C. DES CONSÉQUENCES NÉGATIVES SUR LE NIVEAU D'INVESTISSEMENT DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ?

Comme l'a relevé la Cour des comptes 3 ( * ) , « alors qu'en 2014, la baisse des dotations de l'État a été en partie neutralisée par des transferts de ressources nouvelles, l'importance de l'effet de levier de la baisse programmée des dotations entre 2015 et 2017 dépendra des modalités de répartition qui seront retenues et de l'ajustement des comportements des acteurs locaux. »

La contrainte sur les ressources, en 2015, sera plus sensible pour les collectivités territoriales. La baisse des dotations budgétaires en leur faveur sera répartie au prorata de la part de chaque échelon local dans les recettes totales.

Selon les éléments présentés par Mme Marylise Lebranchu, ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique lors de son audition devant votre commission, cette diminution représente une baisse des ressources des collectivités territoriales de l'ordre de 1,6 % de leurs recettes totales et de 1,9 % de leurs recettes de fonctionnement.

1. Une répartition inégale de l'effort entre niveaux de collectivités territoriales

Selon les éléments recueillis par votre rapporteur pour avis, la répartition de l'effort supporté par les collectivités territoriales ne tient pas suffisamment compte des situations financières respectives de chaque échelon local.

Contrairement aux régions et aux départements, le bloc communal
- à savoir les communes et les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre - bénéficie de marges de manoeuvre fiscales et budgétaires qui lui permettent de faire face à la baisse des dotations. En effet, ses ressources sont constituées d'une part importante de fiscalité directe, en particulier les impôts des ménages que sont la taxe d'habitation, la taxe sur le foncier bâti et la taxe sur le foncier non bâti. Ces trois impôts reposent sur des bases dynamiques ce qui permet aux communes et à leur groupement de moduler les taux d'imposition.

A contrario , les départements et les régions ne disposent pas des mêmes ressources. L'unique marge de manoeuvre à la disposition des départements est le taux de la taxe foncière sur les propriétés bâties, des droits de mutation à titre onéreux, de la taxe d'aménagement et de la taxe sur la consommation finale d'électricité. Quant aux régions, leurs marges de manoeuvre apparaissent encore plus étroites : taux de la taxe sur les certificats d'immatriculation des véhicules, de la taxe sur les permis de conduire et de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques.

2. Quelles marges de manoeuvre à la disposition des collectivités territoriales ?

Selon le Gouvernement, la diminution de 12,5 milliards d'euros des dotations de l'État en faveur des collectivités territoriales devrait nécessairement s'accompagner d'une diminution équivalente des dépenses de celles-ci. La Cour des comptes estime que « la baisse des dotations de l'État aux collectivités locales pourrait avoir pour effet de ralentir la progression de leurs dépenses, sous réserve des mesures prises au plan national ou local en matière de recettes ». Toutefois, l'impact de cette baisse, qui est d'une ampleur inédite, est difficile à évaluer.

a) La recherche d'économies de fonctionnement

Les auditions menées par votre rapporteur pour avis ont relevé la nécessité, pour les élus locaux, de rechercher le maximum d'économies en matière de dépenses de fonctionnement. Toutefois, cette recherche d'économies sera nécessairement limitée puisqu'elle s'échelonnera sur plusieurs années.

Elle devrait conduire les élus locaux à recourir à une gestion plus rigoureuse des personnels par la recherche de marges de manoeuvre aussi bien au niveau des effectifs que des modalités de gestion des ressources humaines.

En effet, comme l'a relevé la Cour des comptes, la masse salariale des collectivités territoriales a augmenté, en 2013, de 3,1 %, après une hausse de 3,5 % en 2012. « Cette évolution tendancielle découle notamment de la hausse des effectifs, [...], de celles des rémunérations indiciaires, sous l'effet des avancements d'échelon et de grade, et des régimes indemnitaires. Elle résulte également de décisions qui échappent aux collectivités locales, telles que l'augmentation des cotisations à la caisse nationale de retraite des collectivités territoriales (CNRACL) et la revalorisation du smic qui a un effet sur la rémunération des agents appartenant à la catégorie C. »

En d'autres termes, les collectivités territoriales pourraient être incitées à remettre en cause leurs politiques de personnels, en particulier en matière d'avancements automatiques de grade et d'échelon, ou encore de durée de temps de travail. « Une révision de ces règles pourrait contribuer à freiner la hausse tendancielle des dépenses de personnel, de même qu'une meilleure maîtrise des régimes indemnitaires, jusqu'à maintenant en progression constante. » Toutefois, votre rapporteur pour avis estime que cette réorientation des politiques de gestion de personnels ne doit pas concerner les agents de catégorie C dont les revenus sont modestes.

b) Une réflexion nécessaire sur la pertinence de certains investissements

Afin de maintenir le niveau de leur politique d'investissement, les collectivités territoriales pourraient diminuer leur capacité d'autofinancement.

Toutefois, se pose la question des choix d'investissement des collectivités, en particulier le maintien de leurs programmes d'investissement, soit en recourant à l'endettement, soit en renonçant à certains projets pour tenir compte du recul de leur autofinancement. En effet, la baisse des dotations budgétaires des collectivités territoriales pourrait inciter les élus locaux à s'interroger sur la pertinence de certains investissements. Les chambres régionales des comptes relèvent régulièrement le manque d'utilité de certains projets locaux, jugés dispendieux.

La Cour des comptes considère que « la programmation d'une baisse des dotations de l'État de 3,7 milliards d'euros par an de 2015 à 2017 est d'une toute autre ampleur que celle de 2014. Elle pourrait donc, compte tenu de son effet cumulatif, modifier le référentiel de décision des élus locaux. »

Il convient de rappeler que les cycles d'investissement sont fortement marqués par le cycle électoral, qui se vérifie en particulier pour le bloc communal. Selon les éléments recueillis par la Cour des comptes, à titre d'exemple, l'investissement communal a, jusqu'en 2012, progressé parallèlement à l'évolution des recettes d'investissement hors emprunt. En 2013, l'effort d'équipement a été financé par un recours accru à l'endettement. En 2014, année de renouvellement des conseils municipaux et des conseils communautaires, la situation devrait correspondre à « une phase de préparation du programme d'investissement de la mandature et donc de ralentissement des dépenses ».

Votre rapporteur pour avis estime, à l'instar de la Cour des comptes, que l'évolution des dépenses d'investissement sera liée en réalité aux comportements des acteurs locaux qui devront arbitrer entre l'accroissement de leurs dépenses en préservant leur épargne brute par la recherche d'économies, en particulier de fonctionnement, ou en ajustant leurs recettes au moyen de la pression fiscale. Les collectivités territoriales pourraient en effet favoriser le recours à l'impôt pour compenser la baisse de leurs ressources afin d'offrir à leurs citoyens une qualité satisfaisante des services publics locaux.

c) Le recours à la mutualisation et aux communes nouvelles ?

Votre rapporteur pour avis estime enfin que la baisse des dotations pourrait inciter les communes à mutualiser l'exercice de leurs compétences pour lesquelles elles ne disposent plus des moyens suffisant. La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a assoupli les dispositions permettant aux collectivités territoriales de mutualiser leurs compétences, soit entre celles appartenant à un même échelon local, soit entre collectivités de niveaux différents.

Par ailleurs, les communes pourraient être incitées à recourir au dispositif des communes nouvelles, visant à faciliter le regroupement de communes, dont la proposition de loi de M. Jacques Pélissard, député et président de l'Association des maires de France (AMF), vise à assouplir les dispositions de regroupement des communes, en proposant notamment une bonification de la DGF pendant trois ans.

L'assouplissement du dispositif des communes nouvelles proposé
par l'Association des Maires de France

L'Association des Maires de France porte une révision du dispositif des communes nouvelles institué par la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 pour rénover les fusions de communes.

Son président, le député Jacques Pélissard, a déposé à cette fin une proposition de loi à l'Assemblée nationale ainsi que, parallèlement, le député Bruno Le Roux.

L'objectif poursuivi est d'accélérer et de faciliter la création de communes nouvelles : la baisse de la DGF devrait aggraver la faiblesse des moyens des petites communes confrontées, dans le même temps, à leur place et à leur poids au sein de communautés appelées à s'élargir notablement aux termes du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Pour parvenir à cet objectif, il est proposé plusieurs incitations :


• Pour encourager les fusions, les conseils municipaux des communes appelées à fusionner pourraient décider, par délibérations concordantes, de maintenir en place l'ensemble des élus municipaux des anciennes communes dans le conseil de la commune nouvelle jusqu'aux prochaines élections municipales ;


• Les maires délégués (pour chaque commune fusionnée) deviendraient des adjoints au maire de la commune nouvelle et pourraient se réunir au sein d'une conférence municipale présidée par celui-ci ;


• Les communes nouvelles de moins de 10 000 habitants, créées au plus tard le 1 er janvier 2016, bénéficieraient pendant trois ans d'un pacte de stabilité de la DGF intégrant les dotations de péréquation. Ce montant serait au moins égal à la somme des montants de la DGF perçus l'année précédente par les anciennes communes ;


• Le maintien de la DGF serait également garanti, sans condition de population, à toute commune nouvelle créée au plus tard le 1 er janvier 2016, qui se substituerait à un EPCI à fiscalité propre ;


• S'y ajouterait une bonification de la DGF de 5 % pendant 3 ans à compter de leur création aux communes nouvelles dont la population regroupée serait comprise entre 1 000 et 10 000 habitants ;


• Enfin, le délai de rattachement de la commune nouvelle à un EPCI à FP serait assoupli.

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La commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte d'avances aux collectivités territoriales dans le projet de loi de finances pour 2015.


* 3 Cour des comptes, « Les finances publiques locales », octobre 2014.

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