III. DES CONDITIONS ACTUELLES DE RÉAFFECTATION SOUS-OPTIMALES POUR L'AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

A. UNE PROCÉDURE DE RÉAFFECTATION PRÉCIPITÉE

Le transfert de la bande 700 implique préalablement la libération de ces fréquences par l'audiovisuel . Une évolution de la norme de compression de la TNT, du MPEG-2 vers le MPEG-4 doit permettre de recentrer sa diffusion sur un nombre réduit de multiplex. Cette modification doit avoir lieu dans la nuit du 5 au 6 avril 2016.

Un arrêté du Premier ministre du 18 juin 2015 précise par ailleurs le calendrier du transfert progressif, par plaques géographiques, de la bande 700 vers l'internet mobile, entre octobre 2017 et juin 2019, à l'exception de l'Ile-de-France pour laquelle la bande 700 sera disponible dès avril 2016. L'ARCEP deviendra donc affectataire exclusif de la bande 700 à partir du 1 er juillet 2019. Plus précisément, le transfert de la bande 700 comprendra deux lots de 30 MHz : 703-733 MHz et 758-788 MHz.

Les dispositions du présent texte sont soumises au Parlement dans une urgence regrettable, qui l'apparente davantage à un blanc-seing parlementaire qu'à une véritable association, en temps utile, à la définition de ce processus. Le calendrier de la réaffectation est particulièrement resserré , et susceptible de poser des difficultés techniques pour la libération de la bande par le secteur audiovisuel et pour l'accompagnement des téléspectateurs disposant de matériel ancien.

Cette précipitation semble d'autant plus inopportune que les échanges qu'a eus votre rapporteur avec les opérateurs de communications électroniques ont souligné l'absence d'intérêt immédiat pour l'acquisition de nouveaux blocs de fréquences , à l'exception de l'opérateur n'ayant pas acquis de blocs lors de l'attribution de la bande 800.

La seule urgence qui préside à cette réaffectation est d'ordre budgétaire. Les recettes issues de l'attribution des AUF étaient déjà inscrites en loi de finances initiale pour 2015, en ressources exceptionnelles à hauteur de 2,2 milliards d'euros dans le compte d'affectation spéciale (CAS) « Fréquences », en cohérence avec la loi du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019. Notre collègue Dominique de Legge, rapporteur spécial de ce CAS, avait souligné la grande incertitude pesant sur une attribution des AUF et une perception des recettes au cours de l'année 2015, ou même en 2016.

Afin de tenir compte du risque pesant sur le calendrier de la vente des AUF, le projet de loi actualisant la loi de programmation militaire pour les années 2015 à 2019 a réduit la part des ressources exceptionnelles dans le financement du budget de la défense. Comme l'a indiqué notre collègue Jean-Pierre Raffarin, dans son rapport sur ce projet de loi : « le rythme d'encaissement et le niveau réel du produit attendu de cette cession ne seront plus susceptibles d'affecter les ressources du budget de la défense : comme le signale l'étude d'impact du présent projet de loi, ce produit sera versé au budget général de l'État, au sein duquel il viendra compenser les ouvertures de crédits budgétaires au profit du budget de la défense . » Il convient donc de s'interroger sur la précipitation persistante qui dirige l'ensemble du processus de libération et de réaffectation de la bande 700 .

Malgré la révision de la loi de programmation militaire, la destination budgétaire des recettes publiques de l'attribution des AUF reste inchangée. Votre rapporteur s'interroge sur le fléchage des recettes ainsi dégagées. Si l'obtention d'AUF peut être comparée à des investissements dans les infrastructures pour le marché de la téléphonie mobile, les capacités d'investissement des mêmes opérateurs sont également mobilisées par la création de points hauts pour le réseau mobile, et plus encore par le déploiement de réseaux fixes dans le cadre du plan France très haut débit. Par ailleurs, l'article 8 de la présente proposition de loi inscrit à la charge des opérateurs mobiles titulaires d'AUF dans la bande 700 le financement de l'intégralité des réaménagements de fréquences nécessaires à la libération de la bande, dont le montant total reste indéterminé. Ces différents coûts interviennent dans un contexte économique encore difficile pour le secteur des communications électroniques.

Dès lors que l'obtention des AUF et le financement des réaménagements de fréquences vont réduire les capacités d'investissement des acteurs privés dans les infrastructures, une partie des recettes publiques issues de ce processus aurait pu être orientée vers l'investissement public dans l'aménagement numérique et le soutien aux collectivités territoriales. Ces ressources pourraient contribuer à la mise en place d'infrastructures pour améliorer la couverture mobile dans les zones moins denses, ou au financement des réseaux d'initiative publique (RIP) très haut débit. Cet effort budgétaire permettrait de consolider les ambitions du Gouvernement en matière d'aménagement numérique du territoire, dont la concrétisation est aujourd'hui très incertaine. Le Gouvernement s'est en effet fixé comme objectifs que 50  % de la population soit éligible au très haut débit fixe en 2017, et que 100  % de la population soit éligible en 2022, dont 80 % au FttH 3 ( * ) .


* 3 Fiber to the home : raccordement en fibre optique jusqu'au domicile.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page