de la culture et de la communication a souhaité que le niveau substantiel de financement des oeuvres ouvrant droit à la détention de parts de coproduction par les chaînes soit fixé à 70 % afin d'encourager les diffuseurs à contribuer à un niveau élevé au financement de la fiction » .

Alors que la consultation menée sur ce projet de décret touche à sa fin, France Télévisions a fait part de son point de vue sur un sujet qui demeure essentiel pour l'avenir . Pour le groupe public, « l'enjeu du projet de décret n'est pas de favoriser les éditeurs ou les producteurs, mais bien de créer les conditions d'un nouvel équilibre dont l'objectif partagé doit être le renforcement de la création. Cela suppose de repenser les processus de préfinancement et la place des pré-financeurs (...) en leur permettant de mieux valoriser leur investissement et leur prise de risque » 4 ( * ) . Par ailleurs, France Télévisions considère qu' « un processus transparent permettant de choisir le meilleur distributeur, ainsi qu'un partage équitable des recettes, constituent des garanties supplémentaires pour la circulation des oeuvres » .

Dans ces conditions, le projet de décret pourrait constituer une première étape importante du nouvel équilibre entre éditeurs et producteurs et, donc, de l'écosystème de la création.

Les points positifs, selon France Télévisions, sont notamment :

- la faculté de recourir à la coproduction dans le cadre des obligations d'investissement dans la production indépendante ;

- l'instauration de conditions équitables, transparentes et non discriminatoires dans les modalités d'attribution des mandats de distribution en cas de coproduction ;

- la prise en compte des oeuvres destinées aux usages numériques dans la création ;

- l'identification explicite de la télévision de rattrapage (TVR) comme un droit non secondaire ;

- la prise en compte de la spécificité des séries « vivantes », pour lesquelles l'éditeur investit dans le financement de nouveaux épisodes.

Votre rapporteur pour avis se félicite de ce que ce décret soit en voie de publication car il estime qu'il constitue une étape importante qui permettra de consolider et de mieux valoriser les investissements de France Télévisions dans la création. Il est indispensable de permettre au groupe public de disposer des droits lui permettant d'exposer au mieux ses programmes sur ses antennes compte tenu des nouveaux usages, d'être mieux protégé de la concurrence lorsque celle-ci n'a pas participé au financement pendant ses périodes d'exclusivité et d'être réellement associé aux recettes issues de l'exploitation des oeuvres (notamment la commercialisation des programmes en France et à l'étranger).

Mais au-delà de ce décret qui semble aller dans le bon sens, votre rapporteur pour avis estime nécessaire d'engager une seconde étape qui permettra de renforcer la capacité des groupes français à exporter les productions nationales, ce qui doit constituer une priorité pour les sociétés de l'audiovisuel public.


* 3 Rapport « Acte II de l'exception culturelle à l'ère du numérique » de M. Pierre Lescure remis le 13 mai 2013.

* 4 Note adressée à votre rapporteur pour avis sur la position de France Télévisions sur le projet de décret n° 2010-747 modifié en date du 13 novembre 2014.

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