III. UNE NOUVELLE TENTATIVE DE DÉMATÉRIALISATION DE LA PROPAGANDE ÉLECTORALE DÉJOUÉE PAR LE PARLEMENT

Avec l'article 52 du projet de loi de finances pour 2017, le Gouvernement a proposé pour la troisième fois depuis le début de la législature la dématérialisation de la propagande électorale. Cette mesure a été proposée par le Gouvernement en prévision de l'élection des députés l'an prochain. Une même tentative avait été faite pour les élections organisées en 2014 et en 2015.

Dans le même mouvement, le Gouvernement envisage de procéder, par la voie règlementaire, à la même dématérialisation pour l'élection du Président de la République. Si les règles d'envoi de la propagande électorale pour les élections législatives relèvent de l'article L. 166 du code électoral, pour les circonscriptions françaises, et de l'article L. 330-6 du même code, pour les circonscriptions situées à l'étranger, elles sont fixées pour l'élection présidentielle par l'article 17 du décret n° 2001-213 du 8 mars 2001.

Pour le Gouvernement, il s'agit de « réduire le coût économique et environnemental des dépenses liées à la propagande électorale en s'adaptant aux nouveaux modes d'informations » 28 ( * ) . En effet, les frais d'envoi, le coût du papier, l'impression et la mise en place des bulletins de vote et des circulaires électorales incombent à l'État.

Le Gouvernement met en avant le coût important de la propagande électorale dans le coût d'organisation des élections. Il estime ainsi ce coût à 143 millions d'euros pour l'élection présidentielle - soit 60,66 % du coût total de l'élection - et à 96,7 millions d'euros pour les élections législatives - soit 52,99 % du coût total de ces élections. Déduction faite des mesures compensatoires à la dématérialisation, le Gouvernement espérait ainsi une économie nette de 168,9 millions d'euros pour 2017 et se dispenser de l'envoi de près de 9 000 tonnes de papier pour la seule élection présidentielle.

L'obstination du Gouvernement s'est toutefois heurtée à un refus constant du Parlement de mettre fin à l'envoi de la propagande électorale et des bulletins de vote aux électeurs à leur domicile. Adoptant 9 amendements présentés par les différents groupes politiques, l'Assemblée nationale a supprimé, en première lecture, l'article 52 du projet de loi de finances pour 2017.

Votre rapporteur pour avis salue cette décision, ayant lors de la précédente tentative de dématérialisation de la propagande électorale, marqué son opposition à cette réforme. Les arguments avancés par ses promoteurs éludent une question fondamentale s'agissant de scrutins : la dématérialisation de la propagande électorale et des bulletins de vote favorise-t-elle la participation électorale ?

Le Gouvernement feint de le croire en avançant, sans le démontrer, que « cette mesure est susceptible d'améliorer l'information des jeunes en matière électorale, ce public étant particulièrement au fait des nouvelles technologies, et éventuellement d'avoir un impact positif sur leur participation aux scrutins. » 29 ( * ) Selon un postulat tout aussi invérifiable, « la propagande électorale imprimée fait de façon croissante l'objet de critiques de la part des électeurs et des parlementaires ».

D'ailleurs, s'il est fait état d'une consultation des formations politiques en 2014 pour recueillir leur avis sur cette mesure, le document d'évaluation préalable de cette disposition se garde d'en indiquer le sens.

En l'absence d'envoi papier aux domiciles des électeurs, le Gouvernement proposait la mise en ligne sur un site internet des bulletins de vote et circulaires électorales ainsi que la mise à disposition d'un exemplaire de la circulaire électorale de chaque candidat à la mairie, au consulat ou à l'ambassade de la circonscription électorale.

Cette mesure fait fi de l'absence d'accès ou de l'accès limité à Internet pour certains foyers, rendant illusoire la substitution numérique à l'envoi papier. D'ailleurs, conscient de cette difficulté, le Gouvernement avait renoncé à étendre cette mesure aux collectivités ultramarines au motif que « la couverture internet y est moindre que sur le territoire métropolitain ». Votre rapporteur pour avis s'interroge sur cette différence de traitement, rendant possible en métropole, y compris en zone rurale, ce qui ne le serait pas outre-mer.

Enfin, le Gouvernement met en avant l'expérimentation d'une plate-forme de dématérialisation de la propagande par le ministère de l'intérieur pour les élections de décembre 2015. Si cette expérience a pu être un succès sur le plan technique, le taux de participation électorale alors enregistré n'est pas de nature à rassurer sur la capacité de la dématérialisation à lutter contre l'abstention.

Votre rapporteur pour avis souhaite donc que le Gouvernement, prenant acte du refus constant et unanime du Parlement de mettre fin à l'envoi papier aux électeurs, n'engage pas cette réforme, au niveau règlementaire, pour l'élection présidentielle.

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Sur proposition du rapporteur, la commission des lois a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » figurant dans le projet de loi de finances pour 2017.


* 28 Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2017, p. 298.

* 29 Évaluations préalables des articles du projet de loi de finances pour 2017, p. 301.

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