L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS

III. L'ANALYSE DES CRÉDITS PAR OPÉRATEURS

L'analyse de la répartition des crédits par opérateurs laisse apparaître que France Télévisions, Arte, Radio France et France Médias Monde sont les grands bénéficiaires en 2017 de l'augmentation des moyens de l'audiovisuel public. La hausse des moyens de TV5 Monde est plus mesurée tandis que l'INA conserve des moyens identiques pour la troisième année consécutive, conformément à son COM.

Évolution des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » depuis 2013

(AE = CP, en euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire

En termes relatifs, ce sont Arte-France et France Médias Monde, dont les COM ont été arrêtés en 2016, qui profitent le plus de cet accroissement des crédits.

Évolution des crédits accordés entre 2016 et 2017 1

Source : réponse au questionnaire budgétaire

1 Montants toutes taxes

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : UNE HAUSSE CONTENUE DES MOYENS

1. Une feuille de route qui ne lève pas tous les doutes en 2017

L'accroissement des moyens de France Télévisions, qui devrait représenter + 38,7 millions d'euros de ressources publiques en 2017, est certes limitée si l'on considère qu'elle ne représente que 1,5 % des ressources publiques de l'entreprise. Elle tranche avec les baisses de dépenses qui caractérisent les chaînes privées français et les autres grands groupes publics européens.

a) Des réformes menées avec pusillanimité

La négociation du nouveau COM de France Télévisions s'est faite à cadre constant, qu'il s'agisse des structures - en l'absence de rapprochements des entreprises de l'audiovisuel public - ou des ressources - faute de réforme de la CAP - et sans véritable souci de privilégier la recherche d'économies. Cette prudence du Gouvernement ne pouvait qu'aboutir à une forme de reconduction des moyens et des objectifs. Faute de clarification du modèle économique et de l'identité même du groupe, l'entreprise est condamnée à essayer de faire mieux sans véritablement maîtriser son destin compte tenu des incertitudes qui demeurent .

La publicité n'a certes pas été rétablie en soirée depuis 2012 mais elle reste trop importante pour que les enjeux d'audience passent au second plan dans la programmation. Par ailleurs, l'interdiction de la publicité en soirée a toujours été conçue comme une étape provisoire avant sa suppression totale, la transformation de cette solution intérimaire en situation permanente ne peut être considérée comme satisfaisante.

L'absence de réforme de la CAP constitue par ailleurs « une falaise », selon l'expression employée par Mme Delphine Ernotte devant votre commission de la culture. Celle-ci pourrait vite devenir infranchissable et la signature d'un accord limité sur la production 4 ( * ) ne permet pas au groupe de changer radicalement de modèle concernant ses investissements dans la production audiovisuelle , même s'il s'agit déjà d'un progrès considérable.

La poursuite du projet Info 2015 constitue ensuite une bonne nouvelle, mais l'absence d'objectifs en termes de réduction d'effectifs montre que le groupe n'est toujours pas géré comme une entreprise « normale », les rapprochements de moyens ayant par nature vocation à dégager des économies dans l'économie « réelle ».

Votre rapporteur pour avis pourrait multiplier à l'envi les exemples qui démontrent que si les réformes engagées sont bien réelles - ce qu'il salue - elles gagneraient à être menées en « desserrant le frein à main » .

Faute de véritable soutien de la part du Gouvernement pour rendre le groupe plus compétitif, la direction de France Télévisions donne le sentiment de ne pas avancer dans la transparence pour se prémunir des résistances et éviter autant que possible un conflit social de grande ampleur à l'image de celui qu'a traversé Radio France en 2015. Bien entendu, cette prudence et ce souci de rechercher des évolutions mesurées sont aussi une façon d'avancer en s'inscrivant dans l'horizon du possible et du réalisable. Quoi qu'il en soit, les défis qui attendent le groupe public sont considérables sur le front de la concurrence des nouveaux acteurs, du développement des nouveaux usages et des menaces qui planent sur son modèle économique.

À défaut de garantir l'avenir, les actions menées en 2017 par la direction de France Télévisions auront au moins le mérite de mettre en évidence la voie à suivre, lorsque les autorités politiques seront décidées à accélérer le rythme et approfondir l'ampleur des changements devenus indispensables.

b) Plusieurs chantiers à mener à bien en 2017

Votre rapporteur pour avis estime que des inflexions au nouveau COM gagneraient à être portées sur certains chantiers prioritaires dès 2017, le cas échéant à travers l'adoption d'un avenant.

La réforme de France 3 constitue probablement la « grande oubliée » du nouveau COM . Des perspectives sont certes dessinées afin de développer la production à caractère régional et la direction de l'entreprise estime avoir trouvé un compromis permettant d'avancer vers une réorganisation territoriale. Les 24 éditions d'information locales seraient ainsi maintenues mais les nouvelles productions seraient réalisées dans le cadre des 13 nouvelles régions. Là encore, si l'on peut comprendre la prudence du management, on ne peut que regretter l'absence de cohérence dans la réforme et espérer une plus grande clarification dans l'organisation de la chaîne des régions à laquelle les élus demeurent profondément attachés.

Votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion de se réjouir de la perspective réaffirmée par la présidente de France Télévisons de faire aboutir le rapprochement des rédactions de France 2 et France 3 à l'horizon 2018. Un tel rapprochement n'allait pas de soi tant les deux rédactions ont appris au cours du temps à entretenir une culture de concurrence et une prévention réciproque. Pour autant, ce chantier se poursuit avec le rapprochement des différents services qui composent les rédactions et la présidente de France Télévisions a estimé que « le point de bascule était atteint » malgré la persistance de mouvements sociaux dans les rédactions. Pour autant, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que ce projet de rapprochement n'ait eu ni pour objectif ni pour conséquence de permettre l'ajustement des moyens, alors même que le nombre des journalistes de l'entreprise peut être considéré comme particulièrement significatif au regard des standards européens des entreprises du service public.

Concernant l'évolution des effectifs, la présidente de France Télévisions a réaffirmé sa confiance dans la capacité de l'entreprise à maintenir le rythme des non-renouvellements des départs à la retraite (avec un objectif de 500 ETP en moins) au cours du prochain COM.

Interrogée sur les rémunérations multiples mises en évidence par un récent rapport de la Cour des comptes, Mme Delphine Ernotte a indiqué avoir engagé des échanges avec les animateurs concernés afin qu'ils ne bénéficient plus de rémunérations complémentaires à leur salaire payé par France Télévisions.

Votre rapporteur pour avis, lors de l'examen du COM par votre commission de la culture, s'était inquiété de l'avenir de la plateforme SVOD du groupe public. Les échanges menés depuis avec la direction de l'entreprise tendent à montrer que ses inquiétudes ont été comprises et entendues. Ce projet, qui reste très pertinent sur le fond, ne semble plus considéré, en effet, comme une évidence à mettre en oeuvre à tout prix. La présidente de France Télévisions évoque maintenant des conditions à respecter pour valider le projet, qui indiquent que la décision n'est pas prise (nécessité d'un partenaire doté d'un catalogue, viabilité sans recourir à la CAP, cohérence avec les programmes du groupe...). Votre rapporteur pour avis réaffirme son souhait que ce projet de plateforme SVOD fasse l'objet d'un débat devant les commissions compétentes du Parlement avant que la décision finale ne soit prise au cours de l'année 2017.

Enfin, dans un souci de transparence, France Télévisions va renforcer les modalités de validation des achats de programmes à des sociétés de production qui emploient des conseillers de programmes issus du groupe. Votre rapporteur pour avis ne peut que saluer cette initiative qui vise à répondre aux abus qui existeraient dans ce domaine.

2. Un développement préservé des ressources propres
a) Une meilleure valorisation des droits attachés à la production audiovisuelle

La diversification des ressources de France Télévisions constitue un chantier prioritaire. Le groupe vise un surcroît de recettes de 15 millions d'euros à l'horizon 2020 résultant d'une meilleure valorisation des investissements dans la production audiovisuelle, d'une relance de la stratégie de distribution par les filiales commerciales du groupe (notamment France Télévisions Distribution) et du lancement d'une plateforme SVOD.

Si votre rapporteur pour avis reste prudent sur le projet de plateforme SVOD compte tenu des risques industriels dont il est porteur, il ne peut que se féliciter de l'accord professionnel conclu par France Télévisions le 10 décembre 2015 avec plusieurs organisations de producteurs audiovisuels (USPA, SPI, SPFA, SATEV). Cet accord faisait écho à la volonté, exprimée par votre rapporteur pour avis, à l'occasion du débat au Sénat sur le projet de loi relatif à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, de modifier dans la loi le niveau de production dépendante 5 ( * ) et le critère de l'indépendance des producteurs.

Le décret n° 2016-752 du 6 juin 2016 a modifié le cahier des charges de France Télévisions afin de permettre l'application de l'accord du 10 décembre 2015. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, Mme Delphine Ernotte a confirmé que l'accord était maintenant effectif et qu'il allait permettre à France Télévisions de mieux valoriser ses droits sur ses investissements dans la production audiovisuelle. Elle a également précisé qu'en 2017, MFP - la filiale de production interne - ne devrait pas être en mesure de porter sa part de production dépendante au-delà de 6 ou 7 %. Compte tenu du nouveau quota de production dépendante dont dispose France Télévisions, ce sont donc 18 % au moins des nouvelles productions financées par France Télévisions qui pourront bénéficier des droits élargis prévus dans le cadre de la « zone de souplesse ».

b) Une consolidation des recettes publicitaires grâce à la réforme des parrainages

La place de la publicité sur le service public continue à poser question. Votre rapporteur pour avis ne peut que se féliciter que le principe de l'interdiction de la publicité après 20 heures n'ait pas été remis en cause au cours du quinquennat qui s'achève, malgré les demandes répétées des directions successives de France Télévisions.

Pourtant, la situation actuelle demeure indécise puisque cette interdiction en soirée n'a jamais constitué un objectif mais seulement une étape sur la voie d'une interdiction totale. Le maintien de cet entre-deux ne fait donc guère de sens puisque le groupe public se voit privé de publicité au moment où celle-ci est la plus rentable et doit se contenter d'en proposer en journée, notamment au moment où un public fragile comme celui des enfants regarde la télévision. Cette situation affaiblit grandement la capacité d'action de la régie de France Télévisions qui a perdu du terrain face aux autres régies et doit maintenant faire face à de nouveaux concurrents comme les chaînes du groupe Altice. Une remise à plat est donc nécessaire et votre rapporteur pour avis ne peut que rappeler son souhait de voir supprimée la publicité sur les antennes du service public afin de renforcer leur spécificité

Une telle évolution semble d'autant plus nécessaire qu'une certaine incertitude caractérise la publicité à la télévision compte tenu de la concurrence de plus en plus affirmée des grands acteurs de l'Internet.

Sur la période 2012-2016, les recettes publicitaires de France Télévisions ont déjà connu une baisse de 11,4 % ; elles sont passées de 372,2 millions d'euros à 329,7 millions d'euros . En 2017, les recettes devraient augmenter, à 334,7 millions d'euros (+1,5 %), mais cette évolution reste conditionnée à l'évolution des audiences qui ont connu quelques déconvenues à la rentrée de septembre 2016 l'après-midi. À cet égard, votre rapporteur pour avis ne peut que regretter que l'audience continue à représenter un facteur déterminant dans le choix des programmes du groupe public, en particulier l'après-midi. Il espère qu'à l'avenir, dans le cadre d'un nouveau modèle économique, il lui sera possible de privilégier davantage des objectifs plus qualitatifs comme la recherche de l'originalité, l'innovation ou la plus-value culturelle, conformément à un objectif de différenciation.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète, par ailleurs, de la pratique du parrainage qui a tendance à rétablir subrepticement la publicité sur le service public de 20 h 30 à 21 heures, en multipliant les programmes courts « emballés » de messages publicitaires. Cette évolution revient à retarder à 21 heures le début des programmes de soirée, ce qui, à terme, devrait se traduire par une forte incitation, pour les téléspectateurs, à privilégier une consommation délinéarisée et tend à limiter la « différence » du service public par rapport aux chaînes privées.

3. Une amélioration de la situation financière qui tient tant aux efforts de l'entreprise qu'aux choix de l'actionnaire

À défaut de mettre en oeuvre un nouveau modèle économique et financier, le Gouvernement et la direction de l'entreprise poursuivent le redressement comptable du groupe grâce à une augmentation des ressources publiques et la réduction des effectifs.

a) Les ressources publiques en 2016

Le budget pour 2016 de France Télévisions prévoyait des ressources publiques à hauteur de 2,509 milliards d'euros, un résultat d'exploitation de + 3,5 millions d'euros et un résultat net à l'équilibre (+ 0,3 million d'euros). C'est une évolution notable par rapport aux précédents exercices, marqués par un résultat net en déficit de 38,4 millions d'euros en 2014. France Télévisions avait terminé l'exercice 2015 avec un résultat net de - 0,2 million d'euros alors même que ses ressources étaient en retrait de 30 millions d'euros par rapport à l'avenant au COM 2013-2015, du fait, en particulier, d'une baisse de 25 millions d'euros des recettes publicitaires.

L'amélioration constatée en 2016 tient d'abord à la hausse de la subvention publique à hauteur de 28,8 millions d'euros , qui trouve son origine dans un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'occasion de la précédente loi de finances, accroissant de 25 millions d'euros la dotation globale en faveur de France Télévisions pour 2016. Cette hausse des ressources a eu pour contrepartie des efforts de la part de l'entreprise pour réduire ses charges d'un montant équivalent.

Votre rapporteur pour avis approuve le choix de présenter des comptes à l'équilibre depuis 2015. Il reconnaît que, le montant de la subvention en 2016 restant inférieur à ce qu'il était en 2012, cet objectif de saine gestion n'ait pas aisé à atteindre pour l'entreprise. Il constate néanmoins que l'effort de l'actionnaire a été indispensable pour rétablir l'équilibre des comptes, ce qui impose de s'interroger sur l'ampleur des réformes menées par l'entreprise compte tenu du potentiel d'économies qui existe.

Votre rapporteur pour avis considère que les efforts réalisés pour maîtriser la masse salariale - qui ont permis de faire baisser le nombre d'ETP de 10 490 en 2012 à 9 932 en 2015 - doivent être poursuivis comme le prévoit le COM 2016-2020. Les gains de productivité rendus possibles par l'utilisation du numérique, le développement de la polycompétence, comme la poursuite des mutualisations, doivent permettre d'avancer dans cette voie. La mise en place d'une rédaction unique, à partir de 2018, doit ainsi constituer une étape essentielle pour mieux adapter les moyens aux missions en s'inspirant des meilleures pratiques en vigueur dans les sociétés de l'audiovisuel public en Europe (BBC, RTBF...).

b) Les ressources publiques en 2017

La direction de France Télévisions s'est donnée pour objectif d'équilibrer ses comptes chaque année au cours de l'exécution du COM tout en poursuivant la transformation de l'entreprise. Le besoin de financement, estimé à 150 millions d'euros sur la période 2016-2020, serait ainsi pris en charge aux deux tiers par l'entreprise à travers ses efforts de productivité et pour un tiers par l'actionnaire à travers une hausse de la subvention.

Si les ressources publiques augmentent de 63 millions d'euros à l'horizon 2020, cette hausse devrait être de 37,9 millions d'euros en 2017 à 2 547,7 millions d'euros hors taxes.

Les autres ressources augmentent également. Les recettes publicitaires (334,7 millions d'euros en 2017) devraient bénéficier d'un nouveau régime du parrainage fin 2016 qui pourrait constituer un potentiel de 10 millions d'euros de recettes nouvelles à partir de 2017 tandis que les recettes publicitaires numériques devraient également augmenter dans les années à venir (+4 millions d'euros d'ici 2020).

4. Un nouveau COM 2016-2020 qui ne garantit pas complètement l'avenir de France Télévisions

Le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour la période 2016-2020 entrera en fait en application en 2017, c'est-à-dire avec un an de retard par rapport au début de la période qu'il est censé couvrir et à quelques mois d'échéances électorales importantes. Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter ce calendrier qui affaiblit cet exercice de programmation stratégique.

Certaines des hypothèses sur lesquelles ce contrat est fondé - les recettes de CAP et celles de publicité en particulier - apparaissent fragiles, ainsi que l'a reconnu elle-même la présidente de France Télévisions lors de son audition devant votre commission de la culture, et les choix politiques de l'État posent question alors que c'est un nouveau Gouvernement qui, à partir du printemps 2017, aura à assumer la mise en oeuvre de ce COM. Nul ne doit, en réalité, douter que compte tenu des incertitudes qui entourent ce document de programmation, il est plus que probable qu'un avenant devrait être rapidement nécessaire pour, à la fois, confirmer les ressources du groupe public et préciser ses objectifs.

Votre rapporteur pour avis considère qu'il aurait donc été préférable d'adopter un document provisoire ou transitoire plutôt qu'un COM de cinq ans dont la pérennité est plus que fragile.

a) Les grandes lignes du cadrage financier du nouveau COM

Les grands équilibres financiers de ce COM sont les suivants :

- les ressources publiques de France Télévisions augmenteront de 63 millions d'euros entre 2016 et 2020 pour passer de 2 509,7 millions d'euros à 2 572,7 millions d'euros . Cette hausse, financée exclusivement par la CAP, représente une augmentation de + 2,51 % en cinq ans. À noter que, sur la période concernée, cela correspond à une augmentation cumulée des moyens de 215 millions d'euros ;

- contrairement au COM de Radio France présenté en déficit, le COM de France Télévisions prévoit un résultat net positif sur les cinq années : + 0,3 million d'euros en 2016, + 1,1 million d'euros en 2017, + 3,8 millions d'euros en 2018, + 1,3 million d'euros en 2019 et + 1,6 million d'euros en 2020 ;

- on n'assiste pas à une baisse de la masse salariale puisque celle-ci augmente de + 15 millions d'euros (de 895 millions d'euros en 2016 à 910 millions d'euros en 2020), mais au moins cette hausse est-elle limitée . La direction de France Télévisions souligne que l'évolution naturelle des augmentations de salaires (GVT) équivaudrait, sur la période du COM, à une hausse de la masse salariale de + 60 millions d'euros. La hausse de 15 millions d'euros constituerait donc - à l'entendre - un ralentissement de l'évolution naturelle dû au non remplacement de la moitié des 1 000 départs à la retraite attendus sur cette période. Interrogée par votre rapporteur pour avis, la présidente de France Télévisions s'est montrée confiante sur cet objectif en observant qu'il ne prenait pas en compte les démissions qui constituent un autre facteur de baisse des effectifs.

Les trois priorités du COM concernant les contenus sont clairement énoncées : des moyens supplémentaires pour la création (+20 millions d'euros) un renforcement de l'information avec la chaîne Franceinfo et le développement numérique (nouvelle plateforme replay et plateforme SVOD).

Progression des ressources publiques de France Télévisions COM 2016-2020

(en milliards d'euros HT)

2016

2017

2018

2019

2020

Total

0

38

55

59

63

215

Source : réponse au questionnaire budgétaire

b) Les orientations à saluer du nouveau COM

Plusieurs points positifs figurent dans ce document qui répondent aux préoccupations du Sénat telles qu'elles ont été formulées dans le rapport 6 ( * ) rédigé par votre rapporteur pour avis avec notre collègue André Gattolin sur un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public.

Votre rapporteur pour avis estime en particulier qu'au moins cinq caractéristiques du nouveau COM méritent d'être saluées :

- premièrement, l'audiovisuel public souffre à la fois d'une tutelle pesante et d'injonctions contradictoires qui rendent difficile la définition d'une stratégie. Comme le recommandait le rapport Schwartz, le COM a donc été revu dans sa forme et le nombre d'indicateurs réduit pour en faire un document synthétique de pilotage stratégique davantage qu'un outil de suivi de l'application du cahier des charges. Votre rapporteur pour avis approuve cette orientation et estime qu'elle doit encore être approfondie ;

- deuxièmement, si ce COM ne prévoit malheureusement pas de regrouper les moyens de l'audiovisuel public au-delà de l'expérience de la chaîne Franceinfo qui associe les équipes de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA, cette nouvelle chaîne d'information est la preuve qu'un tel regroupement de moyens est possible et permet de développer des projets nouveaux qui permettent de mobiliser les équipes sur une nouvelle ambition ;

- troisièmement, l'objectif de hausse des recettes commerciales (de 11,3 millions d'euros en 2015 à 32,1 millions d'euros en 2020) par une meilleure valorisation des droits attachés aux programmes audiovisuels destinés à l'exportation répond au souci exprimé par votre rapporteur pour avis lorsqu'il a défendu une réforme de la réglementation de la production audiovisuelle dont est notamment issu l'accord du 10 décembre 2015 entre France Télévisions et les producteurs indépendants ;

- quatrièmement, le plan d'affaires de France Télévisions prévoit une baisse des recettes publicitaires de 329,7 millions d'euros en 2016 à 324,7 millions d'euros en 2020 qui s'explique par la prise en compte de la suppression de la publicité autour des émissions jeunesse (- 20 millions d'euros) non compensée entièrement par la réforme des parrainages qui devrait permettre un supplément de recettes. La suppression de la publicité est défendue par de nombreux sénateurs et une proposition de loi supprimant la publicité autour des émissions jeunesse, adoptée en première lecture le 21 octobre 2015 par le Sénat et le 14 janvier 2016 par l'Assemblée nationale, doit être à nouveau examinée le 7 décembre prochain par le Sénat. Son adoption conforme par notre assemblée en deuxième lecture rendrait effective cette interdiction à partir de 2018 et constituerait une première étape vers le changement de modèle économique de France Télévisions ;

- cinquième point, les crédits en faveur de la création audiovisuelle augmentent de 20 M€ par an à 420 M€, ce qui permet de retrouver le niveau de 2012 . Ces moyens supplémentaires s'accompagnent d'un effort demandé aux producteurs pour réduire le coût des productions. L'objectif est de pouvoir financer davantage de projets et de mettre l'accent sur l'innovation. France Télévisions prévoit d'ouvrir de nouvelles cases horaires à la création audiovisuelle originale hors prime time (en seconde partie de soirée et le dimanche vers 19 heures). C'est une évolution que nous ne pouvons qu'approuver, de même que la diversification des genres et des écritures.

c) Cinq craintes qui ne permettent pas de donner un avis favorable au COM 2016-2020

Si le nouveau COM comprend des avancées importantes, plusieurs craintes ont amené votre rapporteur pour avis à recommander à votre commission de donner un avis défavorable à ce document, ce qu'elle a fait le 17 octobre 2016 .

Au moins cinq caractéristiques du nouveau COM ne lui permettent pas d'assurer pleinement l'avenir de France Télévisions :

- l'absence de réforme de la CAP crée une incertitude sur le financement des moyens nouveaux alloués à France Télévisions au cours de l'exécution du COM. En cas de baisse du rendement de la CAP suite à l'évolution des usages, il deviendra nécessaire d'augmenter à due concurrence le tarif de la CAP, de prévoir des crédits budgétaires supplémentaires ou d'engager une baisse des dépenses. La présidente de France Télévisions, Mme Delphine Ernotte, a elle-même reconnu, lors de son audition devant votre commission, que le rendement de la CAP risquait de baisser et qu'une réforme de la CAP était nécessaire. Votre rapporteur pour avis s'interroge, dans ces conditions, sur la solidité des hypothèses financières et, par voie de conséquence, sur la sincérité de ce document ;

- la stabilisation du niveau des recettes publicitaires repose sur l'hypothèse que les « GAFA » n'augmenteront pas leur chiffre d'affaires publicitaire au détriment des médias audiovisuels. Une telle hypothèse apparaît hautement improbable à votre rapporteur pour avis , compte tenu des évolutions déjà en cours. Les chaînes privées connaissent aujourd'hui une baisse significative de leurs revenus publicitaires et votre rapporteur pour avis considère que le service public n'est pas à l'abri de cette évolution, d'autant plus que la régie publicitaire de France Télévisions connaît des difficultés spécifiques liées à son impossibilité de proposer des messages publicitaires en soirée ;

- le troisième regret concerne les nécessaires mutualisations et rapprochements. La concomitance du renouvellement de plusieurs COM - France Télévisions, France Médias Monde et Arte - constituait une opportunité extraordinaire pour engager véritablement une convergence des moyens et une coordination des stratégies . La réalisation d'un « COM commun » avait également été évoquée par certains députés l'année dernière. Dans un contexte marqué par la nécessité de maîtriser les moyens de l'audiovisuel public il existe un impératif catégorique à identifier les sources d'économies le COM ne fait aucune allusion à la nécessité d'évaluer précisément le montant des économies qui pourraient être réalisées grâce à l'approfondissement des mutualisations ;

- le quatrième sujet d'inquiétude concerne le projet de plateforme SVOD . Alors que TF1 et M6 ont renoncé à lancer une plateforme commune à leurs deux groupes faute de modèle économique en l'état de la réglementation, on ne peut qu'être prudent sur la possibilité pour France Télévisions de se lancer « en solo » dans cette aventure alors même que le marché est déjà saturé par Netflix, Canalplay et SFR et que de nouveaux entrants devraient arriver sous peu comme Amazon et HBO. Il ne faut pas oublier le coût d'un échec dans ce domaine qui peut être élevé comme en attestent les mésaventures de Canal+ en Allemagne avec sa plateforme SVOD « Watchever », lancée en 2013, qui en deux ans a accumulé 135 millions d'euros de pertes...

Votre rapporteur pour avis a donc demandé à France Télévisions de ne pas considérer comme acquis le lancement de cette plateforme SVOD tant qu'un plan d'affaires rigoureux n'aura pas été élaboré et a souhaité qu'un débat au Parlement dans les commissions compétentes précède toute décision sur la mise en oeuvre de ce projet ;

- le cinquième point d'inquiétude soulevé par votre rapporteur pour avis concerne l'évolution de la gouvernance et du climat social dans l'entreprise. Si l'objectif consistant à développer la polycompétence doit effectivement être poursuivi, les difficultés rencontrées dans l'application du projet Info 2015 de rapprochement des rédactions de France 2 et France 3 - attendu maintenant pour 2018 - mettent en évidence les difficultés à mener des réformes dans l'entreprise.

Votre rapporteur pour avis considère, au final, qu'un projet ambitieux pour le service public constitue une condition nécessaire pour faire accepter les efforts demandés aux personnels qui ne doivent pas se voir proposer pour perspectives qu'une réduction des moyens et des ambitions. Dans cet esprit, le projet de chaîne d'information en continu a démontré l'intérêt de nouveaux projets fondés sur la mutualisation des compétences de l'audiovisuel public.


* 4 On peut observer que le groupe TF1 a obtenu davantage de latitude que France Télévisions pour recourir à la production dépendante et à une zone de souplesse qui apporte plus de droits dans le cadre des contrats signés avec les producteurs indépendants.

* 5 Votre rapporteur pour avis a renoncé à redéposer ses amendements sur la production dépendante en 2 e lecture du projet de loi LCAP après l'adoption d'un nouvel accord professionnel entre le groupe TF1 et les représentants des organisations de producteurs. Il souhaite maintenant que des accords soient rapidement trouvés par les groupes M6 et Canal+ et que les dispositions réglementaires permettant l'application de ces accords soient publiées avant la fin de l'année 2016 comme prévu par les services du ministère de la culture et de la communication.

* 6 Rapport d'information de MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances, n° 709 (2014-2015) - 29 septembre 2015 - https://www.senat.fr/notice-rapport/2014/r14-709-notice.html.

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