Avis n° 114 (2014-2015) de M. Pierre-Yves COLLOMBAT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 20 novembre 2014

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N° 114

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 novembre 2014

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2015 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME I

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Jean-René Lecerf, Alain Richard, Jean-Patrick Courtois, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine Di Folco, MM. Vincent Dubois, Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mlle Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, François Pillet, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mme Catherine Tasca, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 2234 , 2260 à 2267 et T.A. 420

Sénat : 107 et 108 à 114 (2014-2015)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Bernard Cazeneuve 1 ( * ) , ministre de l'intérieur, le 19 novembre 2014, la commission des lois, réunie le 26 novembre 2014, sous la présidence de M. Philippe Bas, a examiné, sur le rapport pour avis de M. Pierre-Yves Collombat, les crédits alloués à la mission Administration générale et territoriale de l'État par le projet de loi de finances pour 2015 .

Le rapporteur a tout d'abord noté que les crédits du programme « Administration territoriale » étaient en baisse de 0,5 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiement par rapport à 2014. S'agissant des crédits du programme « Vie politique, culturelle et associative », il a constaté la baisse des crédits affectés aux actions de « financement des partis », mais, par contre, la hausse de ceux affectés au financement des élections, compte tenu des échéances de mars et de décembre 2015.

Il a ensuite souligné que l'administration territoriale de l'État vit depuis 2008 sous le signe de la réforme permanente, tendue vers un même objectif : réorganiser, mutualiser, réduire les effectifs. Ainsi, les services préfectoraux ont-ils perdu, en 8 ans, 10% de leurs effectifs.

Le principe de ces réformes est doublement ambigu. La première ambigüité tient à la différence entre bien dépenser et moins dépenser ; la seconde à la différence entre gouverner un État et « manager » les services publics. Du choix entre les deux branches de ces alternatives dépendra la forme de l'avenir de la représentation de l'État sur le territoire : réforme de la carte des sous-préfectures et évolution ou non du corps des préfets vers le statut d'emploi fonctionnel.

Le rapporteur a observé que dans les faits, le principe selon lequel réduire les crédits c'est mieux les employer, moins de fonctionnaires c'est plus d'efficacité du service public, atteint aujourd'hui ses limites, malgré l'évidente bonne volonté des personnels et leur capacité à s'adapter et à innover. Le constat de ces personnels est celui de l'inadéquation entre les moyens alloués à l'administration territoriale au regard de ses missions, nombreuses et diverses. D'une manière générale, ceux qui gèrent au quotidien l'administration déconcentrée souhaiteraient pouvoir s'appuyer sur le cadre pérenne leur permettant de gérer leurs moyens et leurs missions au moins sur le moyen terme.

Or cette instabilité a vocation à perdurer voire à s'amplifier, avec le lancement dès 2015 d'une nouvelle réforme de l'État, accompagnant la réforme territoriale et prévoyant notamment le transfert de nouvelles missions vers les administrations déconcentrées.

Sur proposition du rapporteur, la commission des lois a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l'État figurant dans le projet de loi de finances pour 2015.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Votre rapporteur tient d'abord à rendre hommage à ses prédécesseurs, nos collègues Jean-Patrick Courtois, ancien rapporteur des crédits du programme « Administration territoriale », et Gaëtan Gorce, qui rapportait les crédits du programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

Depuis 2008, changement de majorité ou pas, l'administration territoriale de l'État vit sous le signe de la réforme permanente. Sous des noms différents (« RéATE 2 ( * ) » pour le gouvernement précédent, « MAP 3 ( * ) » pour le gouvernement actuel), l'objectif est le même : réorganiser, mutualiser, réduire les effectifs. Pour ce qui les concerne, en 8 ans, les services préfectoraux ont perdu 10% de leurs effectifs, passant de 30 228 EPTP en 2007 à 27 143 prévus pour 2015.

Les objectifs de cette politique sont doublement ambigus :

- Optimiser l'affectation des crédits disponibles, améliorer l'efficacité du service public, souci de tout gestionnaire qui se respecte et, en même temps donner la priorité à la réduction des dépenses publiques, ce qui renvoie à un choix politique particulier : bien dépenser versus moins dépenser ;

- Améliorer l'efficacité de l'État gestionnaire de services à la population et assurer la présence de l'État républicain, des symboles et marques d'une République « une et indivisible » sur l'ensemble du territoire : manager versus gouverner. Ce qui pose, comme on le verra la question d'une éventuelle redistribution des sous-préfets sur l'ensemble du territoire et de l'éventuel remplacement du corps des préfets par un cadre d'emploi fonctionnel, ce que souhaite la Cour des comptes.

Contrairement à ce qu'on pourrait croire, un peu vite, dans les faits, la conciliation de ces objectifs, est loin d'aller de soi.

Ainsi, malgré l'évidente bonne volonté des personnels, malgré leur capacité à s'adapter et à innover, le principe selon lequel réduire les crédits c'est mieux les employer, moins de fonctionnaires c'est un service public plus efficace, atteint aujourd'hui ses limites. D'où la suspicion que ne peut pas ne pas susciter chaque réforme nouvelle. Ainsi en va-t-il de la récente création des « maisons de l'État ». Mesure de réorganisation de la localisation des services et regroupement des moyens de bon sens, comme on a pu le constater à Castellane, elle nourrit aussi la crainte de préparer discrètement la disparition des sous-préfets en secteur rural, remplacés par des chefs de bureau.

Force est aussi de constater que l'amélioration de la gestion des services au public dont le gouvernement peut, à juste titre se prévaloir, est parfois, sinon souvent au prix de la mobilisation des moyens sur cet objectif au détriment d'autres. Les indicateurs de performance les ignorent, tel le conseil aux élus, ou sont formulés en termes tels qu'ils ne permettent aucun contrôle réel. Que signifie un taux de contrôle des actes dits prioritaires des collectivités en l'absence d'une définition stricte de la frontière entre ces actes prioritaires et les autres.

De réforme en réforme, réalisée ou annoncée comme celle de la carte des sous-préfectures, de réduction des effectifs en redéploiements, les agents des services déconcentrés, qui se sont adaptés comme ils ont pu, touchent le seuil de saturation. Leur constat est celui de l'inadéquation grandissante entre les moyens alloués à l'administration territoriale au regard de ses missions, nombreuses et diverses puisqu'elles vont de l'appui aux collectivités locales, du conseil aux élus, au contrôle de légalité, en passant par la délivrance des titres ou la coordination des services déconcentrés de l'État sur un territoire parfois vaste.

D'une manière générale, ceux qui gèrent au quotidien l'administration déconcentrée manquent d'une vision claire de l'avenir, et ne peuvent s'appuyer sur le cadre pérenne leur permettant de gérer leurs moyens et leurs missions au moins sur le moyen terme. Ce manque de perspectives stables a vocation à perdurer, avec le lancement dès 2015 d'une nouvelle réforme de l'État, prévoyant notamment le transfert de nouvelles missions vers les administrations déconcentrées.

Côté élus cette fois, on peine aussi à voir le lien entre la réorganisation territoriale version Mapam 4 ( * ) puis NOTRe 5 ( * ) et les réformes successives de l'administration déconcentrée alors qu'une bonne articulation entre les deux est essentielle à la réussite de chacune, plus essentielle en tous cas que la taille des collectivités. L'impression qui domine est celle de réformes parallèles conduites selon leurs logiques propres, quand ce ne sont pas des logiques changeantes comme on a pu le constater s'agissant de la réforme territoriale. Que les parallèles soient appelées à se rejoindre à l'infini n'est pas spécialement rassurant.

I. LES CRÉDITS POUR 2015 DE LA MISSION « ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT »

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend trois programmes d'inégale importance.

A. LE PROGRAMME « VIE POLITIQUE CULTUELLE ET ASSOCIATIVE »

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit 302,3 millions d'euros en autorisation d'engagement et 303,1 millions d'euros en crédits de paiement : par rapport à 2014, les moyens consacrés au programme « Vie politique, cultuelle et associative » baissent de 3,2 %.

Évolution des crédits du programme
Vie politique, cultuelle et associative
(en millions d'euros)

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation 2015/2014

Autorisations d'engagement

151,8

312,3

302,3

-3,2 %

Crédits de paiement

150,7

313,0

303,1

-3,2 %

Près de 80 % des crédits de ce programme sont consacrés au financement de l'organisation des élections prévues pour 2015 : l'enveloppe prévue pour les élections départementales et régionales et les élections des assemblées équivalentes outre-mer est établie à 236 millions d'euros.

Par l'article 46 du projet de loi de finances, le Gouvernement envisageait, dans un souci d'économie, de dématérialiser la propagande électorale pour ces élections, mettant en avant une pratique convergente au niveau européen et l'absence d'influence décisive sur la participation électorale. Une telle proposition avait été formulée pour le projet de loi de finances pour 2014 à propos des élections européennes de mai 2014. Restant sur sa position de l'an dernier, l'Assemblée nationale, notamment à l'initiative de sa commission des finances et de sa commission des lois, a supprimé cette disposition.

La réduction des crédits alloués au programme est essentiellement due à la baisse du financement des partis politiques. Pour rappel, l'enveloppe consacrée au financement des partis subit depuis plusieurs années une baisse de ses crédits. Cette année, au regard des efforts des années antérieures, l'Assemblée nationale a décidé, notamment à l'initiative de la commission des lois, de limiter la baisse des crédits.

B. LE PROGRAMME « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTÉRIEUR »

Les crédits du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » sont affectés aux fonctions support du ministère de l'intérieur (ressources humaines et moyens informatiques, affaires immobilières notamment) et à la gestion des affaires juridiques et contentieuses. Pour 2015, ils sont 719 millions d'euros en autorisations d'engagement et 758 millions d'euros en crédits de paiement.

C. LE PROGRAMME « ADMINISTRATION TERRITORIALE »

Doté pour 2015 de 1 718 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 1 717 millions en crédits de paiement, le programme « Administration territoriale » voient ses moyens baisser de 0,5 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiement par rapport à 2014.

Évolution des crédits du programme
Administration territoriale
(en millions d'euros)

Exécution 2013

LFI 2014

PLF 2015

Variation 2015/2014

Autorisations d'engagement

1 751

1 727

1 718

- 0,5 %

Crédits de paiement

1 751

1 725

1 717

- 0,4 %

Les réductions des crédits concernent :

- les crédits de personnel, réduits de 4,1 millions d'euros, le schéma d'emploi du programme prévoyant une baisse des effectifs de 180 équivalent temps plein (ETP) ;

- les crédits de fonctionnement, en baisse de 3,8 millions d'euros, en raison d'économies attendues sur la maintenance des matériels informatiques et des systèmes d'information.

II. L'ADMINISTRATION TERRITORIALE SOUS LA PRESSION DE LA RÉFORME PERMANENTE ET DE LA CONTRAINTE BUDGÉTAIRE

Le fonctionnement de l'administration déconcentrée est marqué depuis 2008 par une réforme permanente essentiellement orientée vers la recherche d'économies par le biais de la réduction des effectifs et des mutualisations. Elle semble avoir atteint, aujourd'hui, ses limites.

A. UNE ADMINISTRATION EN RÉFORME PERMANENTE

Réforme de l'administration territoriale (RéATE) en 2008, mise en place progressive des titres sécurisés depuis 2009, modernisation de l'action publique (MAP) en 2012, choc de simplification en 2013 : les réformes s'appliquant à l'administration territoriale s'enchaînent, et cette dernière est en permanence contrainte de s'adapter, dans un contexte budgétaire restreint. Notre collègue Michèle André l'a souligné dans la conclusion de son rapport sur l'avenir des préfectures 6 ( * ) : « Ces dernières années [...] peu d'administrations ont connu autant de bouleversements ».

La stabilisation du cadre de l'organisation et des missions de l'administration territoriale, pourtant souhaitable, n'est pas à l'ordre du jour. La révision de la carte des sous-préfectures, la mise en oeuvre dès 2015 d'une nouvelle réforme de l'administration déconcentrée pour accompagner la réforme territoriale, annonce de nouveaux et importants changements, changements qui pour l'heure restent fort vagues.

1. D'une réforme l'autre
a) La Réate

Engagée dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP), la réforme de l'administration territoriale (RéATE), entrée en vigueur en 2008, a posé les principes d'un nouvel équilibre des compétences préfectorales. La région a été consacrée comme niveau de pilotage des politiques publiques nationales et communautaires, alors que le département a été désigné comme niveau de mise en oeuvre de ces politiques publiques.

Par ailleurs, la logique verticale de l'administration, associant à chaque ministère un réseau déconcentré, remise en cause par la RéATE a conduit à la mise en place d'une nouvelle organisation, fondée sur le regroupement des compétences et missions des directions départementales et régionales, ainsi que sur la mutualisation de leurs moyens. Le nombre de services déconcentrés régionaux est ainsi passé de 21 à 8, et celui des services départementaux de 13 à 10.

La RéATE a en outre modifié les modalités du contrôle de légalité, mission essentielle des services préfectoraux, permettant d'assurer la sécurité juridique des actes des collectivités territoriales. Le contrôle de légalité a été réformé à la fois dans son organisation, pour être centralisé en préfecture 7 ( * ) , et dans son champ, par une réduction de son périmètre sur les domaines jugés les plus sensibles. Les effectifs des sous-préfectures dédiés au contrôle ont donc été regroupés au chef-lieu du département, les sous-préfectures n'étant cependant pas complètement déchargées du contrôle des actes : leur transmission s'effectue par le sous-préfet qui sélectionne ceux qui sont prioritaires.

Si la RéATE a pu contribuer à améliorer certains aspects de la gestion de l'administration territoriale, ces améliorations ont été largement contrebalancées par les dysfonctionnements nombreux qu'elle a créés. La réforme a en effet été appliquée dans des délais rapides, dans un contexte de forte contrainte budgétaire, de réduction d'effectifs, de dialogue social limité, d'absence d'accompagnement au changement, alors même que l'organisation et les méthodes de travail étaient bouleversées. D'une manière générale, sous couvert de rationalisation et d'amélioration des services de l'État, la recherche d'économies a été le seul résultat tangible de la réforme sans préoccupation pour l'esprit « service public » et ses valeurs. Les agents évoquent souvent le sentiment de « perte de sens » de leur mission qui en est résulté.

Parallèlement à l'application de la RéATE, le déploiement des premiers titres sécurisés 8 ( * ) en 2009 est venu accroître les difficultés des services préfectoraux. Les nombreuses difficultés techniques connues lors de la mise en place de ces titres ont en effet fortement impacté l'activité de ces services, qui ont de plus dû subir le mécontentement des usagers devant la longueur des files d'attente.

b) La modernisation de l'action publique (MAP)

En octobre 2012, la modernisation de l'action publique (MAP) a succédé à la RGPP, avec, comme cette dernière, un volet territorial. Des comités interministériels de la modernisation de l'action publique (CIMAP), réunis quatre fois depuis fin 2012, en ont défini progressivement les contours.

Le Cimap du 2 avril 2013 a confié à MM. Jean-Marc Rebière et Jean-Pierre Weiss la mission de proposer un ou plusieurs scenarii d'organisation de l'administration territoriale de l'État sur la base d'une analyse prospective à 5 ans des missions de chaque niveau de cette administration. Faisant un bilan très critique de la RéATE, ce rapport a formulé plusieurs propositions pour donner de nouvelles orientations à l'organisation et aux missions des services déconcentrés.

Lors de sa réunion du 17 juillet 2013, le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) a largement repris les conclusions de ce rapport et décidé, dans ces décisions n° 27 à 38 9 ( * ) , la mise en oeuvre de plusieurs mesures touchant l'administration territoriale.

Pour votre rapporteur, ces mesures, toutes au futur, ne sont pas suffisamment précises pour que cesse le flou accompagnant la réforme. Leur nombre même inquiète selon le bon principe : « Qui trop embrasse mal étreint ».

Les mesures visant à restaurer les marges de manoeuvre de l'administration déconcentrée en matière budgétaire (décisions n os 30 à 32) sont significatives.

D'un côté, elles visent à renforcer le rôle du préfet de région dans la gestion des budgets opérationnels de programme (BOP) et à simplifier la structure de ces derniers. Rappelons que les BOP regroupent l'essentiel des crédits de fonctionnement et de personnels relatifs aux politiques publiques des différents ministères. Auparavant, le préfet de région ne faisait que superviser ces budgets, en déléguant notamment sa signature aux directeurs régionaux, pour la gestion quotidienne des services. Par ailleurs, le préfet de région ne participait pas au dialogue de gestion, dans le cadre duquel les directeurs régionaux et les directeurs centraux déterminaient les crédits affectés aux services déconcentrés. La décision de désigner le préfet de région en tant que responsable des BOP (décision n°30) doit permettre à ce dernier d'intervenir à un stade du dialogue budgétaire où les évolutions en termes de répartition des moyens et des emplois sont encore possibles, et d'échanger avec l'administration centrale sur l'adéquation entre les moyens et les missions des services qu'il a sous son autorité.

D'un autre, et dans les faits, la mise en oeuvre de cette évolution favorable se heurte à plusieurs obstacles. Ainsi le ministère de l'intérieur a-t-il souligné la difficulté de mettre en place un dialogue de gestion individualisé pour 40 BOP et 27 préfets de région 10 ( * ) . Afin de lever cette contrainte, il assure vouloir poursuivre le travail de simplification de la cartographie des BOP pour faciliter le dialogue. En outre, cette déconcentration de la responsabilité des BOP se heurte à la pratique actuelle du fléchage des crédits : certaines administrations centrales répartissent en effet les crédits par action, par sous-action, voire parfois par ligne budgétaire. Dans ce contexte, la marge de manoeuvre nouvelle donnée au préfet de région est limitée par sa difficulté à réaffecter les crédits entre programmes, en fonction des missions auxquelles il souhaite donner une priorité.

Enfin, cette limitation des possibilités de réaffectation des crédits entre programmes est aussi une conséquence de la rigidité et de la complexité de l'architecture budgétaire issue de la LOLF, qui induit un cloisonnement vertical des crédits. Cette logique verticale est en contradiction avec la nécessité de gérer les crédits de manière transversale. Votre rapporteur souligne ici la contradiction au coeur même de la LOLF entre une logique de performance de l'action publique qui pousse à la mutualisation et à une certaine polyvalence en fonction des besoins et des lieux, et une structuration verticale en items nombreux sinon pointillistes dans l'espoir de mieux contrôler l'usage des crédits.

La restauration des marges de manoeuvre de l'administration déconcentrée est loin d'être effective. La circulaire datant de mai dernier 11 ( * ) devrait permettre des progrès en la matière, mais il faut noter la marge existant entre les annonces du gouvernement et leur traduction dans les faits.

Concernant les décisions n os 36 et 37, relatives à l'harmonisation des prestations sociales et du régime indemnitaire dans les directions départementales interministérielles, leur mise en oeuvre tarde. Votre rapporteur, lors de sa rencontre avec les agents de la direction départementale des territoires (DDT) des Alpes de Haute-Provence, a pu constater que, dix-huit mois après ces annonces, le problème est toujours d'actualité 12 ( * ) . Le diable étant dans les détails, on attend leur harmonisation.

La décision n° 38 est relative à la définition d'un cadre d'action des modalités de regroupement des services infra-départementaux au sein de Maisons de l'État. Votre rapporteur y reviendra, mais note dès à présent que, présentées comme une manière de maintenir la présence de l'État dans les territoires, ces Maisons préparent, selon toute vraisemblance, la suppression d'un certain nombre de sous-préfectures, et de postes de sous-préfets. Cela met en lumière, une nouvelle fois, l'ambiguïté de la réforme et de la communication gouvernementale qui va avec.

Enfin, l'application de la décision n° 33, selon laquelle « le Gouvernement n'engage pas de nouvelle réorganisation, et assure la stabilité des services existants » paraît plus que compromise par la nouvelle étape de la réforme de l'État décidée en juillet 2014. Cette décision renvoyant pourtant à une des conclusions du rapport de MM. Jean-Marc Rebière et Jean-Pierre Weiss précédemment évoqué 13 ( * ) . Après avoir fait le constat d'une administration « profondément déstabilisée » par la RéATE, d'agents gagnés par le sentiment de lassitude, de résignation et de perte de sens de leurs missions, le rapport proposait, conformément à la lettre de mission, des scenarii d'organisation de l'administration territoriale de l'État. Sur les trois scénarii, celui validé lors du CIMAP reposait sur la stabilisation maximale de l'organisation des services déconcentrés.

2. En attendant les futures réformes territoriale et de l'État

Le Conseil des ministres du 2 juillet 2014 se veut l'engagement d'une nouvelle étape de la réforme de l'État, « menée de manière complémentaire et dans le même calendrier que la réforme territoriale, d'ici 2017 » 14 ( * ) . Afin que les missions de l'administration déconcentrée soient cohérentes et lisibles à chaque échelon territorial, le ministre de l'intérieur a été chargé de conduire la réforme de l'administration territoriale de l'État, en lien avec le secrétaire d'État chargé de la réforme de l'État et de la simplification.

Cette réforme, il était temps, suppose une revue des missions des administrations centrales et des services déconcentrés. L'objet est d'identifier ce qui doit continuer à relever des missions fondamentales de l'État, et ce qui peut être abandonné ou exercé différemment, par d'autres. Ce premier chantier lancé en septembre dernier, le Gouvernement a prévu d'arrêter ses décisions au premier trimestre 2015, après avoir consulté les agents de l'administration territoriale de l'État, les collectivités territoriales, les citoyens et les entreprises.

Au terme de cette revue des missions, une refonte de la charte de la déconcentration de 1992 15 ( * ) est prévue, afin de déterminer les missions transférées de l'administration centrale vers les administrations déconcentrées, et de définir les modalités de ce transfert, l'objectif annoncé étant de donner plus de pouvoir au préfet.

Deux chantiers, issus des décisions du CIMAP du 17 juillet 2013, joueront un rôle dans le cadre de cette nouvelle réforme :

- l'approfondissement de la déconcentration dans le domaine des ressources humaines et en matière budgétaire ;

- le renouvellement de la carte des services publics au niveau infra-départemental.

Cette nouvelle étape de la réforme de l'État, selon le Gouvernement, on n'en attendait pas moins, ne présente que des avantages : « amélioration du service rendu notamment des délais de décision, simplification des compétences et des procédures, recentrage des services sur les priorités de l'action gouvernementale, meilleures conditions de travail pour les agents » 16 ( * ) . Sauf que l'on peut s'interroger sur la capacité de l'administration territoriale à s'adapter, encore une fois, à de telles évolutions.

Lors de son audition par la commission des lois, le ministre de l'intérieur a reconnu que la poursuite de la réduction des effectifs au rythme de celles connue depuis 2010 n'était pas compatible avec le lancement de la nouvelle réforme. On ne peut qu'approuver et attirer l'attention sur le risque qu'il y aurait à renouveler les erreurs de la RéATE.

Plus généralement, votre rapporteur s'interroge sur la possibilité de rendre l'organisation et les missions de l'administration territoriale de l'État cohérente avec la nouvelle organisation territoriale, alors que cette dernière fait encore débat et risque de le faire encore longtemps.

Quoi qu'il en soit, une réforme sans les moyens financiers et en personnels qu'elle appelle sera vouée à l'échec. L'heure est venue de tirer les leçons des échecs passés.

B. LA RÉFORME SOUS CONTRAINTE BUDGÉTAIRE : NECESSITÉS ET LIMITES DE L'EXERCICE

La réforme de l'administration territoriale dans un contexte de restriction budgétaire a appelé la mutualisation des moyens.

1. Mutualiser pour économiser
a) La mutualisation des services

La RéATE, en fusionnant un certain nombre de directions départementales et régionales, a initié le mouvement. Le regroupement de différents services permettant de mettre en commun matériels, locaux et ressources humaines a permis de faire les économies budgétaires imposées.

Ainsi, en 2011, conformément à l'article 23-1 du décret du 29 avril 2004 17 ( * ) , chaque préfet de région et de département a dû arrêter un schéma organisant la mutualisation des moyens entre services de l'État.

Les fonctions dites « support » sont particulièrement touchées par la mutualisation des moyens. La fonction achats a par exemple fait l'objet de la mise en place de missions régionales des achats de l'État. En fonction des opportunités locales, les différents schémas de mutualisation ont abouti, entre autres, à la mise en commun de moyens dans les domaines du traitement du courrier, des travaux d'impression ou encore des marchés publics de nettoyage des locaux.

Pour les moyens informatiques, la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC), créée en même temps que le secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), a déployé sur le territoire, entre 2012 et 2014, les services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (SIDSIC). Placés sous l'autorité du secrétaire général de la préfecture et composés des agents des services informatiques des préfectures et des directions départementales interministérielles (DDI), ces services ont pour mission d'assurer le soutien informatique pour les agents des préfectures et des DDI, et fonctionnent sous la forme de centres de services partagés. L'objectif du déploiement des SIDSIC est de garantir une qualité de service homogène et une convergence des technologies au niveau local.

Le secrétaire général du ministère de l'intérieur annonce, parmi les chantiers qui seront mis en oeuvre dans le cadre triennal 2015-2017, la création, dans chaque zone de sécurité et de défense, d'un secrétariat général pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI). Ce secrétariat général assurera la mutualisation des fonctions support au profit des services de police, et gendarmerie, mais aussi, pour la paye notamment, des préfectures. 2015 marquera également l'achèvement de la réorganisation des services de la dépense de l'administration déconcentrée, avec la régionalisation des plateformes Chorus 18 ( * ) .

La mutualisation concerne également les missions mêmes de l'administration territoriale. Au-delà du regroupement des compétences des directions régionales et départementales placées sous l'autorité du préfet, la RéATE est aussi à l'origine de la centralisation du contrôle de légalité en préfecture. L'objet de cette centralisation était de concentrer l'expertise juridique en préfecture et d'harmoniser les pratiques de contrôle à l'échelle départementale.

Enfin, il est prévu, dans le cadre des chantiers planifiés sur la période 2015-2017 pour le ministère de l'intérieur, de développer la mise en place de plateformes régionales. A l'instar des plateformes régionales Chorus précédemment évoquées, le secrétariat général du ministère souhaite, pour un traitement plus rapide et plus cohérent des dossiers dans le domaine de la délivrance des titres, regrouper au niveau régional les missions d'instruction des demandes de passeport ainsi que celle des demandes de naturalisation.

b) La mutualisation en matière immobilière : l'exemple des Maisons de l'État

La création de Maisons de l'État correspond à une logique de mutualisation des coûts immobiliers. Elle peut prendre différentes formes :

- optimisation immobilière de locaux de sous-préfectures ;

- renforcement de la visibilité de l'État en rassemblant des services de petite taille ou isolés ;

- transformation de la sous-préfecture en maison de l'État lorsque le chef-lieu d'arrondissement est situé près du chef-lieu du département ;

19 Maisons de l'État existent déjà aujourd'hui, dont 10 ont été créées sur les deux dernières années 19 ( * ) . Afin de prendre la mesure de ce qui semble représenter l'avenir de la représentation de l'État au niveau infra-départemental, votre rapporteur s'est rendu à Castellane, où les locaux de la sous-préfecture accueillent depuis octobre 2013 une antenne de la direction départementale des territoires (DDT) des Alpes de Haute-Provence.

La Maison de l'État de Castellane

L'antenne de la DDT à Saint André les Alpes était située depuis 2008 dans un bâtiment récent loué à un bailleur privé. Suite à l'importante réduction des effectifs de l'antenne, seuls deux techniciens et un agent chargé de l'entretien travaillaient dans ces locaux. Entre les frais de location et les divers contrats rattachés, les charges de l'antenne s'élevaient à 24 000 euros par an.

Il a donc été décidé de fermer l'implantation de la DDT à Saint André les Alpes et d'héberger les agents concernés à la sous-préfecture de Castellane, située à 20 km et dont une partie des locaux était inoccupée.

Le projet de transfert de l'antenne a été mené en six mois, entre avril et octobre 2013. 5000 euros de travaux ont été nécessaires pour aménager deux bureaux, des sanitaires et une salle de réunion commune au rez-de-chaussée de la sous-préfecture.

Les charges sont réparties au prorata du nombre d'agents entre la sous-préfecture et la DDT. L'antenne de Castellane coûte aujourd'hui 3 000 euros à la DDT, ce qui représente une économie annuelle de plus de 20 000 euros par rapport aux locaux de Saint André les Alpes.

La décision n° 38 du CIMAP du 17 juillet 2013 a prévu la détermination d'un cadre national d'action, sous la forme d'un cahier des charges, précisant les « modalités de regroupement des services infra-départementaux au sein de «Maisons de l'État » ». Les Maisons de l'État sont donc appelées à se multiplier.

Synthèse du cahier des charges pour la création des Maisons de l'État

L'objet du regroupement des services de proximité de l'État est de rationaliser les implantations immobilières de ce dernier. Plusieurs configurations sont possibles : regroupement physique de services, ou organisation de permanences, en fonction des circonstances et opportunités des territoires.

Les services regroupés au sein de l'État restent autonomes et ne changent pas de cadre hiérarchique. Le regroupement n'a pas non plus d'incidence sur le statut des personnels concernés.

Les lieux de création d'une Maison de l'État peuvent être les locaux d'une sous-préfecture, ceux de tout autre service de l'État et, éventuellement, des locaux proposés par les collectivités territoriales.

Concernant les services objet du regroupement, il peut s'agir de tout service de l'État, éventuellement de ses opérateurs. Peuvent y être adjoints des services offerts par les collectivités territoriales ou leurs groupements, si cela est pertinent dans le cadre du projet de mutualisation.

Les modalités de création d'une Maison de l'État sont les suivantes:

- analyse préalable par le préfet des besoins immobiliers et des moyens des services et opérateurs de l'État dans l'arrondissement ou le territoire concerné ;

- élaboration d'un ou plusieurs projets de Maisons de l'État, sur la base d'un diagnostic des moyens immobiliers mutualisables. Le projet doit comprendre une évaluation économique du projet (coût complet, performance immobilière escomptée 20 ( * ) ;

- arrêt d'un plan de financement par le préfet, prévoyant les dépenses et recettes liées à l'installation et au fonctionnement de chaque Maison de l'État.

Les projets sont soumis par le préfet et les chefs de services concernés aux comités techniques compétents.

La Maison de l'État est créée par un arrêté préfectoral, pris sur la base d'une convention locale rassemblant les services installés et s'y installant.

La convention locale constitue le document opérationnel et financier engageant les services entre eux et vis-à-vis des usagers. Elle détermine notamment les superficies occupées par chaque administration participante, les modalités de participation aux frais de fonctionnement, les locaux mutualisés et leurs conditions d'utilisation...

Les regroupements immobiliers seront financés par :

- les crédits ministériels d'investissement ;

- les crédits interministériels dédiés aux travaux ;

- les budgets opérationnels de programme « Projet d'initiative locale », « Contributions aux dépenses immobilières », « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

- en cas de colocalisation avec une Maison de service au public, la collectivité locale concernée pourra solliciter une participation au titre de la DETR 21 ( * ) .

La mise en place des Maisons de l'État semble ainsi correspondre à celle d'une mutualisation immobilière effectuée dans un souci de meilleure représentation de l'État dans les territoires. Toutefois, l'impulsion du Gouvernement en faveur du développement de ces structures n'est pas neutre, ni sans ambiguïté dans le contexte de la réforme de la carte des sous-préfectures, annoncée depuis l'automne 2012. On y reviendra.

Maisons de l'État et Maisons de services au public

Les maisons de l'État et les maisons de services au public (MSAP) qui constituent deux formes de groupements de services publics de proximité, doivent être distinguées.

Les MSAP sont définies par la loi du 12 avril 2000 relative au droit des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Leur statut doit être rénové dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. Tournées vers les usagers et le grand public, elles visent à faciliter les démarches des usagers et à améliorer la proximité des services publics dans les territoires où ces derniers sont en déficit.

Reposant également sur un principe de mutualisation des services, les MSAP peuvent regrouper des services publics relevant de l'État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des organismes chargés d'une mission de service public, mais aussi des services privés à destination du grand public. Le fonctionnement des MSAP est porté par les collectivités territoriales.

Dans ce contexte, le cahier des charges pour la création des Maisons de l'État indique aux préfets, chargés de porter ces projets de création, de veiller à l'articulation et à la complémentarité des outils que constituent les Maisons de l'État et les MSAP, en fonction des besoins et des attentes des usagers.

2. Les limites de la mutualisation

Fortement souhaitée et portée par les administrations centrales, la logique de la mutualisation ne peut pourtant s'appliquer de manière indéfinie et uniforme à l'administration territoriale. Par ailleurs, la combinaison de cette logique et de la contrainte budgétaire contribue au développement d'une forte démotivation chez les agents des services déconcentrés.

a) Une logique de la mutualisation difficile à concilier avec l'organisation verticale de l'administration territoriale

De manière générale, votre rapporteur s'interroge sur la contradiction entre la construction budgétaire verticale imposée par la LOLF et la logique horizontale que suppose le développement de la mutualisation. Certes, le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » 21 ( * ) regroupe les crédits des dépenses de fonctionnement des DDI, des dépenses immobilières de la quasi-totalité des administrations déconcentrées et des emplois déconcentrés des services du Premier ministre. Mais en termes de ressources humaines, les agents continuent d'être répartis et gérés par ministère.

Cette logique rend les mobilités interministérielles très compliquées, chaque ministère devant respecter son plafond d'emploi par programme. Ainsi, depuis la création des directions départementales des territoires (DDT) en 2010, un programme de mobilité a été mis en place entre le ministère de l'agriculture et le ministère de l'écologie. Mais celui-ci, malgré l'inventivité des responsables, fonctionne avec difficulté, en raison du déséquilibre entre les demandes de mobilité vers le programme 217 22 ( * ) , relevant du ministère de l'écologie, et le programme 215 23 ( * ) , relevant lui du ministère de l'agriculture. Pour pallier cette difficulté, un système d'appariement a été mis en place : un agent relevant du ministère de l'agriculture ne peut être affecté à un programme relevant du ministère de l'écologie que si un collègue relevant de ce dernier fait la démarche inverse. Ainsi en 2013, sur 96 demandes de mobilités faites entre les programmes 215 et 217, seules 32 ont pu être validées. Les possibilités de mobilité élargies dans le cadre des services interministériels, qui pourraient constituer un facteur de motivation des agents, se transforment en réalité en facteur de frustration. La gestion des ressources humaines à un niveau interministériel pâtit donc de cette organisation ministérielle historique, dont les effectifs représentent une partie des moyens, et dont les syndicats nationaux reproduisent la structure.

Prenant en compte cette difficulté, la prochaine réforme de l'administration territoriale devrait renforcer les pouvoirs des préfets au niveau de la gestion interministérielle des crédits et des ressources humaines. On attend avec intérêt de savoir ce qu'il en sera.

Par ailleurs, on constate que les économies générées par les mutualisations servent de manière quasi systématique à réduire les dépenses de l'administration territoriale, et non à réattribuer des moyens là où cela serait nécessaire. Ainsi en a-t-il été, par exemple, des économies de loyer faites par la DDT des Alpes de Haute-Provence lorsqu'elle a transféré une de ses antennes à la sous-préfecture de Castellane 24 ( * ) . Les efforts fournis par les services, en termes financier mais aussi de capacité d'adaptation, ne sont donc pas récompensés : la logique de la réduction des moyens et des effectifs prévaut sur celle d'une meilleure gestion.

Par ailleurs, la mutualisation n'est pas toujours possible, ne serait-ce lorsque les entités administratives sont trop petites. Au-dessous d'une certaine taille la mise en commun des moyens n'aboutit qu'à la désorganisation, pour générer des économies limitées.

Enfin, la logique de la mutualisation s'applique mal aux missions constituant la réelle plus-value de l'administration territoriale : l'ingénierie territoriale, la connaissance du terrain, les relations de proximité avec les collectivités territoriales. Ces missions, essentielles et très appréciées des élus locaux, que leur nature intellectuelle rend difficile à comptabiliser, supposent une permanence de la relation peu compatible avec la mutualisation. Le résultat, c'est la réduction comme peau de chagrin des ETP effectivement affectés à la mission d'ingénierie territoriale tenue pourtant pour essentielle par les élus locaux.

Même constat s'agissant du contrôle de légalité, autre mission fondamentale de l'administration territoriale : la mutualisation des compétences en matière de contrôle de légalité s'est accompagnée d'une importante réduction des effectifs qui y sont affectés : de 1 173 EPTP à 873 EPTP entre 2009 et 2014, soit - 25 % en 5 ans. Difficile de croire que la qualité du contrôle en a été améliorée. Cela s'est surtout traduit par la mise en place d'une nouvelle stratégie d'impasse sur les actes des collectivités locales jugés non essentiels et de concentration des moyens sur ceux qui seraient « prioritaires » aux termes de la circulaire du 25 juin 2012 25 ( * ) . A se demander pourquoi les actes non prioritaires doivent continuer à être transmis ! Constatons en tout cas que même l'objectif de contrôler 100 % des actes prioritaires n'a pas encore été atteint (93% pour cette année). Celui-ci a été reporté à 2017...

b) Un facteur de démotivation des agents

La contrainte budgétaire et les mutualisations ont profondément modifié le fonctionnement quotidien des services de l'administration territoriale, affectant de plusieurs manières la motivation des agents.

Même les moyens et les effectifs des fonctions support des services déconcentrés, les plus concernés par la mutualisation, ne peuvent indéfiniment être regroupés, notamment dans les territoires ruraux comme les Alpes de Haute-Provence. Ainsi, le sentiment des agents est celui de travailler dans une administration dont on continue à rogner les moyens malgré les efforts déjà consentis, avec une réelle interrogation sur la possibilité de continuer à remplir leurs missions dans ces conditions.

Dans un tel contexte, la réduction de la part des missions d'appui aux collectivités territoriales de l'administration déconcentrée en général et de cadres en particulier, induit une perte de substance et donc d'attractivité de ces postes. Lors de notre entretien, les responsables ont exprimé leurs préoccupations quant à l'évolution de leurs missions, qui laissent de moins en moins de place aux relations avec les élus locaux, et plus généralement avec le terrain. Ce manque de proximité entraîne une perte d'informations essentielles pour l'exercice des missions de conseil. Ainsi, les agents sont doublement pénalisés : non seulement ils perdent en compétences et en expertise, mais ils voient également l'intérêt de leurs tâches s'étioler.

De manière plus générale, la réduction des postes dans l'administration territoriale de l'État rend moins nombreuses les opportunités à la fois d'avancement et d'évolution sur un nouveau poste. Ces perspectives sont pourtant des facteurs essentiels de motivation. Tout comme les primes qui se réduisent avec l'enveloppe budgétaire. Accorder une prime de 200 euros par an à un très bon agent n'est pas le récompenser mais se moquer de lui.

Enfin votre rapporteur a pu constater lors de son déplacement que les « chantiers de convergence ressources humaines » sont loin d'avancer comme ils le devraient. La création des DDI, consécutive à la RéATE, a abouti à la réunion au sein de mêmes services d'agents aux statuts et conditions de travail hétérogènes. Le sentiment d'inégalité né de ces situations complique la vie quotidienne des DDI, et constitue un facteur non négligeable de démotivation pour ces agents.

Cette difficulté, pourtant majeure, n'avait pas été anticipée dans le cadre de la RéATE. De manière tardive, en 2011, la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre, qui assure l'animation des DDI au niveau national, s'est dotée d'une feuille de route concernant les chantiers de convergence en matière de ressources humaines. Ces derniers sont au nombre de 20. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, 7 sont clos (parmi lesquels ceux relatifs à l'harmonisation de l'organisation du temps de travail, des conditions d'évaluation, de la rémunération des astreintes), mais la majorité estt toujours en cours, comme celui de la convergence indemnitaire ou de l'harmonisation des prestations de restauration. La perception des agents rencontrés sur le terrain par votre rapporteur, à Castellane comme à Draguignan le confirme : ils ont conscience que les administrations centrales travaillent sur le sujet, mais les résultats tardent.

III. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DE LA REPRÉSENTATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT

La future réforme de la carte des sous-préfectures et le débat sur l'évolution du corps des préfets vers un cadre d'emploi fonctionnel sont des enjeux considérables pour l'avenir de la représentation de l'État dans les territoires.

A. L'AVENIR INCERTAIN DES SOUS-PRÉFECTURES ET DES SOUS-PRÉFETS

Le réseau actuel des sous-préfectures n'a été que très peu modifié depuis 1926 26 ( * ) , alors même que de nombreux arrondissements ont depuis connu des évolutions majeures sur les plans économique et démographique. Avec le temps, certains territoires sont devenus « suradministrés », quand d'autres, en zone rurale notamment, nourrissent un sentiment d'abandon, suite à la fermeture ou à l'éloignement des services publics. Dans ce contexte, la question de la rénovation du réseau infra-départemental de l'administration de l'État est régulièrement posée depuis plusieurs années.

1. Vers une réforme de la carte des sous-préfectures
a) Le bilan de l'expérimentation en Alsace-Moselle

Le ministère de l'intérieur a lancé la réflexion sur la rénovation de la carte des sous-préfectures à l'automne 2012. En 2013, le ministre a demandé aux préfets des régions Alsace et Lorraine d'expérimenter une méthodologie de rénovation de la carte des sous-préfectures concernant les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. Il était précisé que cette rénovation devait être faite selon une méthode « déconcentrée, objective et ouverte vis-à-vis des acteurs locaux » 27 ( * ) .

L'expérimentation sur la réforme de la carte des sous-préfectures
dans la Moselle et en Alsace

Fin octobre 2013, les deux préfets de région ont indiqué la méthode qu'ils comptaient suivre :

- établir un état des lieux, pour identifier les enjeux de chaque territoire, en analysant les moyens, l'organisation et les missions des sous-préfectures, et des autres implantations territoriales de l'État ;

- conduire une réflexion sur les objectifs et les options possibles pour l'évolution des sous-préfectures (modification de limites, fusion ou jumelages d'arrondissements, création de Maisons de l'État, de Maisons de services au public ou d'antennes) ;

- formaliser la concertation, au sein d'instances ad hoc, avec les élus (élus locaux, associations d'élus, parlementaires) et les représentants du personnel ;

- créer des outils de suivi et d'évaluation.

Début avril 2014, les deux préfets de région ont fait connaître leurs propositions au ministre, qui les a validées. Elles conduisent à :

- supprimer 8 arrondissements : 7 arrondissements sont fusionnés (en totalité ou en grande majorité) avec un autre arrondissement ; l'arrondissement de Strasbourg-campagne est réparti entre 4 arrondissements voisins ;

- adapter les limites des arrondissements aux limites des intercommunalités ;

- fermer 6 sous-préfectures : Wissembourg, Guebwiller, Ribeauvillé, Metz-campagne, Boulay-Moselle au 1 er janvier 2015, et Château-Salins au 1 er janvier 2016 ;

- créer 4 antennes (Boulay-Moselle, Château-Salins, Wissembourg, Guebwiller) dont une au sein d'une Maison de l'État (Château-Salins).

Les procédures juridiques, à la fois nationales et locales, à mettre en oeuvre ont été lancées depuis juin. Il est indiqué qu'une attention particulière est portée au niveau ministériel comme dans les préfectures, à l'accompagnement des personnels concernés.

Source : réponse au questionnaire

Aux yeux de votre rapporteur, le choix de l'Alsace-Moselle pour expérimenter la réforme de la carte des sous-préfectures rendra difficile la généralisation des conclusions qui pourront en être tirées, quelle que soit leur pertinence. Les trois départements concernés, sont en effet, pour des raisons historiques, trop particuliers : le réseau infra-départemental d'Alsace- Moselle cumule l'héritage de l'annexion allemande de 1871 qui vit la création de 12 arrondissements, s'ajoutant aux 11 déjà existants. La Moselle est ainsi actuellement subdivisée en neuf arrondissements, le Bas-Rhin en sept et le Haut-Rhin six. En outre, une partie des modifications proposées pour l'Alsace et la Moselle ne font, en réalité, qu'acter une situation de fait : deux des arrondissements concernés par l'expérimentation n'avaient pas de sous-préfectures propres, et deux sous-préfectures étaient jumelées (un sous-préfet gérant les deux arrondissements).

Pour toutes ces raisons, si le bilan de la réforme de la carte des sous-préfectures en Alsace-Moselle se révèle positif, il ne sera pas possible d'en tirer un quelconque enseignement généralisable au reste du territoire.

b) Vers l'obsolescence de la représentation infra-départementale de l'État ?

Sur ce point, le secrétaire général du ministère de l'intérieur, entendu par votre rapporteur, a indiqué qu'il s'agissait, pour la future réforme, d'« extrapoler » plutôt que de généraliser l'expérience menée en Alsace et en Moselle. Il a en outre précisé le cadre de cette réforme : le gouvernement souhaite la rénovation de la représentation de l'État au niveau infra-départemental, sa forme devant être décidée au niveau local. Il n'y aurait pas de plan pré-établi, ni d'objectif en termes de suppression de sous-préfectures, de remodelage d'arrondissements ou d'implantation de Maisons de l'État... Ces différentes options relèveraient uniquement des choix fait localement, en concertation avec les élus locaux. Sauf que l'inévitable discours sur le progrès des moyens de communication et l'importance des mairies comme distributeurs de services de proximité laisse penser que l'objectif de suppression des sous-préfectures les moins « rentables » n'est pas abandonné. Le moment choisi pour lancer cette réforme, à savoir après les élections départementales de mars 2015, n'est pas sans signification non plus.

L'invention du terme même de « Maison de l'État » qui semble sorti d'un livre pour la jeunesse, n'est pas sans signification. Aujourd'hui appelées à regrouper les services déconcentrés de l'État au niveau infra-départemental, elles pourraient bien demain remplacer, à moindre coût, les plus petites sous-préfectures, le cahier des charges précédemment présenté en témoigne. Pour votre rapporteur, la « Maison » de l'État ne peut remplacer « l'homme » de l'État, le sous-préfet, manifestation tangible de la présence de la République sur l'ensemble du territoire. Le regroupement de services déconcentrés, fut-ce dans une Maison de l'État, procède d'une logique de gestion oublieuse du besoin de représentation de l'État républicain.

2. La remise en cause des missions de représentation de l'État, d'assistance et de conseil aux collectivités territoriales

Le rôle de représentant de l'État du sous-préfet est essentiel. Même si, juridiquement, le maire représente aussi l'État, il n'est pas perçu comme tel par ses administrés. Le sous-préfet est donc le lien privilégié entre le terrain et l'État, qu'il s'agisse des services déconcentrés ou des administrations centrales.

Dans certains territoires ruraux et isolés, ce rôle est fondamental. Comme on l'a dit, les fermetures successives des services publics dans ces territoires sont génératrices d'un sentiment d'abandon. La sous-préfecture apparaît alors comme le rempart contre la fatalité et l'injustice. Pour les élus locaux, sa suppression n'est pas envisageable, même si ses effectifs ont été substantiellement réduits au fil des réformes. Sa perte serait celle d'un symbole, celui de la République et de soutien aux élus locaux.

La relation entre le sous-préfet et les élus locaux a plusieurs facettes. Le rôle de « démineur », d' « ouvreur de portes » du sous-préfet est de loin le plus apprécié. Son autorité de représentant de l'État, ses relations privilégiées avec les services déconcentrés lui permettent de trouver rapidement la solution à des problèmes devant lesquels les maires restent désarmés. Intervenir auprès du conseil général suite à l'absence d'entretien d'une route départementale, interpeler les services déconcentrés pour débloquer un dossier de permis de construire ou un projet particulier, réunir les différents acteurs locaux afin de faire avancer un projet d'envergure sont autant d'aides facilitant substantiellement l'administration communale et dynamisant les initiatives locales.

Outre ce rôle de « démineur », le sous-préfet a celui d'expert : il est à la fois ingénieur territorial, appui technique et conseiller juridique. En zone rurale notamment, cette mission est essentielle pour les élus. Le sous-préfet de Castellane, comme les élus rencontrés par votre rapporteur au cours de son déplacement, sont unanimes à reconnaître l'embarras des maires ruraux face à la multiplicité et à la complexité des règlements et des normes. Rares en effet sont ceux qui possèdent les connaissances juridiques et techniques nécessaires pour mener à bien seuls leurs projets. Pour ces maires, l'assistance apportée par le sous-préfet n'a pas d'équivalent intercommunal.

Constatons, malheureusement, que l'évolution des missions et la réduction des effectifs réduisent la part de l'ingénierie territoriale dans le travail des agents des sous-préfectures, qu'elles soient petites ou importantes. Or, suite au transfert de la plupart des activités de guichet vers les préfectures et les mairies, les services sous-préfectoraux devraient pouvoir s`impliquer plus dans cette mission d'ingénierie territoriale. Leur proximité des élus les rend particulièrement aptes à ce rôle d'expertise et d'impulsion des projets locaux.

Des Maisons de l'État bien pensées pourraient permettre d'optimiser les moyens des sous-préfectures. Elles ne sauraient les remplacer. Éloigner le sous-préfet des élus locaux et réduire le champ des missions des sous-préfectures constitueraient un recul considérable et préjudiciable de la présence et du rôle de l'État dans les territoires.

Concernant l'avenir des préfets, cette préoccupation du recul de l'État dans les territoires est aussi d'actualité, avec le débat sur l'éventuelle évolution des préfets vers un cadre d'emploi fonctionnel.

B. INTERROGATIONS SUR L'AVENIR DU CORPS PRÉFECTORAL

La Cour des comptes a récemment pointé plusieurs dysfonctionnements de la gestion des préfets. Mais s'il est impératif d'améliorer cette gestion, il est plus difficile de suivre la recommandation de la Cour consistant à faire évoluer le corps des préfets vers un cadre d'emploi fonctionnel.

1. La Cour des comptes et la gestion des préfets

Dans le cadre de ses contrôles, la Cour des comptes a émis, dans un référé transmis au gouvernement en juillet dernier, des observations sur quatre points de la gestion du corps préfectoral.

a) Des affectations territoriales trop brèves

Déjà en 2005, la Cour des comptes avait relevé la brièveté des affectations territoriales des préfets. Le dernier contrôle, datant de 2012, montre même qu'elles ont diminué, passant de deux ans et demi en 2006 à quelque deux ans en 2010. Concrètement, chaque année, un préfet sur deux change d'affectation.

Pour la Cour, cette situation conduit à une instabilité dans la conduite des politiques publiques, et nuit à leur efficacité. De plus, elle ne permet pas d'évaluer l'action des préfets dans leur territoire, beaucoup de leurs aspects, comme la sécurité publique et l'emploi, se mesurant sur le long terme.

Pour remédier à cette situation, la Cour préconise une durée minimale d'affectation, autour de trois ans pour les préfets, et une durée un peu plus longue pour les préfets de région. Il faudrait également selon elle regrouper les mouvements dans le temps. Enfin, elle propose de disjoindre les affectations des promotions, à savoir de permettre l'avancement d'un préfet sans nécessairement l'affecter sur un nouveau territoire.

b) Un nombre trop élevé de préfets hors cadre

En 2013, sur 250 préfets, 127 seulement étaient affectés à un poste territorial, 37 étaient détachés, 12 en disponibilité, 1 en dehors des cadres, et 75 étaient dans la position dite « hors cadre ». Celle-ci recouvre des situations très diverses : préfets en attente d'une affectation territoriale, préfets exerçant des fonctions au ministère de l'intérieur, préfets exerçant des fonctions en dehors du ministère de l'intérieur, mais restant payés par ce dernier, préfets nommés en mission de service public.

Après avoir reconnu que, dans leur grande majorité, les fonctions exercées par les préfets hors-cadre étaient généralement utiles, la Cour estime que quelques cas posent question. Une part des missions confiées aux préfets hors-cadre, comme la présence du ministère de l'intérieur à l'étranger ou la régulation des instructions adressées aux préfets, semblent plus une occupation que l'exercice d'une réelle responsabilité. Certains préfets hors-cadre sont même sans affectation.

Pour la Cour, au-delà du gonflement des effectifs, la situation hors-cadre doit être clarifiée. Elle manque, en effet, de justification au regard de la position de détachement, position dans laquelle les préfets exercent des missions comparables à celles des préfets hors-cadre mais en étant rétribués par l'organisme qui les accueillent.

c) La particularité des préfets en mission de service public

Le décret statutaire des préfets 28 ( * ) prévoit depuis 1982 la possibilité de nommer des préfets en mission de service public (PMSP), dont la première affectation est dérogatoire puisqu'elle n'est pas territoriale. Placés en position hors-cadre, ces préfets sont nommés dans la limite de dix postes. Les griefs essentiels de la Cour concernant ces PMSP viennent de ce que ces préfets n'ont pas vocation à exercer un poste territorial, ce qui est pourtant celle du corps des préfets. La nomination d'un PMSP est parfois aussi une manière de récompenser un sous-préfet méritant en fin de carrière et d'améliorer sa retraite.

En conclusion, la Cour des comptes recommande la suppression de cette voie d'accès au corps préfectoral.

d) Du statut à l'emploi fonctionnel ?

Partant du constat que trop de préfets sont sans affectation territoriale, la Cour des comptes pose la question du remplacement du statut de préfet par un cadre d'emploi fonctionnel.

En réponse, le Premier ministre se montre ouvert à cette recommandation, indiquant que la réflexion sur l'évolution des préfets vers un emploi fonctionnel a « sensiblement progressé » et reconnaissant les avantages que présenterait cette évolution qui donnerait plus de marges de manoeuvre dans la gestion des préfets et permettrait de diversifier leur recrutement.

2. Mieux gérer les préfets

Même s'il convient de le relativiser 29 ( * ) , le diagnostic de la Cour ne peut qu'être partagé : ce turn over préfectoral doit être corrigé. Que la solution passe par le remplacement du statut de préfet par un cadre d'emploi fonctionnel pourrait par contre être un remède pire que le mal.

a) Allonger la durée des affectations territoriales

Vingt-quatre mois de présence, c'est trop peu pour prendre la mesure d'un territoire, acquérir les connaissances dont dépend l'efficacité de l'action. Côté élus locaux, cette courte durée ne permet pas de faire fructifier la relation de travail et de confiance établie avec le représentant de l'État sans laquelle aucun projet un peu important ne peut aboutir.

L'argument du Premier ministre dans sa réponse à la Cour, selon lequel le caractère discrétionnaire de la nomination des préfets rend difficile la gestion de la durée de leur affectation et de leurs mouvements n'est pas totalement convainquant. S'il est évident que la fonction politique du préfet, représentant du Gouvernement, impose des mutations (changement de majorité, incompatibilités locales), cela ne signifie pas que ralentir le mouvement et anticiper soient impossibles.

Les auditions ont montré le lien entre la courte durée des affectations préfectorales et la logique de progression de carrière. L'avancement des préfets dépendant étroitement du département dans lequel ils exercent, toute promotion impose un changement de département. En schématisant, les préfets des départements les moins peuplés sont au bas de l'échelle, et chaque promotion correspond à une affectation dans un département plus grand, plus peuplé. Ainsi, de proche en proche, c'est toute la pyramide qui se trouve affectée. Casser ce lien trop strict entre la taille du département et le statut professionnel, matériel et symbolique des préfets, permettre des promotions sur place donneraient plus de stabilité au système. En diversifiant ainsi les perspectives de carrière, on donnerait aux intéressés plus de visibilité sur leur avenir 30 ( * ) .

Une autre explication de la brièveté des affectations tient à la l'obligation de ne pas laisser trop longtemps un département sans préfet, pour cause de maladie ou décès, par exemple. La mise en place d'un corps de réserve, dont le statut reste à définir, pourrait être une solution.

En tout état de cause, réduire les occasions de mouvements devrait être une préoccupation permanente.

b) Préserver la fonction territoriale du préfet

Pour votre rapporteur, le fait qu'autant de préfets n'exercent pas leurs fonctions sur des postes territoriaux est une anomalie.

La situation hors-cadre, et plus particulièrement, celle des préfets en mission de service public, dont certaines évanescentes, contrevient à l'essence même de la mission préfectorale, son caractère territorial.

Si l'on peut admettre qu'une partie du corps préfectoral soit affectée à d'autres missions que strictement territoriales, cela ne peut concerner qu'un nombre limité de fonctionnaires placés en position de détachement auprès des organismes qui bénéficient de leurs services.

Le ministère de l'intérieur semble sensible à ce problème. Ainsi lors de son audition, son secrétaire général a indiqué que le nombre de préfets hors cadre avait très sensiblement diminué, puisqu'il est actuellement établi à 19, dont 6 n'ayant pas d'emploi effectif. On s'en félicite tout en s'interrogeant sur l'annonce du ministre, lors de son audition par la commission des lois, de la suppression, non pas de la position hors-cadre, mais seulement de son nom aux senteurs de placard effectivement peu gratifiantes pour les intéressés eux-mêmes.

Quoi qu'il en soit, allonger la durée dans les fonctions de préfet, de un à trois ans par exemple, avant titularisation limiterait aussi les effets des nominations de convenance sur critères politiques.

Mais le maintien du lien étroit entre territoire et préfet passe d'abord par le renforcement de leur professionnalisation, autrement dit par le passage obligé dans la fonction de sous-préfet. C'est dans ce rôle de terrain compliqué que peuvent être évalués et repérés ceux qui ont l'étoffe des futurs préfets. On attend donc avec grand intérêt les mesures annoncées par le ministre de l'intérieur lors de son audition par la commission des lois, mesures concernant l'évolution des dispositifs d'évaluation et de formation des préfets.

Concrètement, votre rapporteur propose :

- d'anticiper les nominations des préfets en les regroupant sur deux ou trois campagnes annuelles de mouvements, resserrées dans le temps ;

- de ne pas lier l'avancement des préfets à la taille du département d'affectation ;

- de redéfinir les modalités de titularisation des préfets ;

- de fixer un plafond pour le nombre de préfets hors-cadre avant de supprimer ce statut ;

- de supprimer la possibilité d'accéder au corps préfectoral sans affectation territoriale préalable.

3. Faut-il fonctionnaliser les préfets ?

Oui dit la Cour des comptes. Pourquoi pas semble dire le Premier ministre dans sa réponse à la Cour 31 ( * ) . Pas question de remettre en cause l'existence du corps préfectoral a affirmé le ministre de l'intérieur, lors de son audition devant la commission des lois.

Les bénéfices d'une évolution vers un emploi fonctionnel ne sont pas négligeables : diversification du recrutement, fin des dérives du « hors-cadre », les fonctionnaires exerçant la fonction de préfets rejoindraient leur corps d'origine lorsqu'on jugera qu'ils ne font plus l'affaire ; suppression de l'inconvénient lié au caractère définitif de l'entrée dans le corps préfectoral. De manière générale, la fonctionnalisation des préfets permettrait une gestion beaucoup plus souple du corps des préfets.

Cependant, pour nous, les avantages de la fonctionnalisation sont plus que compensés par la disparition de la figure du préfet en tant que présence sensible de la République une et indivisible sur l'ensemble du territoire, présence dont on perçoit la nécessité et la force lors de catastrophes, de problèmes graves et de crises. Le préfet n'est pas que le directeur général des services déconcentrés de l'État. Encore une fois, il est la République et son gouvernement sur l'ensemble du territoire.

Le préfet n'est pas un fonctionnaire comme les autres. Que l'on s'efforce d'en diversifier le recrutement est une chose, que l'on en gomme la spécificité, une autre. Imposer un passage obligé par la fonction de sous-préfet territorial pour être préfet, allonger la période d'exercice avant titularisation permettrait de concilier diversification du recrutement et spécificité de la fonction préfectorale

Dans le contexte actuel de demande forte de maintien de la présence de l'État, remplacer le corps des préfets par un emploi fonctionnel serait une erreur, serait confondre management d'une entreprise et gouvernement d'un pays.

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* *

Sur proposition du rapporteur, la commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l'État figurant dans le projet de loi de finances pour 2015.

EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 26 NOVEMBRE 2014

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis . - La mission « Administration générale et territoriale de l'État » comprend trois programmes d'inégale importance.

- le programme 232, « Vie politique, cultuelle et associative » pour lequel je me limiterai à préciser que ses crédits sont affectés aux actions de « financement des partis » (58,3 M€) en baisse de 10% par rapport au précédent budget ; de financement des élections (236,4M€), en hausse compte tenu des échéances de mars et de décembre 2015 ; de financement de la vie associative et des cultes (quelque 2 millions d'euros). Au total 302,3 millions d'euros.

- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », dont les crédits représentent 719 millions d'euros, et sont affectés aux fonctions support du ministère de l'intérieur (ressources humaines et moyens informatiques, affaires immobilières notamment) et à la gestion des affaires juridiques et contentieuses.

- le programme 307, « Administration territoriale », 1,718 millions d'euros en autorisation d'engagement et 1,717 millions d'euros en crédits de paiement sur lequel je m'arrêterai plus longuement.

Ces chiffres représentent une baisse de 0,5 % en autorisations d'engagement et de 0,4 % en crédits de paiements par rapport à 2014 soit 3,8 millions d'euros de moins en crédits de fonctionnement et une perte de 180 ETP.

Si l'on passe de la considération brute de chiffres à leur mise en perspective, force est de constater que depuis 2008, changements de majorité ou pas, l'administration territoriale de l'État vit sous le signe de la réforme permanente. Sous des noms différents, « RéATE » pour le gouvernement précédent, « MAP» pour le gouvernement actuel, l'objectif est le même : réorganiser, mutualiser, réduire les effectifs. Pour ce qui les concerne, en 8 ans, les services préfectoraux ont perdu 10 % de leurs effectifs, passant de 30 228 EPTP en 2007 à 27 143 prévus pour 2015.

Les objectifs de cette politique sont doublement ambigus selon moi :

- première ambigüité : optimiser l'affectation des crédits disponibles, améliorer l'efficacité du service public, souci de tout gestionnaire qui se respecte et, en même temps donner la priorité à la réduction des dépenses publiques, ce qui renvoie à un choix politique particulier : bien dépenser versus moins dépenser ;

- deuxième ambigüité : améliorer l'efficacité de l'État gestionnaire de services à la population et assurer la présence, de l'État républicain, des symboles et marques d'une République « une et indivisible » sur l'ensemble du territoire : « manager » versus gouverner. Ce qui pose la question d'une éventuelle redistribution des sous-préfets sur l'ensemble du territoire et de ses conséquences en termes politiques, la question aussi de l'éventuel remplacement du corps des préfets par un cadre d'emploi fonctionnel, ce que souhaite la cour des comptes.

Je vous renvoie au rapport pour plus de détails à moins que vos questions ne m'amènent à développer l'un ou l'autre sujet.

Ces objectifs contradictoires, la rhétorique officielle les présente un peu vite comme toujours conciliables, pourvu qu'on stimule le sens du service public et l'imagination des fonctionnaires, ce que les faits ne vérifient pas. Ainsi, malgré l'évidente bonne volonté des personnels, malgré leur capacité à s'adapter et à innover, le principe selon lequel réduire les crédits c'est mieux les employer, moins de fonctionnaires c'est plus d'efficacité du service public, atteint aujourd'hui ses limites. D'où la suspicion que ne peut pas ne pas susciter chaque réforme nouvelle. Ainsi en va-t-il de la récente création des « maisons de l'État ». Mesure de réorganisation de la localisation des services et regroupement des moyens, de bon sens, comme on a pu le constater lors d'un déplacement à Castellane, elle nourrit aussi la crainte de préparer discrètement la disparition des sous-préfets en secteur rural, remplacés par des chefs de bureau moins coûteux.

Force est aussi de constater que l'amélioration de la gestion des services au public dont le Gouvernement peut, à juste titre se prévaloir, par exemple la réduction de la durée d'obtention de titres, est parfois obtenue au prix de la mobilisation des moyens sur cet objectif au détriment d'autres. Les indicateurs de performance les ignorent, tel le conseil aux élus, ou sont formulés en termes tels qu'ils ne permettent aucun contrôle réel. Que signifie un taux de contrôle des actes dits prioritaires des collectivités en l'absence d'une définition stricte de la frontière entre ces actes prioritaires et les autres.

De réforme en réforme, réalisée ou annoncée, comme celle de la carte des sous-préfectures, de réduction des effectifs en redéploiements, les agents des services déconcentrés, qui se sont adaptés comme ils ont pu, touchent le seuil de saturation. Leur constat est celui de l'inadéquation grandissante entre les moyens alloués à l'administration territoriale au regard de ses missions, nombreuses et diverses puisqu'elles vont de l'appui aux collectivités locales et du conseil aux élus, au contrôle de légalité, en passant par la délivrance des titres ou la coordination des services déconcentrés de l'État sur un territoire. D'une manière générale, ceux qui gèrent au quotidien l'administration déconcentrée souhaiteraient avoir une vision claire de l'avenir, pouvoir s'appuyer sur le cadre pérenne leur permettant de gérer leurs moyens et leurs missions au moins sur le moyen terme.

Or cette instabilité a vocation à perdurer voire à s'amplifier, avec le lancement dès 2015 d'une nouvelle réforme de l'État, prévoyant notamment le transfert de nouvelles missions vers les administrations déconcentrées.

Côté élus cette fois, on peine aussi à voir le lien entre la réorganisation territoriale version « Mapam » puis « NOTRe » et les réformes successives de l'administration déconcentrée alors qu'une bonne articulation entre les deux est essentielle à la réussite de chacune, plus essentielle, en tous cas, que la taille des collectivités. L'impression qui domine est celle de réformes parallèles conduites selon leurs logiques propres, quand ce ne sont pas des logiques changeantes comme on a pu le constater s'agissant de la réforme territoriale. Que les parallèles soient appelées à se rejoindre à l'infini n'est pas spécialement rassurant.

Si je n'étais pas rapporteur je donnerai un avis négatif sur les propositions budgétaires relatives au programme 307. Etant rapporteur et pour une fois prudent, je m'en remets à la sagesse de notre commission.

M. Philippe Bas, président . - . - Cher collègue, nous devons donner un avis.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis . - Alors il est défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur . - Je voudrais remercier Pierre-Yves Collombat pour son rapport, comme toujours extrêmement lucide, qui ne sombre jamais dans l'exhaustivité mais qui fait preuve de la rigueur intellectuelle que nous lui connaissons. Certains prétendent que l'administration de l'État doit disparaître au profit des collectivités territoriales, mais je ne suis pas de cet avis.

Nous avons besoin d'un État substantiel, pas d'un État fédéral. La décentralisation doit être prolongée par un État ayant toute sa force. Des réformes sont certes nécessaires, visant par exemple à regrouper des services trop petits, mais pour la gestion des missions de l'État, on ne doit pas se contenter d'un État minimaliste. Parmi les missions fondamentales de l'État, je pense en particulier à la solidarité : l'addition de mesures prises par chaque collectivité territoriale ne permet pas forcément de réaliser le bien commun ni d'assurer une juste répartition des ressources sur le territoire.

M. Jean-Jacques Hyest . - J'estime que l'administration territoriale a atteint un seuil de danger. L'État n'est plus du tout présent dans les départements. Parler de contrôle de légalité « prioritaire » revient en fait à renoncer à ce contrôle. La fonction de conseil n'existe plus car il faut des gens qualifiés et des compétences pour conseiller les collectivités territoriales. Au contraire, on assiste à des absurdités.

Je remarque que l'administration déconcentrée de l'État n'est forte que de 30 000 personnes ; c'est en administration centrale qu'il faudrait effectuer des ajustements. L'État s'en trouverait plus fort. En outre, on gagnerait du temps : on règlementerait moins.

Sans le dire, on veut supprimer les sous-préfets : c'est le but poursuivi, lorsqu'on remplace les sous-préfets par des attachés principaux. Les préfets sont, quant à eux, placés sous l'autorité hiérarchique de certains directeurs régionaux. Avec de grandes régions, cette tendance s'aggravera encore. Comme l'a dit Pierre-Yves Collombat, beaucoup de réformes sont menées de front, totalement injustes parfois, car politiciennes ; ainsi, certaines sous-préfectures, déjà en sous-effectifs, ont encore perdu des fonctionnaires, alors que des préfectures ont vu leurs effectifs augmenter sans justification. Nos brillants énarques finiront par ne plus choisir le corps préfectoral.

M. Christophe Béchu . - Je serai bref. Le débat actuel est difficile car on ne connaît pas les objectifs du Gouvernement. On a le sentiment qu'il refuse d'endosser l'idée qu'il diminue les moyens, alors même qu'il y a des difficultés sur le terrain. En conséquence, il rabote les dépenses dans les endroits les moins sensibles : ce n'est pas du tout une manière de réformer. C'est ce qui me dérange. Dans le passé, nous avions un système aveugle visant à supprimer un poste sur deux. Aujourd'hui, le système est en outre opaque.

M. François Grosdidier . - Je partage ce qu'ont dit mes collègues. Je souhaiterais revenir sur l'expérimentation menée dans les deux départements d'Alsace et dans la Moselle visant à réorganiser le réseau de sous-préfectures. Les sous-préfets ont été remplacés par des fonctionnaires de catégorie A, voire B, dans l'incapacité d'être les interlocuteurs des acteurs des territoires, en particulier des maires, qui ont pourtant besoin de conseil. En conséquence, on assiste à une explosion du contentieux. J'ajoute que beaucoup de recours sont le fait de requérants systématiques ou d'opposants politiques qui utilisent des voies procédurales plutôt que politiques.

Dans l'exercice de missions relatives à l'ordre public, à la gestion des catastrophes ou au passage des gens du voyage, les collectivités ont besoin d'un représentant de l'État régalien, pas uniquement d'un officier de gendarmerie. On ne peut donc avaliser l'évolution actuelle. Autant il est possible de s'appuyer sur des agences techniques départementales et même sur des agences privées pour la réalisation de prestations techniques, autant l'État est irremplaçable dans l'exercice de ses missions régaliennes.

Aujourd'hui, on assiste à un renforcement des services techniques départementaux qui supplantent l'État régalien, alors que c'est ce dernier qui représente l'intérêt général et la coordination interministérielle. Il faut enrayer cette évolution !

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur pour avis . - Dans la suite de la table ronde d'hier avec des personnalités allemandes, je voudrais souligner qu'un système ne peut évoluer que selon sa logique. La France n'est pas un État fédéral mais une République, une et indivisible. C'est dans cette logique-là qu'il faut se situer, et non pas importer des méthodes alternatives. Comme l'a dit Jean-Pierre Sueur, il faut la présence de l'État sur les territoires, en tant qu'État.

Il faut également dire qu'une réforme doit être digérée avant d'en lancer une autre. Lors de notre déplacement, on a constaté par exemple que le personnel des sous-préfectures a le souci de bien accomplir ses missions. Cela gêne les agents de dire que cela ne va pas ; il faut vraiment insister pour qu'ils l'admettent. Ils ont l'impression de voir le métier se dévaluer avec l'irruption de tâches répétitives au détriment de leur fonction de conseil aux collectivités qui est une mission motivante. On retrouve cela à l'échelle des sous-préfets et des préfets. Transformer les préfets en directeurs généraux des services de l'État, tout en oubliant qu'ils représentent l'État, c'est confondre gouverner et « manager ».

M. Philippe Bas, président . - Il existe un syndrome dans l'administration préfectorale : les préfets deviennent les porte-paroles de leurs services techniques, lesquels n'ayant plus le temps d'interpréter les règles et de consacrer l'expertise nécessaire à l'étude des projets développés par les initiatives locales, s'y opposent alors.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

DÉCISIONS DU CIMAP DU 17 JUILLET 2013 CONCERNANT L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Décisions du Cimap du 17 juillet 2013 concernant l'administration territoriale de l'État

Améliorer l'efficacité du travail gouvernemental et la coordination interministérielle de l'État

Décision n° 27 : Le Gouvernement décide de définir des engagements de projet et de service public pour clarifier les missions et les priorités des services de l'État et mieux répondre aux besoins des bénéficiaires de son action.

Décision n° 28 : La mise en place des engagements de projet et de service public s'accompagnera d'une remise à plat et d'un allègement des outils de pilotage et des tableaux de compte-rendu (« reporting ») développés par les administrations centrales et les directions régionales de manière à infléchir singulièrement la charge imposée aux services déconcentrés.

Décision n° 29 : Le Gouvernement engage un travail interministériel destiné à restaurer une articulation efficace entre le niveau national et le niveau déconcentré et à assurer une plus grande fluidité des échanges entre le niveau régional et départemental.

Moderniser le pilotage de l'administration déconcentrée et restaurer ses marges de manoeuvre

Décision n° 30 : Afin de rénover le dialogue de gestion et d'affirmer le choix de la déconcentration et de l'inter-ministérialité, les préfets de région seront désignés responsables des budgets opérationnels de programme (BOP) gérés par les services placés sous leur autorité.

Décision n° 31 : Dès que les enveloppes budgétaires arbitrées par le Premier ministre seront connues, le dialogue de gestion de l'automne sera préparé en amont avec les préfets de région, dès le mois de juillet, c'est-à-dire au moment où la répartition des emplois et des moyens entre administration centrale et services déconcentrés peut encore évoluer.

Décision n° 32 : La simplification de la cartographie des programmes, des BOP et des unités opérationnelles (UO) sera activement poursuivie. Le ministre chargé du budget [...] fera également des propositions, dans le même calendrier, pour lutter contre le « fléchage » des crédits par les administrations centrales et donner plus de visibilité aux échelons déconcentrés sur les moyens qui leurs sont alloués au cours d'une année.

Stabiliser l'organisation territoriale de l'État pour permettre aux services de se consacrer à la mise en oeuvre de leurs missions prioritaires

Décision n° 33 : Le Gouvernement n'engage pas de nouvelle réorganisation, et assure la stabilité des services existants (départementaux et régionaux) pour concentrer les énergies sur la modernisation du pilotage et l'amélioration concrète du fonctionnement de l'administration déconcentrée. La nécessité d'une présence durable des services de l'État dans les départements est réaffirmée.

Décision n° 34 : Dans certains domaines de politiques publiques, qui exigent des compétences rares, il est nécessaire de rechercher des coordinations géographiques plus larges créant les conditions d'un exercice interdépartemental des compétences. À cet égard, les textes législatifs et règlementaires qui font obstacle à cet objectif seront adaptés pour faciliter, en toute sécurité juridique, ces évolutions. [...]

Décision n°35 : La répartition des effectifs sera réalisée de manière équitable et différenciée entre les échelons centraux, régionaux et départementaux, en préservant les services départementaux. Le secrétaire général du Gouvernement, avec l'appui du SGMAP, assurera un suivi de l'évolution des effectifs, selon leur niveau d'affectation administrative, et un point d'étape sera réalisé, chaque année, à l'occasion du CIMAP.

Décision n° 36 : Dans le cadre de ces orientations, une concertation sera engagée dès septembre avec les fédérations de fonctionnaires sur les conditions de leur mise en oeuvre et les modalités d'amélioration des conditions de travail des agents concernés. S'agissant plus particulièrement des directions départementales interministérielles, le comité technique des DDI sera étroitement associé à ces travaux.

Décision n° 37 : Le Gouvernement, en concertation avec les représentants des personnels, engagera à l'automne les travaux nécessaires pour favoriser le rapprochement des prestations d'action sociale et des régimes indemnitaires servis aux agents appartenant aux corps présents dans les directions départementales interministérielles.

Garantir la continuité de la présence de l'État au niveau infra-départemental

Décision n° 38 : Un cadre national d'action sera déterminé, sous forme de cahier des charges, entre les ministères de l'intérieur, de l'économie et des finances, de l'égalité des territoires et du logement et de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, afin de convenir des modalités de regroupement des services infra-départementaux au sein de « Maisons de l'État ». Les préfets de département, en coordination avec les directeurs départementaux des finances publiques, élaboreront un plan d'action organisant les sites de regroupement lorsqu'ils ont identifié des territoires présentant des enjeux particuliers de maintien de la présence de l'État.

AUDITIONS ET DÉPLACEMENT EFFECTUÉS PAR LE RAPPORTEUR

AUDITIONS

Ministère de l'intérieur :

- M. Michel Lalande , secrétaire général

- M. Thibaut Sartre , directeur de l'évaluation de la performance et des affaires financières et immobilières du ministère

- M. Marc Drouet , directeur adjoint de la modernisation et de l'action territoriale

- M. Christian Chassaing , chef du bureau de la performance et des moyens de l'administration territoriale

Association du corps préfectoral

- M. Jean Daubigny , président de l'association, préfet de la région Ile-de-France

Cour des comptes

- M. Christian Martin , conseiller maître, président de la 2 ème section de la 4 ème chambre

Association des maires ruraux de France

- M. Denis Durand , Président des maires ruraux du Cher et membre du Comité des Finances Locales

Université de Grenoble

- M. Nicolas Kada , professeur agrégé de droit public

Association d'entraide des usagers de l'administration (ADUA)

- M. Sylvain Moraillon, vice-président

- M. Alain Danel, secrétaire général

DÉPLACEMENT À CASTELLANE (ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE)
ET DRAGUIGNAN (VAR)
VENDREDI 14 NOVEMBRE 2014

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Maisons de l'État de Castellane :

Entretien avec :

- M. Charbel Aboud , sous-préfet de Castellane

- Mme Pascaline Cousin , directrice-adjointe

- Mme Martine Termonia , secrétaire générale de la Direction départementale des territoires

- Mme Frédérique Cadenel , secrétaire générale adjointe de la Direction départementale des territoires

Entretien avec les maires ruraux :

- M. Michel Flamen d'Assigny , président de l'association des maires ruraux des Alpes-de-Haute-Provence

- M. André Passini , premier adjoint au maire de Castellane

- M. Serge Prato , maire de Saint André les Alpes

- Mme Roselyne Serrano , maire de Beauvezer

- M. Ludovic Mangiapia , maire de Demandolx

- Mme Magali Surle-Girieud , maire de Colmars

- Mme Chantal Caïs, maire d'Allos

Sous-préfecture de Draguignan :

Entretien avec :

- M. Stanislas Cazelles , s ous-préfet de Draguignan

- M. Bruno Evenas , directeur de la performance et des moyens

- M. Bernard Jaulent , secrétaire général adjoint

- Mme Cécile Bruno , chef de bureau des affaires générales

- Mme Claire Chapeland , chargée de mission emploi, développement économique et politique de la ville


* 1 Le compte rendu de l'audition du ministre de l'intérieur est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20141117/lois.html .

* 2 Réforme de l'administration territoriale

* 3 Modernisation de l'action publique

* 4 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles

* 5 Projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, en cours d'examen au Sénat

* 6 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances du Sénat sur l'avenir des préfectures, n° 753 (2013-2014)

* 7 Cette centralisation est aujourd'hui effective dans 90 préfectures, certaines sous-préfectures ayant conservé une compétence en matière de contrôle de légalité, en raison de caractéristiques territoriales spécifiques.

* 8 Passeports biométriques et cartes grises avec le nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV)

* 9 Voir Annexe I

* 10 Source : réponse au questionnaire

* 11 Circulaire NORFCPB1401673C du 14 mai 2014 relative à la simplification de la nomenclature budgétaire des programmes, BOP et UO et lutte contre le fléchage des crédits

* 12 Cf infra

* 13 Cf supra

* 14 Compte-rendu du Conseil des ministres du 2 juillet 2014

* 15 Décret n°92-604 du 1 juillet 1992 portant charte de la déconcentration

* 16 Compte-rendu du Conseil des ministres du 10 septembre 2014

* 17 Décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'Etat dans les régions et départements , modifié par le décret n° 2010-146 du 16 février 2010.

* 18 Le projet Chorus tend à créer un système d'information financière commun à toutes les administrations centrales et déconcentrées, et partagé entre les ordonnateurs et les comptables

* 19 Dans les sous-préfectures de Saint-Girons (Ariège), Vervins (Aisne), Castellane (Alpes-de-Haute-Provence), Bellac (Haute-Vienne), Vierzon (Cher), Castelsarrasin (Tarn-et-Garonne), Libourne (Gironde), Fougères (Ille-et-Vilaine), Vendôme et Romorantin-Lanthenay (Loir-et-Cher)

* 20 Qualité fonctionnelle, surface utile par poste de travail, accessibilité, etc.

* 21 Ce programme relève de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »

* 22 Programme 217 « Conduite et pilotage de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer »

* 23 Programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture »

* 24 Cf supra

* 25 Circulaire NOR : IOCB1202426C du 25 janvier 2012 portant définition nationale des actes prioritaires en matière de contrôle de légalité

* 26 Décret-loi du 10 septembre 1926.

* 27 Communiqué de presse du 9 septembre 2013 du ministère de l'intérieur : « Réforme du réseau des sous-préfectures- expérimentation en Alsace et Lorraine ».

* 28 Décret n°64-805 du 29 juillet 1964 fixant les dispositions réglementaires applicables aux préfets

* 29 Le nombre de préfets hors cadre a été réduit à 19, dont six sont sans emploi effectif.

* 30 Cette réflexion vaut aussi pour la carrière des sous-préfets.

* 31 Cf supra

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