C. LES INCERTITUDES PESANT SUR LE PREMIER ACCUEIL ET L'AVENIR DES PLATEFORMES D'ACCUEIL DES DEMANDEURS D'ASILE

Si l'OFII est en charge de la coordination du réseau des plateformes d'accueil, il n'en assure lui-même pour l'heure qu'assez rarement la gestion directe, s'appuyant de manière très importante sur le secteur associatif. Dans la perspective de la mise en place d'un « guichet unique » cependant, il est prévu que l'OFII internalise nombre des prestations aujourd'hui dispensées par les associations.

1. Le rôle des PADA aujourd'hui

Les plateformes d'accueil des demandeurs d'asile (PADA) ont été progressivement mises en place par le milieu associatif à compter de l'année 2000 à la demande des pouvoirs publics pour pallier les limites du dispositif national d'accueil (DNA) et tenter de réduire les délais d'attente pour entrer en CADA. Ces structures jouent un rôle central dans le premier accueil des demandeurs d'asile en assurant la domiciliation des demandeurs d'asile et l' accompagnement dans leurs démarches administratives et sociales . Certaines plateformes assurent également l' orientation vers une solution d'hébergement d'urgence . En outre, elles accompagnent tout au long de l'instruction de leur dossier par l'OFPRA puis, le cas échéant, la CNDA les demandeurs d'asile qui ne bénéficient pas d'un hébergement en CADA .

En 2008, dans l'objectif de maîtrise des coûts et de rationalisation du réseau des PADA, l'État s'est engagé dans une réforme du dispositif de premier accueil. Le 1 er mai 2010, a été décidée la régionalisation de l'accueil des demandeurs d'asile : trente-trois préfectures ont alors gardé la compétence d'admission au séjour pour le dépôt de la demande d'asile. En conséquence, de nombreuses plateformes ont été supprimées afin de conserver un seul point de premier accueil par région. Alors qu'on comptait jusqu'à soixante structures en 2012, leur nombre a été progressivement réduit à trente-quatre. Cette régionalisation a fait l'objet de nombreuses critiques soulevant le problème de la surcharge des plateformes régionales, qui ont été érigées en seul point d'entrée dans la procédure d'asile. Cependant, face à la nécessité de répondre à la demande d'accompagnement, de nouvelles structures voient le jour, allant ici à rebours du mouvement de régionalisation.

Par ailleurs, le 22 décembre 2011 a été diffusé un référentiel qui définit les onze prestations que doivent assurer, en tout ou partie, les PADA 25 ( * ) . Ce référentiel visait une harmonisation des pratiques jusqu'alors très divergentes entre les plateformes tout en permettant une meilleure articulation entre les différents acteurs lorsqu'ils partagent la gestion d'une même plateforme.

Les onze prestations du référentiel du premier accueil des demandeurs d'asile

- Accueillir et informer les demandeurs d'asile sur les démarches à entreprendre ;

- Domicilier les demandeurs d'asile ;

- Aider à la constitution d'une demande d'admission au séjour ;

- Orienter vers le dispositif d'hébergement d'urgence ;

- Accorder des aides de première urgence ;

- Accompagner et suivre la demande de prise en charge par le DNA ;

- Aider à la constitution du dossier de demande d'asile auprès de l'OFPRA ;

- Accompagner le demandeur d'asile dans ses démarches administratives ;

- Accompagner le demandeur d'asile dans ses démarches sociales ;

- Préparer la sortie du dispositif de premier accueil ;

- Orienter les mineurs isolés.

Aujourd'hui au nombre de quarante-sept, les PADA sont en général gérées exclusivement par des associations. Ainsi, dans la majorité des régions métropolitaines, une grande partie, si ce n'est l'ensemble, des prestations du référentiel a été déléguée à une ou plusieurs associations, l'OFII n'assurant souvent que l'accompagnement et le suivi de la demande de prise en charge par le DNA.

2. Les difficultés de financement

Assurant une mission de service public, ces plateformes associatives sont financées par des subventions provenant majoritairement de l'OFII ainsi que des financements européens, pour lesquels la Direction générale des étrangers en France (DGEF) assure le rôle d'autorité responsable : le Fonds européen pour les réfugiés (FER) auquel succède pour la période 2014-2020 le Fonds asile, migration et intégration (FAMI). Les collectivités territoriales couvrent le reste des subventions.

Évolution des moyens alloués aux plateformes associatives de 2010 à 2013

Total

Subvention OFII

Part du total

Fonds européen pour les réfugiés (FER)

Part du total

2010

11 170 976  €

5 478 275  €

49 %

3 638 528  €

33 %

2011

10 869 589  €

5 879 784  €

54 %

3 640 817  €

33 %

2012

10 991 019  €

6 723 261  €

61 %

3 947 624  €

36 %

2013

11 997 380  €

7 302 416  €

61 %

4 302 204  €

36 %

Source : rapport d'activité 2013 de l'OFII

De l'avis de toutes les associations rencontrées par votre rapporteure, ce mode de financement pose toutefois problème, en particulier la part importante des financements européens. En effet, la demande et surtout le versement de ces financements obéissent à une procédure lourde et très lente, dont chacun dénonce l'inadaptation des règles par ailleurs difficiles à maîtriser par les associations, ce qui conduit parfois à des déconvenues au moment de leur versement. Ce mode de financement entraîne la nécessité pour les associations d'effectuer des avances à l'État parfois sur plusieurs années, ce qui génère des difficultés de trésorerie. Dans ces conditions, seule la mobilisation des fonds privés provenant notamment des dons des adhérents ou de legs permet de garantir le paiement de certaines dépenses, faisant office d'amortisseur dans l'attente des remboursements par les fonds publics.

Or, dans le contexte de la réforme de l'asile, il existe des incertitudes sur l'avenir des PADA, donc de leur financement.

3. Les conséquences de la réforme sur les PADA

Le premier accueil des demandeurs d'asile, avant même leur entrée dans le dispositif d'accueil, est en effet l'un des points sur lesquels il existe le plus d'incertitudes dans le projet de réforme de l'asile.

Les données du problème sont bien connues des acteurs du secteur qui s'accordent à dénoncer la longueur des délais pour obtenir le premier rendez-vous en préfecture afin de se voir délivrer l'autorisation provisoire de séjour (APS) nécessaire au dépôt d'une demande d'asile auprès de l'OFPRA . Le délai théorique de délivrance de l'APS est fixé à quinze jours par l'article R. 472-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Dans les faits, ce délai s'avère beaucoup plus long : selon une enquête réalisée en 2012 par la Coordination française pour le droit d'asile 26 ( * ) , le délai moyen d'obtention serait de l'ordre de trente jours et pourrait atteindre plus de sept mois dans certains points d'accueil comme à Paris.

Cette situation est tout d'abord contraire à la directive « procédures » qui prévoit que l'enregistrement de la demande d'asile par l'autorité compétente doit être effectué dans un délai de trois jours après la présentation du demandeur, dix en cas d'afflux massif. Ces délais excessifs emportent ensuite comme conséquence l'irrégularité du séjour des demandeurs d'asile susceptibles à tout moment de faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Ils aboutissent enfin à empêcher les demandeurs d'asile d'accéder au dispositif d'accueil, entraînant le report de la charge financière afférente du programme n° 303 au programme n° 177 qui finance le dispositif d'hébergement d'urgence généraliste.

C'est pourquoi le Gouvernement prévoit une simplification non seulement de la procédure d'accès à la procédure d'asile, mais également de ses modalités pratiques . Il projette ainsi la création d'un « guichet unique » d'enregistrement de la demande et d'entrée dans le dispositif d'accueil. Cela passe par la réduction du nombre d'acteurs : le demandeur d'asile, qui doit actuellement rencontrer cinq interlocuteurs différents - la PADA, la préfecture, l'OFII, l'OFPRA et Pôle Emploi - n'aurait plus affaire qu'à l'OFII qui procèderait au premier accueil en l'informant sur la procédure et en lui présentant une offre de prise en charge, et l'OFPRA.

Si tous les acteurs reconnaissent que le statu quo n'est pas souhaitable et si nombre d'entre eux estiment que l'État doit retrouver son rôle dans le premier accueil des demandeurs d'asile, beaucoup expriment des doutes quant à la capacité de l'OFII de reprendre l'intégralité des missions aujourd'hui assurées par les PADA associatives, en particulier l'accompagnement social, et notamment celui des familles. Des interrogations demeurent donc sur l'étendue des compétences du « guichet unique ».

C'est pourquoi il a été décidé de maintenir en 2015 les missions des PADA ainsi que leur financement - 8,5 millions d'euros provenant de l'OFII -, reconduit par avenant aux conventions en cours. Cela permettra de conduire une réflexion sur l'évolution du référentiel de prestation dont certaines missions seront reprises par l'OFII dans le cadre du « guichet unique ». De nouvelles pourraient en revanche être créées, par exemple celle d'assistance du demandeur d'asile à la constitution de son dossier « guichet unique » afin que le délai de trois jours puisse être respecté ensuite par l'OFII. Il faudrait toutefois veiller à ne pas reproduire la situation actuelle de constitution d'une file d'attente en amont de la nouvelle procédure d'entrée dans le dispositif d'accueil.

*

* *

Au bénéfice de ces observations, votre commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'asile par le projet de loi de finances pour 2015.


* 25 Ce référentiel a fait l'objet de deux recours pour excès de pouvoir de la part de nombreuses associations, qui ont donné lieu à une décision du Conseil d'État en date du 4 décembre 2013. Par cette décision, le Conseil d'État valide la procédure d'élaboration ainsi que le contenu du référentiel à l'exception de deux dispositions. En effet, les dispositions du référentiel mettant en place une limite d'un mois pour la prise en charge des demandeurs faisant l'objet de la procédure « Dublin » et excluant du champ d'action des PADA les bénéficiaires de l'allocation temporaire d'attente ont été annulées, pour méconnaissance des exigences de la directive « accueil ».

* 26 Cf . Droit d'asile en France : conditions d'accueil - état des lieux 2012 , rapport de la Coordination française pour le droit d'asile.

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